Titre : La véritable Histoire vraie / Les méchants de l’Histoire – Tome 07 – Joseph Staline
Scénariste : Bernard Swysen
Dessinateur : Ptiluc
Édition : Dupuis (2020)
Résumé :
Impossible de considérer une collection « Les méchants de l’Histoire », sans Staline, « le petit père des peuples », l’homme d’acier de l’URSS, connu pour les purges et la déportation de ses opposants politiques, les déplacements forcés de populations entières et les famines qu’il provoqua. Bilan : plusieurs millions de morts.
Avec cette collection, Bernard Swysen n’hésite pas à sauter à pieds joints dans les nids de guêpes de l’histoire en brossant le portrait des vilains et en assaisonnant la réalité historique de son humour pimenté pour s’attaquer à ces grandes figures historiques et tragiques.
Joseph Staline est né Iossif Vissarionovitch Djougachvili en 1878 à Gori, en Géorgie. Son père était cordonnier. Il est surtout décrit comme un ivrogne qui battait sa femme et voulait empêcher son fils de suivre des études pour devenir prêtre. À l’école, Staline se détourne de la foi religieuse puis adhère au Parti ouvrier social-démocrate de Russie (POSDR) en 1898.
Ptiluc, un des plus grands fabulistes animaliers contemporains, s’empare de cette trajectoire dans son trait burlesque en mettant en perspective la manière dont Staline se racontait lui-même.
Du décalage naît le rire grinçant de la caricature, à partir d’un récit chronologique rigoureux, qui ne cache rien des ambitions et de l’autoritarisme du dictateur. Staline décède en 1953. Il reste sans doute le fantôme le plus controversé de l’histoire.
Critique :
Cette série sur les Grands Méchants de l’Histoire continue de m’enchanter, tout en me faisant frémir.
L’horrible Torquemada m’avait fait grincer des dents, j’avais apprécié l’humour noir qui se mélangeait bien au récit historique et Staline ne dément pas cette recette qui marche.
Là aussi, l’humour est présent, mais il est noir, sombre, caustique, grinçant.
Le fait de représenter Staline en animal (un ours), ainsi que tout les autres personnages, donne une tout autre dimension au récit.
Une brillante idée que l’on retrouve aussi dans Hitler (que je suis en train de lire).
Comme pour les autres Méchants, on commence par leur naissance, on nous montre leurs parents, leurs travers et pour peu, on se prendrait d’affection pour cet ourson qui vient de naître. Pas longtemps, je vous rassure de suite.
Le personnage de Iossif (futur Staline) est abject, bête mais aussi intelligent (ben oui, on le comprend en lisant la bédé), cynique, retors, menteur, colérique, manipulateur d’une méchanceté crasse et il finira parano sur la fin de sa vie. Le portrait est grinçant, nullement indulgent. Ah, il était battu par son père et aussi par sa mère, mais ceci n’excuse en rien.
On voit Staline qui dicte ses mémoires a un écrivain, le pauvre homme se faisant fusiller du regard ou menacer de mort s’il n’acquiesce pas aux dires du Petit père des peuples (qui fit crever son peuple et les autres).
Dans les dialogues et les dessins, les auteurs ont réussi à mettre en scène tout l’illogisme du système de Staline, son iniquité, sa brutalité, sa perversité et sa débilité, notamment dans une case qui résumera tout de manière formidable. Un petit dessin est souvent plus éclairant qu’une longue phrase.
Les camps de travail, les goulags, la famine en Ukraine (Holodomor – la collectivisation forcée des campagnes), ne seront pas expliqués dans les détails, quelques cases suffiront à en parler, les auteurs préférant se concentrer sur l’horrible personnage qu’est Staline, nous montrant aussi que dans nos pays, on le voyait comme un grand homme…
La seconde guerre mondiale sera une part importante de l’album, ce qui permettra aux auteurs de nous faire découvrir le rat Hitler et de nous signaler que Staline avait fait passer par les armes 80% des cadres de l’Armée Rouge, laissant l’armée sans têtes pensantes au début de la guerre. Un des personnage se permet de lui rappeler se fait, dans cet album, il ne fera pas long feu…
On nous parle aussi du massacre de Katyń, ainsi que du fait que l’armée russe eut l’interdiction (par Staline) d’intervenir en Pologne, laissant les nazis massacrer tout le monde, afin qu’ensuite, ce tyran moustachu puisse occuper le pays sans y trouver de résistance. Machiavélique.
Une bande dessinée excellente, qui arrive à faire de l’humour avec un sujet difficile, avec un personnage qui ne prête pas à rire, le ridiculisant au passage, ne se privant pas de l’égratigner, de le montrer dans fard, tel qu’il était et de nous brosser, avec un humour noir et froid, le portrait de ce dictateur assassin qui possède plus de morts à son actif que l’autre moustachu allemand.
Avec son système, pas besoin de preuves, de procès (ou alors, ils étaient truqués), de simples soupçons suffisent. Ou alors, fallait juste que la personne disparaisse parce qu’elle avait contrarié Staline, parce qu’elle était un artiste, un intellectuel, que cette personne lui faisait de l’ombre ou aurait pu lui en faire…
À lire pour aller se coucher moins bête ! Et pour ressentir toute l’horreur du communisme qui n’avait de communisme que le nom. Ce qu’il a fait, ce n’était rien de plus qu’un dictature, un système sanguinaire, à sens unique, tout devant être tourné vers lui, pour son profit.
PS : à noter que dans cet album, il y a quelques références à des bédés bien connues, à vous de les retrouver !
Challenge Thrillers et Polars de Sharon (du 12 Juillet 2022 au 11 Juillet 2023) [Lecture N°90].