Le Verger de Marbre : Alex Taylor

Verger de marbre - Alex Taylor

Titre : Le Verger de Marbre

Auteur : Alex Taylor
Édition : Gallmeister (2016)

Résumé :
Beam Sheetmire, dix-sept ans, vient de tuer l’homme qui l’avait agressé. Il n’y a plus qu’à se débarrasser du corps sur les berges de cette rivière du Kentucky.

Vu les circonstances, Beam devrait s’en tirer sans histoires. Mais il découvre que la victime est le fils du caïd local, Loat Duncan, à la fois puissant trafiquant et redoutable meurtrier.

La décision de son père est sans appel : Beam doit fuir, et sur-le-champ.

S’engage alors un diabolique jeu du chat et de la souris où chaque mouvement n’est qu’un pas de plus vers l’enfer.

The Marble OrchardCritique :
Peut-on rester de marbre devant ce verger de marbre ? Non. Pourtant, il n’y a pas plus calme qu’un verger de marbre, ses habitants ayant l’habitude de rester silencieux.

Malgré tout, ce verger ne m’a pas laissé de marbre et son écriture avait l’âpreté et la dureté d’une épitaphe dans un vieux cimetière perdu dans le trou du cul du Kentucky.

Le roman noir rural a le vent en poupe ces derniers temps et il faudra s’attendre un de ces quatre à mettre le pied et les mains dans une bouse, mai rassurez-vous, ce n’est pas encore le cas ici !

Une tragédie grecque à la sauce américaine, voilà ce que je viens de déguster en me reléchant les doigts. Une tragédie à la Caïn et Abel, mais je ne sais si c’est Caïn qui tue Abel ou Abel qui assassine Caïn dans ce cas-ci.

Beam est un ado de 17 ans, qui, comme tous les ados de 17 ans ne pensent pas à grand-chose dans la vie, si ce n’est tirer un coup de temps en temps…

Sa tragédie commencera lorsqu’en pilotant le ferry de ses parents qui fait la traversé sur la Gasping River, il tuera accidentellement un espèce de vagabond qui voulait lui piquer la caisse.

Bah, en temps normal, zigouiller un vagabond évadé n’aurait pas eu de conséquences trop lourdes, mais nous sommes dans une tragédie, donc, ce macchabée n’est autre que le fils du caïd local, Loat Duncan, un trafiquant de drogue, usurier, tricheur, un habitués des bars louches et psychopathe aussi.

D’accord, il n’en avait rien à foutre de son fils, en temps normal, mais là, ne rien dire et ne rien faire mettrait en péril son autorité et puis, il avait quand même un peu besoin de son fils vivant… Du moins, une partie de son fils… Un vrai salaud, je vous dis !

Si le départ de ce roman noir est conventionnel au possible, qu’il pue le déjà-lu, je vous conseille de ne pas vous laisser abuser par cet air connu parce que la suite de la partition n’a rien à voir avec la musique du début !

Si au départ on aurait envie de laisser Beam avec ses soucis tant il a le charisme d’une moule avariée ou de lui coller une baffe tant il sait être têtu au possible et se foutre encore plus dans les emmerdes, au fur et à mesure de sa cavale – qui a tout d’une cavale sans issue – on sentira naître en nous de la sympathie pour ce gamin qui a eu la malchance de naître dans une Amérique rurale minée par le chômage et soumise aux caïds locaux.

Quant à Loat Duncan, le caïd local, il est réussi car c’est un salopard de première classe, tout à l’opposé de Beam qui lui est aussi intelligent qu’un bernacle mort et à un potentiel de séduction d’un poulpe rejeté sur la plage. C’est vous dire que face à Loat, Beam ne fait absolument pas le poids !

Les personnages secondaires ne sont pas en reste non plus et auront leur mot à dire dans toute cette histoire et quand bien même ils auraient un petit rôle, ce sont tous des rôles importants et ils laisseront une trace de leur passage dans les pages et dans votre vie de lecteur.

Quand à l’écriture de l’auteur, elle sait se faire poétiquement noire de temps en temps, mais pour le reste, ça clashe, c’est sec, dur, sans édulcorant pour faire passer le breuvage tiré des fruits du verger dont les personnages boiront le calice jusqu’à la lie.

Le vautour le toisait depuis son perchoir sur un des ormes malades, les ailes déployées en une croix noire, le bout des plumes lustrées formant des dièdres noirs, dans la posture de celui qui impose le silence au monde, son visage rouge noduleux s’agitant frénétiquement.

Et puis, il y a cette relecture de l’histoire tragique de Caïn et Abel… ainsi qu’Abraham prêt à sacrifier son fils, même si ici, papa Clem ne veut pas le sacrifier au couteau mais lui demande de fuir.

Un excellent roman noir rural, même si je n’ai pas retrouvé les émotions de « Rural Noir » car ici, impossible de m’identifier avec l’un ou l’autre personnage.

C’est puissant et ça ne se boit pas au petit-déjeuner car ce genre de petit noir, il arrache !

Normal, on plonge sans masque et sans tuba dans la noirceur humaine…

L’œil a-t-il disparu ? » dit en tremblant Tsilla.
Et Caïn répondit :  » Non, il est toujours là. »
Alors il dit: « je veux habiter sous la terre
Comme dans son sépulcre un homme solitaire ;
Rien ne me verra plus, je ne verrai plus rien. »
On fit donc une fosse, et Caïn dit « C’est bien ! »
Puis il descendit seul sous cette voûte sombre.
Quand il se fut assis sur sa chaise dans l’ombre
Et qu’on eut sur son front fermé le souterrain,
L’œil était dans la tombe et regardait Caïn.
(Victor Hugo – La conscience)

Étoile 4

Challenge « Thrillers et polars » de Sharon (2016-2017), le  RAT A Week Estival, Summer Edition chez Chroniques Littéraires, Une année avec Gallmeister : les 10 ans chez LeaTouchBook et « Le Mois Américain 2016 » chez Titine.

CHALLENGE AMÉRICAIN 2016 - The magnificent seven

CHALLENGE - Gallmeister 10 ans

47 réflexions au sujet de « Le Verger de Marbre : Alex Taylor »

  1. Ping : Bilan du challenge Polar et Thriller – février 2017 | deslivresetsharon

  2. Ping : Bilan du Mois Américain : Septembre 2016 | The Cannibal Lecteur

  3. C’est pas bien de piquer la Ferrari de papa pour de la péter! C’est pas bien de tuer des gens! C’est pas bien de ne pas appeler la police pour se dénoncer! C’est pas bien de vouloir cacher un corps ! Bref… Il l’a cherché et tant pis pour lui épicétou! Tout ce qui suit est sa faute sa très grande faute! Mea culpa! Mea maxima culpa! Miserere Nobis! Miserere Nobis!

    Alors! On ne le plaint pas! Et on espère qu’il finisse en prison, sur la chaise électrique, et en enfer… Et la seule alternative c’est la balle de la mafia entre les deux yeux, au fond du lac avec un parpaing attaché au pied… Et en enfer quand même !

    Aaaahhhh! C’est mon Toquéfada chéri qui va être fier de moi en lisant ça!

    Aimé par 1 personne

    • « Non nobis, Domine, non nobis, sed nomini tuo da gloriam »

      Fallait pas que l’autre il tente de lui piquer sa caisse ! Tu essayes de piquer un os à un tigre, et bien ensuite, vient pas chialer qu’il te manque des doigts, na ! On t’attaque, tu ripostes et tu fais en sorte que l’ennemi ne puisse pas se venger, donc, tu dézingue toute la famille du gars, sauf le chien et le chat. Oui, j’ai un coeur…

      En plus, c’était pas avec la Ferrari (pas Lolo) mais avec le ferry (pas Luc).

      Le caïd avec un parpaing aux pieds, et le triple de son poids parce que les corps, ça remonte vite, faut lester beaucoup… Mon papa a une bétonneuse et une forme carrée pour mettre les pieds du gêneur dedans…

      Et comme me chantait Vilaine Ferlière « Agnus Dei, qui tollis peccáta mundi, miserere nobis ♫ Agnus Dei, qui tollis peccáta mundi, miserere nobis ♪ (Agnus Dei, qui tollis peccáta mundi, dona nobis pacem)

      De mutilation
      En soustraction
      Agnus Dei
      Te voir en chair
      J´en perds la tête

      J’aime

      • Tu rigole! Je connais par cœur l’Agnus Dei! Dans ma jeunesse de diva cosmoplanétaire j’avais chanté comme soliste le Laudamus te, l’Agnus Dei et le Qui Sedes du Gloria de Vivaldi! La vilaine fermière elle a fait que pomper… Enfin… Son auteur parce qu’en vrai elle a pas inventé la poudre ! Ben ouais kesketukroi! Si elle est discrète et silencieuse… C’est pas parce qu’elle est mystérieuse ! Elle a juste rien à dire!😜😜

        Aimé par 1 personne

  4. Ping : Le mois américain 2016 – Billet récapitulatif | Plaisirs à cultiver

    • Exceptionnel, non, en effet, mais de très bonne facture, je trouve. Pour un premier roman, il a foutu la barre assez haute.

      Je ne pouvais pas passer à côté, quand on aime le noir, on salive devant la collection néo noir de Gallmeister.

      J’aime

    • Chacun son rural noir, chacun son trou du cul du monde… J’apprécie le genre, je m’y sens bien, même si je m’étais sentie plus « concernée » avec « Grossir le ciel » et « rural noir » des deux auteurs français. Ici, j’en suis loin, trèèèès loin, je n’ai rien à voir avec les personnages. Heureusement ! mdr

      Attention qu’à force, tant ira la cruche à l’eau qu’à la fin, on aura de la daube ! Ou marre de lire ce genre…

      J’aime

C'est à votre tour d'écrire !

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur la façon dont les données de vos commentaires sont traitées.