Le triomphe de la bêtise : Armand Farrachi

Titre : Le triomphe de la bêtise

Auteur : Armand Farrachi
Édition : Actes Sud (02/05/2018)

Résumé :
Dans ce court essai frondeur, Armand Farrachi retrouve le ton mordant du pamphlet pour s’intéresser à un sujet aussi redoutable qu’insondable : celui de la bêtise, dont le déploiement dans nos « sociétés de l’opinion » atteint désormais des sommets : ceux des appareils d’Etat, des instances éducatives et culturelles, des médias, etc.

Critique :
Ce petit livre qui nous parle de la bêtise a été à la fois un morceau de chocolat praliné et un bonbon acidulé dans ma bouche.

Le côté chocolat était pour la partie consacrée à la bêtise même, celle de l’imbécile heureux, dirons-nous car j’avais un beau spécimen devant mes yeux pour l’étude appliquée de cette bêtise poussée à son paroxysme dans la personne de ma belle-soeur (une pièce rapportée).

Défaut d’intelligence, de raisonnement, de logique, de sens critique, d’humour, difficulté à établir des rapports, à saisir la subtilité, à dépasser les préjugés, trouble du discernement, absence de références due à l’inculture et à l’ignorance, inaptitude à juger, à réfléchir, à estimer une situation ou des conséquences maladresse d’expression, pesanteur d’esprit, propension à la gaffe, à la confusion, perversion du goût, impropriétés diverses paralogismes ce qu’on appelle aussi en un mot plus sonore mais plus cru : la connerie.

Cette dernière est capable de te sortir des trucs gros et débiles, du niveau ceux utilisés par Fillon au sujet de sa femme qui n’avais jamais travaillé : autant ma belle-soeur que Fillon sont capables d’aller loin dans leurs justifications abracadantesques, sans queue ni tête, et pire, de s’y accrocher autant que lui en jurant de ses grands dieux des trucs qui relèvent de la bêtise dans toute sa splendeur.

L’auteur nous proposera d’ailleurs un bel exemple de défense bête et débile avec un homme ayant assassiné son voisin pour lui dérober ses meubles.

Et ça s’entête, un être humain, tel un coureur qui prendrait un mauvais chemin et se dirigerait droit vers un précipice, répondant aux gens qui le mettent en garde qu’il a une bonne avance sur les autres…

Quant aux politiciens, ils en prennent pour leur grade aussi, tel Trump décidant de l’envoi de 59 missiles sur l’Irak (alors que c’était sur la Syrie) et annonçant qu’il avait pris cette décision devant la plus belle part de gâteau au chocolat…

 

trump gâteau 8ppm00-HC

Non pas sur l’Irak, mais sur la Syrie !

Alors oui, pour la première partie, celle en chocolat qui fond dans la bouche (et dans la main), j’ai affiché un sourire carnassier sur ma face car je n’étais pas visée par l’auteur.

Là où la partie est devenue acidulée – de celle qui fait mal à la gueule mais que tu gardes en bouche parce que tu aimes ça (oups) – c’est quand l’auteur est arrivé dans la partie qui nous concerne un peu tous et toutes car dans le fond, nous sommes tous et toutes l’imbécile d’un autre et les publicitaires le savent, que nous nous laissons entraîner par des slogans simples, clair et qui marquent.

Car nous avons tous des grands principes écolos, nous sommes d’accord avec le fait qu’il faut polluer moins, mais la plupart ont aussi des tas d’excuses pour ne pas les appliquer puisque de toute façon, les autres ne le feront pas…

Braquant sa plume assassine sur imbéciles, sur les politiciens, sur les citoyen lambda, sur les fabriques à crétins que sont devenues les écoles, sur la société de consommation, sur les émissions abrutissantes, sur les anglicismes qui parsèment notre langage, sur la loi du moindre effort, sur le fait que nous ne voulons plus réfléchir et j’en passe et des meilleures, l’auteur tire à boulets rouges sur cette bêtise qui est devenue la norme de notre société.

L’ignorance comme outil de la bêtise n’est donc pas une défaillance du système éducatif mais un objectif. Même sous la constitution la plus libre, disait Condorcet, un peuple ignorant est esclave. L’intelligence est redevenue subversive.

La culture et l’éducation ont besoin de la bêtise pour attribuer une valeur à des diplômes qui n’ouvrent aucune porte, pour pousser à s’exprimer ceux qui n’ont rien à dire, pour reconnaître du talent à une médiocratie artistique grâce à quoi prospèrent ou survivent le commerce de la libraire, le marché de l’art, la production cinématographique, l’industrie musicale, les festivals de théâtre ou d’autre chose.

Tenant plus du pamphlet que de l’essai, ce petit livre se lit en plusieurs morceaux, comme un dessert exquis que l’on ne voudrait pas finir trop vite. Je l’ai dégusté sur plusieurs jours, m’en gardant des petits passages rien que mon plaisir personnel.

Rien à dire, l’auteur frappe sous la ceinture, il y va fort, je ne lui donne pas tort, sauf peut-être pour certains passages car mettre les utilisateurs de shampoing au même niveau que l’imbécilité de certains, c’était un peu poussé, non mais allo quoi !

Hormis cette petite critique, tout le reste était absolument vrai, hélas, et si nous continuons ainsi, nos cerveaux seront la prochaine extinction !

Sauf si un petit village peuplé d’irréductibles « cerveaux » résistent encore et toujours à l’envahissante bêtise.

Il est assurément plus commode d’être bête que d’être intelligent, comme nous en avons tous fait l’expérience, et certains plus que d’autres. Le vivant choisit toujours le plus facile et répugne naturellement aux complications. Prendre une autre direction que la plus proche, la plus rapide, la plus sûre ou la plus directe suppose des opérations mentales parfois délicates, une réflexion préalable, des comparaisons, une remise en cause, un effort, une anticipation, une projection, une complexité, un délai propres à dissuader plus qu’à stimuler, surtout quand le temps presse ou que la paresse résiste. La bêtise s’ébat dans le spontané, dans l’impulsif, se fie aveuglément au hasard, à la chance, ne calcule pas ses risques. L’évidence lui suffit, le retard lui nuit, le doute peut lui être fatal. L’habitude lui va comme un gant. L’imbécile est dans l’obstination comme un poisson dans l’eau.

La civilisation a cru en échappant à la condition des animaux et aux lois naturelles elle s’acheminait vers sa perfection. Il semble qu’on puisse aujourd’hui penser le contraire; on échappe pas à la nature sans verser dans l’erreur et plus souvent dans la bêtise.

Trump et son gâteau au chocolat 

     

25 réflexions au sujet de « Le triomphe de la bêtise : Armand Farrachi »

  1. Ping : Bilan Livresque Mensuel : Mai 2019 [Mois Espagnol chez Sharon] | The Cannibal Lecteur

    • Oui, Trump est hors catégorie, pire que Bush, même et jamais je n’aurais cru écrire ça un jour.

      Ce petit livre est bien fait, ça grince, ça couine, ça siffle, ça persiffle et ça frappe sous la ceinture, parce que c’est là que ça fait le plus mal 😉

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  2. Coluche: « la publicité à la télévision ça s’adresse uniquement aux débiles mentaux… les autres circulez y a rien à voir! » Je sais plus de quand date ce sketch… les années 80? 70? Chais plus…

    Ben maintenant on a la télé-réalité et mes enfants regardent… mais juste pour se moquer des jeunes tatoués et pouffes siliconées qui veulent devenir des stars avec 10 mots de vocabulaire et d’évidentes carences grammaticales et qui passent leur temps à se faire des grandes scènes du deux entre deux parties de jambe en l’air avec des partenaires dont ils n’ont pas mémorisé le nom…

    Anybref… pour savoir ce qu’est la bêtise… allumez le poste! 🤮💩

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    • Oh mon dieu, je ne m’en souvenais plus !!! Punaise, il tapait déjà sous la ceinture 😆

      Même pour me moquer, je ne regarde pas la télé réalité, j’ai l’impression de perdre des neurones, mais pour les psys, les sociologues et toussa toussa, c’est du pain béni, de la matière à étudier, à disséquer !

      Si la bêtise restait à leur niveau, ça irait, mais on idolâtre ces gens de 36ème zone, on leur donne la parole, on les rend intéressant. Et des gens au pouvoir ne sont pas plus intelligent qu’eux ! Le président en Ukraine est un ancien acteur élu avec un programme zéro, sans rien !

      Pour la bêtise, allez aux urnes ! :poop: aussi !

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      • Ben… un acteur qui devient président d’une dictature… On a déjà vu ça avec Donald Reagan aux USA non? Et Schwarzy qui était devenu gouverneur? Et la Ciccolina (ancienne star du X italien… franchement moche d’ailleurs…) qui était devenue députée?

        Mais nous en France… On a surtout des clowns… Et en plus des clowns de niveau amateur qui font pas rire… A moins que ce ne soient les anciens clowns de toutes les versions ciné et télé du « ça » de S.King? 😀 😀 😀

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        • Le triomphe de la bêtise avec preuves à l’appui !! Des gens ont voté pour ceux-là, dont un en Ukraine qui avait un programme de rien, ou rien comme programme. Et ça marche ! Caligula n’était pas fou lorsqu’il nomma son cheval sénateur, il prouvait par là que n’importe qui pouvait être sénateur, même son canasson.

          Nos clowns ne nous font pas rire chez nous non plus, sauf à l’émission de radio « Votez pour moi » et là, on se marre bien !

          https://www.rtl.be/belrtl/emission/votez-pour-moi/1214.aspx

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    • Ici, on est dans la connerie à l’était pur, niveau champion du monde : un président qui te dit qu’il a pris la décision d’envoyer 59 missiles sur le tronche de l’irak (alors que c’est la syrie) et tout ça devant la plus belle part de gâteau au chocolat, ça te laisse pantois.

      On ne parle pas des conneries qu’on dit tous un jour, mais de la bêtise pure et dure, celle des politiciens, comme un qui soutenait que sa femme avait bossé pour lui, des gens qui s’enfoncent dans leur bêtise, leur mensonge, de ces gens qui veulent des phrases simples et des discours simpliste… On ne parle pas de conneries simple, mais de bêtise au plu shaut niveau 😉

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