Titre : L’or vert du Sangha
Auteur : Pierre Pouchairet
Édition : Filature(s) (23/09/2022)
Résumé :
Les élections présidentielles approchent au Sangha, pays fictif situé quelque part entre le Cameroun, la R.D.C et le Gabon. Le vieux président, dont les sondages prédisent la victoire avec 80% des suffrages, se prépare sans crainte à son sixième mandat…
Mais un challenger, le charismatique ancien footballeur Luc Otsiemi, coaché par un directeur de campagne français, gagne du terrain.
La journaliste Claire Dorval est envoyée par sa production pour couvrir l’évènement et faire une série de documentaires sur le pays.
Alors qu’elle glane des infos, le corps d’un de ses collègues est retrouvé à proximité d’une exploitation sauvage de bois précieux, le kevazingo, dont l’exportation est officiellement interdite…
Une enquête sanglante au coeur du trafic de bois, qui met à découvert les intérêts français, hérités de la France-Afrique, comme ceux étrangers, notamment chinois.
Critique :
Sans la chronique de Pierre (Black Novel 1), jamais je n’aurais eu l’envie de lire ce mélange de polar, d’enquête journalistique et de politique, dans un pays imaginaire d’Afrique centrale.
De quoi ça parle ? Vous prenez un shaker et vous y introduisez les ingrédients suivants : des personnages réalistes, un vieux dictateur africain qui s’accroche à son poste, la mort chelou d’un journaliste français, la déforestation et la coupe d’arbres protégés, un policier qui aime les vêtements voyants, des magouilles, des mafiosi, des Chinois trafiquants, des petits villages perdus dans les forêts, des croyances vaudous, de la drogue, des élections bidons et vous secouez fortement.
Ajoutez une touche d’écologie, quelques glaçons pour donner des sueurs froides et assaisonnez le tout avec de la poudre pour balle. Cocktail explosif qui vous vrille les entrailles à certains moments et qui vous glace la couenne, sans que les températures extérieures entrent en ligne de compte.
Ce roman policier n’est pas un thriller qui va à cent à l’heure, où chaque chapitre se termine par un rebondissement.
Non, non, l’auteur prend le temps de faire monter sa sauce, de placer les décors, grandeur nature, de poser ses personnages, de nous immerger dans l’Afrique que tout le monde pille, avec l’aide des autochtones qui cherchent l’argent facile (parfois juste pour survivre), de vous montrer que la corruption est à tous les étages, que tout le monde l’applique, en use et en abuse.
Bien entendu, plus vous êtes haut placé et plus vous vous en mettez plein les fouilles, avec ces magouilles.
Le territoire Africain regorge de ressources naturelles qui intéressent un maximum de sociétés, de nations, de mafiosi, de trafiquants, bref, beaucoup de monde se servent, bouffent à tous les râteliers, en se foutant bien de ce qu’ils laisseront après : un pays exsangue, une nature à l’agonie, des animaux sans habitat naturel.
Ce qu’ils ne savent pas (ou bien ils s’en foutent), c’est que si la Terre survivra sans problème au sale virus qu’est l’être humain, nous, l’humain, risquons de ne pas survivre à la perte des ressources naturelles, à force d’en prendre plus qu’il n’en faut, plus vite qu’elles ne poussent, qu’elle ne grandissent…
Anybref, c’est un roman exigeant, qu’il faut lire avec du temps devant soi, on ne le dévore pas à toute vitesse, vaut mieux aller lentement, afin de s’immerger dans tout cet univers mis en scène par l’auteur, où toute ressemblance avec des faits avérés et des personnages réels n’est absolument pas fortuite.
Un roman qui a tout d’une enquête d’investigation où tous les coups sont permis et où personne ne sait qui va gagner, ni qui peut trahir qui… L’enfer est pavé de bonnes intentions et un personnage le comprendra trop tard. Nous sommes dans un roman réaliste, pas dans un feel-good, ni chez les Bisounours, hélas.
Un roman qui m’a glacée et dont le final m’a secoué les tripes.
Challenge Thrillers et Polars de Sharon (du 12 Juillet 2022 au 11 Juillet 2023) [Lecture N°102].