Glaise : Franck Bouysse

Titre : Glaise

Auteur : Franck Bouysse
Édition : Manufacture du Livre (07/09/2017)

Résumé :
Au pied du Puy-Violent dans le cantal, dans la chaleur d’août 1914, les hommes se résignent à partir pour la guerre. Les dernières consignes sont données aux femmes et aux enfants: même si on pense revenir avant l’automne, les travaux des champs ne patienteront pas.

Chez les Landry, le père est mobilisé, ne reste que Joseph tout juste quinze ans, en tête à tête avec sa mère et qui ne peut compter que sur Léonard, le vieux voisin.

Dans une ferme voisine, c’est Eugène, le fils qui est parti laissant son père, Valette, à ses rancoeurs et à sa rage: une main atrophiée lors d’un accident l’empêche d’accomplir son devoir et d’accompagner les autres hommes.

Même son frère, celui de la ville, a pris la route de la guerre. Il a envoyé Hélène et sa fille Anna se réfugier dans la ferme des Valette.

L’arrivée des deux femmes va bouleverser l’ordre immuable de la vie dans ces montagnes.

Critique :
♪ Quoi ma glaise ? Qu’est-ce qu’elle a ma glaise ? Quelque chose qui ne va pas ? Elle ne te revient pas ? ♫

Lorsqu’on ouvre le nouveau roman d’un auteur qu’apprécie fortement, d’un auteur qui nous a donné des coups de coeur, on a toujours cette peur au ventre, cette appréhension : est-ce que cette fois-ci je vais ressentir autant d’émotions que dans l’autre ?

« Grossir le ciel » avait été magistral niveau émotions ressenties, « Vagabond » m’avait laissée de marbre, alors vous comprenez que lorsque j’ouvris « Glaise », j’avais un peu la chocottes.

La première ligne a dissipé ce doute, les premières phrases m’ont confortées dans le fait que je tenais en main un grand roman et une fois le premier chapitre terminé, je me doutais que des émotions, j’en aurais à foison.

Maintenant, le plus dur reste à faire : comment vous en parler ? Par quel bout commencer pour en parler comme je voudrais vous en parler, pour tenter de vous faire ressentir toutes les émotions qui m’ont submergé durant ma lecture ? Difficile.

Alors, venez avec moi dans un petit coin perdu du Cantal, sorte de trou du cul de la région qui se retrouve uniquement peuplée, non pas d’irréductibles gaulois, mais de femmes, d’enfants et de vieillards, puisque tous les hommes valides sont partis, la fleur au fusil, bouter le teuton de France, le tout en moins de quinze jours, cela va de soi.

Avec le recul, on sait que certains se sont avancé avec un peu trop d’enthousiasme dans le fait que ce serait une guerre éclair. Elle fut longue et dure, et ce n’est pas là que je préfère les longueurs et la dureté.

L’écriture de l’auteur est belle, poétique, lyrique, magnifique, elle vous emporte ailleurs pour vous déposer directement dans ce petit coin perdu de France, à une époque que vous et moi ne pouvons pas connaître.

Ses personnages ont de la prestance, de la présence, on les sent vivant, réellement. Joseph est comme tous les jeunes, un peu taiseux, un peu fougueux, passionné. Il est l’homme de la maison depuis que son père est à la guerre.

Valette, le salaud de service est plus un méchant pathétique qu’impressionnant. On a envie de le baffer, certes, mais aussi de le plaindre parce qu’avec un caractère pareil, la vie ne doit pas être gaie tous les jours : alcoolo, violent, bas de plafond, estropié d’une main qui fait qu’il n’ira pas à la guerre, et ça lui plombe son moral.

Les femmes, quant à elles, elles sont effacées, derrière les hommes et cette guerre va leur permettre aussi de montrer leur vrai valeur car ce sont elles qui font tourner la France et si le labourage et pâturage ne sont pas toujours les deux mamelles de la France, elles font ce qu’elles peuvent pour que les exploitations agricoles continuent de les nourrir.

Si la campagne, ça vous gagne, moi, la campagne, ça me connait un peu, même si ce n’est pas celle des années 1914. On sent que l’auteur a potassé son sujet, soit en lisant, soit en écoutant les vieilles histoires au coin du feu, car ce que j’ai lu était le reflet de ce que je connaissais, sauf avec l’histoire du petit veau parce que Valette est hors-norme comme enfoiré de première.

Ce roman, j’avais envie de le dévorer, mais je me suis contenue, lisant doucement, m’imprégnant bien de ses mots, des ses phrases, de ses personnages, de cette prose qui est la signature de l’auteur et qui sait si bien me donner moult émotions différentes, dont une envie de lire le prochain s’il est de la même trempe…

Comme disait la pub « La campagne, ça vous gagne » (je sais que c’était la montagne) et moi j’ajouterai qu’avec Franck Bouysse, rien n’est lisse ! Il vous parle de la campagne comme les vieux de chez nous, ceux qui ont toujours une anecdote ou une histoire à vous raconter, belle ou tragique, mais réaliste.

Un beau et grand roman, noir, sombre, lumineux, rempli d’émotions en tout genre.

Challenge Thrillers et Polars de Sharon (2017-2018) et Le Challenge « Les Irréguliers de Baker Street » repris par Belette [The Cannibal Lecteur] ou sur le forum de Livraddict (N°8 – Livre se déroulant à la Campagne).

60 réflexions au sujet de « Glaise : Franck Bouysse »

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  3. J’ai été déçue par la fin.
    Irène accouche et le bébé tombe par terre. C’est bien ça. Le gros vicelard de Valette devient handicapé mais on ne sait pas comment. Tout pleins de questions restées dans le vague à la fin. Pourquoi alors que tout le reste est détaillé?
    Tu n’as pas trouvé que la fin arrivait trop vite?

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    • Oui et non… j’ai accepté que tout ne soit pas expliqué dans le final et pour le gros vicelard, si je me souviens bien, il se casse la gueule en descendant à l’échelle, non ?? Merdouille, j’ai un trou, là !

      J’aurais aimé poursuivre avec les personnages, alors oui, la fin vient toujours trop vite.

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  5. Ping : Bilan du challenge polar et thriller | deslivresetsharon

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  7. Ping : Bilan de décembre du challenge Thriller et polar | deslivresetsharon

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  10. ah que je suis très heureux de savoir que tu as aimé ce roman! je l’ai achevé il y a peu ( chronique à venir) et j’avoue que pour le moment l’auteur me subjugue toujours autant ! je n’ai par contre pas encore lu Vagabon, j’ignore si j’aurai la même réticence que toi sur ce titre. Nous verrons le moment venu et je te dirai ca ! En attendant nous tenons là un grand écrivain ! 😉

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    • Il est superbe, dans la lignée du magnifique « grossir le ciel », même si j’avais plus retrouvé des gestes « ruraux » de mon grand-père dans son autre roman que dans celui-ci, puisque je n’ai pas connu 14-18 et que lui était jeune gamin à l’époque.

      Vagabond est très court, mais bizarre et je n’ai pas réussi à rentrer dans le roman, à m’attacher au personnage.

      Un grand de chez grand !!

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  11. Et, là, tu le vois que ça va te faire un coup au cœur, un coup de cœur à venir sans doute…Viiiiiiiiiiite il me le faut!!!!Parce que ma binomette, quand elle aime, et bien ça fait plaisir à voir, et on aimerait bien du coup, lire ce petit chef d’œuvre! Bravo, tu chamboules tout, même mon planning lecture ^^

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  12. oh oui la premiere guerre mondiale…oui ils sont si heureux, chantant, se voyant vainqueur au bout de 2 semaines…triste realite quand on sait que tres peu ont survecu aux 4 ans….bref ce livre semble passionnant….tu donnes envie de le lire….;)

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    • Paraît que le prix renaudot a été attribué à un auteur qui a imaginé la fin de la guerre après 2 mois de guerre, juste avant celle de la Marne. Ou c’était le goncourt, ça ?? Bref, je voudrais le lire pour savoir ce qui aurait pu se passer si on avait épargné des morts…

      Ou c’est un autre livre, ça me revient, ils en parlaient dans « La Canard » car sans une guerre qui dure, le canard ne serait pas né…

      Mémoire de merde !!!

      Bon, lis le livre avant que je n’oublie qui tu es ! mdr

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    • PS : heureusement que je garde mes vieux numéros du Canard !! En fait, c’est dans un spectacle que cette uchronie de la guerre 14-18 ayant pris fin assez rapidement est mise en scène.

      Au temps pour moi et shame on me de tout mélanger !

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    • Non, pas besoin d’aller loin, mais comme je suis pour la diversification (on nous l’a tellement serinée, matraquée, qu’elle est entrée), je lis « local » et « stranger » (in the night).

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