La malédiction du gitan : Harry Crews

Titre : La malédiction du gitan                                big_5

Auteur : Harry Crews
Édition : Gallimard (2010)

Résumé :
Marvin Molar aurait de quoi l’avoir mauvaise. Il a le buste puissant et des bras de cinquante centimètres de circonférence, mais il ne pèse guère plus de cinquante kilos.

C’est que Marvin n’a pour ainsi dire pas de jambes, juste deux petites cuisses de grenouille. Marvin Molar est aussi muet de naissance, sourd par accident, et ses parents l’ont abandonné à l’âge de trois ans.

Il vit au Fireman’s Gym avec Al Molarski, le vieil homme qui l’a recueilli, au milieu d’une famille de défectueux divers.

Contrairement à tous ces tarés, Hester, la copine de Marvin Molar, « n’a pas été oubliée le jour de la distribution ». Il ne lui manque rien, tout est au bon endroit. Sauf, peut-être, le cœur…

Critique : 
Que ceux qui se plaignent à tout bout de champs pour presque rien prennent exemple sur Marvin Molar :  il est né sans jambes, sauf si on considère que ses deux petites cuisses de grenouille de jambes en sont.

« C’est rapport à ce qu’il est tellement vilain, avec ces foutues jambes ficelées à son cul comme il a ».

Non content d’être cul-de-jatte, il est aussi muet de naissance,  ses parents l’ont abandonné à l’âge de trois ans devant un gymnase pour les fous de fonte et Marvin devenu est sourd par accident.

Il a juste pour lui un buste puissant et des bras de cinquante centimètres de circonférence. Vous me direz que ça lui fait une belle jambe… je sais.

Nous sommes à Tampa en Floride, dans une salle de sport, le Fireman’s Gym où se côtoient les boxeurs, les fous de fontes et les sportifs amateurs.

Les personnages sont toute une histoire à eux seuls. Le maître des lieux, Al Molarski, ancien lutteur au corps bodybuildé qui a perdu un peu de sa masse musculaire puisqu’il a 70 balais. Sa manière de parler est aussi assez originale puisqu’il inclut son prénom dans les conversations.

— T’avais pas dit à Al qu’elle s’exerçait.

C’est lui qui a récupéré Marvin et en a fait un artiste, un équilibriste, une bête de foire, notre homme arrivant à faire pivoter ses 45kg sur un seul doigt. Al est accompagné de Pete, un ancien boxeur Noir qui parle tout seul et de Leroy, un jeune qui pensait savoir boxer.

Tout ce petit monde tournait assez bien jusqu’au moment au Marvin a cédé aux sirènes d’Hester, sa copine – qui possèdent des jambes interminables – et l’a amené vivre avec eux…

« Bordel de merde, Hester, on peut pas avoir une bonne femme dans un gymnase pour hommes – habiter avec trois mecs, en plus !
« T’as dit qu’y en avait deux qui étaient sonnés ».
« Putain, ils sont sonnés tous les trois, mais ils ont quand même des bites. »
« J’ai déjà vu des bites », elle a fait. « Les bites, c’est pas ça qui m’effraie ».

Sa gonzesse a beau avoir tout ce qu’il faut là où il faut, savoir réaliser des prouesses sexuelles à damner des Bonzes Tibétains ou à faire triquer un régiment d’eunuques, il lui manque un truc essentiel : le cœur !

Hester elle a des cuisses à vous en donner un arrêt du cœur.

— T’aimes ça quand je te le fais, non ? qu’elle disait.
— À en tourner de l’œil.

« ¡ Que encuentres un coño a tu medida ! » est la malédiction du gitan qui signifie « Trouve-toi un con à ta taille et tu ne seras plus jamais le même »… Amis de la poésie, bonjour !

Si Marvin ne possède ni la parole ni des jambes, il a une cervelle et sait s’en servir, il a compris, lui, ce qui allait se passer… Malheureusement, quand on se fait tenir par le bout de la bistouquette, on n’est plus bon à rien. Et puis, quand on a fait entrer le loup dans le poulailler, c’est trop tard.

J’ai pris un plaisir énorme avec la plume de Harry Crews et son monde de Freaks (monstres humains) tellement drôles, cyniques, qui, sous leur carapace et leur air grognon possèdent un cœur. Al est comme un père pour eux et tous les 4 se complètent tellement bien.

Marvin fut mon préféré, son statut de narrateur donnant au récit une touche plus profonde, plus belle, plus touchante. Il y a un tel réalisme dans l’écriture que les personnage vous paraissent réels, surtout que leur langage est des plus fleuri et n’a rien d’académique.

« J’ai tenu plus de roustons dans ma main que Willie Mays a jamais lancé de balles de base-ball » elle a fait en prenant bien soin de paraître désinvolte.

Et puis, Marvin, petit personnage cabossé, est attendrissant au possible.

Le malheur, je l’ai vu venir… leur monde était fragile et on l’a senti vaciller à l’arrivée d’Hester. On sait que tout finira mal, mais on ne peut pas lâcher le livre, espérant un happy end.

C’est un grand moment d’émotion que j’ai passé en lisant ce roman noir qui jongle avec le cruel et le tendre, l’espoir et le désespoir, le machiavélisme et le cynisme, la renaissance et la mort, la bêtise des uns et l’intelligence de Marvin.

Drôle et dramatique en même temps. Machiavel avait dû donner des leçons à certaines.

Oui, Marvin, je t’ai compris… Oui, Marvin, tu vas me manquer.

Challenge « Thrillers et polars » de Liliba (2014-2015), le « Mois Américain – Septembre 2014 – chez Titine et « Ma Pedigree PAL – La PAL d’excellence » chez The Cannibal Lecteur.

BIBLIO - Pedigree PALCHALLENGE - Thrillers polars 2013-2014 (1)CHALLENGE - Mois Américain Septembre 2014

12 réflexions au sujet de « La malédiction du gitan : Harry Crews »

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  2. Ping : Bilan du Mois Américain : Septembre 2014 | The Cannibal Lecteur

  3. Ping : Bilan Livresque : Septembre 2014 | The Cannibal Lecteur

  4. Ping : Billet récapitulatif du mois américain 2014 | Plaisirs à cultiver

  5. A voir la couv’ il est plutôt bien nourri le gitan… mazis faudrait qu’il freine un peu sur les hormones.
    J’ai découvert l’auteur à poil dans le jardin d’Eden (je me comprends), je ne demande pas mieux que de continuer le voyage avec lui

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    • J’ai vu l’auteur à poil aussi, dans le jardin d’un certain Eden… je continue ma route avec lui, maintenant que je l’ai vu nu aussi 😀

      Oui, bien nourri, ça doit être Russel Muscle, du muscle mais rien dans la cervelle ! 😀

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