De sang-froid : Truman Capote

51v0t5jB-rL._SX305_BO1,204,203,200_Titre : De sang-froid                                                                       big_4

Auteur : Truman Capote
Édition : Folio (1972)
Première publication : In Cold Blood (1966)

Résumé :
« De Sang froid » est l’histoire inspirée d’un fait divers de deux jeunes repris de justice qui, le 15 novembre 1959 à Holcomb, petite ville du Kansas, assassinèrent froidement une famille d’agriculteurs. Le récit, chef-d’œuvre de Truman Capote, est le résultat d’un long travail d’investigation mené par l’auteur.

L’écrivain américain a en effet suivi de très près l’enquête policière sur le massacre de la famille Clutter allant jusqu’à interroger lui-même policiers et criminels impliqués. Une investigation qui ne se terminera qu’avec l’exécution des deux meurtriers à laquelle l’écrivain assiste.

Petit Plus : A force de détails, de témoignages, d’observations, Truman Capote raconte ce qui a pu se passer sans jamais prendre parti, ni juger, et crée un genre nouveau, le «roman de non-fiction».

« De Sang froid » (1966) obtient un énorme succès et porte Truman Capote au sommet de la gloire. Le livre est adapté au cinéma par Richard Brooks en 1967.

Critique : 
On aurait pu titrer aussi « Chronique d’un massacre annoncé » puisque d’entrée de jeu, nous faisons connaissance avec la famille Clutter dont on sait que 4 de ses membres finiront avec une balle dans le corps.

Ceci n’est pas une fiction, mais tiré d’un fait divers bien réel qui a eu lieu en novembre 1959, à Holcomb, Kansas.

« Le village de Holcomb est situé sur les hautes plaines à blé de l’ouest du Kansas, une région solitaire que les autres habitants du Kansas appellent « là-bas ». A quelques soixante-dix miles à l’est de la frontière du Colorado, la région a une atmophère qui est plutôt Far West que Middle West avec son dur ciel bleu et son air d’une pureté de désert. Le parler local est hérissé d’un accent de la plaine, un nasillement de cow-boy, et nombreux sont les hommes qui portent d’étroits pantalons de pionniers, de grands chapeaux de feutre et des bottes à bouts pointus et à talons hauts. Le pays est plat et la vue étonnamment vaste : des chevaux, des troupeaux de bétail, une masse blanche d’élévateurs à grain, qui se dressent aussi gracieusement que des temples grecs, sont visibles bien avant que le voyageur ne les atteigne. »

Sans mobile apparent, les quatre membres de la famille du fermier Clutter se font tuer. Truman Capote, tombant sur un article traitant de ce crime a décidé de relater cette histoire avec la plus grande précision.

Ce roman est ce qu’on appelle un « True Crime » car ceci est une reconstruction des faits, avant, pendant, après, ainsi que les conséquences qu’eurent ces meurtres sauvages sur les habitants de la petite ville de Holcomb.

Pensez-vous bien, on avait assassiné un homme qui était respecté, une famille qui allait à l’église tous les dimanches et qui, comme tous les habitants de la petite ville, ne fermaient jamais ses portes à clés.

La question que tout le monde se pose, c’est « Pourquoi eux ? » car il n’y a pas de mobile apparent vu que très peu d’argent volé car monsieur Clutter n’utilisait que des chèques pour payer.

L’auteur utilise tous les codes de la fiction mais dans le but de nous décrire un fait réel. La seule partie qui pourrait être fastidieuse à lire pour certains, c’est celle consacrée au procès. Pour moi, pas de soucis.

Sinon, ça se lit tout seul, la boule au fond de la gorge parce qu’on sait qu’on ne doit pas s’attacher aux membres de la famille Clutter, membres qu’on apprécie (surtout Nancy), malgré l’extrême bigoterie du père (ne boit pas, ne fume pas,…). Clutter est un homme de bien, intègre et honnête, mais on ne trinquera jamais avec une bière, nous deux.

Nancy Clutter est toujours à la course, mais elle a toujours le temps. Et c’est là une définition de ce qu’est une dame.

La première partie, fort importante, comporte la reconstitution minutieuse de tous les protagonistes à cette affaire, et pas à la n’importe nawak : Capote les a mis en scène grâce aux témoignages qu’il avait recueillis sur eux, additionnés des documents qu’il avait consulté. C’est un portrait d’une certaine Amérique des années 50 qu’il nous offre au travers de tout ces gens.

La seconde partie se compose de l’enquête, qui piétine, des rumeurs, qui enflent comme des ballons de baudruche, des pérégrinations de nos assassins et puis de leur traque.

Le lecteur passera beaucoup de temps avec nos meurtriers, apprenant des choses sur leur passé, leur enfance, leurs parents et verront avec horreur comment de marginaux ils sont devenus des criminels de sang-froid.

La psychologie des personnages est bien décrite, fouillée, profonde. Sans leur trouver des excuses (ils n’en n’ont pas), on « comprend » comment tout ce qu’ils ont vécu a fait d’eux des meurtriers putatifs. Les deux hommes sont sensiblement différent et si Dick est une grande gueule, Perry est plus prudent.

La psychologie de la petite communauté est aussi bien travaillée. Comment cette population sans histoires va basculer ensuite dans la paranoïa pure et simple… Comment ces gens ont-ils géré cette tragédie et les conséquences que cela a eu sur leur comportement.

La majorité de la population de Holcomb, après avoir vécu durant sept semaines au sein de rumeurs malsaines, d’une méfiance générale et de soupçons, semblait avoir été déçue d’apprendre que le meurtrier n’était pas l’un d’entre eux.

Ce roman m’a happé. De lent, dans les premières pages, quasi bucolique dans cette description de la vie à la campagne, on se laisserait bien aller à baguenauder si l’auteur ne nous envoyait pas de temps des piqûres de rappel en nous disant que cette famille va mourir.

Du modus operandi des auteurs, vous n’en saurez rien au début, il vous faudra attendre les aveux pour comprendre ce qu’il s’est passé et comment le tout à basculé dans le sang alors que cela aurait pu être empêché.

Ce roman magistral a valu à l’auteur une immense gloire, mais lui a collé une dépression sévère, touché qu’il avait été de sa rencontre avec Perry Smith, l’un des deux assassins. Celui qui, pour moi, avait la psychologie la plus profonde, celui pour qui j’avais ressenti de l’affection, malgré les crimes. Et la pendaison ne résout pas tout…

Il est presque impossible à un homme qui jouit de la liberté et de toutes ses prérogatives de se rendre compte de ce que signifie la privation de cette liberté.

Les riches ne sont jamais pendus. Seulement ceux qui sont pauvres et sans amis le sont.

— Oui, m’sieur, dit le gardien, confirmant cette nouvelle, ils ont eu la peine de mort ».
Dick dit :
— Bien sur. C’est drôlement à la mode dans le Kansas. Les jurys la donnent comme s’ils donnaient des bonbons à des gosses.

Perry et Dick ont été pendus mardi dernier. J’étais là parce qu’ils me l’avaient demandé. Ce fut une épreuve atroce. Dont je ne me remettrai jamais complètement. Je vous en parlerai un jour, si vous pouvez le supporter.

Un roman qui m’a glacé d’effroi devant tant de sang-froid (ou sang-chaud) pour un quadruple crime qui aurait pu ne jamais avoir lieu.

« Est-ce que j’ai des regrets? Si c’est ce que tu veux dire, non. Je ne ressens rien . Je voudrais bien. Mais ça me laisse complétement froid. Une demi-heure après que ce soit arrivé, Dick blaguait et moi, je riais. Peut-être qu’on n’est pas humains. J’suis assez humain pour m’apitoyer sur moi-même. Je regrette de ne pas pouvoir sortir d’ici quand tu t’en iras. Mais c’est tout. »

À quoi ça tient, la vie, parfois… juste à un fil ténu que n’importe qui peut vous sectionner gratuitement.

Qu’est-ce que la vie? C’est le scintillement d’une luciole dans la nuit. C’est le souffle d’un buffle en hiver. C’est comme la petite ombre qui traverse les champs et va se perdre dans le coucher du soleil.

Challenge « Thrillers et polars » de Sharon (2015-2016), le Challenge « La littérature fait son cinéma – 4ème année » chez Lukea Livre, « Ma Pedigree PAL – La PAL d’excellence » chez The Cannibal Lecteur et Le « Challenge US » chez Noctenbule.

30 réflexions au sujet de « De sang-froid : Truman Capote »

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  4. Un des livres, peut-être le livre qui m’a fait entrer dans l’univers du polar.
    Un titre fondateur pour moi.
    Un livre sans un mot de trop, sans une virgule de trop. Un titre court mais tout y est et tu le dis très bien dans ta chronique.
    Merci madame de l’avoir lu et chroniqué 🙂
    Mais la note, alors là, tu aurais pu être plus généreuse, non ?

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