Frankenstein ou Le Prométhée moderne : Mary Shelley [LC d’Halloween avec Stelphique]

Titre : Frankenstein ou Le Prométhée moderne                       big_5

Auteur : Mary Shelley
Édition: Marabout (1964) / J’ai Lu (1993 – 1997 – 2005) / Presse Pocket (2000) / LP (2009)

Résumé :
Victor Frankenstein, scientifique genevois, est recueilli sur la banquise par un équipage faisant route vers le Pôle Nord.

Très tourmenté, il livre son histoire au capitaine du bateau : quelque temps auparavant, il est parvenu à donner la vie à une créature surhumaine.

Mais celle-ci sème bientôt la terreur autour d’elle…

Critique de Cannibal (Stelphique en bas) :
Ce roman fait partie des romans qui m’ont marqué. Je l’avais lu il y a longtemps et si j’ai décidé de le relire, c’est un peu à cause de ma binômette Stelphique qui l’a choisit pour fêter dignement Halloween (© Cannibal Approuved).

Tout d’abord, remarquons que ce roman a été écrit par une femme. À l’époque (1818), ce n’était pas rien ! Voilà, c’était la minute de féminisme…

Lorsque j’ai décidé de lire ce livre pour la première fois, dans les années 1990 (80-10 pour mes amis français), je croyais tout savoir sur Frankenstein.

Et bien, comme on dit chez nous, j’aurais mieux fait de laisser croire les bonnes sœurs, elles sont quand même là pour ça et en plus, elles sont payées pour…

J’avais tout faux ! Mais vraiment tout faux. Une claque que je m’étais prise dans la figure à l’époque. Mon jeune âge en était sans doute la cause (18). Puisqu’en 2015 j’ai plus que dépassé ou doublé l’âge de raison, allais-je encore avoir les mêmes frissons ?

Sachez tout d’abord qu’il ne faut pas confondre le Professeur Frankenstein et la créature du Professeur Frankenstein, cette même créature composée de divers fragments de cadavres.

Enfin non, ce sont les films qui nous montre un professeur en train de déterrer des cadavres et mon visionnage de « Frankenstein Jr » ne m’aide pas à avoir l’esprit clair.

Ici, dans le roman, l’auteur ne nous explique pas comment le docteur met au point sa créature, alors, oublions les cimetières à minuit par des nuits sans lune, les cadavres en putréfaction et les éclairs d’un gros orage pour donner la vie.

Alors, ce replay, qu’est-ce que ça a donné ? Et bien, je suis toujours en colère sur le jeune Victor Frankenstein ! Si cet éminent étudiant en science avait envie de créer une vie, il lui suffisait pour cela d’introduire son éprouvette dans le tube à essai d’une fille, d’y laisser un dépôt en liquide et de renouveler l’opération autant de fois que nécessaire !

La phrase de Rabelais illustre bien ce que fit Frankenstein : « Science sans conscience n’est que ruine de l’âme ». Notre Victor l’apprendra à ses dépends, lui qui voulu se faire l’égal de Dieu en créant une vie. Tel Icare, il se brûla les ailes et la chute fut longue et dure.

Voilà un jeune homme qui, durant 2 ans travailla sans relâche sur l’élaboration de sa créature, s’éloignant du monde des vivants, restant tout ce temps sans donner la moindre nouvelle à sa famille, fils ingrat et, au moment où sa créature ouvrit les yeux, tel un enfant qui a attendu son cadeau sous le sapin, il s’en détourne et l’abandonne lâchement à elle-même.

Une sinistre nuit de novembre, je pus enfin contempler le résultat de mes longs travaux. Avec une anxiété qui me mettait à l’agonie, je disposai à portée de ma main les instruments qui allaient me permettre de transmettre une étincelle de vie à la forme inerte qui gisait à mes pieds. Il était déjà une heure du matin. La pluie tambourinait lugubrement sur les carreaux, et la bougie achevait de se consumer. Tout à coup, à la lueur de la flamme vacillante, je vis la créature entrouvrir des yeux d’un jaune terne. Elle respira profondément, et ses membres furent agités d’un mouvement convulsif.

Mégalomanie et ensuite, abandon. Frankenstein, vous êtes l’instrument de votre propre chute.

Cela faisait presque deux ans que je travaillais dur, avec pour seul objet de communiquer la vie à un corps inanimé. Je m’étais à cet effet privé de repos et j’avais compromis ma santé. J’avais désiré cet objet avec une ardeur qui allait bien au-delà de ce qu’accepte la modération, mais maintenant que j’en avais terminé la beauté du rêve avait disparu et une horreur et un dégoût à couper le souffle m’emplissaient le cœur. Incapable de supporter la vue de l’être que j’avais créé, je quittai précipitamment la pièce.

À nouveau j’ai été transportée par le récit que la créature fera à son créateur de la vie qu’elle mena, livrée à elle-même. Elle souffre, cette créature, d’être fuie par les humains, quand bien même elle leur aurait rendu des services cachés.

« Ne pas connaitre l’amitié est la pire des infortunes ».

Un démon m’avait arraché tout espoir de bonheur à venir; nulle créature n’avait jamais été aussi malheureuse que moi; un évènement aussi effrayant est unique dans l’histoire humaine.

Sa souffrance et sa haine de l’humain suinte de toutes les pages du roman. J’ai eu mal avec elle. Oui, elle a tué… mais le professeur l’avait abandonné à son triste sort et cette pauvre créature n’avait pas envie d’avoir le côté pacifiste d’un Joseph Merrick.

« Maudit soit le jour où j’ai reçu la vie ! ai-je hurlé. Maudit soit mon créateur ! Même TOI, qui m’a fait, je te dégoûte ! Dieu à créé l’homme à son image, mais moi je suis la forme corrompue de la tienne, plus horrible même! Satan a des compagnons pour l’admirer et le suivre, moi je reste solitaire et haï. »

Sans cesse, je cherchais l’amour et l’amitié, et je ne rencontrais que le mépris. N’y avait-il pas là une injustice ? Dois-je donc passer pour le seul criminel, alors que l’humanité entière a péché contre moi ?

Relire tout le passage où la créature est cachée et observe une famille, apprenant à parler et découvrant une partie de l’Histoire du monde est tout simplement magnifique. Elle ne sait rien et sa virginité est éclairante car nous nous découvrons aux travers de ses pensées et il est vrai que l’humain est capable du pire comme du meilleur.

« Tout ce nouveau savoir m’inspirait des sentiments bizarres. L’humain pouvait-il être si puissant, si magnifique, et à la fois si mauvais, si vil ? Se montrer grand, noble, sensible, mais également plein d’abjection et de bassesse ? »

Mettez vos a priori sur le côté, laissez croire les bonnes sœurs et ne pensez pas tout savoir d’une œuvre avant de vous être penchée dessus parce que ce roman vous remettra à votre place.

La plume de Mary Shelley est envoûtante et le récit se lit d’une traite, bien que le début soit un peu plus lent et l’introduction sous forme épistolaire.

Un livre qui m’avait marqué au fer rouge et qui me remet sa marque au même endroit. Vite, du synthol !

Les malheureux peuvent se résigner, mais il n’y aucune paix pour les coupables ! Les abîmes du remords empoisonnent la douceur qu’il y a, parfois, à se bercer d’un trop-plein de douleurs.

Challenge « Thrillers et polars » de Sharon (2015-2016), le Challenge « La littérature fait son cinéma – 4ème année » chez Lukea Livre, le Challenge Halloween 2015 chez Lou & Hilde, « A year in England » chez Titine et LC impévue avec ma binômette Stelphique.

unnamedPourquoi je l’ai choisi (par Stelphique) :
Halloween et ses monstres! Je ne voulais pas avoir peur toute seule donc j’ai invité ma chère binôme dans cette lecture ! (© Cannibal Approuved cette initiative)

Synopsis :
Victor Frankenstein ! C’est l’inventeur, le savant maudit ! A quinze ans, il est témoin d’un violent orage foudre, traînée de feu, destruction d’un chêne… Son destin est tracé. Après des années de labeur, il apprend à maîtriser les éléments ; l’alchimie est pour lui une seconde nature.

Bientôt il détient le pouvoir de conférer la vie à la matière inerte. Nuit terrible qui voit la naissance de l’horrible créature faite d’un assemblage de cadavres ! L’œuvre de Frankenstein. Un monstre ! Repoussant, inachevé mais doté, d’une force surhumaine et conscient de sa solitude. Échappé des ténèbres, il va, dans sa détresse, semer autour de lui crimes et désolation.

D’esclave qu’il aurait dû être, il devient alors le maître, harcelant son créateur. Il lui faut une compagne semblable à lui… Pour Frankenstein, l’enfer est à venir…

Ce que j’ai ressenti :
« Esprits errants, si vraiment vous errez et si vous ne restez pas dans vos lits étroits, accordez moi un peu de bonheur ou conduisez moi comme votre compagnon, loin des joies de l’existence! »

Ma première satisfaction, c’est d’enfin avoir lu ce Classique ! Dès fois on s’en fait une montagne, on ne s’y aventure pas de peur que ce ne soit trop ardu comme lecture, mais finalement c’est n’est pas le style qui m’a rebuté malgré les 200 ans qui nous en sépare !

Connaitre enfin la véritable histoire de ce personnage et l’origine de ce mythe restera le gros « plus » de cette lecture. Maintenant je sais que Frankenstein n’est pas la créature mais le créateur, qu’elle était jaune (et non pas verte) et qu’elle n’est pas un monstre dénué de paroles, mais bien, un être pensant. C’est fou l’effet de la cinématographie de nos jours comme elle peut induire en erreur.

Pour ce qui est de l’œuvre en elle même, j’ai adoré l’incipit épistolaire! J’aurai même préféré suivre ce roman ainsi ! Ce Robert Walton a une passion dans son écriture qui nous anime des meilleurs sentiments! On se sent présent à ses cotés dans le Grand Froid et son enthousiasme est fortement contagieux ! Ce capitaine courageux et animé a eu plus mon intérêt qu’aucun autre personnage de ce livre.

« Qui peut arrêter un cœur déterminé et un homme résolu à tout ? » p18

« Je suis surement besogneux-entreprenant comme un artisan qui travaille avec persévérance et courage- mais en outre il y a en moi l’amour du merveilleux, la croyance au merveilleux, présente dans tous mes projets. » p16

Changement de style ensuite et autre personnage qui prend le relais… Déjà, j’accroche moins… La vie de Victor Frankenstein est intéressante jusqu’à ce qu’il crée sa fameuse créature… Là l’ennui commence à me saisir, car ce personnage sombre dans la mélancolie et se plaint, se plaint, se plaint…. J’aurai encore préféré suivre un savant fou imbu de lui même, que cet être lâche et abattu qui refuse de prendre ses responsabilités !

Le temps m’a paru long et ennuyeux à ses cotés, simplement parce qu’il me semblait trop apathique, et puis cette créature pensante (d’ailleurs là aussi Grand Mystère quant à sa capacité de vie et de conscience^^) qui détient les vraies valeurs de Bien décide de se tourner vers le Mal parce qu’il est rejeté? Mouais pas convaincue , moi!

Heureusement que sur la fin j’ai vu comme un petit regain d’intérêt pour ce duo maléfique et torturé.

Après, je peux comprendre que ce livre a ses adeptes, mais c’est surtout l’imaginaire vers quoi il tend qui est intéressant! Les pensées et réflexions qui en découlent, plus que le texte en lui même qui manque un peu d’action. Précurseur d’un genre littéraire, il me fallait enfin connaitre ce Classique pour mieux apprécier la SF d’aujourd’hui.

Ma note Plaisir de Lecture  fee clochette  6/10

23 réflexions au sujet de « Frankenstein ou Le Prométhée moderne : Mary Shelley [LC d’Halloween avec Stelphique] »

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  2. Je suis plutot d’accord avec ta binome, pour le coup, Cannibal : L’intêrét du livre vient du context d’écriture et de l’idée pour moi… Et le bon docteur me tape sur les nerfs ! Et c’est pour cela que j’ai tant aimé l’adaptation théâtrale, puisqu’elle donne la parole à la creature, et que son point de vue est plus qu’intéressant… d’accord avec Rabelais 😉
    depuis que j’ai vu la pièce, je n’arrive plus à revoir le film de K. Brannaght, qui me fait l’effet d’une farce guignolesque (et pourtant, j’aime K. Brannaght… même si j’ai du mal à orthographier son nom…)

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    • Je devrais revoir le film, j’avais aimé, à l’époque…

      Oui, pour le docteur, je suis vénère dessus parce qu’il a tout sacrifié pour jouer à Dieu et ensuite, il a plaqué la créature, comme un enfant gâté ! Honteux !

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  3. Lecture croisée prévue dans le cadre du Challenge Halloween, pour moi aussi, mais que j’ai dû repousser, prise par le boulot… Ca y est, c’est en ligne et j’ai fait un lien vers vos deux chroniques à la fin de l’article. J’espère que vous me lirez 🙂 Bonne Année et bonnes lectures à vous deux !

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    • On retourne vers le futur, là ?? Ou c’est Halloween 2016 ?

      Oui, je suis passée, j’ai ouvert grand mes yeux devant un article aussi étoffé. Bon, j’oublierai tout d’ici quelques temps, mais waw !

      Bonne année à toi aussi ! ;-))

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  5. Le bouquin a été adapté plusieurs fois au cinéma mais je crois que le meilleur film est celui de James Whale en 1931 qui montre que la créature est avant tout malheureuse et sensible. C’est le rejet des autres qui la rendront violente.

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    • La version avec De Niro méconnaissable dans le rôle de la créature, en 1994, était superbe aussi. Mais faudra que je chipe la version de 31 avec Boris Karloff et la suite, celle avec la fiancée.

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    • Mais je suis là, mais j’avais la tête ailleurs… là, je suis de retour, mais t’as de la chance, je lis américain ! Ensuite, je me ferais bien un chapelet d’anglais, tiens, juste pour te faire plaisir ;-))

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  8. Voilà une lecture que je repousse car tu connais mon appétence pour les horreurs, fussent-elles intelligentes et dans ce cas je crois que ce livre , écrit par une femme au 19ème (tu as bien fait de le souligner) est une merveille de reflexion sur l’humain tout court… Ton billet et celui de Stephilque sont géniaux ! 😀 Puisque vous m’avez fait une piqûre de rappel assez « piquante » pour que je le re-note dans mes tablettes ! 😆

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    • bien, on a piqué juste où il fallait ! Va falloir t’y mettre, ma grande et fissa parce que c’est un grand roman et ce n’était pas facile à cette époque.

      De plus, les horreurs du livre sot loin d’un film genre Shaw… ouf !

      Merci pour les compliments ma chère ! gros bisous

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      • Fissa fissa mais ma belle je fais ce que je peux !!! 😥 déjà que j’ai du mal à dégager du temps pour lire mes lectures en cours et malgré ma meilleure volonté … Je ne me souviens pas du film, j’ai dû le voir quand j’étais gamine (j’ai habité 3 ans au-dessus d’un cinéma au Maroc) je voyais de tout, même ce qui était interdit aux moins de 18 ans, via la salle de projo, juste en dessous de mon appart’ mais il y en a eu tellement que j’en oublié beaucoup… ce qui n’est pas plus mal finalement ! J’appréhenderai le livre, vierge de tout a priori ! 😀 (seulement des a priori hein !!!) 😆

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        • Attends, je suis en congé, là, durant tou novembre, et bien, je lis moins que d’habitude parce que je fais autre chose, je range, je bricole, je vais au kiné, chez le dentiste, boire un verre avec un pote, je profite du soleil… voilà, je surfe et je lis plus au travail que en congé MDR

          Cool, au-dessus d’un ciné !! Rhôoô, même les films X alors ?? ;-))

          Oui, juste vierge des aprioris… hihihih. Lu li livre avat de voir le film avec Keneth Branagh.

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