Les Amants de Baker Street – 01 – Le détective et le soldat blessé : Isabelle Lesteplume [par Dame Ida, Prêtresse de la Pureté du Canon et alliée de la Communauté LGBTQIA+ complètement déchirée]

Titre : Les Amants de Baker Street – 01 – Le détective et le soldat blessé

Auteur : Isabelle Lesteplume
Édition : MxM Bookmark – Mystère (24/11/2021)

Résumé :
Découvrez, au cœur du Londres victorien, les secrets bien cachés d’une romance interdite.

Londres, 1881.
Médecin militaire, John Watson vient tout juste d’être rapatrié d’Afghanistan. La guerre lui a tout pris. Sa santé, sa raison de vivre, son premier amour.

Brillant et excentrique, Sherlock Holmes est fasciné par les crimes et les énigmes, mais rongé par l’ennui et la solitude.

Par un coup du sort, les deux hommes se retrouvent à partager un appartement au 221b Baker Street. Et lorsque Scotland Yard frappe à la porte, Holmes et Watson n’hésitent pas une seule seconde à y répondre.

Aventure et mystère s’invitent dans leur quotidien. Mais alors que le danger n’est jamais loin, les démons du passé, eux, menacent de les rattraper. Leur amour sera-t-il assez fort pour y faire face ?

Critique :
Voilà quelques années que je me chagrinais d’avoir vu fleurir sur le net de multiples adaptations, dessins ou fanfictions NSFW attribuant une liaison aux deux personnages principaux de la série Sherlock…

Je rongeais mon frein, mangeais mon chapeau et pestais dans ma barbe face à l’obsession nouvelle lancée par le succès de cette série qui, d’ailleurs, surfait allègrement sur une petite vaguelette homo érotique pleine de sous-entendus…

Ben oui… Doyle n’avait jamais voulu faire de Holmes et de Watson un crypto-couple gay et s’en était expliqué…

Deux hommes en colocation chez une veuve à l’époque victorienne ? Mais c’était d’une rare banalité !

La société puritaine de l’époque ne permettait pas la mixité entre hommes et femmes dans les lieux publics. Seul un couple marié pouvait cohabiter ensemble sous le même toit…

Et les loyers londoniens, centre du monde de l’époque, étaient déjà hors de prix, contraignant les jeunes célibataires qui n’avaient pas encore fait leur trou dans la société, à louer des chambres chez des veuves dont la maison restait le seul bien dont elle pouvait tirer quelques sous pour subsister.

Et ces messieurs, qui quittaient leur mère, sans avoir encore d’épouse et pas de domestiques, auraient été bien ennuyés pour se faire à manger ou faire leur lessive ! Prendre pension chez une veuve était le bon plan absolu.

Cette colocation était historiquement suffisamment explicable et répandue pour que Doyle puisse faire cohabiter ses héros sans que ça aille jusqu’à les faire cohabiter dans le même lit. N’en va-t-il pas de même de nos enfants étudiants lorsqu’ils prennent une colocation ?

Alors… faire de la cohabitation entre deux hommes un truc louche, laissant supposer une liaison sexuelle entre eux à l’époque victorienne, ni même aujourd’hui, vu le prix des loyers en zone urbaine, n’a rien de bien raisonnable et relève surtout des fantasmes de ceux qui y pensent.

Aussi, si je n’ai absolument rien contre le mariage pour tous et toussa toussa, et que le souvenir de ce que risquaient les homosexuels, il y a encore quelques décennies, en Occident, me révolte (et je ne parle même pas de leur sort actuel en Iran, dans les Émirats du Golfe, en Russie ou encore dans certains pays d’Afrique !

En fait ça mériterait qu’on en parle davantage, mais ce n’était pas l’objet de mon billet), mais voilà… je suis toujours crispée quand un pastiche ou prétendu pastiche trahit les intentions du créateur des personnages d’une œuvre.

Que l’on publie de belles œuvres, avec des personnages plus intéressés sentimentalement ou sexuellement, par les personnes de leur propre sexe si l’on veut…

Le principe ne me dérange pas (notons qu’on a curieusement très peu, voire quasiment pas de polars dont le personnage principal est gay ou lesbien, en rapport à la représentation LGBT dans la population générale – il faudrait que les auteurs se lancent, non ?). Mais quand un pastiche prête une romance homosexuelle à des personnages qui n’étaient pas supposés l’être, dans le projet de leur créateur, ça me dérange. J’ai toujours vu là une forme de trahison, comme quand on veut faire de Dracula un playboy romantique…

Bref, les pastiches holmésiens homoérotiques ne sont franchement pas ma tasse de thé. A priori.

Car… Oui… j’ai mes aprioris.

Et comme toujours… les aprioris sont faits pour être contrariés et vous rappeler que seuls les cons et les connes ne changent jamais d’avis.

Oui, moi, Dame Ida, Grande Prêtresse de la Pureté du Canon Holmésien, qui vomissais tripes et boyaux sur toute représentation homo érotique du couple Holmes / Watson… Je me suis faite retourner comme une crêpe par ce roman.

Qu’Isabelle Lesteplume (ah bon ? son nom est un pseudo ? ) me pardonne, mais j’ai ouvert le premier volet de son triptyque simplement dans l’idée de me faire plaisir en l’étrillant dans une fiche, de me moquer d’elle, de l’humilier, de réclamer qu’elle soit mise au bûcher sur les versions papier de ses livres etc…

Et oui, les Grandes Prêtresses de la Pureté virent toujours dans l’intégrisme meurtrier, quelle que soit leur religion en fait… On devrait les zigouiller ! L’intégrisme, c’est toujours mal et conduit aux guerres civiles !

Mais je dois m’avouer vaincue : Madame Lesteplume, je n’aime a priori pas ce que vous faites, mais je dois vous admettre que vous le faites bien et que vous m’avez bluffée, même si vous étiez rudement mal partie avec moi comme lectrice !

Et oui, je dois humblement reconnaître que cette auteure réalise ici un tour de force diabolique. Son Holmes et son Watson s’aiment, mais sans qu’autre chose vienne jamais vraiment lourdement trahir la psychologie que leur créateur leur a donnée en dehors de ce « détail ».

En outre, elle ne trahit rien des enquêtes du canon qui seront évoquées avec une rare précision. Elle offre une relecture plutôt fidèle du canon, tel qu’il aurait dû s’écrire, s’il n’avait pas dû cacher l’idylle entre Holmes et Watson pour leur éviter de finir en prison.

L’auteure déploie l’histoire d’amour entre les deux hommes en gardant leurs enquêtes marquantes en toile de fond, une toile de fond tracée avec une certaine rigueur. Une étude en rouge et le Signe des Quatre seront au programme.

On y évoquera quelques “untold cases” au passage, comme autant de clins d’œil. Même les personnages secondaires seront bien traités et respectés. Mme Hudson prendra peut-être davantage de place que dans le canon, mais d’une manière tout à fait crédible et sympathique.

La culture holmésienne de l’auteure est indéniable, ainsi que ses références historiques fournies et sourcées. Tout cela donne à ce pastiche une authenticité qu’on ne retrouve généralement pas dans les fanfictions diffusées sur le net par des personnes dont la culture holmésienne se réduit à la série Sherlock.

La psychologie des deux personnages est ici cohérente avec le canon. Elle s’en éloigne sensiblement évidemment, mais seulement pour que la relation amoureuse entre les deux hommes puisse être crédible.

Évidemment, cela suppose que Holmes soit capable d’amour, et de faire un petit forçage de la surface hermétique de ses émotions… Mais même les artifices de l’auteure pour y parvenir se révéleront relativement convaincant. Même pour une sceptique comme moi.

J’ai vu les personnages de Holmes et de Watson parfois bien plus maltraités par d’autres pastiches où ils restaient hétéros. Je me souviens par exemple d’un pastiche lamentable où Watson se prenait pour un playboy et lorgnait sur tous les décolletés, ce qui me semble bien plus éloigné du Watson original que celui que j’ai croisé ici… qui reste fidèle à lui-même, même si son admiration pour son ami va au-delà de ce que le canon nous en dit.

Concernant la façon dont leur liaison se développe, l’auteur échappe à l’écueil de la pornographie. Les rapprochements physiques entre les hommes seront fréquents, certes, mais évoqués malgré tout avec une relative pudeur malgré un ou deux petits détails triviaux.

Quand les deux hommes s’étendent, l’auteure ne le fait pas. Celles et ceux qui voudraient des descriptions cliniques d’emboîtements frénétiques resteront sur leur faim. La plume de Madame Lesteplume n’est pas si leste qu’annoncée (en tout cas dans le premier volume).

Après… pour ce qu’il en est des élans romantiques et de la façon dont les deux hommes découvrent, comprennent et expriment leurs sentiments… Je dirais que nous restons malgré tout dans une écriture très « féminine ».

Je ne suis pas certaine que deux hommes pourraient se parler ainsi, voire élaborer ce qu’ils ressentent l’un pour l’autre à un tel degré de précision. Surtout un homme comme Holmes ! Mais… je fais peut-être un brin de sexisme en suggérant que les messieurs soient moins à l’aise que nous les fâmes, avec les mots, lorsqu’il s’agit de parler de ce que nous ressentons ?

C’est là, je trouve l’un des principaux écueils du genre. Les pastiches de romances entre Holmes et Watson sont souvent plus écrits à destination d’un public féminin, et par des femmes… Et si les hommes ne comprennent que rarement grand-chose à ce que nous voulons ou ressentons, je crois que nous ne sommes pas plus douées qu’eux pour deviner ce qu’ils ne comprennent pas eux-mêmes de leurs propres sentiments.

Bref, ce roman est venu bousculer des préjugés et mon refus de transiger avec le canon qui m’avaient toujours toujours tenue éloignée de telles histoires, d’autant qu’elles sont souvent fort mauvaises.

Mais là, vous l’aurez compris : je suis scotchée par ce premier opus. Je me l’étais imposé juste pour le plaisir de le descendre et… Vlan ! Je me fais avoir.

Si je n’avais pas passé un moment aussi surprenant et aussi agréable, j’en serais carrément dépitée !

Lirai-je le second ? Le troisième ? Honnêtement, je ne sais pas. L’été prochain peut-être ? Pour me détendre ?

Je suis curieuse de le faire assurément, pour voir si l’auteure parvient à poursuivre aussi bien qu’elle a commencé. Et puis l’épisode Irene Adler n’est pas évoqué ici… je suis très curieuse de savoir comment l’auteur s’en débrouillera…

Mais j’avoue avoir tout de même un peu peur de me lasser des déclarations que les deux hommes se font l’un à l’autre, ou des passages introspectifs romantiques qui émaillent les chapitres.

Comme je vous le disais… je n’y reconnais pas tant que cela la “psychologie” masculine… Car au risque de surprendre certains homophobes, les hommes qui aiment les hommes restent des hommes, même lorsqu’il s’agit de parler de leurs sentiments les uns pour les autres.

Mais la façon dont l’auteure propose sa relecture des affaires majeures du canon avec précision, tout en présentant une version où l’évolution de l’histoire du couple formé par les deux hommes vient s’imbriquer reste particulièrement habile.

L’auteure réussit cela d’une manière totalement inattendue et c’est là à mes yeux la qualité essentielle que je dois reconnaître à ce pastiche.

Préserver aussi bien le canon tout en le malmenant sur un point aussi important réclame un savant savoir faire. Et je suis carrément impressionnée.

Comment coter ce livre en Sherlocks ? Et bien, je dirais 4 pour le respect du canon, si on oublie la liaison entre les deux hommes. Mais comment l’oublier, puisqu’elle est l’argument même de la série de livres annoncée ? Je ne peux pas dire 4 d’un côté, 0 de l’autre et faire une moyenne entre les deux pour aboutir à 2/5. Ce livre mérite évidemment mieux.

Je préfère ne pas le noter, tout en reconnaissant que, dans le genre holmésien homoérotique, il tient certainement le haut du pavé.

 

 

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Arthur Conan Doyle – Puis-je marier Sherlock Holmes ? : Isabelle Chevalier

Titre : Arthur Conan Doyle – Puis-je marier Sherlock Holmes ?

Auteur : Isabelle Chevalier
Édition : Lamiroy (01/03/2022)

Résumé :
Que sait-on généralement de Sherlock Holmes et de son auteur, Arthur Conan Doyle ? La résolution des énigmes par la logique, agrémentée d’un (inauthentique) « Élémentaire, mon cher Watson » [formule apocryphe.

En effet, on ne la trouve nulle part dans le canon de Conan Doyle et Sherlock Holmes ne l’a jamais prononcée dans aucune histoire originale], la tenue iconique et, pour les champions de culture générale, la tentative de l’auteur de se débarrasser de son héros.

Isabelle Chevalier nous emmène parcourir le paysage de ces grandes lignes que nous laissions se dessiner à l’horizon.

Parmi celles-ci, mon regard s’est arrêté sur l’aversion de l’auteur pour son personnage, mais surtout j’ai été frappé par le nombre considérable de personnes qui se sont passionnées pour Sherlock Holmes au point de le considérer comme une personne réelle.

Critique :
Le titre semblera racoleur pour un lecteur lambda, mais pour l’holmésien de base, il lui rappellera cette question posée par le comédien américain, Willaim Gilette, dans l’un de ses câbles à Arthur Conan Doyle :
— Puis-je marier Sherlock Holmes ?

Conan Doyle, fatigué de toute cette communication, répond à l’acteur :
—Vous pouvez tuer Holmes, ou le marier, ou tout ce que vous voulez.

J’avais été étonnée, le jour où j’avais appris que Doyle détestait son personnage de Sherlock Holmes, qui pourtant, lui apporta la richesse.

L’auteur aurait préféré être reconnu pour ses romans historiques. Comme bien d’autres personnes dans le monde qui ne sont pas satisfaites de leurs talents, de leurs dons et qui aurait aimé être mis à l’honneur pour autre chose.

Ce petit ouvrage de 36 pages ne m’a rien appris de nouveau (depuis l’avènement d’Internet et mon inscription à la SSHF, j’en sais bien plus qu’avant), mais il a au moins eu le mérite de me remettre des faits en place, des dates, des chiffres…

Oui, je sais, mais j’oublie ! Ma mémoire disjoncte et elle laisse partir des tas de détails et ensuite, c’est Tintin et Milou pour les retrouver dans mon petit grenier mémoriel en bordel. J’avais même réussi à oublier que « Une étude en rouge » avait été publiée pour la première fois dans le « Beeton’s Christmas Annual » de 1887.

Par contre, l’autrice ne parle à aucun moment du repas que firent Doyle et Oscar Wilde (en août 1889), avec l’éditeur américain Stoddart, du Lippincott’s Magazine. Ce dernier demanda aux deux auteurs d’écrire deux romans. Il laissa carte blanche à Wilde (qui écrivit « Le portrait de Dorian Gray ») et exigea de Doyle qu’il écrive une nouvelle aventure de Sherlock Holmes (Le signe des quatre qui parut en 1890).

Cette anecdote, je l’avais lue, en français, sur le site de la SSHF, mais impossible de le retrouver dans la langue de Molière, alors je vous l’inclus dans la langue d’Elisabeth II ou de Shakespeare :

In august 1889, during a dinner hosted by J. M. Stoddart, an American agent of the Lippincott’s Magazine, Conan Doyle and Oscar Wilde were hired to write two stories. Published in 1890, Wilde wrote The Picture of Dorian Gray and Conan Doyle The Sign of Four, the second adventure of the detective. The same year, the Conan Doyles stayed a few months in Vienna for Arthur to improve his medical knowledge. Back in England, they moved to London on Montague Place and the young doctor’s office opens at 2 Devonshire Place. Patients were scarce again, Conan Doyle took up the pen again.

Anybref, sans révolutionner l’affaire, ce petit opus est bien fait, puisqu’il vous donne un max d’informations sur Conan Doyle, sur sa haine de Sherlock Holmes, sur les sommes qu’il a touchées et sur son envie de le tuer.

Pour un holmésien ceinture noire (et robe de chambre gris souris), rien de neuf sous le soleil, pour une holmésienne avec des trous de mémoire, une bonne remise en selle des petits détails (avant que les oublis ne recommencent) et pour les néophytes, un peu de pages, ils en apprendront assez que pour épater la galerie au prochain repas de famille.

Notamment avec des petites anecdotes, comme cette banque (la Abbey National, installée aux numéros n°215-229) qui engagea une secrétaire pour spécialement répondre au courrier que des gens envoyaient au 221b, Baker Street. Et le musée, qui s’installa plus loin, se fit attribuer le numéro 221b et qui entama un procès avec la banque dans le but de récupérer le droit de répondre au courrier…

Holmes, c’est un personnage hors norme ! Hé, un personnage de fiction qui meurt et dont une partie de la population porte le deuil en Angleterre, c’est pas banal, avouez-le ! De plus, ce personnage de fiction est sorti de ses pages et a pris vie, puisque plein de gens pensent que Holmes a réellement vécu !

Le Challenge « Les textes courts » chez Mes Promenades Culturelles II (Lydia B – 36 pages).