La solution à sept pour cent – D’après un manuscrit inédit du docteur Watson : Nicholas Meyer

Titre : La solution à sept pour cent : d’après un manuscrit inédit du docteur Watson

Auteur : Nicholas Meyer
Édition: J’ai Lu

Résumé :
Depuis son mariage avec Mary Morstan, le Dr Watson n’a guère l’occasion de voir très souvent son ami, Sherlock Holmes.

Un soir, ce dernier s’invite dans son cabinet, et se dit poursuivit par son ennemi héréditaire, le professeur Moriarty.

Mais l’agitation de Holmes, ses propos incohérents, font redouter le pire à Watson : le détective s’est drogué au-delà de toute mesure. Son addiction a atteint un stade irréversible, et désormais c’est sa vie qui semble en danger.

Avec le concours de Mycroft, Watson décide d’emmener son ami se faire soigner à Vienne, par un éminent spécialiste – et le seul à ce jour – du traitement de la toxicomanie, le Dr Sigmund Freud.

Critique :
Quoi ? Que lis-je ? Le professeur Moriarty ne serait qu’une illusion crée de toute pièce par le cerveau drogué de Sherlock Holmes ?? Le professeur ne serait qu’un paisible professeur et pas un Napoléon du Crime ? Argh, je m’étrangle, je me meurs, à l’assassin on m’a assassiné.

Quelle est donc cette hérésie blasphématoire et insultatoire (néologisme offert) envers mon détective préféré ? L’auteur aurait-il fumé des herbes de Provence roulées dans une vieille chaussette  qui pue ?

Et bien non, ceci est bien la théorie de l’auteur et elle est partagée par certains…

Que se passe-t-il à Londres ? Et bien, depuis son mariage, Watson n’a guère eu l’occasion de voir Sherlock Holmes. Un soir, ce dernier déboule dans son cabinet et se dit poursuivit par son ennemi, le professeur Moriarty. L’agitation de Holmes et ses propos incohérents, font redouter le pire à Watson : le détective s’est drogué au-delà de toute mesure. Son addiction a atteint un stade irréversible, et désormais c’est sa vie qui semble en danger.

Watson à décidé de prendre la seringue par le piston, heu, le taureau par les cornes et le détective de Baker Street par la peau du dos pour l’emmener voir un espèce de spécialiste, un certain docteur Freud.

Pas facile de faire marcher Holmes au pas et vu qu’il ne se laissera pas emmener pour se faire soigner, le docteur va mettre au point tout un stratagème pour le faire échouer chez papa Sigmund, avec la complicité de Mycroft.

Séance d’hypnose à la clé, thérapie de choc, le professeur parviendra à extirper quelques secrets à Holmes, et notamment le pourquoi il a développé une aversion aussi profonde pour ce prof de math nommé Moriarty.

Vous imaginez le désarroi qui fut le mien le jour où je tombai sur ce petit roman… Moriarty est un homme paisible et c’est le cerveau dérangé de Holmes en aurait fait sa Némésis. On a fait des crises cardiaques pour moins que ça.

Pourtant, le livre m’emballa et des années après, suite à une relecture, il est toujours aussi bon (le film aussi, mais je vous en parlerai plus bas).

La rencontre entre Sherlock Holmes et Sigmund Freud ne se passe pas super bien, c’est un mélange détonnant de méfiance et de fascination. C’est deux cerveaux qui s’affrontent, dont un est malade suite à ses injections de cocaïne, une solution à 7%…

Lorsque Holmes se trouve nez à nez avec Freud, il utilise ses dons d’observation pour déduire tout sur la vie du praticien viennois. Freud a beau admirer sa méthode, il condamnera ce que le détective inflige à son intelligence et à ses proches, en se droguant.

Avant de commencer la spychanal… heu, la psychanalyse, Freud va devoir avant toute chose sevrer Holmes de la drogue. Méthode ? L’hypnose qui fera remonter chez Holmes des angoisses profondes. Des angoisses qui se traduiront en cauchemars.

Mais voilà que la spycha… rhââ… la psychanalyse doit attendre un peu, nos deux hommes se retrouvant impliqués dans une machination diabolique où une jeune fille risque la mort.

Les deux « détectives », assistés du fidèle Watson, s’engagent dans une enquête pleine de périls… Pour le plus grand plaisir du lecteur.

Voilà un livre que j’avais condamné directement et qui m’avait emporté au-delà de ce que je pensais.
La théorie d’un Moriarty « inexistant » et pur produit du cerveau drogué de Holmes n’était pas neuve, mais à l’époque de mon achat (il y a 20 ans), le Net était inexistant… pas moyen d’en discuter avec d’autres holmésiens et c’est moi qui aurait eu besoin d’une spycha… grrr… d’une psychanalyse avec papa Freud.
C’est aussi livre qui arrive à cumuler deux sentiments incompatibles entre eux habituellement : le fait qu’il est « dérangeant » pour une  admiratrice de Holmes telle que moi, tout en étant « intéressant » pour les théories éclairantes qu’il propose sur les défauts de Holmes, sur son caractère excessif, à la fois mélancolique, solitaire et exubérant.
La théorie proposée n’est pas dénuée de bon sens et elle pourrait expliquer le pourquoi du comment Holmes a plongé un jour dans la cocaïne, sur la véritable nature de ses relations avec le professeur Moriarty, sur la raison qui lui fait détester les femmes, etc.

Que les non holmésiens se rassurent : il y a une intrigue dans ce roman et elle n’est pas là pour faire de la figuration. Mais il faut quand même que je vous prévienne que cette intrigue est aussi un bon prétexte pour nous présenter Holmes sous un nouveau jour, en l’humanisant d’une manière assez brutale pour le lecteur.

Avec « The Seven Per Cent Solution », Meyer nous dresse un portrait assez fort intime du détective et de ses quelques névroses. Le héros (malgré lui) de Conan Doyle se trouve particulièrement affaibli, ayant perdu beaucoup de sa superbe.

Pour une admiratrice telle que moi, Holmes qui perd de sa superbe, c’est un principe plutôt difficile à digérer. Nicholas Meyer y est parvenu avec brio, car le personnage est toujours traité avec le plus grand des respects.

Sans compter que le roman alterne toujours avec de la finesse, de la tristesse ou de l’humour, avec des scènes de réflexion, d’action; qu’elles soient cocasses ou dramatiques.
Le personnage de Lola,  ancienne toxicomane, amènera quant à elle de l’émotion. Holmes reconnaissant en elle quelqu’un qui a connu l’enfer de la drogue et il éprouvera même de la compassion face à son sort.
Rien à redire, le récit est équilibré.
À la fin du roman, un moment plus émouvant, on sent que LA révélation va arriver… Les tripes se nouent, l’estomac se contracte, les paumes sont moites… QUOI ? Non ? Si ! Oh my god !
C’est à ce moment là que l’on tilte… L’étude de Holmes va permettre à Freud de mettre au point sa fameuse interprétation des rêves.

Avis à tous les holmesiens, ce livre est à posséder dans sa bibliothèque, ce livre est à lire et cela peut concerner sans aucun problème les non initiés.

Le film ? Il est tout aussi bien que le roman, ce qui n’est pas peu dire ! Petit bémol : pour le titre du film en français, les traducteurs ont dû fumer la moquette puisque « The seven per cent solution » fut traduit pas un « Sherlock Holmes attaque l’Orient Express ».

Bon, nous aurons une course poursuite sur le toit du train, mais de là à dire qu’il l’attaque !

La première moitié du film est en tout point semblable au roman de Meyer.

Ensuite, l’intrigue s’en écarte assez fortement, puisque qu’à l’origine le personnage de Lola Deveraux (interprété par Vanessa Redgrave) n’existe pas sous cette forme dans le roman.

Holmes, Watson (Robert Duvall, un excellent Watson) et Freud vont devoir porter secours à une cantatrice célèbre, Lola Deveraux (Vanessa Redgrave). Holmes, en plein doute sur ses capacités, mènera l’affaire à bon port.

Le personnage de Sigmund Freud (campé par un excellent Allan Arkin) va lui servir de révélateur.

Sherlock Holmes est clairement présenté comme un quasi-aliéné paranoïaque dans ce film (Nicol Williamson, l’acteur nous offre une prestation flamboyante et hallucinée du détective, surtout au début du film).

Sa folie étant représentée par le débit saccadé de la voix du détective. Quant à sa logique, elle n’a aucun soucis, Holmes est bien le brillant logicien que l’on connait.

Il y a aussi une évocation de l’antisémitisme naissant dans l’empire austro-hongrois de la fin du 19ème siècle, via l’antagonisme entre Freud et le baron Otto.

« The Seven Per Cent Solution », malgré son âge, reste un excellent film consacré à Sherlock Holmes et qui éclaire le Grand Hiatus d’un autre oeil…

Livre participant au Challenge « Thrillers et polars » de Liliba, au Challenge « Polar Historique » de Samlor, au Challenge « Sherlock Holmes » de Lavinia sur Livraddic, au Challenge « I Love London » de Maggie et Titin, au Challenge « Le mois anglais » chez Titine et Lou, au Challenge « Victorien » chez Arieste et au Challenge « La littérature fait son cinéma – 3ème année » de Kabaret Kulturel.

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18 réflexions au sujet de « La solution à sept pour cent – D’après un manuscrit inédit du docteur Watson : Nicholas Meyer »

  1. 🤩Ahhhh! J’adoooooore!!!
    Trop de la balle! 🥳

    Ça c’est du pastiche de super qualité ! Il reprend le style du récit watsonnien sans ridiculiser ni écorner le personnage du narrateur… il respecte parfaitement la psychologie des personnages du canon même s’il reprend la version officielle sur le cas Moriarty! En plus cette revisite est très bonne parce que môa-m’aime avant de lire ce livre, eu égard au caractère cyclothymique de Holmes qui pourrait indiquer qu’il fût bipolaire je m’étais dit qu’une version remettant en cause la réalité du personnage de Moriarty et en faisant une construction délirante aurait été crédible. Pour moi le grand hiatus aurait juste été le résultat d’un internement en psychiatrie! 😱

    Bref un grand plaisir ce pastiche qui fait à les yeux partie de la liste resserrée de ceux qui méritent réellement ce nom (les autres n’étant que de pâles et fautives tentatives d’adaptation à but mercantile)!👏👍

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    • Oulà, tu es allé sortir un article qui date de 2013 ! 😆

      Lors de ma première lecture, j’avais été perturbée par la version d’un Moriarty qui n’existait pas, je devais avoir 15 ans maximum (ou moins) et ça m’avait laissée baba (alors que le roman de Dibdin – « L’Ultime défi de Sherlock Holmes » m’a traumatisé, lui). La SSHF, en ce temps sans Internet, je n’y avais pas accès, je ne savais rien des théories des holmésiens sur le sujet, j’étais vierge de leurs théories.

      La vue du film tiré du roman, vu plusieurs fois, la relecture aussi du roman, a changé ma vision et je suis plus en accord avec, à mon âge (heu, 30 ans à peine !!!).

      Mais putain, pourquoi traduire le titre du film par « SH attaque l’orient express » ???

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      • Oui des fois j’aime bien laisser un com’ sur des livres pour lesquels tu as fait un billet. Peu importe la date. Surtout pour un bon livre comme ça!

        Sherlock Holmes? L’attaque de l’orient express?!? Pitié ! 😱 C’était pour concurrencer Hercule Poirot? Ou le succès des Western? Pourquoi pas un « Sherlock Holmes contre les dix petits indiens » tant qu’ils y sont! 🙄

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        • Fallait donner envie aux gens d’aller voir le film… L’interprétation de William Nicolson (ou était-ce Nicol Williamson) était très bien, aussi bien que dans le Columbo avec les deux dobermans (Laurel et Hardy), dans « le mot qui tue » :p

          J’ai fait une fiche sur le film, en principe…

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    • Toutefois l’auteur n’est pas au point dans la chronologie freudienne. Autant il s’est un peu renseigné sur la géographie de la vienne de 1891… Autant il déconne quand il fait évoquer à Watson le fait que Freud parle déjà de l’Homme aux Rats ou de l’Homme aux loups… Deux de ses cas célèbres (cf le recueil « Cinq Psychanalyse » de Freud édité par les PUF) qu’il n’a en réalité croisés que bien plus tard! En 1891 l’Homme aux Loups n’avait que 4 ou 5 ans et ne savaient pas encore que Freud existait. Même Anna O. a été traitée plus tard car l n’a pas utilisé l’hypnose avec elle… mais seulement la méthode analytique qui était encore dans les cartons. Même le complexe d’Oedipe dont il parle dans le bouquin n’a été ébauché qu’en 1897 soit six ans après la date supposée de l’action du roman. Ses théories sur la sexualité infantiles n’ont été publiées qu’en 1905 et sa théorie des rêves en 1900, date officielle symbolique des débuts de la psychanalyse. D’ailleurs il n’a officiellement commencé à échafauder la pratique analytique qu’à la toute fin des années 1890 (1897-1899) en traitant essentiellement des patientes hystériques. Effectivement dans le début des années 1890 il utilisait encore l’hypnose mais il a mis au point la psychanalyse parce qu’il n’était pas très doué en hypnose et que même quand ça marchait il avait fini par comprendre que les souvenirs d’enfance recueillis sous hypnoses n’étaient pas très fiables. Il a laissé tombé l’hypnose à la fin des années 1890.

      Anybref c’est dommage parce que que Freud hypnotise Holmes en 1891 c’est cohérent (pour tant est qu’on accepte de mêler l’histoire aux aventures de Holmes… mais tout le monde sait que Holmes a VRAIMENT existé!). Et l’histoire du collègue de Holmes mort d’une addiction à la cocaïne que Freud lui avait recommandée pour traiter ses douleurs est exacte… Comme il est exact que Freud était 19 Berggasse dès 1891… Mais… pourquoi évoquer les patients que Freud n’a connus que bien plus tard juste pour épaissir le background alors que ça n’apporte vraiment absolument rien de rien à l’histoire mais fait juste passer l’auteur pour brouillon quant à sa documentation ! Quel dommage! Il se tire une balle dans le pieds en voulant trop bien faire. Bon… En même temps faut pas pousser mémère dans les orties. C’est un détail. Evidemment ça ne pouvait que me titiller… Après… si on se contrefiche de l’histoire de Freud ou du mouvement psychanalytique et si on n’en sait pas grand chose ça passe crème! 😉

      Pour les lecteurs et lecteuses (ah? on dit lectrice? :-D) qui aiment les histoires mêlant la psychanalyse balbutiante à Vienne à des enquêtes policières bien glauques je recommande chaleureusement les romans de Franck Tallis, un psychologue et romancier anglais qui a créé un duo intéressant formé par un policier et un psychanalyste viennois à la fin du XIXe qui invente à sa manière la criminologie… Une vraie immersion historique très documentée. Il y a aussi les deux romans de Caleb Carr dont le premier est l’Aliéniste. Ils en ont fait une série assez sympa d’ailleurs… L’action se passe aux Etats Unis à peu près à la même époque…

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      • Je me coucherai moins bête ce soir, moi, grâce à toi, même si cela ne me permettra pas de briller en société car j’aurais tout oublié (me faudrait un copion !!).

        Effectivement, si on ne connait pas la vie de Freud (juste les grandes lignes), ça passe sans soucis, on pense que c’est d’origine, à la bonne date… L’auteur a fait un bon dans le futur, le mélangeant au passé, ce qui est un peu con, en effet, sauf si on ne le sait pas (merde, maintenant, je sais !!!).

        Cela fait longtemps que je n’ai pas relu le roman, mes souvenirs sont passés à l’as, je ne saurais donc plus dire les détails de ses patients, ni si ça faisait avancer l’histoire ou pas…

        L’aliéniste, depuis le temps que je voudrais le lire….

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        • Belette, tu n’entends plus que ma voix et tu suis mon pendule des yeux… Regardes comme il se balance… Tu ne penses à rien… tu n’es plus concentrée que sur ma voix et sur le pendule qui se balance… Tes paupières sont lourdes… Tu dors… TU DOIS lire l’Aliéniste! Tu achèteras le livre à ton réveil… et tu le lis toutes affaires cessantes… Tu ne te souviendras pas de notre séance… Juste que tu dois lire l’Alièniste de Caleb Carr… Je vais compter 3 et tu vas te réveiller… 1… 2… 3…

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  10. Je me souviens un jour d’avoir lu une theorie encore plus folle concernant le Nemesis de Holmes (mais je ne me souviens plus ou!) : Moriarty ne serait qu’un prete-nom pour le docteur Watson qui serait le veritable ennemi jure de Holmnes (j’ai failli en tomber de ma chaise)… Je regrette de ne pas avoir note la reference!
    ps : desolee pour les accents, je suis sur un clavier qwerty.

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    • J’en ai avalé de travers ! Pas à cause des accents suite à ces claviers qwerty, mais pour la théorie.

      N’aurais-tu pas lu ça dans une nouvelles parue dans « Sherlock Holmes dans tout ses états », parce que la première nouvelle, j’en suis tombée de ma chaise et ça ressemblait un peu à ça (même en plus grave).

      Il est des théories qui sont fumeuses, mais le pire, c’est que les auteurs les étayent à fond !

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