Auteur : Ron Rash
Édition : Le Masque (2009) / Livre de Poche (2014)
Résumé :
Oconee, comté rural des Appalaches du Sud, années 50.
Une terre jadis arrachée aux Indiens Cherokee et qui bientôt sera définitivement enlevée à ses habitants : la compagnie d’électricité Carolina Power rachète peu à peu tous les terrains de la vallée pour construire une retenue d’eau, un immense lac qui va recouvrir les fermes et les champs.
Ironie du sort: une sécheresse terrible règne cet été-là, maïs et tabac grillent sur pied dans les champs arides.
Le shérif Will Alexander est le seul à avoir fréquenté l’université, mais à quoi bon, quand il s’agit de retrouver un corps astucieusement dissimulé ?
Car Holland Winchester a disparu. Il est mort, sa mère en est sûre, qui a entendu le coup de feu chez leur voisin. L’évidence et la conviction n’y font rien: pas de cadavre, pas de meurtre.
Sur fond de pays voué à la disparition, une histoire de jalousie et de vengeance, très noire et intense, sous forme d’un récit à cinq voix: le shérif, le voisin, la voisine, le fils et l’adjoint.
Critique :
Un pied au paradis ou un pied en enfer ? Telle est la question….
« Paradis » si l’on considère ce petit coin perdu des Appalaches vis-à-vis de sa tranquillité.
Mais « Enfer » en sachant que cette terre ne vous donne rien ou si peu, qu’une sécheresse règne à tel point que les cultures grillent sur pied, que les gens sont aussi arides que la terre sous le soleil de Satan, le caractère toujours prompt aux ragots, aux jugements.
Comble de tout ça, l’Enfer sera un jour noyé sous des tonnes de litres d’eau, la compagnie d’électricité » Carolina Power » rachetant peu à peu tous les terrains de la vallée pour construire un immense lac qui va recouvrir les fermes et les champs.
« Vous autres, les péquenauds, vous serez chassés de cette vallée jusqu’au dernier comme de la merde d’une cuvette de chiottes ».
Un paradis qui va devenir un enfer pour certains, un enfer qui sera un paradis pour d’autres, et pour moi, c’était « le pied » tout court, la lecture.
Que s’est-il passé ? Et bien, Holland a disparu ! Si, je vous jure… Sa maman est persuadée qu’il est mort, ayant entendu un coup de feu chez ses plus proches voisins, Billy Holcombe.
Le shérif mène l’enquête, apprenant aussi au passage que le dénommé Holland aurait p’têt ben trempé son biscuit dans la tasse de café de l’épouse du voisin ! Et pas qu’une fois, si vous voyez ce que je veux dire.
Je vous arrête de suite, je parle, bien entendu, de Holland Winchester et pas d’un autre. Entre nous, avec un nom et un prénom pareil, je me serais suicidée, moi ! Holland Winchester, ça claque comme un coup de fusil.
« Les yeux peuvent mentir, mais au bout du compte ils vous diront la vérité. Quand Billy a répondu non, il a jeté un coup d’oeil à sa main droite qu’il tenait fermée. Je savais ce que cela signifiait pour en avoir vu plus d’un réagir de la même façon dans la même situation. Cette main droite avait servi à sortir de son champ des cailloux gros comme des pastèques. Elle avait servi à abattre des chênes dont on ne faisait pas le tour avec les bras. Et peut-être, simplement peut-être, cette main avait-elle servi à tenir un fusil avec assez d’assurance pour tuer un homme ».
La particularité de ce roman, en plus de la plume aiguisée de l’auteur, c’est qu’il ne se contente pas d’être un simple roman policier.
Non, il va plus loin dans la psychologie des personnages et des événements qui iront de l’imbécilité de la guerre aux superstitions les plus bêtes, en passant par la jalousie, le désir de maternité, le reniement de parole d’une université…
C’est vous dire si on va ratisser large – sans tomber dans l’ennui – variant et mixant le tout pour donner un cocktail détonnant et rafraichissant, avec une pointe d’émotion pour assaisonner le tout et une grosse paille d’inventivité pour aspirer le tout.
Roman à cinq voix, l’auteur vous propose l’histoire racontée sous différent points de vue, donnant ainsi au lecteur la possibilité de biberonner les mystères de cette vallée au compte-gouttes et au travers le récit de différents personnages, changeant même d’époque avec le récit d’Isaac.
La force du récit est dans ces personnages qui vous racontent l’histoire, personnages que l’on suit dans leurs pensées, leurs emmerdes, leur passé. Le tout avec un langage digne des Redneck.
Par contre, j’aurais bien aimé en apprendre un peu plus sur ce qui avait coupé le shérif de son frère.
« Autrefois, nous avions été bien plus proches que je ne l’ai jamais été de mon autre frère et de ma sœur ».
Une histoire très noire, un roman intense, sombre, brossant le portrait peu brillant d’une Amérique des années 50, mais possédant des personnages hors du commun.
« Chaque homme doit mordre la poussière avant de mourir, m’avait assuré papa un jour. Moi j’avais l’impression de la mordre par pelletées entières ».
Rien à dire, cet auteur m’emmène dans des abîmes bien plus abyssaux que le lac le plus profond. J’adore !
« La connaissance est l’unique bien dont personne ne peut te dépouiller ».
« Mais rien n’est solide ni permanent. Nos existences sont élevées sur les fondations les plus précaires. Inutile de lire des manuels d’histoire pour le savoir. Il suffit de connaître l’histoire de sa propre existence ».
Challenge « Thrillers et polars » de Liliba (2014-2015), le Challenge « Polar Historique » de Sharon, Lire « À Tous Prix » chez Asphodèle (Prix des Lecteurs Sélection 2011), « Ma Pedigree PAL – La PAL d’excellence »chez The Cannibal Lecteur, « Il était une fois dans l’Ouest » chez The Cannibal Lecteur et le Challenge « Le Mois Américain » chez Titine.
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j’avais dévoré ce roman à l’époque ! depuis Ron Rash ne m’a jamais déçu et c’est assurément un de mes auteurs préférés ! Belle chronique qui devrait je l’espère en convaincre quelques uns de le lire !
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S’ils ne le lisent pas, je sors la Winchester !! 😉 Un auteur super, qui fait des histoires différentes tout en se passant dans la même région.
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LE roman qui m’a fait découvrir Ron Rash. Et les autres sont meilleurs ! Un grand auteur des grands espaces américains. Amitiés
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J’adore ses espaces américains et le portrait assez à l’A-Rash qu’il en fait (le jeu de mot est de ©Yvan).
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« Le monde à l’endroit » ne m’avait pas retourné. Laissé sur ma faim et l’envie dépassée par cette histoire, j’avais mis de coté l’auteur. Mais, avec celui-là, j’ai envie de nouveau de mettre un pied dans son paradis.
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Je n’ai pas encore le monde à l’endroit… il ne me reste que lui.
Remets le pied à l’étrier, mon Bison 😉
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Chouette une chronique de roman (parce que la BD c’est pas mon truc) 😉
Bref, une sombre histoire qui aRash (ok je sors)
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Comment ?? La bédé c’est pas ton truc ?? Rogntudjûûû, tu vas en bouffer, de la bédoche, parce que j’en ai lu une flopée durant mon week-end !
8 Comanche
3 Durango
6 Blueberry
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je mange ce que je veux moi, Madame !
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C’est enrobé de chocolat noir, Monsieur !
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vous m’intéressez subitement Madame 😉
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Tiens donc, comme par hasard !! 😀
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Super jeu de mot, au fait ! 😉
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Je pense que ce genre de littérature devrait me plaire… Qu’en dis-tu? En tout cas, je note… 🙂
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oui à lire cet avis, ça a l’air d’être dans tes cordes, Vincent 😉
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Pousse-le avec moi, Yvan : achète-le, achète-le…
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tu fais la version livresque du serpent du Livre de la jungle ? 😉
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Oui, c’est tout à fait ça !
Aie confiance….
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Note-le en grand ! C’est mon troisième, j’adore l’auteur. Ma préférence reste pour le moment à « Une terre d’ombre » qui est magnifique ! 😉
Serena vaut pour son personnage féminin froid et cynique, une grande femme qu’on aimerait tuer de nos mains…
C’est l’Amérique profonde des péquenauds avec Ron. Mais des gens profonds, des gens qu’on aurait parfois aimé croiser.
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