Une poire pour la soif : James Ross

une-poire-pour-la-soif-james-ross

Titre : Une poire pour la soif

Auteur : James Ross
Édition : Gallimard – Folio (1999)
Édition originale : They don’t dance much (1940)

Résumé :
En 1940, à la parution de ce chef-d’œuvre maudit, Raymond Chandler fut le seul à reconnaître une pépite dans « ce récit sordide et complètement corrompu », mais parfaitement crédible, « d’une petite ville de Caroline du Nord ».

Unique à plus d’un titre – il sera le seul jamais écrit par son auteur – ce roman de la Dépression est peut-être le plus brutal et le plus cynique jamais écrit à cette époque; un univers de violence, de luxure et de cupidité où tout le monde triche, en croque, en veut.

James Ross, né en 1911 en Caroline du Nord aux Etats-Unis et mort en 1990, est l’homme d’un seul livre. Une poire pour la soif, paru en 1940, se trouve à mi-chemin, entre Jim Thompson et Fantasia chez les ploucs de Charles Williams. Un grand classique.

they-dont-dance-much-james-rossCritique :
C’est ce qui s’appelle regarder l’Amérique profonde par le petit bout de la lorgnette. tel un témoin privilégié qui pourrait assister à la corruption qui gangrène et ronge Corinth, une petite ville de la Caroline du Nord, peu après la Grande Dépression.

Ici, les gens bien vont à la messe le dimanche et s’ils veulent s’encanailler avec de la « gniole » ou de la fesse, ils sont priés de le faire avec discrétion.

Jack McDonald est un paumé de chez paumé ! Son coton ne donnera rien cette année non plus, faut payer les impôts, l’enterrement de sa mère qui a eu lieu il y a au moins 6 mois.

Cerné par les dettes, avec juste pour horizon la boisson qu’il écluse à la verticale, notre Jack ne voit pas ce qu’il l’empêcherait de bosser dans le futur roadhouse que Smut Milligan veut ouvrir pour tenter lui aussi de s’en sortir.

Depuis, quand je raconte aux gens qu’un soir j’ai fait tout Corinth avec un dollar en poche et que j’ai pas été foutu de trouver une goutte de gniole, ils disent tous que c’est des menteries ; que ça pourrait jamais se produire à Corinth, une chose pareille.

Quésako un roadhouse ? C’est un truc qui n’existe qu’en Amérique… Une sorte de bar-restaurant, station-service, hôtel (de passe), dancing, tripot clandestin où l’on joue et où l’on boit de l’alcool du gouvernement (on a payé les taxes dessus) ou distillé par Catfish, un homme de main de Smut Milligan.

Attention, pas de putes dans les cabanons loués par Smut aux gens qui voudraient faire la chose sans que cela se sache et ailleurs que sur les sièges arrières d’une bagnole. Smut, il a une conscience – ceux qui ont lu le roman doivent rigoler – et donc, pas de putes ou de maquereaux.

— Mais les gens d’ici louent bien une cabine pour deux heures, des fois.
— C’est différent.
— Ah bon ?
— Ouais. Les gens d’ici qui font ça c’est des gens comme il faut. Les filles, pour la plupart c’est des filles qui font partie de la chorale de l’église, et qui font ça aussi. Les gars viennent des meilleurs familles. Mais si je devais laisser des putes venir ici ce serait différent.

Il est bien dommage que James Ross n’ait réussi à faire publier que ce roman là car il y a dedans un potentiel énorme ! Raymond Chandler ne s’était pas trompé en parlant de pépite car c’en est une que j’ai tenu entre mes mains. Une pépite noire.

Dans un style bien à lui, James Ross nous décrit avec brio cette petite ville de Caroline du Nord, un peu beaucoup raciste, sexiste, cette société phallocrate dont les notables ou ceux qui ont une situation doivent sauver la face et se cacher pour boire de la gnôle ou fricoter avec des filles (ou se faire sauter par des mecs, si vous êtes une fille).

Jack est notre narrateur et il ne s’embarrasse de phrases pompeuses pour nous conter sa drôle de mésaventure, donc, pour ceux qui aiment le phrasé haut-de-gamme, ça risque de pas le faire. N’oubliez pas non plus que nous sommes dans les années 30 et qu’à cette époque là, la population afro-américaine se nommait elle même « négro »parce que tout le monde les nommait ainsi (je ne cautionne pas, je précise, c’est tout).

Entre nous, je ne sais pas s’il y a parmi toute cette galerie de personnage un à sauver, un qui vaudrait la peine que l’on se penche sur lui pour le sortir de cette vie de merde. Ici aussi la politique gangrène le tout et le politicien du coin est aussi pourri que tout les autres, même plus pourri puisqu’il se comporte comme un mafioso… mafiosi puisqu’il est seul.

Quand à notre Jack, il va se retrouver impliqué dans une affaire dont il ne se doutait pas une seule seconde qu’elle prendrait un tour aussi horrible, et restera en spectateur impuissant de la folie furieuse de Smut qui voudrait du fric et qui est jaloux de ceux qui en possèdent.

Un excellent roman noir de chez noir, sans une once de crème ou de sucre, même pas un grain de stévia pour adoucir l’affaire et un final d’un cynisme à aller se pendre au premier arbre qui passe.

Une réalité qui fait froid dans le dos, une description au cordeau d’une société de notables pour qui le qu’en-dira-t-on est plus important que tout, une plongée dans une société de minables (pour les autres) où boire est plus important que tout, où dépenser le peu de fric gagné à la sueur de son front est quasi une institution et où la cupidité des uns entrainera la chute de plusieurs.

Sûr que dans le roadhouse de Smut on ne dansait pas beaucoup (illusion au titre en V.O), qu’on buvait raide, qu’on jouait gros, qu’on crachait sa chique de tabac dans les crachoirs ou au sol et qu’il s’y est passé des vertes et des pas mûres, le tout sous le regard effaré du lecteur.

« Mais tout le monde dans la région savait ce qui se passait dans un roadhouse. Pratiquement tout ce que j’ai écrit comme fiction est basé sur des gens que j’ai connus. »

Ne rentrez pas dans ce roman noir pour y commander un café, mais demandez plutôt à Badeye, Sam ou Jack de vous servir une pinte de raide et méfiez-vous des dés truqués et des cartes biseautées de Smut qui, entre nous, est une véritable enflure de première.

Et surtout, surtout, montrez pas que vous êtes un paumé avec du flouze plein votre portefeuille !

Étoile 4

Challenge « Thrillers et polars » de Sharon (2016-2017), Le « Challenge US 2016-2017 » chez Noctembule, Le Mois du polar 2017 chez Sharon et le RAT a Week Winter Edition Saison 2 chez Chroniques Littéraires (342 pages).

51 réflexions au sujet de « Une poire pour la soif : James Ross »

  1. Ping : Bilan pour le challenge polar et thriller 2016-2017 | deslivresetsharon

  2. Ping : Bilan du mois du polar février 2017 | deslivresetsharon

  3. Ping : Bilan Livresque Mensuel : Février 2017 | The Cannibal Lecteur

  4. Ping : Mois du polar 2017 | deslivresetsharon

  5. Ping : Challenge littérature américaine | 22h05 rue des Dames

    • Oui, retour aux sources, aux origines, à ces auteurs trop peu connu et qui ne le méritent pas car put***, c’était de la bonne came bien sombre !!

      J’ai encore des Chandler et des Hammet dans mes stock, plus des autres… Et j’aimerais me faire aussi des Classiques français noirs, comme des Balzac et « Une ténébreuse affaire » ou d’autres pour leur vision de la France à cette époque-là. 😉

      Amitiés mon Claude.

      J’aime

  6. Un roman sur fond de dépression? Et c’est comme ça que tu veux nous le vendre ton rêve américain??? Nan mais là ça va pas du tout ma chérie! Ça te mémèrise à fond! Tu vas avoir besoin d’antidépresseurs à la louche! Faut arrêter! Tu vas pas tenir le coup! Franchement tu m’inquiéter!!!😂🤣😂

    Aimé par 1 personne

    • Mais c’est ça le rêve américain !! De la dépression ! Y’a pas de rêve américain ! Que dalle, peau de zob ! On te l’a fait croire, mais t’aurais mieux fait de laisser croire les bonnes soeurs et les curés, sont là pour ça et ils sont payés pour…

      Aaaah, la grande dépression, les bootlegger, le dust bowl, j’adore lire des romans portant dessus car tu entres dans ce que l’Homme a de plus misérable et tu comprends que même entre régions du même pays, on ne se veut pas (cfr « les raisins de la colère », les californiens n’en voulaient pas de ces bouseux qui avaient tout perdu dans leur trou perdu…).

      Bah, un peu de cul et ma dépression sera vite oubliée… 😉

      J’aime

      • C’est tout la faute à ce 🐷⚡️💥🔥🐖🐙💩👽☠️ de clavier et à ce 😈👎🕷🌪 de sa mère de correcteur d’orthographe de plus en plus fantaisiste!

        Ma prof de chant pestait contre son piano qui se désaccordait quand elle tapait la touche à côté et je ne la contrariait pas… 😜

        Cela étant là… c’est vraiment une fotte d’aurteaugraffes qui ne me ressemble pas… 😬

        Aimé par 1 personne

        • J’engueule aussi mon PC quand je fais une mauvaise action et que cet enculé de sa race ne comprend pas ce que je voulais vraiment faire ! Le correcteur d’ortho sur Opera est moins complet que celui de Firefox, mais vu que mon renard traine, je vais sur opéra 😉

          Je savais que ce n’était pas toi, je pensais déjà à un piratage de ton compte… 😆

          J’aime

C'est à votre tour d'écrire !

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur la façon dont les données de vos commentaires sont traitées.