Titre : Leur âme au diable
Auteur : Marin Ledun
Édition : Gallimard Série noire (2021) / J’ai Lu Policier (2022)
Résumé :
L’histoire commence le 28 juillet 1986 par le braquage, au Havre, de deux camions-citernes remplis d’ammoniac liquide destiné à une usine de cigarettes. 24 000 litres envolés, sept cadavres, une jeune femme disparue.
Les OPJ Nora et Brun enquêtent. Vingt ans durant, des usines serbes aux travées de l’Assemblée nationale, des circuits mafieux italiens aux cabinets de consulting parisiens, ils vont traquer ceux dont le métier est de corrompre, manipuler, contourner les obstacles au fonctionnement de la machine à cash des cigarettiers.
David Bartels, le lobbyiste mégalomane qui intrigue pour amener politiques et hauts fonctionnaires à servir les intérêts de European G. Tobacco.
Anton Muller, son homme de main, exécuteur des basses œuvres. Sophie Calder, proxénète à la tête d’une société d’évènementiel sportif.
Ambition, corruption, violence. Sur la route de la nicotine, la guerre sera totale.
Critique :
J’ai arrêté avant même de commencer… Arrêté quoi ? Ben de fumer, pardi ! Je n’ai jamais commencé de ma vie.
Pourquoi ? Parce que fumer transformait vos vêtements en trucs puants (et vous avec) et que si j’avais acheté des clopes, j’aurais eu moins d’argent pour acheter des livres.
Beurk ça pue et en plus, ça coûte un bras, tout en vous transformant en addict, alors, j’ai envoyé tout ça au diable. Ce qui n’était pas facile car à l’époque (les années 80/90), fumer était signe de liberté, de coolitude, d’avoir du style…
Marin Ledun nous propose un polar hyper documenté sur l’industrie du tabac et toutes ses magouilles, ses dérives, ses plans marketing bien huilés, bien hypocrisies, ses bonnes idées pour que les gens fument encore plus, que les politiciens n’entravent pas trop le droit de fumer partout et de s’en mettre plein les fouilles.
L’industrie du tabac, dans ce roman, n’a rien à envier aux mafias : pots-de-vin, pressions, intimidations, cadeaux pour tenir certaines personnes dans sa poche, meurtres, contrebande organisée, détournements d’argent, arrosage des politiciens, des scientifiques ou menaces… Tout est bon pour se faire du pognon, quitte à mentir, à cacher, à jouer avec les mots. Fumer provoquerait des cancers ? Mheu non !
Oui, ce roman est documenté, à fond, l’industrie des clopes n’est pas une œuvre caritative, ni de bienfaisance, ni écologique. Quant aux ingrédients rajoutés en schmet (en douce) dans le tabac, nous avons de la réglisse, du sucre, du chocolat (jusque là, tout va bien) et d’autres plus que dégueu, notamment le carburant pour fusées, du mercure, du plomb, de l’arsenic et de l’ammoniac…
Vous ne mangeriez pas ce que vous fumez ! Mais maintenant, j’aurai une pensée émue pour les fumeurs lorsque je nettoierai mes carreaux, puisque j’utilise un peu d’ammoniac mélangée avec mon produit fait maison.
Hélas, là où le bât a blessé, c’est que le roman est trop long et que les personnages ne m’ont pas touché, même s’ils étaient magnifique d’hypocrisie, de cynisme, de désabusement,…
L’un d’eux a manqué de crédibilité : David Bartels, est déjà assez glaçant de par sa cupidité et l’auteur lui rajoute le plaisir d’avoir tué quelqu’un. C’est bon, fallait pas en jeter plus ! Son côté « lobbyiste prêt à tout » en faisait un vilain très crédible, là, on a surjoué en sucrant le sucre.
Si j’ai apprécié ce que j’ai appris dans ce roman (même si je n’avais jamais eu de doutes quant aux méfaits en tout genre des cigarettiers), à partir de la moitié du récit, j’ai eu l’impression que l’on s’enlisait dans de la mélasse, ce qui a rendu la seconde moitié plus longue à lire et moins passionnante.
Dommage, parce qu’il y avait tout les ingrédients pour faire de ce roman une lecture addictive, sans ajout de substances illicites ou cancérigènes. L’industrie des cigarettes est un rouleau compresseur prêt à tout pour vendre ces clopes et ça, le roman le démontre bien, d’une manière magistrale même. Hélas, à un moment donné, le récit tourne un peu en rond, ce qui a cassé le rythme.
Malgré tout, cette lecture restera marquante pour ce qu’elle explore à fond, sans concession, nous rappelant que l’on déforeste aussi pour planter plus de plants de tabac et que ça, ça ne se mange pas !
Challenge Thrillers et Polars de Sharon (du 12 Juillet 2022 au 11 Juillet 2023) [Lecture N°161].