Homesman : Glendon Swarthout

Mise en page 1

Titre : Homesman

Auteur : Glendon Swarthout
Édition : Gallmeister (2014)

Résumé :
Au cœur des grandes plaines de l’Ouest, au milieu du XIXe siècle, Mary Bee Cuddy est une ancienne institutrice solitaire qui a appris à cultiver sa terre et à toujours laisser sa porte ouverte.

Cette année-là, quatre femmes, brisées par l’hiver impitoyable et les conditions de vie extrêmes sur la Frontière, ont perdu la raison.

Aux yeux de la communauté des colons, il n’y a qu’une seule solution : il faut rapatrier les démentes vers l’Est, vers leurs familles et leurs terres d’origine.

Mary Bee accepte d’effectuer ce voyage de plusieurs semaines à travers le continent américain.

Pour la seconder, Briggs, un bon à rien, voleur de concession voué à la pendaison, devra endosser le rôle de protecteur et l’accompagner dans son périple.

9781471136047_hrCritique :
On devrait inventer une collection que l’on nommerait « Les trous du cul des États-Unis » afin de lister, non pas des personnages réels ou fictifs, mais des romans dont l’action se déroule dans des bleds paumés de chez paumés.

La petite ville de Loup est sur les Territoires, non loin de ce que l’on nomme encore la Frontière. C’est une ville paumée, mais les fermiers qui exploitent les terres aux alentours le sont encore plus (paumés ! Suivez nom de dieu).

Les quelques kilomètres qui les séparent de cette petite ville deviennent des distances terre-lune lorsque l’hiver est venu et qu’il plonge les familles dans la solitude, les laissant livrées à elles-mêmes face aux loups ou devant faire face aux affres de la famine si les récoltes furent mauvaises et que l’hiver est rude.

Les femmes abattent souvent le boulot d’un homme, elles travaillent sans cesse sur les champs, s’occupant du mari et de leurs gosses, devant aussi survivre aux multiples grosses, à l’hiver, à la mort de leur enfants, sans compter celles qui se sont mariées à même pas 16 ans…

Pas étonnant que certaines soient devenues folles dans un pareil contexte. Et cet hiver rude en a encore vu quatre sombrer dans la folie. Que faire de ces femmes ? Le révérend Dowd va faire ce qu’il a déjà fait : désigner quelqu’un pour rapatrier les démentes vers l’Est, vers leurs familles et leurs terres d’origine.

Son seul juron était « Mince ». Il était respecté pour la longueur des trajets qu’il effectuait, il était estimé pour la brièveté de ses prières et de ses sermons.

Elle savait ce que ce chariot représentait aux yeux des quatre familles qu’elle visitait à tour de rôle. Son arrivée devait être attendue avec crainte et soulagement. Son départ serait irrévocable comme la mort.

En très peu de pages, l’auteur nous plonge dans une ambiance où il ne fait pas bon vivre et on assiste, impuissant, aux vies de misère de ces gens qui, un jour, on tout quitté pour aller exploiter ces terres encore vierges, ces terres dont on leur promettait monts et merveilles.

Le réveil est brutal, nous sommes dans un western mais celui vous met le nez dans la désillusion de la Conquête de l’Ouest. Les pionniers qui ont traversé le pays sauvage, abandonnant leurs meubles, perdant des enfants, du bétail, s’imaginaient que la vie serait plus belle, plus mieux car on leur avait vendu des chariots pleins de promesses.

Les hivers tout comme les terres se révèlent hostiles et durs. Les territoires sont toujours aussi sauvages et survivre est une lutte de tous les instants. Il n’y a que dans Lucky Luke que tout se termine bien…

Les filles à marier étaient plus rares que les huîtres dans le Territoire, où les hommes étaient huit fois plus nombreux que les femmes.

Fou comme on s’attache aux personnages principaux, ceux qui vont rapatrier ces quatre pauvres femmes : Mary Bee Cuddy, une femme forte qui exploite seule sa ferme et un dénommé Geroge Briggs, un homme austère, taciturne, un escroc qu’elle a sauvé de la mort mais en qui elle n’a pas trop confiance.

The-Homesman-Movie

288 pages de bonheur brut, dur, sauvage, une lecture qui fait mal, un roman dans lequel on souffre avec ces femmes qui doivent accoucher à la dure, se défendre face à des loups qui s’introduisent dans la maison, faire trois enfants en trois ans et les voir partir en trois jours, ou se faire monter dessus par monsieur et être rendue responsable de la non venue d’enfants.

Le voyage avec le fourgon et les deux mules de Mary Bee et Geroge ne sera pas de tout repos, pourtant, quelles émotions il se dégage de cette femme courageuse qui veut traiter ces femmes en tant qu’humains !

Elle comprit brutalement qu’elle était dans la même situation, tirée par un chariot et des femmes devenues folles, et par un des époux qui refusait de faire son devoir, et par son propre cœur irraisonné qui s’était précipité sur un chemin que même les anges craignaient d’arpenter. Une nouvelle expérience, oui, mais pas vraiment mortifiante. Terrifiante était le mot.

Oui, nous sommes loin des westerns traditionnels avec les bars enfumés, les colts qui résonnent, les beaux cow-boys ténébreux ou les Blondin… Ici, nous sommes dans le vrai Ouest, celui qui est encore à dompter, à dresser, à casser, à maitriser.

La plume de l’auteur nous décrit bien ces contrées sauvages et hostiles, cette lande déserte qui façonne les caractères des gens. Il sait aussi bien nous conter ce qu’il se passe dans les têtes des gens, il sonde leurs âmes, nous donnant l’impression d’être assis avec eux sur le fourgon, convoyant nous aussi ces pauvres hères qui ont tant souffert.

C’était une lamentation telle que ces terres silencieuses n’en avaient encore jamais entendu. C’était une complainte d’un tel désespoir qu’elle déchirait le cœur et enfonçait ses crocs au plus profond de l’âme. Mary Bee porta les mains à ses oreilles. Des larmes lui dévalaient le long de ses joues, les larmes qu’elle avait retenues et accumulées la veille et au cours de la journée. C’était comme si les créatures tragiques à l’intérieur du chariot comprenaient enfin ce qui leur arrivait : qu’on les arrachait à tous ceux qu’elles aimaient, à leurs hommes, à leurs enfants, vivants ou morts ; à tout ce qu’elles aimaient, à leurs graines de fleurs, à leurs bonnets et à leurs alliances – pour ne plus jamais revenir. Le chariot grondait. Mary Bee sanglotait. Briggs poussait les mules. Les femmes continuaient à gémir. A gémir.

Une lecture superbe, le deuxième roman que je lis de cet auteur (Le Tireur) et une fois de plus, il fait monter des émotions en moi, le bougre de salopard. Ses personnages ne sont pas figés, ils évoluent, peuvent se racheter ou s’enfoncer, au choix.

Une fois terminé, on pose le livre avec douceur sur la table, un sourire triste sur les lèvres « Mince, il est fini » et on se surprend à rêver d’être encore dans le fourgon avec ces deux personnages marquants, aussi opposés l’un et l’autre que la nuit et le jour.

Étoile 4,5

Challenge « Thrillers et polars » de Sharon (2016-2017), le Challenge « Polar Historique » de Sharon, le Challenge « La littérature fait son cinéma – 4ème année » chez Lukea Livre, le Challenge « Victorien » chez Camille, le Challenge « XIXème siècle » chez Netherfield Park, le « Il était une fois dans l’Ouest » chez The Cannibal Lecteur, Une année avec Gallmeister : les 10 ans chez LeaTouchBook le RAT A Week Estival, Summer Edition chez Chroniques Littéraires et « Le Mois Américain 2016 » chez Titine.

CHALLENGE - Gallmeister 10 ans

CHALLENGE AMÉRICAIN 2016 - Cow-Boys

51 réflexions au sujet de « Homesman : Glendon Swarthout »

  1. Ping : Homesman, Glendon Swarthout – Pamolico – critiques romans, cinéma, séries

  2. Ping : Bilan du challenge Polar et Thriller – février 2017 | deslivresetsharon

  3. Un putain d’auteur. Pratiquement inconnu en France, G. Swarthout est considéré aux Etats-Unis comme l’un des meilleurs spécialistes de l’histoire du Far West. Edité dans les années 70/ 80 parla série Noire puis les presse de la cité, il a disparu pendant 20 ans des tablettes avant que Gallmeister le publie il y a 4 ans . Le tireur ( Une gachette, en série noire) son roman référence, un western incontournable, a été porté à l’écran par Don Siegel en 1976, avec John Wayne dans son dernier grand rôle.Pour et selon Claude Mesplède, c’est« un des plus extraordinaires récits sur la mort de toute la littérature ». Alors si Claude le dis !

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  4. Ping : Bilan Livresque Mensuel : Septembre 2016 | The Cannibal Lecteur

  5. Ping : Bilan du Mois Américain : Septembre 2016 | The Cannibal Lecteur

  6. Le film était magnifique, et apparemment rend justice au bouquin, dont tu nous fais une chronique enthousiaste et bien tournée. Ça me donne envie de le lire, rien que pour mettre des mots sur les images que j’ai gardées en tête.
    La bise, ma belette… 🙂

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  7. Ping : Le mois américain 2016 – Billet récapitulatif | Plaisirs à cultiver

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