Mais c’est à toi que je pense : Gary A. Braunbeck [E-Book et papier]

Titre : Mais c’est à toi que je pense                                big_5

Auteur : Gary A. Braunbeck
Édition : Bragelonne (2010)

Résumé :
Pour Thomas, Arnold, Rebecca et Christopher, c’est la fin du supplice. Ils viennent d’échapper à leur tortionnaire, un tueur en série pédophile qui les séquestrait depuis des années.

Mais une nouvelle épreuve les attend : et si on les avait oubliés ? Et si on ne les aimait plus ?

Horriblement défigurés et mutilés, ils ont besoin d’un adulte pour les ramener à leurs parents, que certains n’ont pas vus depuis dix ans… et ils ont choisi Mark.

Critique : 
« Donnybrook » de Franck Bill était sombre et pas pour les enfants… Ce roman mériterait lui aussi un bandeau-titre « À ne pas mettre dans toutes les mains – Âmes sensibles, cassez-vous ! »

Pourtant, au départ, on ne dirait pas que l’on va plonger dans l’horreur.

Déjà, le titre, est à chier (merci les traducteurs « Prodigal blues » méritait mieux que ce titre). Quant à la couverture, elle deviendra magnifique lorsqu’elle prendra tout son sens un peu plus tard dans le récit…

Mark Sieber, agent d’entretien dans un lycée, casse la gueule d’un ado à cause d’une blague d’un mauvais goût.

Un pédophile se promène dans les bois, la nuit, avec un gosse de six ans. Le gamin regarde autour de lui et chuchote: « Il fait vraiment noir ici. J’ai peur. » Le type le dévisage et répond : « Plains-toi ! Ce n’est pas toi qui vas devoir rentrer tout seul ! »

Ok, elle était d’un goût douteux, mais de là à lui massacrer sa gueule ! Sa femme ne le reconnait plus depuis qu’il est revenu du Kansas, il y a quelques jours. Qu’est-ce qui s’est passé, là-bas durant ces quelques jours ??

Alors quoi ? Mark va alors lui raconter toute l’histoire qu’il a vécu…

Tout à commencé quand il revenait de chez sa mère, décédée.

Sur l’autoroute, la voiture prêtée par son beauf tombe en panne, il se fait dépanner, sourit de voir passer plusieurs fois un Minibus Volkswagen argenté tirant une Airstream argentée elle aussi. S’il avait su…

Mark n’a rien d’un héros, pourtant, il a été choisi par 4 enfants pour mener à bien une mission… Les ramener chez leurs parents, eux qui ont disparu depuis des années, séquestrés qu’ils étaient par un pédophile. Une mission importante dont Mark ressortira ébranlé, cassé, laminé, lessivé et en larmes. Le lecteur aussi.

Voilà un roman noir qui vous prendra aux tripes – si vous en avez au départ – et qui vous laissera les tripes vidées ou nouées à la fin.

Sans jamais sombrer dans le pathos ou dans les descriptions horribles et gratuites, l’auteur nous racontera, au travers de ces quatre enfants, les supplices et le calvaire qu’ils ont vécu durant leur captivité chez Grendel, leur tortionnaire pédophile.

L’odeur me frappa de plein fouet, pas uniquement les exhalaisons habituelles d’un être humain, bien que l’odeur de pisse et de merde se suffise à elle-même. La puanteur des corps était insoutenable – des effluves de viandes avariée, moite, une présence invisible, presque physique, du genre qui pénètre chaque couche de l’épiderme, refuse de partir au lavage pendant au moins un mois et s’incruste à jamais dans les narines.

Pour la première scène vidéo, je me doutais que j’allais lire des choses horribles – tout comme Mark se doutait qu’il allait les voir – et j’ai pu blinder mon esprit.

Mais ensuite, je ne me suis pas méfiée et j’ai morflé grave. « Respire, me suis-je dit, ne pense plus à rien, faisons le vide dans mon esprit et »… Non, pas moyen de faire sortir les images de ma tête.

Les enfants ne demandent pas la pitié de Mark, mais juste son aide… La pitié ne servirait à rien : admirons plutôt leur courage et pleurons avec eux les imbécilités de la vie et sur la pâte à modeler (ceux qui l’ont lu comprendront).

La pâte à modeler qui sera la cause d’un grand malheur, mais d’une délivrance aussi. À quoi la vie tient, tout de même.

Un roman sombre, mais prenant, une écriture mêlant adroitement les moments les plus horribles, les plus intenses, avec une note d’humour, qui, croyez-moi, est souvent la bienvenue !

« Grand Dieu. Je me tenais au bord de la route, à quatre heures et demie du matin, débattant tranquillement de la meilleure technique pour contenir la puanteur de corps en décomposition à l’intérieur d’une caravane. Tout marchait comme sur des roulettes ».

« Il donna un brusque coup de volant à gauche afin d’éviter le raton-laveur le plus gras et le plus lent que la terre ait porté (et qui venait apparemment de décider que le milieu de la route était l’endroit parfait pour une petite pause consacrée au léchage de ses parties), mais nous roulions beaucoup trop vite ».

Des personnages tellement attachants qu’on voudrait ne jamais quitter le Minibus Volkswagen. Des enfants déjà si adultes, mais toujours des enfants tout de même, se taquinant, se chamaillant, veillant l’un sur l’autre.

Un méchant – Grendel – qui est présent psychologiquement, son ombre maléfique planant sur le Minibus. Un homme que l’on ne voudrait pas croiser la route. Si semblable à tant d’autres pédophiles sur terre qui sèment le malheur chez les enfants. Bien que lui sois d’un niveau assez élevé point de vue tortures et sadisme.

Ah, qu’il serait agréable de mettre les pédophiles, les prédateurs sexuels, les grands sadiques ou les serial-killer dans la catégorie « Monstres »…

Pourtant, ce sont des humains comme nous. Et c’est là que le bât blesse dans notre conscience : l’idée qu’ils fassent partie de la même espèce que nous ne nous enchante guère. Mais faire d’eux des « monstres » leur donnerait des excuses et nous rassurerait un peu trop sur le genre humain.

— Tu penses réellement que je m’apprête à prendre la vie d’un autre humain ? Ces gras-là ne sont pas humains. Ils ne l’ont jamais été !
— Bien sûr que si ! L’idée de faire partie de la même espèce ne nous enchante peut-être pas, mais ce sont des hommes !

Alors, n’oublions jamais que se sont des êtres humains comme nous et qu’ils sont capables de commettre les pires atrocités. Et ça, ça donne vraiment des sueurs froides.

Je ne sais pas si vous avez déjà eu l’occasion d’observer des photographies de tueurs en série ou de violeurs, mais tous semblent avoir le même regard éteint, froid et détaché, figé sur un ailleurs qui n’appartient qu’à eux, comme s’ils avaient renoncé à vous faire comprendre la logique de leurs actes et se satisfaisaient de contempler une ambition dont vous resterez à jamais indigne.

Si vous avez des tripes, ouvrez ce roman et lisez-le…

Une fois dedans, on ne le lâche plus, on frémit avec eux, on hurle avec eux, on pleure et en n’en ressort pas le même car, même si ceci est une fiction, ces abominations se passent dans le monde réel et ça fait mal.

Challenge « Thrillers et polars » de Liliba (2014-2015),  « Challenge US » chez Noctembule et « Challenge Ma PAL fond au soleil – 2ème édition » chez Métaphore.

45 réflexions au sujet de « Mais c’est à toi que je pense : Gary A. Braunbeck [E-Book et papier] »

  1. Ping : Le challenge USA revient | 22h05 rue des Dames

  2. Ping : Bilan Livresque : Juillet 2014 | The Cannibal Lecteur

  3. Superbe chronique ma biche. Tu sais à la fois faire passer l’horreur et la fascination que semble inspirer le bouquin. Je l’ai aussi, j’attends le moment favorable, celui où je serai frais dispo et cool pour m’y attaquer. Ça fait plusieurs bouquins qui sont dans cette catégorie « Attendre le moment favorable » chez moi. Il va falloir que je m’y mette.

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    • Merci ma Poulette 😉 Je suis contente d’avoir réussi à faire passer ça, parce que l’exercice est plus complexe qu’il n’y paraît ! Il est plus facile de flinguer un roman que de l’encenser en essayant de faire passer aux autres les sensations ressenties.

      Je viens d’enquiller quelques noirs à la suite, moi, j’ai besoin d’un Tchoupi pour faire descendre la pression, moi 😛

      J’avais plus envie d’attendre, il me faisait les yeux doux… 😉

      Gros kiss

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  4. Pour une fois que je peux le dire, j’ai adoré ce livre magnifique. J’ai trouvé brillant de mélanger de l’humour à une histoire aussi forte et prenante. Par contre j’étais sortie complètement chamboulée de ce livre, j’avais dû prendre un livre très léger par la suite.

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    • Il m’aurait fallu lire un « Tchoupi » ensuite, mais comme je suis maso, j’ai lu un roman noir, très noir, additionné de poudre blanche. Le roman, pas moi ! 😉

      Très subtil mélange d’humour et de récits plus trash.

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    • Oui, je devrais tester le Ketchup, mais je ne l’ai pas encore trouvé ! :/ Mais dès que oui, je le gouterai ! 😉

      J’ai trop de livres qui crient après moi pour que je les lise en premier, mais j’aime les faire décanter 😀

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    • Je ne t’en veux pas. Tout le monde n’est pas préparée ou blindée pour lire ce genre de livre. Il est marquant, je ne regrette pas ma lecture, mais il n’est pas conseillé aux âmes sensibles. 😉

      On t’en trouvera d’autres ! 😀

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  5. Rien que ta chronique me met dans un état bizarre. J’aime ce genre de livre qui nous met dans des états pas possible. Il va sûrement rejoindre ma liseuse.
    Merci de cette découverte !

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  6. Il est dans ma liseuse depuis le début (liseuse que je n’utilise jamais). Je devrais peut-être l’allumer de temps en temps ?
    bon t’as fini de broyer du noir comme ça en ce moment toi ?

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    • Rhô, t’as une liseuse et tu l’utilise pas !! Moi, j’ai même lu sur mon PC à m’en faire péter les rétines !

      Non, je suis en plein dans le « broie du noir » puisque j’ai enchainé – pauvre folle que je suis – sur « la faux soyeuse ».

      Promis, après je reviens à mes Tchoupi ! 😀

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