La Brodeuse de Winchester : Tracy Chevalier [LC avec Bianca]

Titre : La Brodeuse de Winchester

Auteur : Tracy Chevalier
Édition : La Table ronde Quai voltaire (25/06/2020)
Édition Originale : A Single Thread (2019)
Traduction : Anouk Neuhoff

Résumé :
1932. Violet Speedwell est l’une de ces millions de femmes anglaises restées célibataires depuis que la Première Guerre mondiale a décimé toute une génération de fiancés potentiels.

Méprisées dans les journaux, tolérées par les familles malgré une condescendance exaspérée, elles vivent à une époque où les attentes de la société quant à l’avenir des femmes sont des plus rigides.

Des attentes que Violet est sur le point de faire voler en éclats. En quittant Southampton et sa mère acariâtre pour s’installer à Winchester, où elle continue de travailler comme dactylo pour une compagnie d’assurances, elle espérait trouver de nouveaux amis, une nouvelle vie.

En s’arrêtant dans la cathédrale un jour qu’elle est partie acheter un ruban de machine à écrire, elle découvre un cercle de brodeuses occupées à confectionner des coussins et agenouilloirs.

Violet, qui n’était pas particulièrement douée pour la couture, y trouvera l’amitié, le soutien et la créativité capables de rivaliser avec le dédain et les préjugés.

En toile de fond, la montée du fascisme sur le continent : Hitler arrive au pouvoir en Allemagne…

Dans ce monde encore hostile aux femmes, Violet n’a d’autre choix que de s’affirmer. Son histoire s’inspire de celle de Louisa Pesel, la fondatrice du cercle des Brodeuses de la cathédrale de Winchester.

Critique :
La brodeuse de Winchester est un écheveau qui entremêle plusieurs points de croix et dont le dessin final est de montrer un portrait de la femme anglaise en 1932.

À cause de la Grande Boucherie de 14/18 et de tous ces hommes tombés dans les tranchées (et ailleurs), il y a un excédent de 2 millions de femmes célibataires en Angleterre.

Condamnées à rester vieilles filles suite aux décès de leurs fiancés ou à cause de la pénurie de mâles, elles sont sujettes aux railleries de la population en général et même des autres femmes mariées, à cause de leur statut de célibataires.

Pourtant, elles ne sont pas coupables, ce n’est même pas un choix qu’elles ont fait délibérément, juste une offre d’hommes qui est plus petite que la demande faite par les femmes.

Mais comme toujours, la société se pose en juge intransigeant et les regarde de haut, sans savoir que dans moins de 8 ans, on repartira au front contre les mêmes.

Comme toujours, il est plus facile de fustiger ce qui se trouve sous nos yeux que les vrais coupables de la boucherie que fut la Première Guerre Mondiale… Comme à cette époque, le seul statut de la femme accepté, c’est celui de son mariage et pas son travail, les femmes excédentaires (terrible adjectif) sont mal vues.

De ce point de vue là, c’est un beau portrait des droits des femmes que ce livre nous brode (façon de parler, bien entendu). Les femmes ont peu de droits, hormis celui de fermer sa gueule et de retourner en cuisine.

Heureusement qu’il y avait ces passages sur la place de la femme dans la société anglaise en 1932 (filles-mère et homosexualité féminine comprise), parce que sinon, je ne me serais endormie sur mon ouvrage tant le récit est lent et qu’il ne se passe pas vraiment grand-chose…

C’était ma première fois avec cette auteure et j’ai appris ensuite que ses romans étaient tous sur le même rythme. J’avais lu les multiples coups de cœur des copinautes de la blogo et ce roman me faisait vraiment envie, mais hélas, je vais une fois de plus ramer à contre-courant, ce qui me fait enrager car je préfère ressentir des émotions fortes plutôt que l’ennui durant une lecture.

Une partie du problème est venu du personnage principal, Violet, dont j’ai eu souvent envie de secouer ou de lui crier d’envoyer balader sa mère acariâtre, castratrice, et chiante au possible à force de se lamenter sur tout comme si elle était la seule à souffrir, à avoir de la peine.

Mes préférences sont allée à l’excellente Louisa Pesel, personnage ayant réellement existé, qui à elle seule porte une partie du roman car même moi j’aurais eu envie d’aller broder sous son patronage et à Gilda, l’amie que Violet va se faire à la broderie.

Si je suis passée à côté d’une partie de cette lecture, le fait n’est pas imputable au récit car jamais l’auteure ne sombre dans le neuneu ou le gnangnan à la guimauve. Elle reste profondément réaliste et certains dialogues où les hommes se font rabattre le claquet de manière courtoise mais ferme sont des bonbons qui explosent dans la bouche et nous font sourire.

La montée du nazisme est dans le toile de fond de l’ouvrage, les personnages se posent des questions sans savoir où l’arrivée d’Hitler va les mener, même si certains craignent qu’on reparte comme en 14…

Le sujet du nazisme n’est pas le plus important dans le récit qui repose avant tout sur la place de la femme en général dans la société de 1932 et sur celle des femmes célibataires sans l’avoir désiré.

Bianca a apprécié sa lecture et si vous voulez lire son avis, vous le trouverez dans le lien de son nom, ainsi vous pourrez avoir deux avis sur le même roman.

Gardez bien à l’esprit que l’écrasante majorité des chroniques sont positives envers ce roman. J’aurais aimé en faire partie aussi.

Le Challenge A Year in England pour les 10 ans du Mois anglais [Lecture N°06] et Le challenge « British Mysteries 2021 » chez MyLouBook.

34 réflexions au sujet de « La Brodeuse de Winchester : Tracy Chevalier [LC avec Bianca] »

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    • C’était une première, ça n’a pas matché entre nous, mais ce n’est pas grave, tant pis… même si, dans le fond, j’aurais aimé l’apprécier, ce roman, parce que je l’avais coché !

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  3. Le système de classe anglais a toujours favorisé le mépris envers ceux qui n’appartiennent pas à sa propre caste… On fait subir à l’autre moins chanceux les vexations qu’on subi soi-même de la part des mieux lotis. De fait je suis à peine surprise de la façon dont les femmes nanties d’un mari méprisent ici celles qui n’ont pas trouvé ou perdu leur fiancé. Et puis… depuis que j’ai vu que les féministes en venaient aux mains entre elles et se faisaient des menaces de mort plus rien ne m’étonne concernant la vacherie des femmes entre elles!

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    • L’être humain adore rabaisser less autres, ça lui donne l’impression d’être plus haut, alors qu’en fait, il y en aura toujours plus haut que lui, mais bon, sur le moment, ça te flatte l’égo ! Alors puisque ta seule victoire est d’avoir un mari, tu rabaisses les autres qui ont perdu leurs fiancés dans les tranchées, comme on a rabaissé ceux qui ne sont pas parti à la guerre puis oublié dans un coin ceux qui en sont revenus estropiés ou un peu trop bien conservés.

      L’Homme est un animal bizarre, il n’est pas à une contradiction près. Et nous les femmes, nous le charme, non plus…

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      • Tout a fait. L’hôme aime bien se faire mousser sur le dos des zôtres. Et honni soit qui mal y pense hein! 😉

        Cela étant je trouve tout de même qu’en France on est plutôt du genre à médire derrière le dos des gens pour exprimer ce travers… comme si on ne s’autorisait pas à rabaisser l’autre de façon trop frontale parce qu’on a bien conscience que c’est mesquin et pas bien. On aime bien se rassurer de sa propre médiocrité en enfonçant les autres mais… on sait que c’est dégueulasse et ce n’est pas trop assumé. En revanche je trouve que dans la culture britannique ce côté puant s’exprime franchement de manière décomplexée car la question de la séparation entre les classes sociales est très intériorisé, pas contesté, pas remis en question… Alors qu’en France, on est censé être tous égaux même si ce n’est pas vrai alors les clivages sociaux et la façon dont on les entretient s’exprime davantage à bas bruit. Cela ne se fait pas de balancer sa réussite à la gueule de l’autre pour lui renvoyer qu’il est nul. C’est mal vu. C’est contraire à l’héritage supposé de la révolution et de sa morale laïque. Exprimer son mépris du plus petit que soi est trèèèès mal vu car on a cette culture qui nous pousse à vouloir occulter la réalité des différences de classes. Cela ne peut s’exprimer qu’à mi-mot.

        Tiens par exemple, lors d’une activité de mes enfants organisée dans ma ville les autres parents me demandaient tout de suite après s’être présentés dans quelle école étaient mes enfants… Je répondais naïvement… Et plus personne ne me parlait… et je me rendais compte que les parents dont les enfants étaient dans l’école privée restaient entre eux et éventuellement avec les parents dont les enfants étaient à l’école du quartier des maisons les plus luxueuses de la ville. Ils restaient entre eux, laissant les rares autres (qu’avaient pas compris qu’ils n’y avaient pas leur place) en plan. Les rares fois où ils m’ont parlé c’était toujours très poliment et très courtoisement, mais juste pour des banalités (quelle heure il est ? il y a activité la semaine prochaine ?). Pour les échanges un peu plus consistants où on m’aurait invitée à donner un avis ou chercher à me connaître c’était zéro pointé. Mes enfants n’étaient pas dans la bonne école on avait pas envie de me connaître… J’étais supposée être un cas social alors que j’étais certainement plus diplômée que la moitié ou les trois quarts des autres mamans et plus expérimentée qu’elles pour contribuer l’animation de l’activité. Dans la culture britannique de toute façon on aurait refusé mon inscription à l’activité ou on m’aurait snobée plus frontalement, ne me demandant même pas quelle heure il est, ou en me disant non sèchement au lieux d’aller inscrire mon nom sur la feuille si j’avais proposé un coup de main (j’ai inscrit mon nom sur la feuille des volontaires mais évidemment on ne m’a pas rappelée). C’est bien plus sournois cette manière de faire en France… Mais faut pas se leurrer. C’est tout aussi douloureux.

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        • En fait, on ne sait jamais ce qu’on doit faire, où se situer… Trop haut et trop diplômé, on te regarde de haut, on te méprise, on te jalouse et trop bas, ben on te snobe… On imagine que les parents d’enfants en écoles privées sont des snobinards qui ne veulent pas que leurs enfants fréquentent les autres, la mixité sociale ou que les autres écoles ne sont pas assez bien pour eux. Je le vois à Bxl, avec les écoles snobinardes, fort péteuses, les élèves n’ont pas les mêmes rapports entre eux qu’avec ceux des écoles plus populaires, ou du moins, moins élitistes…

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        • Mais bon, tout le monde n’est pas ainsi, je ne tire pas de conclusions hâtives, je connais un homme noble avec nom à rallonge qui salue tout le monde avec le sourire, même si tu portes ton jeans crasseux d’avoir promené les chiens 😆

          Les gens jugent souvent à l’allure, aux vêtements, même moi, je sais dire en regardant une personne quel est son statut social (oui, j’ai honte) et en effet, je n’irais pas fréquenter des barakis ou des gens d’une classe plus haute que moi, je ne serais pas à la place, comme si je fréquentais des mecs qui dont du dressage de compétition, je n’aurais rien à leur dire.

          En fait, c’est ainsi dans tous les milieux, sociaux ou culturels, ou sportifs. On avait réuni un jour des cavaliers de courses (jockeys) et de ceux d’obstacles, pensant qu’ils auraient des tas de choses à se raconter, à partager et au bout de 30 minutes, c’était le silence, ils n’avaient à se dire car rien à partager, leurs disciplines étant pas les mêmes…

          Tu as du faire peur à ces dames avec tes diplômes et ton savoir, elles n’ont pas pu te « connaître » via le Net, qui lui, gomme une partie des inégalités… ok, pas toutes 😆

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