Les portes de l’enfer : Harry Crews

Titre : Les portes de l’enfer

Auteur : Harry Crews
Édition : Sonatine (01/10/2015)
Édition Originale : This Thing Don’t Lead To Heaven (1970)

Résumé :
Cumseh est une petite ville de Géorgie où il ne se passe jamais grand-chose. Hormis à la maison de retraite. C’est en effet dans cet établissement, tenu d’une main de fer par l’imposante Axel, que semblent s’être donné rendez-vous les personnalités les plus excentriques de la région.

Un jour, trois nouveaux arrivants en ville se retrouvent à la porte du « Club des seniors », Sarah Nell Brownstein, une géante amoureuse du masseur nain de la maison de retraite, Bledsoe, représentant d’une entreprise de pompes funèbres, et Carlita Rojas Mundez, une adepte du vaudou.

Entre eux un drame va très vite se nouer et les précipiter dans une tragi-comédie aussi déchirante qu’irrésistible.

Avec ce roman, dont l’action est concentrée sur vingt-quatre heures, Harry Crews s’attaque à tous les tabous de la vieillesse : abandon, solitude, misère sexuelle, etc., et nous offre un tableau poignant et sans concessions de la condition humaine.

On y retrouve toute la noirceur et l’humour légendaire de l’auteur de La Foire aux serpents.

Critique : 
Harry Crews est un auteur qui aime plonger ses lecteurs dans des ambiances un peu spéciale et typiquement bien à lui : des marginaux et des freaks, ou des monstres de foire, si vous préférez.

Mais pas que… pour reprendre le slogan des éditons Lajouanie.

Parce que classer Crews comme auteur décrivant des freaks à longueur de romans serait réduire sa plume et ses environnements.

Harry Crews est un auteur que j’apprécie, mais il faut l’apprivoiser et ouvrir ses romans sans avoir d’attentes bien définies. Juste pour ce qu’ils sont : des romans d’Harry Crews.

Ici, pas d’homme tronc marchant sur ses mains comme dans « La malédiction du gitan », mais un nain, Jefferson Davis Munroe, travaillant en tant que masseur pour un home perdu dans la petite ville de Cumseh, en Géorgie. Il a la taille de Tyrion Lannister et les muscles de Schwarzy !

La dirigeante de ce home se prénomme Axel, n’a rien d’une Rose (jeu de mot pour les amateurs des Gun’s), culmine à plus de un mètre quatre-vingts et vit dans ce club des seniors depuis sa naissance. Elle vit avec des morts en sursis. Pas étonnant qu’aucun homme ne reste pour la courtiser.

Pourtant, la moitié de la ville, si pas plus, lui appartient. Tout le monde lui doit des hypothèques, et sans les résidents de sa maison de retraite, la ville ne serait plus que l’ombre d’elle-même puisque sans consommateurs.

Il y avait des vieux partout, à vue de nez des centaines. Ils entraient et sortaient des magasins, trimbalant des paquets de papier brillant, des bouts de ruban et des porte-monnaie noirs.

Ce qui fait que les romans d’Harry Crews soient étranges, ce sont les atmosphères qu’il décrit, les personnages qui gravitent dedans, leurs histoires personnelles.

C’est ce tout qui fait que ces romans ne soient pas comme les autres et qui pourraient en rebuter plus d’un parce qu’on ne peut pas dire qu’il se passe des choses folles dans ce home, qu’il y a du suspense à mourir, mais tout de même, je me suis faite happer par ce huis-clos à la limite du sordide, quand on y pense bien.

Tout se passait bien à l’Axel’s Senior Club avant que ne débarque du Greyhound Carlita, une cuisinière espagnole et prêtresse vaudou ; Junior Bledsoe, un vendeur de concession funéraire qui sent qu’il a touché le filon en or avec cette maison remplie de vieux prêts à casseur leur pipe ;  et une femme amoureuse du nain, et qui croit qu’il fait un mètre nonante !

Quand vous réunissez dans le même endroit un prêtre qui ne croit plus, un vendeur sans scrupules, une femme amoureuse, un nain qui voudrait grandir, une patronne qui aime être touchée, des petits vieux qui veulent revivre le grand amour, une vaudou espagnole qui trimbale des os et des poils avec elle, croyez-moi, si ça ne fait pas des étincelles, ça reste tout de même des choses intéressantes à regarder d’en haut.

C’est tragique, c’est cru, ça donne des phrases chocs entre un vendeur de concession funéraire et un prêtre qui dit que la mort n’existe pas, alors que le pavillon où finissent les mourants du home nous rappelle cruellement notre condition de mortel et de retour à ce que nous étions : poussières.

Mon seul bémol sera pour le fait qu’en aussi peu de pages, avec autant de personnages clés, avec un huis-clos et tous les ingrédients qui vont avec, Harry Crews ait parfois du mal à lier sa sauce.

Sans jamais m’embêter une seule seconde, j’ai parfois eu l’impression que ça partait dans tous les sens.

Dans tout les cas, il faut sans doute être amateur du style de Harry Crews pour l’apprécier à sa juste valeur. Et j’apprécie l’auteur.

Challenge Thrillers et Polars de Sharon (2017-2018) et le challenge US (2017-2018) chez Noctembule.

26 réflexions au sujet de « Les portes de l’enfer : Harry Crews »

  1. Ping : Bilan provisoire du challenge polar et thriller 2017-2018 | deslivresetsharon

  2. Ping : Bilan du challenge polar et thriller | deslivresetsharon

  3. Ping : Bilan du challenge polar et thriller – janvier 2018 | deslivresetsharon

  4. Ping : Bilan Livresque Mensuel : Décembre 2017 | The Cannibal Lecteur

  5. Il s’en passe de belles dans les maisons de retraite! Au « Crépuscule des Vieux », la maison où on voudrait abandonner ma Belle-Mère (pour quoi on dit « Belle »? Elles sont moches généralement, non? 🤔), ils font des échanges de dentiers… on les retrouve dans d’autres lits que les leurs… et pas toujours seuls… on découvre des trafics de clopes, de chocolat, de capotes ou de pilules (à quoi ça sert à 75 ans??? 🤨)… ou de petites culottes volées… et je passe sur les aides soignantes qui veulent se faire payer des vacances ou des nouvelles télés ! Et après ça qui dira que c’est inhumain d’abandonner ses vieux sur une aire d’autoute? 🙄 Les maisons de retraite c’est pas mieux et pas moins dangereux (d’ailleurs 100% des pensionnaires y meurent! 😱 faudrait que les pouvoirs publics fassent quelque chose! 😡) sans parler du fait que ça coûte un bras! Entre tes enfants à entretenir et payer les études supérieures à 10 000 euros l’année (prix moyen des écoles de commerce ou d´ingenieurs) et tes parents dont tu dois payer la maison de retraite (3000 euros par mois…) tu regrettes vite de n’avoir que deux reins à vendre! 😰

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    • Enlève des gens et piquent leurs reins à eux ainsi, tu en auras plus que deux et tu garderas les tiens, de reins. Punaise, faut tout vous expliquer à vous qui entrez dans le trafic ! 😆

      La pilule à 75 ans ne sert plus à rien, en effet…

      Il est un fait que 100% des patients meurent dans les hommes, quand je vois tout ceux qui étaient là quand ma mamy y est arrivée, et ils n’y sont plus. Les mecs partent très vite. Une, je l’avais vue le samedi en super forme, elle chantait, elle venait d’arriver et le lendemain, boum, morte… je vois des légumes aussi, qui souffrent, ou qui ne sont plus rien et je me dis que c’est inhumain de les garder en vie. 😦

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      • Ben ouais… mais ça créé des jobs la dépendance des aînés ! Et donc ça rapporte aux impôts ! Cela étant avec nos pénuries de médecins les pôvres ne vont plus vivre très vieux! Ça tombe bien puisqu’ils n’ont pas les moyens de payer une maison de retraite… En même tant en Belgique vous avez résolu le problème avec l’euthanasie légalisée. La vieillesse étant un mal incurable on peut justifier d’achever les gens quand ils en souffrent trop! En Suisse ils acceptent même d’euthanasier les dépressifs! Bien que le désir de mort soit un symptôme de la dépression et que ça puisse se soigner ! Bref… chuis toujours méfiante avec ces histoires ! Qui te dis qu’un jour que la société ne trouvera pas normal de t’en zigouiller parce que tu coûtes trop cher? Aux USA les assurances te laissent déjà crever s’ils estiment la chimiothérapie trop chère et que tes chances de guérir ne sont pas assez élevées! Même pas autorisée à tenter le coup! Et je passe sur le fait qu’en cas de cancer du colon tu devais attendre 2 ans pour être opérée en Angleterre dans l’hôpital publique il y a quelques années ! 😤

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      • A 67 ans, sans la wi-fi je n’y entre pas na ! Non, je vais habiter dans une tiny-house, mon projet et ceci à Dworp, peut-être ou Braine l’Alleud….au Sud de Bruxelles. Ou alors mourir, la belle affaire mais vieillir….comme le chantait Jacques Brel….. ça c’est d’actualité…. Heureusement que les romans noirs me font vraiment rire, trop drôle, même pas peur. Quant à ton « hôme » je ne sais trop. Le livre précédent semble plus noir et plus réaliste. Moins déjanté. Quoique le déjanté, peut-être amusant. Je ne connais pas l’auteur, va falloir peut-être fouiner….. 🙂

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