Docteur Sleep : Stephen King

Titre : Docteur Sleep                        big_4-5

Auteur : Stephen King
Édition : Albin Michel (2013)

Résumé :
Danny Torrance a grandi. Ses démons aussi… Hanté par l’idée qu’il aurait pu hériter des pulsions meurtrières de son père Jack, Dan Torrance n’a jamais pu oublier le cauchemar de l’Hôtel Overlook.

Trente ans plus tard, devenu aide-soignant dans un hospice du New Hampshire, il utilise ses pouvoirs surnaturels pour apaiser les mourants, gagnant ainsi le surnom de « Docteur Sleep », Docteur Sommeil.

La rencontre avec Abra Stone, une gamine douée d’un shining phénoménal, va réveiller les démons de Dan, l’obligeant à se battre pour protéger Abra et sauver son âme…

Critique : 
L’avantage d’avoir attendu aussi longtemps pour lire « Shining », c’est que je n’ai pas dû poireauter 36 ans pour avoir des nouvelles du petit Danny Torrance, moi ! Imaginez ceux qui, l’ayant lu il y a longtemps, se faisant des films sur ce que Danny aurait pu devenir…

Ben moi, juste après avoir posé « Shining » sur la table, j’ai attrapé « Docteur Sleep » et poursuivit l’aventure, retrouvant Danny et sa mère après leurs aventures mouvementées…

« Le deuxième jour du mois de décembre d’une année où un planteur de cacahuètes de Géorgie était aux affaires à la Maison-Blanche, l’un des plus grands hôtels de villégiature du Colorado brûla de fond en comble ».

Wendy n’est pas en forme et Danny est en proie avec ses démons Overlookiens. Heureusement que Dick Halorann est là pour expliquer à son jeune élève comment rendre ses démons muets.

« C’est ce que fait le maître quand l’élève est prêt. Apprendre est un cadeau en soi, tu sais. Le meilleur que quiconque puisse offrir ou recevoir ».

Il fallait oser écrire la suite de « Shining », 36 ans après… Là où l’exercice aurait pu se révéler « casse-gueule » et le devenir, et bien, il n’en est rien.

Le King est parvenu à nous livrer une suite à cent lieues de Shining (pas de huis-clos et je n’ai pas eu la trouille), faisant grandir le petit Danny, sans que l’histoire ne devienne un bouillon infâme.

L’écriture de King a changée, en 36 ans, et il n’était plus en proie aux démons de la dive bouteille. Malgré tout, il sait toujours faire passer les émotions et nous faire avaler une brique sans que l’on ait l’impression d’en lire une.

Sa force ? Savoir faire évoluer ses personnages : Danny a grandi, mais au début, on est loin d’un Superman utilisant son Don pour aider les autres. Loin de là…

Il est alcoolo, a des crises de violence tout comme son père et il est même arrivé à me décevoir énormément sur un acte qu’il a commis… Acte qui le hantera toute sa vie. Oui, Danny est humain ! Son auteur a bien compris qu’il fallait passer par des moments durs et lui faire toucher le fond avant de le faire remonter.

« Il plongea la main dans son sac en papier brun, dévissa le bouchon du contenant en verre empli de liquide alcoolisé et renifla l’odeur ambrée. Cette odeur aussi savait parler, même si elle n’avait qu’un seul message à délivrer : Salut, vieil ami. Meurs encore un peu. »

La force du King réside aussi dans sa manière de renouveler l’histoire, de ne pas tourner en rond : l’invention du « Nœud Vrai » – sorte de secte « vampirique » très riche, sillonnant le pays en camping-car, tels des romanichels de luxe, et voleurs d’un bien plus précieux que l’argent – était un coup de Maître.

Les Méchants sont fouillés, travaillés, c’est le mythe du « vampire suceur de sang » qui est revisité puisqu’ils ne se nourrissent pas de notre fluide rouge, mais d’autre chose… On croise leur route dans le début du roman, sans savoir « qui » ils sont exactement et quel sera leur rôle dans le roman.

De même pour la petite Abra, que nous suivrons dès sa naissance, apprenant toujours plus sur cette enfant possédant le Don. On la suit dans son évolution, on partage ses doutes et on remarque qu’elle possède un tic bien connu des lecteurs de Shining… Un personnage attachant et on sent venir les recoupements avec Dan.

C’est un autre talent du King que de nous parler de tout ces personnages, ingrédients indispensables de la recette finale, alternant les récits, aiguisant notre curiosité, mais sans trop nous révéler de ce que sera leur rôle, jusqu’à ce que tout le monde soit en place et que le lecteur ait tordu ses méninges en vaines supputations.

Si cette suite a été écrite sans que le King n’ait recours à la prise de substances alcoolisées ou illicites, il n’en reste pas moins qu’elle comporte une grande partie de son âme, de sa vie, du fonctionnement des A.A et il n’hésite pas à nous parler de la dépendance à l’alcool qui fait tout perdre, de la famille au boulot, en passant par l’argent, par l’estime que l’on a de soi et la moralité. On perd tout ! Sans doute que le King avait le désir de tordre le cou de ses propres démons d’ancien alcoolo…

Sans oublier l’accent mis sur l’importance de la famille (comme dans Shining), de ses réflexions sur une certaine Amérique et sur ces pensionnés qui sillonnent le pays dans leurs caravanes de luxe, sur ces gens qui vieillissent et rendent leur dernier soupir, la peur au ventre, dans des hospices mouroirs.

L’avantage du livre, c’est qu’il n’est pas bourré d’action au détriment d’un scénario pâlot (comme pour certains films). Que du contraire, le scénario est bétonné, l’action présente, mais pas tout le temps et je me suis laissée emporter par le maelström du grand final qui se met en place lentement mais sûrement.

Durant ma lecture, j’ai même trouvé qu’il y a un bon équilibre entre le tout : la vie que Danny se cherche, sa lutte contre ses démons au goût de malt, son travail à l’hospice, ses réunions aux A.A, ses amis, l’existence du Nœud Vrai, leurs exactions, la vie d’Abra, la montée en puissance de son Don et sa rencontre avec Danny…

« Quand l’élève est prêt, le maître apparaît ».

Bref, la plume du King est un tapis magique qui nous emporte vers l’émerveillement de son histoire. Une suite qui peut se lire indépendamment de Shining, mais entre nous, la lecture du premier apportera bien plus au second !

J’ai aimé Danny tout petit, j’ai aimé ce qu’il est devenu, son travail afin d’aider les mourants à passer le cap final et mon empathie s’est tournée vers la petite Abra parce qu’on a envie de la protéger, comme on voulait protéger Danny dans Shining.

Une scène m’a fait chaud au cœur sur le « toit du monde », dans le final et je remercie Stephen d’avoir inséré cette ultime preuve de l’amour… « Il » n’a jamais voulu le tuer mais « il » n’aurait jamais su résister à la puissance de l’Overlook… C’est tout simplement magnifique et magique.

Laissez-moi terminer par une petite mise en garde : quand vous circulerez sur les routes d’Amérique, méfiez-vous de ces Winnebago et Bounder. On ne sait jamais qui peut se trouver à l’intérieur. Ni « quoi ».

Livre participant au Challenge « Thrillers et polars » de Liliba (2013-2014)et au « Challenge US » chez Noctembule.

31 réflexions au sujet de « Docteur Sleep : Stephen King »

  1. Ping : Le challenge USA | 22h05 rue des Dames

  2. Waouhh quelle tentation ta chronique ! Je connais cet auteur de nom mais pas son écriture. Là tu me tentes beaucoup. J’en prends note pour ma liste d’envie. Mais si j’ai bien compris, j’en mets deux ! Merci Cannibal, mon portefeuille va être ravi 😉 🙂

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    • Oui, tu as bien compris, tu en notes deux… J’ai commencé tôt avec le King, je me suis fait peur souvent et puis, les lectures évoluent, je l’avais un peu laissé tomber (shame on me) mais c’est une valeur sûre et j’y reviens régulièrement. 😉

      😳 Oui, v’là que maintenant, c’est moi qui fait monter les PAL et descendre les finances… 😉

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  3. Ping : Bilan Livresque : Décembre 2013 | The Cannibal Lecteur

  4. Ping : Les lectures du mois de Janvier 2014 | 22h05 rue des Dames

  5. Je ne voulais pas trop le lire…mais bon..Tonton Yvan s’y est mis…puis tu rajoutes une couche..donc…nous voilà avec une Foumette désorientée…qui totalement perdue dans ses réflexions..décide de dire OUI!!!! Je vois Tonton Yvan faire des bonds jusqu’ici et je te vois sourire jusqu’aux deux oreilles…vous êtes un sacré duo de tentateurs vous deux!!! Mais j’avoue…j’aime ça!!!!

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    • Mais oui, laisse-toi aller ! Soumets-toi à la tentation et découvre le !

      Bientôt, Yvan et moi, on va devoir changer d’avatar et prendre deux diables… 😀

      Non, je ne souris pas jusqu’au oreilles… enfin, si peu 😉

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      • Me soumettre à la tentation…Mmmmm…j’adore l’idée!!! Vous n’êtes pas de vrais diables hein…juste des suceurs de cartes bancaires!!!!ahahahaha

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        • Celle-là, on ne me l’avait jamais dite « suceuse de carte bancaire »… bof, c’est fort plat, une carte de banque, mais on sait faire sortir plus de liquide 🙄

          Attention, on te pompe pas ton fric, il arrivera jamais sur nos comptes (dommage), mais on te pousse à faire tourner l’économie de ton pays qui est aussi le mien !!!!

          Pardon, un excès de point d’exclamation… 😀

          Moi, je suis un diable… un vrai !

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  6. Excellente chronique Cannibal.
    J’ai beaucoup aimé Docteur Sleep mais à mon avis il ne vaut pas shining.
    Mais comme tu l’écris… autre époque, autre style, autres frissons 🙂

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    • Point de vue frissons, Shining est au-dessus, mais les histoires sont différentes aussi, pas de huis-clos et plus de personnages.

      À mon humble avis, même si Slip est la continuité, il doit être différencié de shining car hormis les premières pages consacrées à Dany gamin, le reste, c’est lui adulte et ça n’a plus rien à voir 😉

      Pourtant, il m’a emporté aussi, mais d’une autre manière.

      Merci, MarcSupilami ! Meilleurs voeux, aussi.

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  7. J’ai lu Shinning il y a bien longtemps, quant à celui-ci on verra lorsqu’il sera en poche. Mis pour le moment c’est celui sur Kennedy que j’attends depuis près d’un an. Et comme tes coups de coeur 2013 m’ont fortement inspiré de nouvelles envies et quelques achats, King attendra.
    Je te conseille fortement Simetière, c’est un de mes préférés de lui, un de ces bouquins qu’on n’oublie pas.
    Bonne année à toi.
    Bisous

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    • Simetier est dans ma PAL, je vais y passer ! 😉

      J’ai eu l’occasion d’emprunter 22/11/63 et Docteur Sleep, ce qui ne m’a rien coûté, hormis deux cafés en remerciement. Je n’aurai pas su attendre leur format poche.

      Aie, je vais faire du tort à ton portemonnaie ! On me vide le mien aussi… nous sommes faites pour ne jamais devenir riche d’argent mais de lecture 😀

      Bonne année 2014 😉
      Gros kiss

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  8. Venant donc de finir également le Shining, j’en conclus que ce serait trop con d’attendre 36 ans pour lire la suite. D’autant que 36 après, je serais peut-être en train de manger la racine des pissenlits.
    Con et vaincu, je lirai donc la suite !

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    • Oui, il vaut mieux, les cercueils sont assez sombres, donc, pas facile de lire dedans…

      En plus, nous, on a le cul dans le beurre, on n’a jamais dû attendre ! Le pied !

      Lis la suite et à ta chronique sur docteur slip et surtout sur shining !! 😉

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  9. ah magnifique ! Tu rends dignement hommage à cet extraordinaire bouquin ! Très très content, je suis 😉
    Même si tu lui enlèves une demi-étoile, ta chronique me fait grandement plaisir, tu n’imagines pas à quel point !

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    • Manque le huis-clos du premier qui était trop haut que pour être dépassé !

      Un super livre, j’ai adoré et je suis triste de l’avoir terminé, pourtant, j’ai pris mon temps, pour une fois 😉

      Le KIng le vaut bien, cet hommage !

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        • Tellement de tout, en effet, surtout lorsqu’on en sait un peu plus sur l’auteur, sinon, on passerait à coté de tout.

          J’ai bien aimé que les Vrais ne soient pas immortels, mais puisse être tué sans qu’il soit nécessaire de planter des pieux dans le coeur et tutti quanti.

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          • bah au moins on sert un peu à ça nous blogueurs 😉
            C’est bien pourquoi j’ai voulu faire quelque chose de différent pour ma chronique et que j’en ai fait un échange entre passionnés du King avec Laurent Scalese.

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            • Là, tu as déchiré grave ! Une critique pareille, c’était du grand art, du bel échangisme d’idées (d’idées, hein !) et qui nous a tous mis sur le cul !

              Bon, ma prochaine critique, je taillerai un bout de gras avec Conan Doyle ! Faites tourner les tables 😉

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                • Heu, ça fait un petit temps que ses oeuvres sont tombées dans le domaine public, ce qui a lieu 70 ans après la mort de l’auteur : il est mort en 1930, en 2000, dans le domaine public, bien que la Canon Estate, qui regroupe les héritiers, auraient bien voulu que ça ne finisse pas !! Ils voulaient même prolonger les écrits canoniques avec le livre « La maison de soie »…

                  C’est en Amérique que cela posait encore quelques problèmes… ils ont bien réussi à prolonger les droits de Mickey !! 😉

                  Je lui passerai ton bonjour.

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