Watchmen – Intégrale : Alan Moore & Dave Gibbons

Titre : Watchmen – Intégrale

Scénariste : Alan Moore (Anglais)
Dessinateur : Dave Gibbons (Anglais)
Traduction : Jean-Patrick Manchette

Édition : Delcourt (1998) / Panini Comics (2009) / Urban Comics (collection DC Essentiels – 2012) avec traduction originale du romancier Jean-Patrick Manchette

Résumé :
1985. Deux inspecteurs de police tentent de comprendre ce qui a amené un sexagénaire bodybuildé à traverser la baie vitrée de son appartement et à s’écraser une dizaine d’étages plus bas. Ayant conclu à l’assassinat d’un homme ayant certaines relations haut placées, les policiers quittent la scène de crime.

Un personnage masqué arrive alors sur les lieux : Rorschach. Celui-ci, appelant la victime « Le Comédien », suppose qu’il a été assassiné non pour ce qu’il avait fait ou faisait, mais parce qu’il était un super-héros.

Rorschach fait alors le tour de ses anciens collègues afin de les tenir au courant de ses conclusions et de les mettre en garde.

Critique :
La satyre de Juvénal « Quis custodiet ipsos custodes ? » (Qui garde les gardiens eux-mêmes ?) est devenue « Who watches the watchmen ? » et symbolise bien la remise en cause de la légitimité des Super-Héros à faire régner l’ordre.

Comment vous parler de ce comics en restant simple ? Et sans rien oublier ? Impossible…

Déjà que je devrai sans doute la relire plusieurs fois avant d’arriver à appréhender tous les détails qui se cachent dans les dessins, avant de saisir la profondeur des propos et de comprendre la richesse de l’histoire, et l’histoire dans l’histoire.

Watchmen met en scène des super-héros sans pouvoirs, des super-héros comme on n’a pas l’habitude de voir.

Oui, on a affaire à des hommes ou femmes qui se déguisent comme au bal costumé, qui tentent de faire régner l’ordre mais où aucun ne s’est fait mordre par une araignée irradiée et où personne ne vient de la planète Krypton.

Le seul qui a les pouvoirs d’un dieu, c’est le Dr Manhattan (Jonathan Osterman) car cet homme a  été désintégré, mais s’est reconstitué petit à petit avant de réapparaître dans le monde réel. Il est omnipotent, omniscient, et immortel, et aux services des États-Unis.

En plus de nous proposer un univers de super-héros revisités, Alan Moore nous offre un uchronie où les États-Unis ont gagné la guerre du Vietnam et où Nixon vient d’être réélu pour la 4ème fois d’affilée (le scandale du Watergate a été évité et on a changé le XXIIème amendement de la Constitution des États-Unis).

Ironiquement, il n’y a plus de comic de super-héros, le genre préféré des lecteurs étant devenu les bandes dessinées de pirates, dont nous aurons un aperçu dans l’histoire, mais je vous en reparlerai plus bas.

Pour le reste, c’est comme dans la réalité avec la guerre froide entre les américains et les russes et des menaces de Troisième Guerre Mondiale. Bienvenue en 1985…

Si au départ les dessins ne m’ont pas vraiment attirés, j’ai vite réalisé que je devais être super attentive à tout ce qui se passait dans la case, aussi bien dans les dessins que dans les textes car ils sont tous, au niveau des détails, d’une richesse époustouflante et je sais que je pourrai reprendre la bédé d’ici quelques temps et encore y découvrir des choses.

La richesse ne se trouve pas que là car les personnages des Super-Héros sont eux aussi riches en détails qui les rendent réalistes, humains, car ils sont porteurs de tous nos défauts.

Leurs complexités fait que personne n’est ni tout blanc, ni tout noir, et que ceux qui ont l’air sympa peuvent être des brutes épaisses mais animées d’un désir de vérité, et que ceux qui ont du sang de la multitude sur les mains ne sont peut-être pas à blâmer…

Là, vous serez le seul juge, car dans ce comics, on ne définit pas qui sont les méchants et qui sont les gentils et tout dépend du point de vue duquel on se place (celui de Rorschach ou ceux de Ozymandias et du Dr Manhattan).

Divisé en douze épisodes comme autant de chiffres sur le cadran d’une montre, chaque chapitre se rapproche un peu plus de minuit et le sang descend de plus en plus sur l’horloge.

Tache de sang que l’on retrouvera en forme de symbole d’aiguille d’horloge sur le smiley tombé dans le caniveau après la chute du 10ème étage faite par Le Comédien, défenestré violemment.

Le diable se cache dans les détails et dans ce comics, c’est vérifié à chaque page, à chaque dessin, dans chaque retour vers le passé pour tenter de nous expliquer le tout et de nous faire voir l’intégralité de la trame qui est loin d’être simple.

Là où l’on atteint le summum du summum, c’est dans le chapitre 5 (Terrible symétrie) où le lecteur attentif remarquera que ce chapitre est construit comme un palindrome, la première page faisant écho à la dernière, que ce soit sur le thème, la mise en page ou les personnages mis en image. Fortiche le scénariste !

Palindrome dont la page centrale est une scène d’action qui reproduit les motifs symétriques et toujours changeants du masque de Rorschach (son nom vient du test du même nom). J’avoue que si je n’avais pas fait des recherches sur le comics, je ne l’aurais pas remarqué…

Plus haut, je vous parlais de pirates… Et c’est là que l’on applaudit aussi le soucis du détail du scénario et sa recherche car par l’entremise d’un lecteur assidu, on se retrouve même à lire deux comics en même temps, Alan Moore ayant réussi à glisser au cœur de sa narration, et parallèlement à celle-ci, une histoire de pirates !

Et les bandeaux-titres dévolus au récit de pirates s’accordent très bien avec l’autre récit consacré à nos Super-Héros et leurs interrogations car ce récit de pirates nous explique, de par les péripéties de son personnage principal, que la compréhension de la réalité dépend de la personne qui la regarde.

Ma main à couper que j’ai oublié de vous parler de tas de choses hyper importantes, que j’ai loupé des tas de choses vachement importantes aussi dans les dessins ou dans les pages de documents écrits insérés à la fin de chaque chapitre, écrits issus de l’univers des Watchmen, dans les articles de journaux, dans les longs passages du journal intime de l’un des personnages,…

Watchmen est plus qu’un comics : c’est une histoire dense, un récit complexe, profond, rempli de détails, de choses pertinentes, d’analyses cyniques de notre société et des gens qui la composent, une analyse sans concession de la société contemporaine, des personnages principaux riches et réalistes, des personnages secondaires qui auront leur importance aussi…

C’est une œuvre de philosophie, porteuse de messages, bourrée d’astuces scénaristiques qui montre, une fois de plus, le génie d’Allan Moore.

Anybref, ce n’est pas qu’une simple histoire de Super-Héros qui mettent leurs slips sur leurs collants !!

Challenge « Thrillers et polars » de Sharon (2016-2017), Le « Challenge US 2016-2017 » chez Noctembule et Le Mois Anglais (Juin 2017 – Saison 6) chez Lou et Cryssilda.

40 réflexions au sujet de « Watchmen – Intégrale : Alan Moore & Dave Gibbons »

  1. Ping : Bilan pour le challenge polar et thriller 2016-2017 | deslivresetsharon

  2. Ping : Bilan Livresque Mensuel : Juin 2017 | The Cannibal Lecteur

  3. Ping : Bilan Mois Anglais – Juin 2017 [Saison 6] – I’ll be back !! | The Cannibal Lecteur

  4. Sérieux, tu découvres ce bijou ? J’ai vu le film avant de lire le roman graphique, il faut dire que Papy Moore est un un tantinet tatillon concernant les adaptations ciné. Je peux comprendre ses réserves pour V for Vendetta mais j’ai trouvé les Watchmen très réussi.

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    • Hé oui, je découvre en retard, preuve qu’il y a toujours une super bédé à découvrir, même quand on a déjà lu plus de 2.000 !

      Je comprends que Moore soit tatillon. Il a mis moult détails dans ses oeuvres et quand on les oublie où qu’on les zappe, le tout perd de sa saveur.

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    • Je crois que plus que tatillon papy Moore est surtout assez intransigeant, et aussi cohérent avec ses valeurs.
      il a refusé tout net d’être crédité aux génériques des films adaptés de ses BD (La ligue qui parait-il est nul, V pour Vendetta et Watchmen), mais il est aussi cohérent car, si j’en crois ce que j’ai lu, il a refusé le moindre sou !
      Un sacré personnage, à qui d’ailleurs Transmetropolitan rend hommage, Spider Jerusalem, au tout début quand il est hirsute, c’est Moore.

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      • Je ne savais pas pour Spider en hirsute, mais je n’avais pas vu la tronche de papy Moore non plus ! mdr

        Il a sans doute eu raison de ne pas se faire noter au générique, car quand c’est raté, tu en prends plein la tronche pour pas un balle… et si en plus il ne s’est pas fait payer… des politiciens et leurs épouses devraient en prendre de la graine 😛

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  5. Ben j’ai vu l’adaptation ciné il y a quelques semaines… ça passait super tard… et le rythme était tellement lent et c’était tellement alambiqué et noir que… j’ai éteint la télé au bout d’une heure sans vouloir voir la suite! Ils étaient tous torturés et dépressifs ces super héros là ! Si j’avais continué j’aurais sauté par la fenêtre ! D’ailleurs le type qui fait ça au départ a eu raison! Il a échappé à la suite!

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    • Le mieux est sans doute de le voir en comics, pour bien tout appréhender, du moins, une partie ! Je me ferai le film et si tu ne vois plus de billets paraître, c’est que j’aurai sauté par la fenêtre ! mdr

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  6. Initialement ce sont les graphismes qui m’avaient un peu freinée. Puis il y eu le film qui a réveillé ma curiosité…; ET ensuite, j’ai adoré et j’aime bien ta critique qui colle bien à mon ressenti!

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    • Ça leur moule les burnes et on sait de suite où ils votent… mdr

      Le mari rentre à la maison et trouve sa femme, qui l’attend de pied ferme…

      Elle : T’es rentré très tard, hein superman ?

      Lui : Je vais t’expliquer. Je suis vraiment désolé, mais j’étais avec des clients…

      Elle : Et tu as discuté toute la nuit, jusqu’à 07:00… c’est juste, Superman?

      Lui : Laisse moi parler, s’il te plaît. J’ai réussi à acquérir un nouveau client pour la boite. On a été mangé italien…

      Elle : Et cela jusqu’à 07:00 du matin ? tu me prends pour une demeurée, superman??

      Lui : Bon ok. On a été ensuite dans un bar, jusqu’à 03:00 boire quelque chose…

      Elle : Ouiouioui, superman, jusqu’à 03:00… Et que c’est-il passé jusqu’à 07:00, superman ?

      Lui : Euh.. Ensuite on a été dans un bar à strip-tease, mais j’ai QUE regardé, c’était chiant, ouais et…

      Elle : C’est bon, superman. Tu as seulement regardé, et as tranquillement attendu… Que dois-je encore croire, superman ???

      Lui : Laisse-moi s’il te plaît parler et écoutes !…. d’ailleurs pourquoi m’appelles tu tout le temps superman ???

      Elle : Parce que comme Superman, tu portes le slip par-dessus ton pantalon !!!

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  7. Le jour où le nom de Mister Manhattan a pris sens à mes rêves, j’avais 22 ans… En refermant ce Comics, car c’est ainsi que je ne cesserai d’appeler cette anthologie de la définition même du super-héros. J’y retrouvais toutes les cordes d’une harpe. Le prisme présentée de traits de maîtres. Une autre version de la dramaturgie… Enfin, juste mon point de vue et merci de m’avoir renvoyé à ces années… L’adaptation au cinéma est l’une des plus réussies…

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  8. Ben voilà qui devrait en convaincre quelques-uns ! Pour résumer, moi aussi quand on me l’avait proposé, je m’étais dit « oh non, encore une histoire de superhéros en moule-burnes ! » … Je n’aurais pas pu faire de plus grande erreur !

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    • Je t’aurais bien donné la main aussi car j’aurais dit le même commentaire, quasi. Et pourtant, j’aurais dû me douter qu’avec Allan Moore aux commandes, on n’allait sûrement pas avoir un enième truc de super héros en mules-bournes…. moule-burnes… mdr

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