Dedans ce sont des loups : Stéphane Jolibert

Dedans ce sont des loups - Stéphane Jolibert

Titre : Dedans ce sont des loups

Auteur : Stéphane Jolibert
Édition : Le Masque (2016)

Résumé :
Aux confins du Grand Nord, dans un paysage de glace et de neige, une bourgade survit autour de l’activité du Terminus : hôtel, bar et bordel. Nul ne sait à qui appartiennent les lieux mais ici se réfugie la lie de l’humanité et ici s’épanouissent les plus bas instincts.

Dans ce milieu hostile, Nats fait son boulot avec application, jusqu’au jour où débarque un homme au visage familier, et avec lui, une flopée de mauvais souvenirs.

Dès lors, tandis que la neige efface le moindre relief du paysage.

Tandis que la beauté de Sarah chamboule son quotidien. Tandis que le vieux Tom lui raconte le temps où les loups tenaient les chiens à distance. L’esprit de vengeance tenaille Nats, impérieux, dévorant.

s6bj94yoCritique : 
La neige éclatante à perte de vue et pourtant, ce roman est sombre comme les hommes qui l’habitent…

Mais malgré toute cette noirceur, il y a tout de même quelques lueurs d’espoir au fond de ce trou à rat qu’est le Terminus.

Nous sommes à la Frontière, celle du Grand Nord, dans une zone à l’écart de tout, une zone sans droit, sans autres règles que celle du Grand Patron, l’homme qui gère tout, caché dans l’ombre.

Ensuite, il faudra respecter les règles du contremaître, du garde-putes, de l’Irlandais, tenancier du bar Terminus et du Vieux Tom, le bootlegger qui rempli leurs cuves d’alcool distillé par lui-même.

Dedans, ce sont des loups et les chiens ne sont pas tolérés dans cette zone où fraye toute la lie de la société.

Ici, c’est une meute de loups et si l’Homme est un loup pour l’Homme, il en est un aussi pour le véritable « canis lupus » qui courrait, libre, dans ces bois, avant de se faire exterminer par l’Homme.

Le Terminus, c’est un peu comme à la Légion Étrangère : on ne te demande pas qui tu es en vérité et ce que tu fuis. Pour la plupart, c’est la police.

Les personnages qui hantent ces pages ont tout été amochés par la vie et trainent un passé plus lourd qu’un boulet qu’ils tentent de noyer dans l’alcool ou entre les jambes des 12 prostituées qui opèrent au Terminus.

— On se marrait bien, tous les deux, avec mon paternel, avant qu’il se mette dans l’idée de battre le record du monde d’absorption de boisson qui dérouille le foie. Fallait voir ce qu’il s’envoyait, même un pipeline pompait moins de litres à l’heure.

Le récit est cohérent, empreint d’une grande profondeur, humain, malgré la violence qui règne dans cette zone oubliée de tous.

La misère, ça pousse n’importe quel gentil à devenir teigneux.

De plus, j’ai aimé le mélange entre les récits au passé et ceux au présent. Le passé nous éclairant un peu sur la personnalité des protagonistes qui évoluent dans les pages du roman.

L’histoire est comme un moteur qui ronronne et t’entraine toujours plus loin, toujours plus bas, ou toujours plus haut, c’est comme le lecteur le ressentira. Soit il raclera le fonds avec la lie tel Sean, soit il s’élèvera avec Nats et Sarah.

Quant à la plume, elle est sans concessions, créant des personnages ni tout bon, ni tout mauvais, chacun ayant l’une ou l’autre chose à cacher et cela nous sera divulgué au fil des pages que l’on tournera avec frénésie.

C’est tellement bien décrit que tu vois les lieux lors de ta lecture, tu sens la neige froide et humide qui s’immisce dans tes os et les balles te transperceront le corps.

Le vieux contrôlait les sorties, les dépenses, la manière de se vêtir de chacun, il contrôlait tout à l’exception de ce qui lui échappait. L’amour. La tendresse.

On pourrait dire que le roman regroupe des tranches de vie miséreuse de personnes qui en ont bavé dans leur vie, qui en ont reçu plein la gueule pour pas un balle, des gueules cassées, des blessés de la vie. Mais ce serait oublier la profondeur du récit car ce roman, c’est bien plus que ça.

C’est un récit qui vit et qui continue de tourner dans ta tête, même une fois le roman refermé.

Un récit âpre, froid, maîtrisé, cohérent, brut de décoffrage, violent – mais pas de la gratuite – sombre, mais avec une lumière qui brille dans le fond.

Bref, encore un putain de roman noir qui te pète à la gueule, qui te traine dans un bar mal famé et où tu hurles à la lune « Encore » tant le style est d’enfer.

Étoile 5

Challenge « Thrillers et polars » de Sharon (2015-2016) et Le « Challenge US » chez Noctembule.

BILAN - Coup de coeur

56 réflexions au sujet de « Dedans ce sont des loups : Stéphane Jolibert »

  1. Ping : Challenge Thriller et polar – session 2015-2016, bilan final | deslivresetsharon

  2. Ping : Bilan Livresque Mensuel : Mars 2016 | The Cannibal Lecteur

  3. Et moi je m’étais dit que le premier ou la première qui citerait celle-là :
    « Fallait voir ce qu’il s’envoyait, même un pipeline pompait moins de litres à l’heure. »
    avec celle-ci :
    « La misère, ça pousse n’importe quel gentil à devenir teigneux. »
    C’est-à-dire à repérer d’entre tous les personnages celui pour lequel j’éprouve une affection particulière : Joé.
    Je le remercierai.
    Merci, donc.

    Aimé par 1 personne

    • Oh purée… l’auteur sur mon modeste blog ? L’auteur qui lit ma bafouille alors que je ne me tiens même pas droite sur ma chaise de bureau ?? *stress*

      Moi aussi j’ai aimé Joé et je ne dirai rien de plus parce que sinon, je vais vous éparpiller façon puzzle pour ce qu’il est arrivé à ce Joé qui ne voulait que rendre service. Snif…

      J’ai aimé aussi Nats, le vieux Tom, Twigs (mention spéciale pour lui), les deux loups.

      Merci de m’avoir offert ce pied monumental avec cette lecture aussi sombre que la neige est éclatante.

      J’aime

      • Ça m’intrigue cette fougue passionnée qu’ont les blogueurs, me disais-je en lisant une chronique.
        Comme vous intrigue, j’imagine, le fait qu’un individu passe plusieurs heures pas jour à écrire une histoire pour obtenir une chronique.
        Aussi, j’eus une bonne idée — il m’arrive d’en avoir une ou deux de bonnes entre le dernier café et la première bière — d’une interview croisée.
        Qu’en dites vous ?
        J’ai cherché, mais pas de contact sur vos pages, aussi je passe par là, discrètement.

        Aimé par 1 personne

        • Mais nous sommes des passionnés fougueux, lorsque nous lisons ! Surtout quand on nous vend de la bonne came…

          Vous écrivez des histoires pour avoir des chroniques, nous on lit des histoires pour faire des chroniques ! La boucle est bouclée.

          Une interview croisée ? Du genre ?

          Sinon, mon mail est : *************@gmail.com

          J’aime

    • Oui, en effet… un personnage haut en couleurs et le voir tourner ensuite en rond à la recherche d’un corps m’a fait rire… surtout le final, quand on le trouve ! Putain, je me marre !

      J’aime

C'est à votre tour d'écrire !

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur la façon dont les données de vos commentaires sont traitées.