Dans son ombre : Gerald Seymour

 

Dans son ombre - Seymour Gerald [NUM] 2

Titre : Dans son ombre

Auteur : Gerald Seymour
Édition : Sonatine (2015)

Résumé :
Londres, 2001 : Joey Cann se tient devant une maison qu’il a vue des centaines de fois sur des photos, dans des dossiers, dans des rapports, celle d’Albert William Packer, un richissime homme d’affaires soupçonné de diriger la mafia londonienne.

Joey est membre de l’Église, un service des douanes britanniques qui vient de subir un cuisant revers.

Après trois ans de surveillance, un budget de cinq millions de livres, un procès retentissant, Packer, qui a été emprisonné pendant des mois, vient en effet d’être libéré suite à l’étrange défection d’un témoin clé. Si l’enquête est officiellement close, Cann s’est malgré tout juré de ne jamais renoncer.

Désormais, il sera dans l’ombre de sa cible, en permanence. Un homme retrouvé mort à Sarajevo va bientôt forcer Packer à sortir de son antre pour gagner la Bosnie.

C’est sur ce terrain inattendu, dans un pays durement éprouvé par la guerre, que Cann, accompagné de Maggie Bolton, une experte en surveillance, va tenter de le piéger.

mafiaCritique :
« Captivant de la première à la dernière ligne, c’est le genre de livre qui vous fait perdre toute notion de l’heure. » (selon The New York Times).

« Pas si captivant que ça, je trouve, trop long au départ mais addictif sur les 200 dernières pages » (dixit Belette2911)

Mais je ne suis pas le New-York Times, moi, et ma critique ne fera sûrement pas vendre plus parce que je n’ai pas du tout perdu la notion de l’heure ou celle du temps, lors de ma lecture. Que du contraire ! Heureusement que ça passe mieux après les 150 premières pages.

Mister (Albert William Packer) est un mafioso, dans sa version anglaise. Notre homme est distingué, sûr de lui, self-made man, rempli de self-control, toujours prompt à riposter envers ceux qui ne jouent pas le jeu ou veulent le doubler, imbu de lui-même…

Un vrai Napoléon du crime qui n’a jamais connu de défaite et qui vole d’Austerlitz en Iéna (de victoire en victoire, quoi).

Le voilà qui vient de sortir parfaitement libre de son procès, laissant son adversaire – le service des douanes britanniques – tenter de digérer ce cuisant revers. Trois ans de travail réduit à néant sur défection d’un témoin.

Au départ, même si Mister fait « truand chic et impitoyable », j’ai trouvé qu’il avait le charisme d’une amibe desséchée.

Bon, après, j’ai révisé mon jugement, son côté amibe a disparu et j’ai vu une hyène en costume cravate, mais malgré tout, il lui manquait la flamboyance des vrais Grands Méchants. Même si c’est un vrai salopard, il lui manquait un truc pour en faire un Méchant inoubliable.

Joey Cann – l’autre personnage principal – faisait partie des douanes, il était archiviste, autrement dit, une chiure de mouche, mais lui, il ne veut pas laisser tomber l’affaire.

Alors, il va suivre Mister lors de son périple à Sarajevo, là où il veut étendre son domaine d’action. Dans sa mission, Joey sera aidé par Maggie Bolton, un agent féminin qui en connait un sacré bout sur la ville. Si Joey est un néophyte, elle, c’est une pro !

Un chef d’équipe avait dit d’elle un jour : « Elle pourrait coller une sonde dans le cul d’un crocodile et il ne s’apercevrait même pas qu’on est en train de lui chatouiller les sphincters ».

Passant tour à tour du côté de la loi (Cann et les autres) à celui des truands (Mister et son équipe); de Londres à Sarajevo; de 2001 (époque où l’action se déroule) à 1992, lors de la guerre en Yougoslavie, on ne pourra pas se plaindre que l’auteur ne nous ait pas fait varier les plaisirs, les protagonistes, les lieux ou les époques.

Ce sont ces passages sur la vie à Sarajevo, avant, pendant et après la guerre, qui m’a captivé et fait perdre la notion du temps. Certes, on se demande, au départ, ce que la guerre et la pose des mines dans les champs aura avoir avec le roman, mais les explications viendront en temps utile (fin du livre).

La question que tout le monde se pose est « Est-ce que Sarajevo sera le Waterloo de Mister ? Ou tout simplement une version de la « retraite – la queue entre les jambes – de Russie » comme pour le véritable Napoléon.

— Vous savez ce qui me tracasse ? Je veux dire, ce qui m’empêche vraiment de dormir ? C’est qu’un jour, vous vouliez aller trop loin – je veux dire – que vous fassiez un pas de trop. Voilà ce qui me tracasse…

Joey Cann peut-il le faire tomber ? Can(n) he do it ? Le loser peut-il venir à bout du winner ? Réponse dans le roman.

En tout cas, Joey est tenace, n’a pas peur de Mister et sera comme un moustique qui vous tourne autour mais que vous ne pouvez pas écraser au vu de tous, de peur qu’ils pensent que vous perdez votre sang-froid légendaire.

Là où le roman devient addictif, c’est dans le duel final… Ne vous attendez pas à un duel à la Clint Eastwood dans « The good, the bad and the ugly », mais notre Joey aura tout du salopard dans ce duel, bien que je ne puisse le blâmer.

— Tu vois, Nasir, je m’en fiche de descendre plus bas que terre avec lui, et de devoir me battre encore plus salement que lui. Il perd, je gagne. Ce que je veux, c’est le tenir dans ma main et l’écraser. Il a toujours gagné, et j’ai toujours perdu, mais pas ici. Tu comprends ça, Nasir ?

On sent le travail du journaliste dans la plume de l’auteur car tout y est bien détaillé et nous donne l’impression d’être plongé jusqu’au coup dans cette ville où règne toujours la misère et la corruption. Gros tacle aussi sur notre Société à nous, sur ceux qui sont allé pour « aider » et tir à boulets rouges sur ce que le côté salaud du genre humain.

— Est-ce que nous aurions pu faire ça ? bredouilla Joey. Est-ce que nous aurions fait ces choses dans les camps, vous et moi ?
— Bien sûr que nous l’aurions fait, répliqua-t-elle d’une voix lasse. C’est une question d’environnement, d’instinct de survie, de propagande. C’est ce vieux truc de vouloir avilir son ennemi. Gratte sous la peau de n’importe qui et tu trouveras un abcès de bestialité. Quand la haine tourne à l’obsession, quand on veut écraser l’autre, prouver sa suprématie, n’importe lequel d’entre nous peut se retrouver à agir de cette façon.

— Ils ont impliqué le maximum de gens dans le nettoyage et les massacres, de manière que la faute soit collective. Créer une culpabilité collective, ça a été un des grands talents de leurs leaders. Le second point très habile, ça a été de détruire l’héritage de ceux qu’ils avaient forcés à partir. Mais n’oublie jamais une chose : il n’y a pas eu de saint parmi les seigneurs de guerre, d’un côté comme de l’autre, aucun, seulement des pécheurs.

Même celui qui voudrait rester loin de la corruption, rester propre, clean, tombera dedans un jour. Pas le choix. Enfin, si : marche avec nous ou crève ! C’est vicieux, mais c’est ainsi.

— Je ne pensais pas que j’avais un prix, dit le juge. Je vous le dis, priez votre Dieu pour ne jamais avoir à boire dans la coupe du diable.

Un roman qui est loin d’un John Le Carré comme indiqué, il ne me marquera pas mon esprit – hormis pour ses passages sur la pourriture de guerre qui eut lieu entre 1992 et 1996 – bien que j’ai tout de même passé un bon moment avec lui sur la fin, ce qui m’a consolé du départ laborieux.

Malgré tout, vu ce qui était noté en 4ème de couverture, j’avais espéré bien mieux que ce que je viens de lire… Dont un Grand Méchant plus « charismatique », pas pour l’aimer, mais pour frissonner à mort du début à la fin.

Étoile 2,5

Challenge « Thrillers et polars » de Sharon (2015-2016), « A year in England » chez Titine, Le Mois du Polar chez Sharon (Février 2016) et Le « RAT a Week, Winter Édition » chez Chroniques Littéraires (581 pages – xxx pages lues sur le Challenge).

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