Carnaval : Ray Celestin

Titre : Carnaval                                                                                     big_4

Auteur :Ray Celestin
Édition : Le Cherche midi (2015)

Résumé :
Un premier roman exceptionnel, basé sur des faits réels survenus à la Nouvelle-Orléans en 1919.

Si la Nouvelle-Orléans est la plus française des capitales américaines, elle est aussi considérée par beaucoup comme la face obscure du pays, enfouie au cœur du sud profond.

Construite sur des marécages sous le niveau de la mer, la ville est depuis toujours la proie de tornades, d’ouragans, d’inondations, d’épidémies.

La nature du sol en fait une cité qui se fissure, où même les morts ne peuvent être enterrés normalement. Alligators, serpents, araignées hantent ses marais.

Ses habitants ont ainsi depuis longtemps l’habitude de la menace. Et pourtant…

Lorsqu’en 1919 la ville devient la proie d’un mystérieux serial killer qui laisse sur les lieux de ses crimes d’étranges lames de tarot, la panique gagne peu à peu.

On évoque le vaudou. Les victimes étant toutes d’origine sicilienne, les rivalités ethniques s’exacerbent.

Un policier, Michael Talbot, un journaliste, John Riley, et Ida, une jeune métisse, secrétaire de l’agence Pinkerton, vont tout faire pour résoudre l’affaire.

Mais eux aussi ont leurs secrets bien gardés. Alors qu’un ouragan s’approche de la ville, l’Ange de la mort, toujours aussi insaisissable, continue à sévir. Le chaos est proche.

Petit Plus : Tensions raciales, corruption, vaudou, jazz et mafia : Ray Celestin a trouvé les ingrédients idéaux dans une série de meurtres qui ont réellement enflammé la Nouvelle-Orléans après la Première Guerre mondiale.

Il nous offre un premier roman inoubliable, au suspense omniprésent, doublé d’un portrait de la ville d’un réalisme peu commun. Depuis L’Aliéniste de Caleb Carr, on avait jamais vu ça !

Critique : 
♫ Quand le jazz est ♪ Quand le jazz est là ♫ Le meurtrier s’en ♪ Le meurtrier s’en va ♫ Il y a de l’orage dans l’air ♪ Il y a de l’eau dans le ♪ Gaz entre les habitants de la Nouvelle-Orléans ♫ (1)

Bon, je vous le dis de suite, je ne suis pas une fondue de jazz et ce roman en est rempli, à tel point que les notes s’entrechoquent dans les pages.

Résultat ? Ma seule envie était de m’écouter du Armstrong ! Pas celui qui marcha sur la lune, pas celui qui gagna 7 Tours de France, non ! Louis Armstrong, qui en 1919 se nommait encore Lewis et faisait ses débuts, encore méconnu.

Ce que j’ai aimé dans ce roman noir ? Tout ! Cela va des dialogues avec un soupçon d’argot; à la ville de la Nouvelle-Orléans, personnage à part entière du récit, décrite telle qu’elle est, avec ses bons et ses horribles côtés, notamment ses quartiers pauvres, ses taudis, ses bordels, le tout dans une ambiance plombée par le racisme et le ségrégationnisme, très bien décrits, tout les deux, et où le Blanc n’en sort pas grandi.

En Louisiane, les noirs n’avaient guère le droit de faire entendre leur culture et les enterrements permettaient justement d’y donner libre court en public et de traiter les opprimés avec pompe. C’était pour ça qu’elle fronçait les sourcils, parce que la seule fois où un noir pouvait être traité avec grandeur, c’est quand il n’était plus là pour en profiter.

Cette ségrégation provoquait la méfiance et cette méfiance engendrait la ségrégation. Et maintenant, en plus de ça, il y avait le tueur qui jetait de l’huile sur le feu, qui abattait les cloisons entre tous ces gens pour provoquer des frictions dangereuses.

Si cette ville était une personne, ce serait une pute sur le déclin.

La police aime bien accuser les Noirs, quelle que soit la raison.

J’ai aimé la musique qui parsème les pages, le mystère autour du tueur à la hache (qui a existé vraiment) et dont les Blancs disaient qu’il était Noir; la corruption qui gangrène tout le système, y compris celui des flics; les complots; la mafia; le mélange de faits réels et de fiction, et surtout, j’ai adoré les personnages principaux !

— Tu sais, ça me fait marrer, cette histoire de Tueur à la hache. Pour un Noir, c’est marrant. Vous avez pas vraiment été sympas avec les gens de couleur… Toi et la police. Entre les tabassages et les fausses preuves, le racket et les coups tordus, franchement… Et maintenant qu’il y a un négro qui se balade en ville et qui tue des Blancs, tout le monde se demande qui est le prochain sur la liste. C’était forcé que ça arrive un jour.

Entre l’inspecteur Michael Talbot qui enquête avec son protégé; Ida, la jeune métisse assise le cul entre deux chaises (puisqu’elle n’est ni Blanche, ni Noire), secrétaire à la Pinkerton, amatrice de Sherlock Holmes (brave fille !) et qui s’est transformée en détective, aidée par son ami Lewis Armstrong; et le dernier, Luca D’Andrea, flic ripou tout frais sorti de taule, ancien mafioso et qui se lance lui aussi sur les traces du tueur à la hache.

— Bien sûr ! Il n’existe pas de suite d’événements pour lesquels l’esprit humain ne soit pas capable de fournir une explication.
Elle lui décocha un large sourire façon chat du Cheshire : Lewis l’avait toujours connue en train de lire les ouvrages de Conan Doyle et de les citer. C’était devenu une blague entre eux.
— C’est Sherlock qui dit ça, hein ? Faut que t’arrêtes avec tes bouquins. Ils t’empêchent de voir le monde comme il est.

Elle ne put dormir que deux ou trois heures, rêvant des événements de la nuit, mêlés de réminiscences de Sherlock Holmes et sa fouille nocturne des docks de Londres dans Le Signe des quatre – fouille qui n’avait d’ailleurs rien donné, elle s’en souvint avec un douloureux accès d’angoisse à son réveil.

Trois enquêteurs – dont un duo – 3 pistes, plusieurs récits, des personnages travaillés, avec leur part d’ombre, de secrets et de mystères… Et cette ville de la Nouvelle-Orléans qu’on découvre de manière moins nuancée et jolie que dans un guide du Routard.

Durant la période où Michael avait été sous les ordres de Luca, il avait calculé qu’il avait aidé à envoyer au pénitencier d’Angola quatorze personnes parfaitement innocentes avec des preuves inventées de toutes pièces.

Et puis, un final époustouflant dans sa résolution – que je ne vous dirai pas un mot de plus – somptueux pour le lecteur qui a suivi tout le monde alors que chacun allait sur son propre chemin.

J’espère qu’il y aura une suite des aventures de Michael Talbot et de Ida parce que ce serait trop con de ne plus assister à une enquête racontée par cet auteur, même si elle ne se déroulera plus dans la ville de la Nouvelle-Orléans. Aaah, cette ville !

— Tu sais que La Nouvelle-Orléans est la première ville d’Amérique à avoir eu la mafia ?
— Non, je ne savais pas, lieutenant.
— Un honneur douteux mais qui nous revient néanmoins. À New York ou Chicago, la mafia provient de différents endroits de Sicile : Palerme, Catane, Messine, Syracuse… C’est pour ça qu’ils passent leur temps à s’entre-tuer. Mais pas à La Nouvelle-Orléans. Il n’y a jamais vraiment eu de guerre entre les différentes familles ici, en tout cas pas du genre où l’on verse le sang ouvertement. C’est parce qu’ils viennent tous de la même ville en Sicile, Monreale. Ils se serrent les coudes. Ils se battent pas entre eux, il y a pas de vendetta. Ils sont organisés et efficaces.

Ma foi, la ville de Chicago fera très bien l’affaire aussi ! On aura sans doute plus droit à du jazz, mais ce n’est pas trop grave parce que moi ♫ Toute la musique, que j’aime ♪ elle vient de là elle vient du blues ♪ les mots ne sont jamais les mêmes ♪ pour exprimer ce qu’est le blues ♫ (2)

Vivement la suite (si suite il y a !).

(1)Le Jazz Et La Java – Claude Nougaro (trafiquée !)
(2) Toute La Musique Que J’aime – Johnny Hallyday

Challenge « Thrillers et polars » de Sharon (2015-2016), le Challenge « Polar Historique » de Sharon, le « Challenge US » chez Noctembule et « A year in England » chez Titine (auteur anglais !!).

81 réflexions au sujet de « Carnaval : Ray Celestin »

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  2. Ping : A year in England – Récapitulatif | Plaisirs à cultiver

  3. Ping : Bilan Livresque Mensuel : Décembre 2015 | The Cannibal Lecteur

  4. Suite il y aura, m’a promis ma libraire. Et même deux ou trois. Et ceux là je les attends avec impatience, s’ils sont de la même qualité que le premier cela promet de belles heures de lecture. Belle chronique.

    Aimé par 1 personne

    • Si tu le veux, je peux l’envoyer à ta femme et tu le liras sur un autre support que celui du papier… j’peux pas t’envoyer mon édition papier, mais la numérique, je peux le faire.

      Oui, je phosphore sur les chansons pour la suite… un véritable récital que je vais te donner ! ♫

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