Les frères Sisters : Patrick deWitt

Frères Sisters, les - Patrick deWitt

Titre : Les frères Sisters

Auteur : Patrick deWitt
Édition : Actes Sud (2012)

Résumé :
Oregon, 1851. Eli et Charlie Sisters, redoutable tandem de tueurs professionnels aux tempéraments radicalement opposés mais d’égale (et sinistre) réputation, chevauchent vers Sacramento, Californie, dans le but de mettre fin, sur ordre du « Commodore », leur employeur, aux jours d’un chercheur d’or du nom de Hermann Kermit Warm.

Tandis que Charlie galope sans états d’âme – mais non sans eau-de-vie – vers le crime, Eli ne cesse de s’interroger sur les inconvénients de la fraternité et sur la pertinence de la funeste activité à laquelle lui et Charlie s’adonnent au fil de rencontres aussi insolites que belliqueuses avec toutes sortes d’individus patibulaires et de visionnaires qui hantent l’Amérique de la Ruée vers l’or.

15bdaf4842c9b5ab4019b53795f8801aCritique :
Si je vous dis « Brothers Sisters », vous me répondez quoi ? Non, ce n’est pas un nom de positions sexuelle tarabiscotée, c’est le nom de famille de deux frères et ce ne sont pas des funambules de cirque !

Les frères Sisters sont deux drôles d’oiseaux : l’un est mince (Charlie) et l’autre a du bide (Eli), l’un est teigneux et l’autre un peu moins, mais ce sont tout deux les rois de la gâchette et leur métier parle pour eux : tueurs professionnels pour le compte du Commodore. Un métier qui ne connait pas la crise.

— C’est lequel des deux qui parle ? Le méchant ou le gros ? Je ne veux pas parler au méchant.

« C’est un ami à vous ?
— Oui, et j’en suis fier.
— J’espère que vous lui avez fait vos adieux. Il sera mort dans moins d’une minute. »

Quand je vous disais qu’Eli le bedonnant était moins teigneux que son frère Charlie, je vous ai un tout petit peu édulcoré l’affaire : certes, il a du bide, c’est un doux rêveur et un branleur (dans le sens premier du terme) mais il tout à fait capable de vous loger une balle entre les deux yeux sans plus d’émotion que s’il se torchait le cul.

Je me levai dans l’idée de continuer à mutiler le corps, de lui vider mon chargeur dans l’estomac, mais, fort heureusement, je changeai d’avis. J’avais le pantalon toujours baissé, et après avoir recouvré quelque peu mon calme, je me saisis de mon organe pour me compromettre. Quand j’étais jeune homme, et que mes accès de colère devenaient incontrôlables, ma mère me conseillait d’utiliser cette méthode afin de retrouver l’apaisement – technique qui, depuis, m’a été fort utile.

Mon être profond commença à se dilater, comme c’était toujours le cas avant la violence; mon esprit s’obscurcit, et j’eus la sensation qu’un flacon d’encre noire se déversait en moi. Mon corps résonnait, j’étais parcouru de frissons des pieds à la tête, et je devins quelqu’un d’autre, ou plutôt j’endossai mon autre moi.

Charlie, lui, c’est le gars qui a tué des gens pour un regard de travers ou pour une parole malheureuse… Aucun état d’âmes et son crédo c’est alcool et prostituées. Et les flingues, aussi.

Leur mission du moment ? Flinguer un mec qui a volé le Commodore. Quoi ? Juste abattre un petit chercheur d’or ? Ce Hermann Kermit Warm ? Ben oui… Fastoche ! Heu, n’oubliez pas la foutue loi de Murphy, les gars…

Une lecture jubilatoire, voilà comment je pourrais résumer cet espère de road movie de l’Oregon jusqu’en Californie qui, en plus de me faire passer un excellent moment de lecture, m’a fait sourire et je me suis même attachée à ces deux tueurs aux caractères bien trempés.

Désolée, mais oui, j’ai apprécié le bedonnant Eli qui s’inquiète pour son cheval et même le Charlie qui, sous ses dehors de tueur implacable, aurait bien un p’tit coeur qui battrait pour son cadet.

Quand au cadet, lui, il a le cœur qui bat dès qu’une donzelle lui fait les yeux doux et voilà que notre caïd lui refile son pognon ! Un peu comme Dortmunder, ils ne gardent jamais longtemps leur fric, ces deux là.

Un roman où les dialogues ont de la profondeur, même si on ne le dirait pas à les voir sortir des bouches de nos deux frangins tueurs, une plume qui fait mouche, qui fait sourire, poétique, amusante, qui vous emporte au temps des ruées vers l’or et de la folie des hommes pour les pépites jaunes.

Je repensai au prospecteur perclus de tics, au prospecteur au poulet, et au prospecteur mort, au crâne défoncé, et dis,  » J’ai l’impression que la solitude des grands espaces n’est guère propice à la santé. « 

Un roman bourré des cadavres, où la vie d’un cheval a plus d’importance que celle d’un homme et où les femmes sont quasi toutes des putains, hormis la mère, une sainte.

Un roman où les hommes puent comme dis chacals mais lueur d’espoir, Eli vient de découvrir les miracles de la brosse à dent !

Assis devant la cuvette, je sortis ma brosse à dents et ma poudre et Charlie, qui n’avait pas vu mon attirail jusqu’alors, me demanda ce que je fabriquais. Je lui expliquai, et lui fit une démonstration, après quoi j’inspirai profondément : « C’est très rafraîchissant pour la bouche », lui dis-je.
Charlie réfléchit. « Je n’aime pas ça, rétorqua-t-il. Je trouve ça idiot.
— Pense ce que tu veux. Notre docteur Watts m’a dit que mes dents ne se gâteront jamais si j’utilise cette brosse comme il faut. »
Charlie demeura sceptique. Il me dit que j’avais l’air d’une bête enragée avec ma bouche pleine de mousse. Je répliquai que je préférais avoir l’air d’une bête enragée quelques minutes par jour plutôt que d’avoir une haleine fétide toute ma vie, ce qui marqua la fin de notre conversation sur la brosse à dents.

Un western original, le portrait de deux frères attachants (malgré les cadavres qu’ils sèment à la pelle) dont un, Eli, voudrait se ranger des voitures et laisser Charlie poursuivre le boulot seul…

Autant j’aspirais à la vie tranquille de commerçant, autant Charlie souhaitait continuer à vivre entre passions et violence perpétuelles mais sans plus s’engager personnellement, donnant ses instructions à l’abri d’un rideau de sbires bien armés tandis qu’il se prélasserait dans des chambres au doux parfum où des femmes bien en chair lui verseraient à boire et ramperaient par terre pareilles à d’hystériques nourrissons, le derrière à l’air, frissonnantes de rires, d’eau-de-vie, et de fourberies.

Charlie pourrait dire comme Qui-Vous-Savez : « Eli, Eli, lama sabachthani ? » (à vos wiki ! Je parie mon string brésilien rouge que personne n’en connait la signification sans l’aide d’un ordi – MDR).

Le grincement d’un lit qui gémit sous le poids d’un homme qui ne trouve pas le sommeil est le son le plus triste que je connaisse.

Les femmes ne cessaient de s’approcher de moi et de me titiller en s’asseyant sur mes genoux jusqu’à ce que mon organe s’engorge. Après quoi, éclatant de rire, elles s’écartaient pour aller retrouver mon frère ou Mayfield. Je me souviens m’être levé pour remettre en place mon appendice enflé, et avoir remarqué que mon frère et Mayfield étaient congestionnés eux aussi. Ainsi nous étions là, autour d’une table à débattre, en gentlemen civilisés, des événements du jour, avec de palpitantes érections.

Étoile 4,5

Challenge « Thrillers et polars » de Sharon (2016-2017), le Challenge « Polar Historique » de Sharon, le Challenge « Victorien » chez Camille, le Challenge « XIXème siècle » chez Netherfield Park « Il était une fois dans l’Ouest » chez The Cannibal Lecteur et « Le Mois Américain 2016 » chez Titine.

CHALLENGE AMÉRICAIN 2016 - Cow-Boys coucher soleil

 

26 réflexions au sujet de « Les frères Sisters : Patrick deWitt »

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