Chiennes de Vies (Chroniques du Sud de l’Indiana) : Frank Bill

Chiennes de vies - Franck BillTitre : Chiennes de Vies (Chroniques du Sud de l’Indiana)   big_5

Auteur : Bill Frank
Édition : Gallimard

Résumé :
Bienvenue dans l’Amérique profonde d’aujourd’hui, où les jobs syndiqués et les fermes familiales qui alimentaient les revendications sociales des Blancs ont cédé la place aux labos de meth, au trafic d’armes et aux combats de boxe à mains nues.

Les protagonistes de Frank Bill sont des hommes et des femmes acculés au point de rupture – et bien au-delà. Pour un résultat toujours stupéfiant.

Si le sud de l’Indiana dépeint par Frank Bill est hanté par un profond sentiment d’appartenance à une région qui rappelle le meilleur de la littérature du Sud, ses nouvelles vibrent aussi de toute l’énergie urbaine d’un Chuck Palahniuk, et révèlent un sens de l’intrigue décapant, inspiré de l’écriture noire à la Jim Thompson.

Une prose nerveuse, à vif, impitoyable et haletante, qui fait l’effet à la fois d’une douche glacée et d’un coup de poing à l’estomac.

POLAR NOIR - abandon-all-hope-ye-who-enterCritique : 
Ce roman, plus noir que le fond d’un encrier est composé de 17 nouvelles. 17 tranches de vie du sud de l’Indiana… 17 histoires noires, violentes, qui explorent les tréfonds de l’Homme dans ce qu’il a de plus vil.

Il ne fait pas bon vivre dans le sud de l’Indiana. Des paumés, des alcoolos notoires, des trafiquants de drogue, des bandes organisées, des pédophiles, des papys ou pères incestueux, des assassins, des voleurs, des traumatisés des guerres (la Seconde, le Vietnam, l’Afghanistan), des maris violents, des drogués accros aux méthamphétamines, tous vivant dans une crasse monstre et dans une dépravation qui frise souvent avec le point de non retour.

« Lessiveuses rouillées, carcasses de gazinières, pneus moisis tout desséchés et téléviseurs cassés fleurissaient sur le fond pierreux des vallons. Un paysage de remorques corrodées et de fermes délabrées devant lesquelles traînaient des tracteurs rouge argile abandonnés, ainsi que diverses carcasses de véhicules posées sur des parpaings. Le conte de fées de la survie en milieu rural version Les Misérables ».

Toute cette tripotée de rednecks bouseux se retrouvent dans les pages de ce court roman qui vous fiche un coup de trique dans les gencives avant de vous étaler par un uppercut qui vous laissera K.O.

17 nouvelles qui pourraient être indépendantes les unes des autres, mais dont certaines sont la continuité des autres. Les trois premières histoires sont une suite, les protagonistes se connaissant bien. Et elles vous plombent déjà bien l’ambiance, les trois premières nouvelles.

« Il avait mis le feu à la maison de son père pour toucher l’argent de l’assurance. Buté le chien d’Esther MacCullum sous le nez de ce dernier pour une sombre histoire de dette. Grimpé sur la fille de Needle Galloway, treize ans à l’époque. Défoncé le crâne de Nelson Anderson avec un marteau à la Leavenworth Tavern, parce que cet enfoiré l’avait ouvertement accusé d’avoir balancé Willie Dodson sur un deal intercomtés, alors qu’il avait agi pour le compte du shérif.
Et aujourd’hui, il venait de vendre sa petite-fille Audry, la P’tiote, au clan de Hill pour qu’elle tapine. Avec le fric qu’elle gagnerait, il pourrait payer les médicaments anticancéreux de sa femme Joséphine. Mouais, pas de doute, j’suis un enfant de salaud, pensa-t-il ».

Il y a un fil rouge dans tout cela et ce n’est pas que dû au sang qui coule, car certains personnages sont récurrents et nous croisons quelques fois leur route de misère.

Ici, pas une étincelle d’espoir. L’espoir, on l’a étouffé dans l’oeuf,  noyé dans la Blue River. L’espoir a été décapité sur l’autel des oubliés, sous un fronton où devait être inscrit « Vous qui entrez, abandonnez toute espérance ».

Le sud de l’Indiana, c’est l’Inferno de Dante. Même Charon, le nocher des Enfers, le fuirait !

La seule lueur d’espérance se trouvera dans la dernière nouvelle.

Franck Bill possède une plume acérée, acide, sans concession, sans fioritures et il pique là où sa fait mal, fouraillant dans la plaie, crevant les abcès de pus.

L’auteur tire à boulets rouge sur l’Amérique qui n’a pas aidé ses anciens combattants à guérir leurs traumatismes, qui ne les a pas aidés, qui a oblitéré les blessures secrètes qu’ils pouvaient avoir dans l’âme et qui les a transformé en machine violente.

« À cette époque, personne ne parlait du syndrome de stress post-traumatique. Des dégâts provoqués par la guerre dans le cerveau d’un homme. Des conséquences de ce que celui-ci avait pu voire, entendre et faire avec d’autres ».

Le portrait est au vitriol sur les maris qui battent leurs femmes, sur les gangs, les combats clandestins de chiens, et tout ce qui fait la noirceur de l’être humain.

« De même, la maltraitance des femmes était un sujet tabou. On ignorait le problème, tout simplement. C’était l ‘époque où le « jusqu’à ce que la mort nous sépare » était la règle imposée du mariage. Une femme ne quittait pas son mari, elle lui obéissait ».

Ce livre ne vous laisse pas indemne, ça vous remue les tripes avant de vous laisser K.O.

Les personnages sont puissants, violents, noirs, sombres, sans âme et ils ont une forte présence.

Lire Franck Bill, c’est se plonger dans le sud de l’Indiana et en ressortir comme après un combat de boxe : tabassé en règle et cassé de partout.

Magnifique, tout simplement. Mais noir, horriblement noir.

« La ville où il faisait respecter la loi avait beau ne pas être bien grande, Mitchell en avait vu des vertes et des pas mûres en quinze ans de service. Des cadavres flottant sur la Blue River. Des couples où les hommes à l’haleine chargée de bière ne savaient caresser leur femme qu’à coups de poing, leur offrant généreusement ecchymoses violettes, boursouflures rouge vif et os fracturés. Des véhicules encastrés dans les arbres, d’où on retirait des corps sans vie. Depuis quelques années, cependant, la situation s’était aggravée. La meth avait dévasté le pays, dépouillant de son humanité une partie de la classe laborieuse. Propageant en elle le germe de la criminalité ».

Livre participant au Challenge « Thrillers et polars » de Liliba (2013-2014), Le « Challenge US » chez Noctembule, le challenge « Il était une fois dans l’Ouest » chez Arieste et Lire « À Tous Prix » chez Asphodèle (Meilleures Nouvelles de l’année 2013 élues par le magazine « Lire »).

CHALLENGE - À tous prixCHALLENGE - Thrillers polars 2013-2014 (2)CHALLENGE - US

16 réflexions au sujet de « Chiennes de Vies (Chroniques du Sud de l’Indiana) : Frank Bill »

  1. Ping : Bilan de la première année | 22h05 rue des Dames

  2. Ping : Bilan Livresque Mai 2014 | The Cannibal Lecteur

  3. Ping : Frank Bill – Chiennes De Vies « Les Chroniques Acides De Lord Arsenik

  4. Ping : Les mois de d’avril et mai | 22h05 rue des Dames

    • Un livre qui te parle et que t’étripe, on aime ça, nous !

      Rien que d’entendre le nom de Jack l’Eventreur, je ne me sens plus, alors tu penses bien, un livre tel que celui que je viens de lire, avec des criminels ordinaires, ça m’émoustille !!

      Noir de chez noir, ces nouvelles. On voit l’humain tel qu’il peut être quand il franchi toutes les lignes et tous les interdits ! 😦

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    • Oh que oui, c’est du bouquin !! Du lourd, du gros, pas du petit plomb de fête foraine, monsieur, mais des balles pour la chasse aux éléphants (je suis contre, hein !!). Ça te défonce la gueule, les tripes et te les éparpille au petit vent.

      C’est pas un livre pour les âmes sensibles ou les blue bite ! 😀

      Un livre pour nous, les durs, mon Bison !

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  5. j’ai lu les deux premières, tellement violentes et écœurantes que j’ai décidé de passer à autre chose pour le moment et d’y revenir à un autre moment, plus propice.
    Tu fais bien de me rappeler à mon engagement

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    • Alors toi, le grand gars solide et tout et tout, arrête sa lecture après deux stories et moi, la petite fille frêle et sans défense, je vais au bout et je secoue encore le livre pour vérifier qu’il ne reste plus rien à lire ??? 😀

      J’avoue que les 3 premières sont fortes ! Mais tu aurais dû lire la 3, elle termine les deux premières d’une belle manière (si je puis dire).

      Les femmes sont plus fortes que les mecs, voilà la morale de ce commentaire !! 😉

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