Journal d’une fille de Harlem : Julius Horwitz

Journal d'une fille de Harlem - Julius Horwitz

Titre : Journal d’une fille de Harlem

Auteur : Julius Horwitz
Édition : Points (2015)
Édition originale : 1971

Résumé :
Mieux qu’un essai, ce Journal révèle l’ordinaire de la vie -misère, racisme, drogue, prostitution, criminalité – dans les ghettos noirs américains.

Le rapprochement avec le Journal d’Anne Frank ne manquera pas d’être fait : pourtant, A. N., jeune Noire de quinze ans qui écrit ces pages, est un personnage fictif.

Julius Horwitz, qui a passé quinze ans dans les services de l’Assistance américaine, l’a imaginée pour prêter sa voix aux centaines d’enfants de Harlem, Watts, Chicago, Washington, qu’il a interviewés et dont les déchirants récits ont servi à composer celui-ci

r160076870Critique :
New-York, dans les années 70. La 104ème rue dans Harlem et personne ne devrai avoir le désir de vivre dans cet chancre, dans cet immeuble merdique juste bon pour les cafards, les punaises et les rats, mais pas pour des humains.

Pourtant, ils sont nombreux à s’y entasser, mais c’est surtout des femmes célibataires avec des tas de marmots dont chacun est issu d’une paire de couilles différentes.

Oui, ces enfants n’ont pas de pères, ici, les hommes ont la trouille d’être père. Ils savent juste baiser des femmes, des filles, les violer, mais assumer, oh mon dieu non !

Je pensais avoir lu assez bien de romans parlant de la misère sociale, humaine, je pensais avoir déjà touché le fond depuis longtemps (en littérature), surtout après la lecture de « Rafael, derniers jours » et je constate, pour mon plus grand effroi, que non, on peut encore aller plus bas que bas.

Les habitants de cet immeuble sont tous à l’Assistance et c’est un cercle vicieux puisqu’ils y sont souvent depuis au moins deux générations et que les filles ne songent qu’à une chose : tomber enceinte, avoir un enfant et ainsi posséder un dossier à l’Assistance et recevoir de l’argent.

Qu’elles aient 16 ans, 15 ans ou même 13 ans, ce n’est pas un soucis pour elles, elles ne visent que ça comme plan de carrière et ne se rendent même pas compte qu’elles vivront toute leur vie sous le joug de l’Assistance, comme leurs mères, vivotant dans des immeubles insalubres où l’on paie des 28$ par semaine comme loyer.

Ici, vous n’aurez pas beaucoup de noms de personnages à retenir, nous connaîtrons juste les prénoms des deux frères et de la sœur de la narratrice, celle qui écrit dans son journal et qui se nomme A.N. Une jeune fille Noire de 15 ans qui voudrait s’en sortir.

Moi qui aime les dialogues, j’en ai été sevrée dans ce roman puissant et sombre. Il n’y en a aucun ! C’est comme si nous lisions en cachette le journal de A.N. et notre jeune fille nous les retranscrit en mettant juste le prénom de la personne devant.

Rassurez-vous, si au départ cela surprend, on s’immerge vite dans le récit et on oublie très vite cette narration dont nous avons peu l’habitude (sauf si on a lu « Le journal d’Anne Frank »).

Par contre, la plongée dans l’abject est forte, vertigineuse, horrible, c’est véritablement un peuple des abysses qui vit à Harlem, Brooklyn dans ces immeubles où les W.C sont dans le couloir, en panne, où l’eau chaude est une denrée rare, la propreté aussi, mais les rats et les cafards plus nombreux que les gens de l’immeuble.

On y découvre la mère de A.N. qui a cessée de se battre depuis longtemps, qui vit dans ce taudis sans même s’en rendre compte, qui y reste comme si elle devait expier une faute inconnue.

Cette femme, tombée enceinte trop tôt, a pourtant terminé ses secondaires, mais n’a pas cherché du travail et est entrée dans le cercle infernal de l’Assistance qu’elle rend responsable de tout. Elle ne cherche pas de nouvel appartement, mais c’est de la faute de l’Assistance. Elle ne s’occupe plus de ces enfants, mais c’est pas à cause d’elle, elle est innocente.

J’aurais eu envie de lui foutre des coups de pieds au cul, de la battre comme elle bat Harriet parce qu’elle ne sait pas lui parler, ne sait pas l’aider, ne veut pas s’en sortir, même. Comme les autres habitants, elle se complait dans sa crasse dans sa misère.

Les mères se droguent, boivent, se prostituent, et les jeunes filles font de même. Seule A.N. veut s’en sortir et elle au moins, elle n’a pas peur, comme les autres, de franchir ce cercle vicieux qui fabrique des générations d’assistés.

L’écriture de l’auteur est violente, sans concession, les portraits des gens qui y vivent sont colorés, vivants, le récit est des plus réaliste et on comprend pourquoi lorsqu’on lit que l’auteur a lui-même émargé de l’Assistance.

En lisant un roman pareil, on se rend compte de la chance qu’on a d’avoir de l’eau chaude, une douche, à manger, du chauffage, 3 ou 4 pièces en plus de la chambre à coucher.

Un roman fort sombre où la seule touche d’espoir est A.N. qui nous dresse un portrait plein de lucidité de son monde.

Étoile 4,5

Challenge « Thrillers et polars » de Sharon (2016-2017) et « Le Mois Américain 2016 » chez Titine.

29 réflexions au sujet de « Journal d’une fille de Harlem : Julius Horwitz »

  1. Ping : Bilan pour le challenge polar et thriller 2016-2017 | deslivresetsharon

  2. Ping : Bilan du challenge Polar et Thriller – février 2017 | deslivresetsharon

    • Elles sont le reflet de la réalité, hélas. Pas de monstre sous le lit, les monstres sont les hommes qui violent les femmes ou couchent avec, leurs font des gosses et foutent le camp. Des fois, après s’être tapé la mère durant des années, ils lorgnent ensuite sur les filles…

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  3. Ping : Bilan Livresque Mensuel : Septembre 2016 | The Cannibal Lecteur

  4. Magnifique et émouvant ton billet ! C’est le genre de livre-essai que j’aime habituellement (je le note) mais pas du tout envie de me plonger dans ce genre de lecture anxiogène en ce moment, j’ai besoin de léger ou disons de moins noir et sordide même si je sais que ça correspond, hélas, à une réalité que beaucoup ne veulent pas voir, à commencer par les politiques qui laissent les trafics et autres aberrations se perpétrer dans des quartiers devenus zones « de non droit », je trouve cela scandaleux !

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    • Oui, je suis d’accord avec toi ! Mais je te dirai aussi que je n’aurais pas dû le lire juste après « Rafael, derniers jours » parce que c’est dur et que ça te fout le moral en l’air. J’ai eu besoin de mon week-end à la côté française pour m’en remettre et j’ai changé d’horizon avec « je l’ai fait pour toi » qui m’a sorti de la grisaille de ces deux romans.

      Deux livres émouvants sur la misère humaine, sur des gens qu’on a poussé à être dépendant, comme des drogués et qui ne s’en sortiront jamais, tant ils sont englués dans le Système, hormis quelques uns, mais ce sera des exceptions.

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  5. Ping : Bilan du Mois Américain : Septembre 2016 | The Cannibal Lecteur

  6. Elle sont noires tes deux dernières lectures dis donc!!!!
    Pas sur que mon cœur y survive…Et pourtant, j’ai lu aussi Natural Ennemies(pas mal aussi comme noirceur…) …Bon je ne les lirai pas comme toi coup sur coup, sinon je me pends, mais sincèrement je me les note!!!!

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  7. Le pire c’est que cette misère crasse avec des jeunes femmes qui n’ont d’autres plan de carrière que de toucher les allocs pour des enfants qu’elles envoient s’élever dans la rue en bas de leur logement social et qui commencent à faire guetteurs pour dealers dès 8 ou 10 ans, sans vouloir s’encombrer des pères aussi paumés qu’elles… et ben t’en a plein certains quartiers de certaines villes bien craignos en France… c’est pas de la fiction… ou une fiction très réaliste …

    Harlem… c’est loin… ça rassure… mais en vrai t’as ça partout et personne ne veut le voir en face! Même les médias sont un peu mous de genou lorsqu’il s’agit de montrer qu’Harlem est à nos portes!

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    • Oui, nous avons chez nous aussi qui vivent dans cette crasse, chez des loueurs de sommeil, qui paient cher et qui vivent dans des taudis, mais faut pas le dire, malheureuse !! On préfère payer et les laisser cacher de tous, faut pas que les autres gens le sachent, alors, on cache la misère sous les tapis, comme avant à Versailles, les déjections derrière les rideaux et les poux sous des perruques.

      C’est un roman coup de poing dans la gueule.

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      • Ouais et ben personne n’aime les coups de poings dans la gueule en général… Sauf dans 50 nuances de merde… et encore même là c’est du simulacre… les coups de badine sur les fesses et les saucissonnages avec des cordelettes ça ne te laisse pas avec le nez tordu!

        Le souci en effet avec les romans un peu durs… c’est que ça n’a jamais un grand succès même quand c’est bien écrit. Yaka voir les réactions des copines! Ben oui… on est cernées par la dureté alors l’hypertension réalisme dur on a pas toujours envie de le retrouver quand la lecture devient une distraction qui aide à s’évader justement pour oublier toute cette merde! Tiens tu crois que je l’ai lu le roman que ma belle deush m’a offert sur l’histoire vraie d’un aveugle en camps de concentration? 😖

        C’est dommage car ce livre dont tu parles à l’air d’être super.

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        • Les gens veulent vivre dans l’irréalité, ou alors lire des trucs avec du sexe guimauve, enfin, ceux qui lisent 5 romans par an, nous qui en lisons plus de 100 (ou un peu moins), on ne perd pas notre temps avec ces trucs littéraires, on lit du vrai, nous, on veut voir la misère, la toucher, la humer et se dire que putain, on est le cul dans le beurre bordé de nouilles avec la cuillère en or diamantée dans la gueule.

          Nous, on voit tout de l’extérieur, de temps en temps, faut nous faire entrer dedans pour être dans le quotidien et les pensées de ceux qui y vivent. Tiens, une belle émission de télé réalité « bienvenue dans mon taudis » et on comparerait les taudis des uns et des autres.

          Si ton aveugle avait été sourd, cela aurait encore été plus violent, non ?? Sinon, j’ai des tas d’horribles livres sur les expériences dans les camps et d’autres choses encore. Là, ils sont toujours dans le freezer…

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