Maus – Intégrale : Art Spiegelman

Maus - Intégrale

Titre : Maus – Intégrale

Scénariste : Art Spiegelman
Dessinateur : Art Spiegelman

Édition :Flammarion (1998)

Résumé :
Art Spiegelman retrace le destin de ses parents, juifs polonais déportés par les nazis, entre 1939 et 1945.

Maus, auquel l’auteur a consacré treize ans de sa vie, est aussi le récit de retrouvailles entre un père et un fils après des années d’incompréhension.

Bande dessinée exceptionnelle par son sujet, Maus l’est aussi par son audience.

Petit Plus : Récompensée par le prestigieux Prix Pulitzer en 1992, l’œuvre de Spiegelman a séduit le public au-delà des amateurs de BD en apportant la preuve de la capacité du genre à s’emparer des thèmes les plus ardus.

Ce volume comprend « Mon père saigne l’histoire » et « C’est là que mes ennuis ont commencé ».

Maus04Critique :
Voilà un album que je voulais découvrir depuis longtemps mais je n’osais pas, ayant trop lu sur les horreurs de la Seconde Guerre Mondiale…

Peur aussi de ne retrouver qu’une resucée de ce que je connaissais déjà (tout en sachant que l’on ne saura jamais tout).

Peur de replonger dans les cauchemars qui naquirent lors d’anciennes lectures qui furent traumatisantes, peur de me redemander « Qu’est-ce que moi j’aurais fait ? » et peur en imaginant que tout pourrait recommencer un jour…

Mes craintes étaient justifiées ET injustifiées…

Injustifiées car l’auteur réussi un tour de force en nous parlant avec justesse d’un épisode terrible de notre époque tout en lui donnant une autre vision, si je puis m’exprimer de la sorte.

Par autre vision, j’entends bien entendu le fait qu’il ait dessiné les nazis sous les traits de chats et les juifs sous les traits de souris, ce qui donne au récit une autre dimension, sans en enlever l’horreur, mais avec une autre approche puisqu’il raconte l’histoire d’un fils (l’auteur), arrachant le récit de la bouche de son père, rescapé d’un camp.

Un récit dans le récit qui permet de reprendre un peu d’oxygène dans cette enquête qui est terriblement émouvante mais qui jamais ne sombre dans le pathos.

Vladek, le père d’Artie est un personnage à part, un homme qui a gardé ses manies de tout récupérer qu’il avait acquises au camp, ainsi que celle de faire des économies de tout. Il est exaspérant, son fils en à marre et ne sait plus comment faire avec lui.

Le récit du père comprendra sa rencontre avec la future mère d’Artie, la montée du nazisme, les privations, la spoliation, les séparations, les soi-disant « mise au vert » des plus âgés…

Quand aux craintes, elles furent justifiées dans le sens où on a beau connaître l’Histoire, on la redécouvre toujours sous un autre jour, avec tout son cortège d’horreurs, dont celui de devenir bien souvent égoïste, de ne penser qu’à sauver sa peau et de laisser tomber ses anciens amis, ses voisins, ses membres de sa famille…

Malgré tout, certains font preuve de courage et d’abnégation pour aider les autres ou bien peuvent évoluer dans le bon ou le mauvais sens durant les années de privation (d’où mon éternelle question sur ce que moi j’aurais fait moi, sur mon comportement en de pareilles circonstances)…

Tout cela est bien décrit dans cet album et le fait d’utiliser l’anthropomorphisme donne une certaine atmosphère au récit et le rend encore plus fort, je trouve.

L’auteur nous raconte l’histoire de son père, sans fustiger les uns, sans excuser les autres. Son père explique, il excuse même certains, leur pardonnant leurs abandon. C’est grand…

Et au travers de l’histoire que Vladek raconte à son fils, c’est aussi une histoire vraie qui se déroule sous nos yeux, celle des horreurs qui ont eu lieu, cette déshumanisation d’un peuple et de million d’êtres humains qui ne s’en sont pas sorti.

Une histoire forte, émouvante, un autre regard, et une mise en image de l’indicible. Un album que je relirai dans quelques temps afin de bien n’imprégner du récit et de vérifier que je n’ai rien raté.

« Zahkor » ! (souviens-toi, en hébreu) parce que ce genre d’horreur s’est encore déroulée après (Staline, Mao, dans un autre registre) et continuera encore et encore.

Étoile 5

Le « Challenge US » chez Noctembule, Lire « À Tous Prix » chez Asphodèle (Prix Pulitzer – 1992) et RAT A Week Estival, Summer Edition chez Chroniques Littéraires.

maus_horreur

CHALLENGE AMÉRICAIN 2016 - Eagle+flag

18 réflexions au sujet de « Maus – Intégrale : Art Spiegelman »

  1. Ping : Maus – Art Spiegelman | 22h05 rue des Dames

  2. Ping : Bilan Livresque Mensuel : Septembre 2016 | The Cannibal Lecteur

  3. Ping : Bilan du Mois Américain : Septembre 2016 | The Cannibal Lecteur

  4. Ping : Le mois américain 2016 – Billet récapitulatif | Plaisirs à cultiver

  5. C’est pas tout jeune cette BD… Je me souviens de l’avoir parcourue sans tout comprendre étant jeune moi même. Si. Côté sombre et lugubre ne m’avait pas permis d’entrer dedans… C’était sans doute trop terrible pour ma sensibilité. Oui… L’auteur a choisi le format BD pour apporter son témoignage et ses réflexions sur cette page abominable de l’histoire humaine. Cette BD est un ovni… Je la considère presque plus comme un documentaire historique qu’autre chose.

    Je salue ton courage pour l’avoir lue entièrement… Et pour le devoir de mémoire auquel tu nous invites par la même occasion.

    On ne peut tout de même pas deconner tout le temps, non? 😁

    Aimé par 1 personne

    • Je peux être très sérieuse quand je m’y mets, mais bien souvent, je m’empresse de rire pour ne pas pleurer…

      J’ai attendu aussi longtemps avant de m’y mettre et je t’assure que certains livres sur les camps ou les sur les médecins (du genre de Mengele) ont terminés dans le freezer !

      Oui, c’est un documentaire en plus d’être une bédé, une réconciliation tardive entre un père et un fils qui n’a jamais compris le comportement de son père. Sans avoir de choses horribles, elles sont sous-entendues, latentes, et ça te percute dans ta gueule parce que si tu trouves le comportement de dénonciation odieux, tu te dis « et moi, j’aurais pas été tentée de faire pareil pour me venger ??? ».

      Après cette lecture, tu te fais une bédé normale… avec de l’humour si possible.

      J’aime

      • Quand j’étais petite on m’a fait visiter les camps de concentration du Strutoff en Alsace. Avec les photos des tas de cadavres dont des bébés… Et avec la potence qui trônait dans la cour où on rassemblait les déportés pour l’appel… Et les gamelles creusées à même le sol pour faire manger les gens à quatre pattes comme des animaux (je me souviens de ça mais c’est tellement fou que je garde un doute… Soit j’ai mal compris lors de la visite… Soit Je n’arrive pas à t croire tellement c’est affreux)… J’ai été fière d’apprendre plus tard que mes deux grand pères étaient dans la résistance (un FFL et un FFI) dont un dans le maquis depuis 42… On ne l’a su qu’après leur mort… Via les assos d’anciens combattants qui avaient des dossiers sur eux… Jamais il n’en ont tiré aucune fierté. Tuer des ennemis aussi pourrie soit leur idéologie c’était quelque chose d’insupportable pour eux… Car c’étaient aussi des hommes.

        Soulagée aussi de ne pas avoir à me demander si l’un avait collaboré ou dénoncé…

        L’homme est capable du pire… Et je ne sais franchement pas par quel mystère certains s’obstinent à vouloir viser le meilleur. Mais heureusement qu’il y en a!

        Mouais… Je vais aller me regarder un Murdock inédit pour me changer les idées !

        Il est mimi Murdock! Mais qu’est ce qu’il est coincé (enfin… Un peu moins maintenant qu’il est marié !).

        J’aime

        • Chez nous, les résistants ont fait plus de mal que de bien, à un certain moment. Ils ont tués des soldats allemands, mais la vengeance fut terrible et les bosch ont fait les sorties d’église pour rafler les hommes et je ne compte plus les femmes que je connaissais qui y avait laissé un mari, un frère, un fiancé, un fils… bref, tout n’est pas toujours rose ! Hélas… L’enfer est pavé de bonnes intentions.

          Mon grand-père a courbé l’échine mais c’est tout, mon grand-oncle s’était enfui du travail obligatoire, je pense bien. Ils avaient des allemands dans le village, mais c’était pas les plus vaches, apparemment et ils n’en ont pas souffert de trop, mais ils n’en parlaient jamais, ou rarement.

          Moi vu le camp de Breendonck et j’en suis sortie retournée. C’est en Flandre. Brrrr, des frissons et c’était pas le pire, mais l’homme peut faire le pire, en effet.

          Oui, les nouveaux Murdoch sont là, et j’en ai raté parce qu’on a eu le nouveau décodeur et fatalement, la programmation était dans le vieux, mais je m’en branle, je sais où aller les chercher en fraude, je les ai pris… Il faudrait que sa doctoresse le décoince plus !!

          J’aime

C'est à votre tour d'écrire !

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur la façon dont les données de vos commentaires sont traitées.