Retour à Whitechapel : Michel Moatti

Titre : Retour à Whitechapel                                      big_4

Auteur : Michel Moatti
Édition : Pocket (2014)

Résumé :
Automne 1941, Amelia Pritlowe est infirmière au London Hospital et tente de survivre aux bombardements de l’armée allemande. Lorsqu’elle reçoit la lettre posthume de son père, elle n’imagine pas qu’elle va devoir affronter un cataclysme personnel tout aussi dévastateur. Sa mère n’est pas morte d’une maladie pulmonaire comme elle l’a toujours cru.

Sa mère, Mary Jane Kelly, a été la dernière victime de Jack l’Éventreur. Elle avait deux ans. Mue par une incommensurable soif de vengeance, l’infirmière va se lancer dans une traque acharnée.

Elle intègre anonymement la société savante d’experts « ripperologues », la Filebox Society, et va reprendre l’enquête depuis le début, reconstituer les dernières semaines de la vie de sa mère, suivre toutes les pistes et accepter tous les sacrifices pour retrouver celui qui reste encore aujourd’hui une énigme.

En décryptant les documents d’époque, Michel Moatti recompose l’atmosphère nocturne et angoissante de l’East End du XIXe siècle.

En redonnant vie aux victimes, en recomposant leurs personnalités sociales et affectives, il propose une solution à l’énigme posée en 1888 : qui était Jack the Ripper ?

Critique : 
Là, je m’incline devant le roman de monsieur Moatti car il a réussi à mélanger la fiction avec le réel, donnant vie au quartier de Whitechapel et à quelques unes de ses prostituées les plus célèbres !

Nous sommes en 1941 et tout l’Europe est écrasée par les bottes des Boches… Toute ? Non, une île résiste encore et toujours à l’envahisseur, mais est écrasée par les multiples bombes que le cousin Germain lui envoie. C’est le Blitz à Londres et il vaut mieux louvoyer entre les bombes.

Secouant la manche de ma grosse veste remplie de poussière due à l’effondrement d’un bâtiment, je pénétrai au London Hospital afin de faire la connaissance avec Amelia Pritlowe, une infirmière qui, comme moi, tente de survivre aux bombardements du sinistre moustachu.

C’est penchée sur son épaule que j’ai lu, avec elle, la lettre posthume qu’elle venait de recevoir de son père.

Moi, j’avais lu le résumé, donc je savais déjà que cette lettre allait être son petit Hiroshima à elle. Oui, je n’exagère pas… Cette lettre, ce sera son cataclysme personnel, tout aussi dévastateur qu’une bombe de grande puissance qui vous pèterait dans les mains.

Sa mère n’est pas morte d’une maladie pulmonaire comme elle l’a toujours cru. Que nenni !! Sa maman se prénommait Mary Jane Kelly… Ça vous remet ?? Yes, Mary Jane, la dernière victime de Jack l’Éventreur, celle sur laquelle il  s’était lâché…

Souvenirs ? Néant car elle n’avait que deux ans. Alors, Amelia va retrousser ses manches et mener l’enquête, 53 ans après.

Alors, non seulement l’auteur propose une nouvelle vision de l’identité du meurtrier qui me plaît bien, mais en plus, il a parfaitement mis en scène le tout.

On alterne les chapitres avec l’enquête d’Amélia, prête à toute, même à entrer dans un club de « ripperologues », et les chapitres qui se déroulent en 1888, dans les ruelles sombres de Whitechapel.

« Il y a alors quelque chose de pourri dans l’Empire britannique, et le tueur en série est le nettoyeur fou de sa capitale, comme s’il s’était assigné à lui-même une mission, s’attaquant à des filles de rien pour les précipiter dans le néant ».

L’incendie des docks, le 31 août, nuit de la mort de Mary Ann Nichols s’y trouve, la manifestation des ouvrières de l’usine d’allumettes « Bryan & May » qui ont eu le visage ravagé et dévoré par le phosphore, les femmes qui devaient vendre leur corps pour gagner de quoi boire un coup et dormir dans un asile qui avait tout du taudis… Tout se trouve dedans !

« Douze visages d’horreur firent face aux hommes de la police et aux mandataires des fabriques. Douze visages mangés par l’acide, décomposés par le cancer, ravagés par la maladie du phosphore. Les mâchoires de certaines apparaissaient à travers la chair nécrosée des joues, révélant l’émail jauni de dents putréfiées. D’autres n’avaient plus de lèvres, et des gencives gonflées, boursouflées, rouges comme des sections fraîches de betterave, pointaient vers l’avant, à la manière de monstrueuses figures de proue. L’une d’entre elles, qui tenait le centre du rang, avait un œil exsangue, déplacé vers le milieu du visage, empiétant sur un nez absent et sur l’orbite voisine ».

Celui qui voudrait en savoir un peu plus sur  l’atmosphère nocturne et angoissante de l’East End de 1888, et bien, il est servi !

Un magnifique travail de reconstitution, comme si on y était, le tout sans ennuyer le lecteur une seule seconde. Les pages ont défilé sur deux jours. Je l’aurais même lu plus vite si je n’avais pas eu d’autres choses sur le feu.

À cause ou grâce au tueur de Whitechapel, les 5 victimes sont passé de l’ombre à la lumière, passant du néant à la postérité pour l’éternité, devenant les prostituées les plus célèbres de l’univers…

« La sauvagerie de ses crimes, le caractère fulgurant de sa « carrière » – il n’a officiellement sévi que quelques mois, d’août à novembre 1888, laissant derrière lui cinq victimes -, l’énigme intacte de son identité font de cet être réel un mythe ».

Grâce à l’auteur, les victimes viennent de revivre une nouvelle fois : leurs personnalités, leurs vies de misère, leurs joies,leurs emmerdes, leurs personnalités sociales et affectives…

Tout est recomposé, sans pathos, sans exagération, le tout formant un roman où le voyeurisme n’est pas invité et où l’enquête que mène Amélia a quelque chose de touchant.

On a même droit à des fac-similés des documents d’enquêtes de l’auteur. Un vrai travail qu’il a accompli là.

Je ne sais pas si sa théorie est bonne, mais la proposition de solution à l’énigme posée de 1888 pourrait être plausible…

Une lecture qui m’a enchanté !

Je vous laisse, je vais me réfugier dans le métro, il pleut des bombes dans ma ville de Londres ! Voici pour vous le mot de la fin…

« L’indifférence est la caractéristique saillante de tous les tueurs en série, qu’ils agissent en solitaire ou en bande, comme lors des génocides. C’est cette indifférence à l’autre qui doit dois retenir de les admirer ».

Challenge « Thrillers et polars » de Liliba (2013-2014), au Challenge « Polar Historique » de Samlor (repris par Sharon), au Challenge « I Love London II » de Maggie et Titine, au « Mois anglais III » chez Titine et Lou, au Challenge « Victorien » chez Arieste, au Challenge « XIXème siècle » chez Netherfield Park et« Ma PAL fond au soleil » chez metaphore.

12 réflexions au sujet de « Retour à Whitechapel : Michel Moatti »

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    • Alors, faut pas hésiter : si ça donne pas la moue à nos banquiers, faut y aller !

      Mais j’ai ouïe dire que les banquiers avaient un faible pour les gens qui se découvraient… allez savoir ! 😀

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    • moi aussi ! Mieux que Cornwell qui a juste perdu son temps et des millions de $ dans sa quête.

      C’est plausible et ça répond à une question : pourquoi un changement dans la manière de tuer ??

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