Au lieu-dit Noir-Etang… : Thomas H. Cook

Titre : Au lieu-dit Noir-Etang…                                  big_4

Auteur : Thomas H. Cook
Édition : Seuil (2012) / Points (2013)

Résumé :
Dans une petite ville de Nouvelle-Angleterre, en 1926, le jeune Henry découvre la relation adultérine qu’entretiennent deux de ses professeurs.

La solitude de M. Reed, marié et père de famille, l’intrigue ; tout comme le fascinent la beauté et le caractère passionné de Mlle Channing.

Henry va être le témoin complice et muet de la tragédie qui se noue au lieu maudit appelé Noir-Étang. Du coup, l’idéal de vie digne et conventionnelle que prône son père lui semble être un carcan.

« Peut-être que nous sommes tous limités,aussi tourmentés les uns que les autres par des amours conflictuelles, essayant, du mieux que nous le pouvons de trouver une place entre la passion et l’ennui, l’extase et le désespoir, la vie à laquelle nous ne pouvons que rêver et celle qui nous est insupportable ».

Il voit en eux « deux figures romantiques, des versions modernes de Catherine et de Heathcliff « . Mais l’adultère est mal vu à l’époque, et après le drame qui entraine la chute de Chatham School, le lecteur ne peut que se demander, tout comme le procureur : « Que s’est-il réellement passé au Noir-Etang ce jour-là ? »

Critique :
« Le mal contre lui-même se retourne » est une expression qui illustre bien ce roman noir que je viens de terminer, toute retournée. Sherlock Holmes avait raison, les sentiments, ça ne donne rien de bon !

Au départ, j’ai eu un peu de mal avec le roman, n’arrivant pas à m’immerger dans son histoire qui était aussi calme que la surface d’un étang… Mais tout le monde sait qu’il n’y a rien de plus traître que la surface calme d’un plan d’eau.

La surface de l’eau a commencé à clapoter, l’eau s’est agitée, comme si un monstre nageait sous sa surface, elle a commencé à bouillonner, se transformant en torrent boueux, nous donnant à la fin un tsunami qui balaiera tout sur son passage, nous laissant sans oxygène.

« Avec le temps, on oublie la douce exaltation qui nous saisit la première fois que l’on s’adresse à vous comme à un adulte. Moi, ce fut ce que je ressentis à cet instant-là : une douce exaltation, la sensation qu’une partie de mon enfance venait d’être arrachée et mise de côté, que l’homme en dessous recevait la permission de commencer à respirer tant bien que mal ».

Oui, le début du roman est lent, à tel point j’aurais presque souhaité qu’un cadavre tombe du ciel afin de réveiller tout le monde. Mais l’histoire prendra le temps de se mettre en place, nous présentant les différents protagonistes, les laissant se renifler, faire connaissance…

L’auteur est un malin, il sait comment capter l’attention et la curiosité de son lecteur en mélangeant le passé avec le présent : Henry, en 1926, qui nous raconte en direct ce qu’il voit dans la ville de Chatham; Henry, adulte, qui se souvient de toute l’affaire et Henry, vieux, toujours en train de ressasser cette histoire. Sans compter les extraits des minutes du procès…

Quel procès ? C’est ce que nous découvrirons durant la lecture, passant sans cesse d’une époque à l’autre.

Au bout d’une cinquantaine de pages, tel un poisson voyant un ver se trémousser au bout de son hameçon, j’ai été captivée, me demandant ce qui avait bien pu se passer dans cette foutue boite de cassoulet la nuit du 5 au 6… Pardon, je m’égare ! Qu’est-ce qui avait bien pu se passer dans cette foutue ville de Chatham ? Pourquoi un procès ?

Que s’est-il donc déroulé de si grave ? Henry a vu deux de ses professeurs se rapprocher un peu trop selon les convenances de cette époque et il fut un complice, témoin muet de ce qui ressemble fort à une future tragédie en devenir… Une sorte d’histoire dont on sent qu’elle sera plus tragique que celle de Catherine et Roméo ou d’Heathcliff et Juliette (vous composez les couples que vous voulez !).

« Ce fut à cet instant que je mesurai pour la première fois la profondeur de ce qu’ils en étaient venus à éprouver l’un pour l’autre. ça avait émergé lentement, graduellement, ça s’était construit de jour en jour, de parole en parole, de regard en regard jusqu’à ce que, finalement, ça brise la surface de leur éternel respect des convenances et flamboie irrésistiblement entre eux, transformant la moindre démonstration d’amitié en ruse d’amants ».

Pas moyen de le savoir avant d’aborder la page 300. C’est là que toute l’horreur va se mettre en branle, et lorsqu’on découvre quelle chose « insignifiante » cette tragédie est partie, on a envie de pleurer devant ce terrible gâchis.

L’enfer était pavé de bonnes et de mauvaises intentions… J’en ai eu des frissons alors que je lisait au soleil.

Un roman dont la fin est aussi sombre que son étang…

Une phrase me frappa à jamais : « La vie ne vaut d’être vécue qu’au bord de la folie ». Je me souviens qu’une exaltation farouche gonflait mon cœur à mesure que je lisais et relisais cette phrase dans ma chambre, et qu’il me semblait qu’elle illuminait tout ce que j’avais ressenti jusqu’alors. Aujourd’hui encore, je suis frappé de constater que nulles ténèbres n’avaient jamais surgi d’une flamme aussi vive.

« Au cours de toutes les années qui se sont écoulées depuis, j’ai connu mon lot de peurs, d’incertitudes et de peines, mais je ne crois pas les avoir jamais revues si entremêlées, la terreur si délicatement combinée à la douleur, la douleur si inséparablement liée à la détresse que, au final, l’impression donnée était celle d’être au comble de la peur, de l’angoisse et de la confusion. C’était ce que je percevais sur [son] visage. C’est ce que je vois toujours quand je repense à elle. C’était clair et éclatant. Elle portait toute la misère du monde sur ses épaules. N’importe qui l’aurait compris. Cela sautait aux yeux. Le seul mystère, c’était de savoir pourquoi son désespoir, si profond, si terrible, ne m’émouvait absolument pas ».

Challenge « Thrillers et polars » de Liliba (2013-2014), Le « Challenge US » chez Noctembule et Lire « À Tous Prix » chez Asphodèle. (Prix Edgar Allan Poe 1996 -Prix du meilleur polar des lecteurs de Points 2013)

37 réflexions au sujet de « Au lieu-dit Noir-Etang… : Thomas H. Cook »

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  3. Je suis dans ma période polars et ce blog est une vraie tentation à chaque nouveau billet ! Diablesse !
    Je n’ai toujours pas lu cet auteur, mais je note et je souligne en rouge ! J’adore quand ça commence lentement et que ça surprend !

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    • Oui, je me venge de tous les blogueurs/euses qui me tentent aussi avec leurs lectures 😆

      Bon, les deux prochains billets vont arriver… attention, on ne sait jamais 😉

      Je ne connaissais pas ce Cook là et je ne regrette pas mon bout de chemin avec lui.

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  4. Avec les nouveaux émoticônes de WP, de rose tu deviens écarlate quand tu mets le oops !!! Ha ha, une belette qui ressemble à un homard, on aura tout vu !
    Cela dit, restons sérieux, trois fois que je note renote et surnote ce livre, là tu m’achèves, il va falloir que je l’achète et en ce moment ça ne m’arrange pas !!! Pas pour le prix (quoique) mais je n’ai plus de place ! Mes piles ressemblent à la Tour de Pise, l’accès à mon lit est dangereux, disons qu’il faut connaitre le chemin (surtout dans le noir) !!! Bref, je ne sais pas si je vais lire tous les billets en retard chez toi si dès le premier tu me fais craquer !!!! haaaa misère !!! Ce blog est un lieu de perdition, je le savais, c’est confirmé !!! 😀

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    • Je comprends pas, mon WP t’avait foutu dans les indésirables !!! Le con !

      Oui, je n’aime pas les nouveaux émoticônes, ils sont moches à souhait… Tu as une tour de Pise en livre ? Moi, c’est l’Empire State Building !! Mais s’il est difficile d’accéder à ton lit, dis toi bien que si un bellâtre veut t’y surprendre, c’est loupé pour lui… le truc est piégé ! 😆

      Je vais poster une grosse nique d’un livre que tu n’auras pas envie d’acheter, promis !!! Juré craché ! 😉

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  5. Bon ben décidément on a les mêmes lectures car après Terminus Elicius, je suis en train de finir celui-là ! ^^ mais je n’ai pas encore franchi la page 300 donc je n’ai pas vraiment lu ta chronique 😉

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      • Je ne sais pas mais ce qui est sûr c’est qu’on a bon goût ! 😉
        La fin s’emballe, terrible… c’est lent oui mais en même temps ça colle bien avec l’époque et le déroulement des événements est cohérent.
        Au fait, rien à voir, mais as-tu regardé la série Elementary ?!

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        • Oui, j’ai regardé la série Elementary, sur le PC (téléch**** illégalement) et ensuite, sur la télé, parce qu’elle passe sur une de nos chaines belges, en VF (j’aime mieux la VOstFR).

          La série ne cassera pas trois pattes à Holmes, mais je l’apprécie quand même ! Les enquêtes sont parfois sur le même modèle, mais j’aime bien, ça me fait passer le temps de manière agréable, j’apprécie Watson avec des nénés mais j’aime pas trop Holmes, bien que je m’habitue à la fin 😆 Et toi ??

          Nous avons les mêmes bons goûts en matière de livres, normal, nous sommes les meilleures !! 😆

          Lent, oui, mais la fin !! my god !!!

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      • Je ne suis pas du tout une spécialiste de Sherlock Holmes mais j’avoue que dans toutes les récentes adaptations qu’il y a eu, celle-là m’a plu parce que justement elle proposait quelque chose d’original dans le duo Holmes/Watson.
        J’aime bien les acteurs, la façon dont s’est joué même si je trouve Holmes toujours trop efficace ^^ j’en suis à l’épisode 11 et je regrette néanmoins qu’il n’y ait que des intrigues sur un épisode et pas un gros méchant que Holmes aurait du mal à arrêter et qui serait le fil conducteur de la saison 1.

        Tout à fait d’accord, les meilleures 😉

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        • Le coup de Watson en jupons n’est pas neuf, il a déjà été fait 😉 Mais bon, on ne peut pas tout savoir non plus.

          La série aura un méchant qui restera durant quelques épisodes, une sorte de fil rouge jusqu’aux épisodes finaux… et je ne dis plus rien 😆

          Entre nous, je n’aime pas trop un gros méchant que l’on suit tout le temps, à la fin, ça me gonfle (cfr Olrik dans Blake et Mortimer) ou alors, la révélation n’est pas à la hauteur de l’intrigue (cfr The Mentalist, ou je fus un peu déçue).

          Holmes est fort efficace, mais point de vue personnage, j’ai plus d’affinités avec Benedict de la BBC.

          On parle d’une future série avec une nouveauté jamais faite : Holmes en jupons !!

          Oui, les meilleurs nous sommes 😉

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      • Ah ben tu vois j’ai beaucoup plus de mal avec Benedict ! je préfère l’interprétation de Elementary. Côté méchant, je me base un peu sur Dexter où il y a plusieurs gros méchants et comme à chaque fois c’était sur un saison – contrairement à Mentalist – ça ne soule pas trop les spectateurs, enfin je crois !

        Ah ben non tu vois je ne le savais pas, c’était dans une adaptation télévisée ? en fait je vais être totalement honnête avec toi, je connais vraiment mal ce personnage puisque, à part Elementary, je n’ai lu que Le chien des baskerville… oui c’est mal, je sais, j’essayerais de me rattraper !

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        • Et bien, je dois te dire que je ne sais plus dans quelle adaptation ils avaient fait de Watson une gonzesse ! 😳 Shame on me !

          Je préfère pour ma part la version de la BBC avec Benedict que celle de CBS… mais bon, les goûts et les couleurs 😆

          Dexter, jamais vu ! jamais le temps et hop, j’ai zappé ! pas bien, je sais.

          Mentalist, ça allait, on ne parlait pas tout le temps de red john, donc, ça ne saoulait pas, mais je trouve qu’ils ont bâclé un peu la fin… 😦

          Il ne te reste plus qu’à lire la suite des aventures de Holmes et à moi d’aller faire des recherches pour le Watson en soutif ! 😀

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  6. Ca doit être très intéressant de découvrir la même histoire racontée par le personnage à différentes époques de sa vie. Et puis j’aime la comparaison avec Les hauts de Hurlevent.

    Je rattrape mon retard de ces dernières semaines sur ton blog et je sens que ça va être fatal à ma wish-list.

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    • Oui, c’est original ! Cela crée du suspense parce que tu ne sais pas ce qu’il s’est passé, ni comment, le gamin-adulte-vieux ne te dévoile la chose que par petits morceaux, le vicieux ! 😀

      Mais j’ai eu du mal au départ, c’était un peu lent, mais les atmosphères sont bien présentées; assez lourdes, et ça te prend.

      J’ai les noms des blog à ne pas fréquenter si on ne veut pas que sa PAL augmente… 😆 et je vois que je suis sur la liste noire aussi 😉

      Bon, je vais critiquer de l’harlequin pour ne pas faire monter vos TAL !!

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  7. Ping : Le mois de mars 2014 | 22h05 rue des Dames

  8. Bon, encore un à mettre dans les premiers, chronique qui donne envie, je ne pense pas avoir déjà lu cet auteur, donc, à essayer ….

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    • Il a essayer parce qu’ensuite, on a envie de l’adopter ! 😉

      Un jour, on décernera un prix pour les blogueurs/euses qui sont le plus tentateurs/trices avec leurs chroniques 😆

      J’ai les noms de blogueurs bien plus terribles que moi ! 😉

      Merci de ta visite et de m’avoir laissé un petit mot.

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    • Mouhahahaha, pour une fois, c’est moi qui me fait tentatrice et qui tu pousse sur le chemin du vice littéraire 👿

      Moi aussi c’était ma première fois avec l’auteur, Foumette, elle, elle se l’est déjà fait quelques fois… 🙄

      Merci, ma Carine 😉 et bonnes futures lectures !

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  9. Merci la belette, ce livre est dans une de mes tours et je l’ai complètement zappé.
    Pourtant j’aime bien l’auteur.
    Ton avis me fait envie de le remonter dans un des trios de tête …
    À moins que d’ici là tu me fasse envie d’en lire un autre. 😀

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  10. Ohhh que je suis contente que tu aimes ce livre!!!! J’adore cet auteur que j’appelle « le maitre des atmosphères »!!!! J’ai presque tout lu de lui…et à chaque fois je suis captivée et admirative de son talent!!!!

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    • Oui, maintenant, je peux dire « je sais » !! Mais je ne doutais pas de son talent, tu sais, mais je voulais le vérifier par moi-même et j’en ai d’autre à lui qui m’attendent « mémoire assassine » et « les rues de feu » 😉

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  11. Ta chronique est absolument MAGNIFIQUE et rend parfaitement hommage à ce roman. Je l’ai vécu tout comme toi, j’ai l’impression de lire tout ce qui se passait dans ma tête durant cette lecture (sauf le cassoulet)

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    • J’ai relu la tienne ensuite et j’ai vu que tu prévenais pour le rythme assez lent, qu’il fallait prendre son mal en patience.

      Ça en valait la peine ! À la fin, j’ai eu les tripes nouées ! Putain de bordel de dieu…

      Le cassoulet, c’est venu tout seul dans ma phrase et je l’ai gardé 😆

      Hé, mollo avec les compliments, vous allez tous et toutes me faire rougir ! 😳

      Merci, Yvan 😉

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  12. J’ai couruuuuuu pour lire ta chronique car ce roman me fait de l’œil depuis longtemps! Je suis rassurée de voir que Belette, la reine des lectrices de polars, l’a aimé.
    Bon ben du coup… Il me le faut!
    Bonne soirée!

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    • J’avais un peu peur au départ, parce que de ceux que je connais me l’avaient conseillé au travers de leur blog et au départ, bof bof, je trouvais le rythme lent… mais c’est pas chiant à lire, on rentre dans le livre et ensuite, on VEUT savoir quoi, qu’est-ce, comment, pourquoi ??

      😳 la reine des lectrices polars, là, tu me flattes… merci 😉

      Bon, ben, bon achat, bonne lecture et sorry de t’avoir tenté un peu plus… 😆

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