1. Le Roman Noir Américain dans la mythique « Série Noire » des éditions Gallimard : Histoire

— Au fait, tu le bois comment, ton policier ?

— Noir, sans lait et sans sucre, merci…

I. Le roman noir américain : Histoire et traduction

L’histoire du polar noir est pour aujourd’hui; la traduction sera pour l’article suivant.

1. Histoire du Polar :

Les amateurs de Roman Policier ou de Polars ont peut-être succombé un jour aux fameux « Romans Noirs » de la « Série Noire » des éditions Gallimard ou aux autres « Noirs », ceux que l’ont nomme « Hardboiled » (littéralement « durs à cuire »), car type de littérature trouve son origine en Amérique…

Même si vous n’êtes jamais allé du côté obscur de la Force, je suppose que vous avez tous vu, au moins une fois, ces fameuses couvertures jaunes et noires de la collection « Série Noire ».

Les romans « noirs » étaient souvent considérés comme « littérature au rabais » et ils ne traitent, à priori, que d’énigme policière ou d’aventures de truands de deuxième zone.

Un pur produit 100% américain, le roman noir ? Peut-être pas tant que ça… mais la Série Noire de chez Gallimard leur doit beaucoup.

Avant de vous parler des problèmes de traduction et des découpages brutaux que l’on fit dans ses textes (partie II), je vous tout d’abord vous parler un peu de ce qu’est un roman noir.

1.2 Définition :

J’ai souvent « lu » que des personnes qualifiait un roman qu’elles venaient de lire de « roman noir » et lorsque vous demandiez quel titre elles avaient lu, je voyais fleurir des titres appartenant à des Chattam, des Thilliez et autres auteurs de thrillers ou de romans policiers « classiques ».

Si l’une ou l’autre personne leur signifiait qu’elle ne voyait pas ce qui qualifiait ces romans de « noir », il lui était répondu que le roman était « sombre, dur »…

Non, ces livres n’étaient pas des romans noirs et le fait d’avoir de la violence ou un récit « dur » n’en fait pas des romans dits « noirs ».

Alors, qu’est-ce qui fait qu’un roman est noir ou pas ??

— La réalité sociale présente dans le roman…

Autrement dit, c’est un roman policier qui donne une vision réaliste des conditions sociales et de la criminalité.

Il met lui aussi en scène l’univers du crime mais il insiste sur la critique de la société. Un genre en plein essor aux États-Unis dans les années 1950.

Le roman noir peut être à la fois considéré comme un sous-genre ou une sous-catégorie appartenant au roman policier et qui regrouperait le roman d’énigme et le roman à suspense, mais aussi comme un genre à part entière possédant ses propres critères génériques.

Dès lors, le roman noir désigne aujourd’hui un roman policier inscrit dans une réalité sociale précise, porteur d’un discours critique, voire contestataire.

Le roman noir, tout en étant un roman détective, se fixe ses propres frontières en s’opposant au roman d’énigme, car le drame se situe dans un univers moins conventionnel et moins ludique (non, vous ne devez pas chercher QUI a tué).

En anglais, on parle aussi d’hardboiled novel… Et ce n’est pas à mettre entre toutes les mains car pour peu que vous soyez habitué à des romans policiers classiques, vous risquez d’être dépaysé !

Sur fond de prohibition, la question n’est plus tant de savoir « qui a tué ? » mais « pourquoi ? ». Le climat est à la violence de la pègre et à la corruption.

Le crime et l’enquête qu’il déclenche ne disparaissent pas, mais le détective devient un révélateur.

C’est un homme de terrain, souvent cynique et désenchanté, malmené par les aléas de sa quête.

Dès lors, le roman noir s’ancre fermement dans une réalité sociale et politique et rend compte de la violence qui y sévit.

Les pages de ces romans dégagent une forte odeur de poudre, de sang et de bourbon « single malt ».

C’est le début le la série des détectives légendaires.

Et comme ils disent sur le site de Gallimard à propos de la Série Noire  (en abrégé) :

Amateur d’énigmes à la Sherlock Holmes, tu oublies ! Ton compte, tu ne  trouveras pas.

Optimiste, va voir ailleurs. Ici, tu entre dans ce que l’humain a de plus sombre.

L’immoralité y est chez elle, tout autant que les beaux sentiments. L’esprit en est rarement conformiste.

Amateur de justice, tu y croiseras des policiers plus corrompus que les malfaiteurs qu’ils poursuivent.

Ici, il n’y a pas vraiment un détective sympathique ou « déducteur » pour résoudre le mystère. Parfois, il n’y a pas de mystère. Et quelquefois même, pas de détective du tout.

Mais alors, il y a quoi dans le roman noir ?…

De l’action, de l’angoisse, de la violence — sous toutes ses formes et particulièrement les plus honnies — du tabassage et du massacre.

Les états d’âmes se traduisent par des gestes, et les lecteurs friands de littérature introspective devront se livrer à la gymnastique inverse.

Il y a aussi de l’amour — préférablement bestial — de la passion désordonnée, de la haine sans merci.

Bref, le but est fort simple : vous empêcher de dormir.

« Joli programme, n’est-il pas ?? »

1.2 Histoire :

Je vous signalais plus haut que le roman noir n’était pas à 100% amerloque car parmi les précurseurs français du genre, on peut citer Balzac : « Une ténébreuse affaire » (1843) ou Eugène Sue et ses « Mystères de Paris » (1842-1843), mais Émile Zola pourrait peut-être s’en réclamer aussi pour « L’Assommoir », voire « Thérèse Raquin ».

Les racines du roman noir sont donc parfois liées à celles du roman policier qui débuteraient au XIXè siècle.

Le genre naît véritablement aux États-Unis dans les années 1920, avec des auteurs, notamment Dashiell Hammett, qui écrivent des romans avec pour ambition de rendre compte de la réalité sociétale du pays : gangstérisme, corruption politique et policière, toute-puissance de l’argent, utilisation ostensible de la violence, crimes organisés et terreau mafieux…

Dashiel Hammet apparaît comme le représentant de cette littérature populaire naissante appelée « hard-boiled » (« durs à cuire »), dont il créa l’école avec Carroll John Daly.

Ces auteurs publient leurs textes dans des magazines populaires et peu coûteux, surnommés les dime magazines (un dime = 10 cents) ou les pulp magazines (du nom de la pulpe de papier de piètre qualité qui sert à l’impression).

Plusieurs écrivains se bornent à exploiter les ingrédients bassement commerciaux de cette littérature destinée avant tout aux jeunes hommes (sexe, alcool, violence), mais les meilleurs suivent les traces de Hammett pour détourner les conventions du genre à des fins subversives de dénonciation du capitalisme, de la corruption policière et de la collusion entre le pouvoir politique et la pègre : W.R. Burnett, Jonathan Latimer, Raymond Chandler, Howard Fast, Ross Macdonald, Jim Thompson, Chester Himes, William P. McGivern, Fredric Brown…

Avec Dashiell Hammett, on entre de plein fouet dans cet univers réaliste et un peu glauque. Ici on ne fait plus appel à l’intelligence du lecteur mais à son cran et à ses tripes.

On est dans l’action, loin des salons du roman à énigme. Les rues sont dangereuses, les meublés crasseux, les arrières salles enfumées et les personnages troubles. 

Chez Hammett, la vengeance s’exerce et le coupable trouve souvent la mort, révélant ainsi une critique acerbe des institutions américaines (ce qui lui vaudra même d’être emprisonné par MC Carty).

1.3. Décollage ! :

Le roman noir connaîtra véritablement son essor qu’après la Seconde Guerre mondiale.

En Amérique ?? Non, en France !

Juin 1944… Marcel Duhamel, traducteur de Steinbeck ou d’Hemingway (entre autres) et agent pour Gallimard, sort de chez Marcel Achard avec trois bouquins que ce dernier vient de lui confier : « This man is dangerous » et « Poison Ivy » de Peter Cheyney, et « No orchids for miss Blandish » d’un certain James Hadley Chase.

Cet homme ne le sait pas encore, mais il tient sous le bras les trois premiers romans d’une longue saga qui va profondément et durablement marquer la littérature.

C’est en 1945 que la mythique collection « Série Noire » verra vraiment le jour.

À ce jour, plus de 2800 titres parus… si quelqu’un a dans l’idée d’en faire collection, il devra avoir une grande bibliothèque !

Les deux premiers titres appartiennent à Peter Cheyney avec « La Môme vert-de-gris » (titre français de « Poison Ivy ») et « Cet homme est dangereux » (septembre 1945).

Si un lecteur les possède dans sa biblio en première édition, je suis intéressée contre un don moyennant paiement en espèces…

Lors de la Libération, on découvre le jazz, les cigarettes blondes, les bas nylon, les capotes, les chewing-gum… On découvre ♪ l’Amérique ♫

Collection encore anecdotique à cette lointaine époque…

La populace est en liesse et attirée par tout ce qui vient du Nouveau-Monde et est un peu blasée de ses Hercule Poirot ou autre Rouletabille.

La « Série noire » est vite devenue LA référence… Ou comment voir le monde au travers du polar.

S’ils ont commencé par traduire des romans policiers américains, les fondateurs sont ensuite passé aux romans français, avant de s’engager dans une littérature noire sans frontière.

Une future mythique collection venait de naître et personne n’aurait parié un franc que soixante ans plus tard, elle se composerait de plus de 2 800 romans (dont plusieurs quintaux de chef-d’œuvres !) et hanterait les nuits blanches de centaines de milliers de lecteurs.

Les débuts furent difficiles et tenaient plus du bricolage que d’autre chose.

C’est Marcel Duhamel qui se trouvera au four et au moulin (occupé par mille autres activités) et la « Série noire » s’offrira un long tour de chauffe,  ne publiant que six titres en trois ans, malgré des chiffres de vente plus qu’honorables et un enthousiasme sans cesse croissant.

Leur signature ? Un langage populaire, l’emploi de l’argot, des univers glauques dépeignant un monde austère et froid…

En un mot, ces romans rompent avec le style feutré et « aristocratique » du roman à énigme du début du siècle, genre ceux de la grande dame qu’était Agatha Christie.

Ici, pas de meurtres dans des châteaux, pas de majordome ou de Colonel Moutarde tuant le docteur Lenoir avec le chandelier dans la véranda…

Un seul problème dans tous ces romans… LA TRADUCTION à la mord-moi l’zob !

(Mais cet article, c’est pour demain).

1.4 Auteurs de Noirs Français :

Dans le domaine francophone, les grands représentants du genre sont Jean Amila ou Léo Malet (avec son personnage de Nestor Burma).

À partir des années septante, des auteurs comme Jean-Patrick Manchette, Frédéric H. Fajardie ou Tonino Benacquista témoignent encore de l’influence du roman noir américain. Les œuvres de ces auteurs sont parfois qualifiées de « néo-polars ».

Dans cette catégorie du roman noir, il faudrait sans doute aussi citer l’auteur algérien Yasmina Khadra ou le Sénégalais Abasse Ndione.

Sources : Article basé sur des infos de Wiki, sur les notes se trouvant sur le site de chez Gallimard additionné de quelques furetages sur le Net au gré de mes ballades.

Challenge « Le mois Américain » chez Titine.

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  5. J’aime bien ton travail de recherche sur ce sujet. Je te propose la brillante définition que donne du roman noir Charles Ardai, écrivain et éditeur américain :
    « Dans les romans noirs… tout ordre apparent n’est généralement qu’illusoire ; les choses ne fonctionnent pas comme elles le devraient ; la justice est rare, et quand elle est présente, souvent accidentelle… C’est une promesse brisée. C’est un livre qui nous trahit, et que nous aimons pour cela….. »
    J’aime bien aussi cette vision là… 😉

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    • Merci Vincent ! 😉

      Super définition qui décrit bien le roman noir ! Ce que j’aime, dans ces romans, c’est le contexte social, découvrit la société à une époque donnée, mais une société telle qu’elle est vraiment : pourrie, gangrénée par les trafics, les magouilles et tutti quanti !

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