La part de l’ombre – T01 Tuer Hitler : Patrice Perna et Francisco Ruizgé

Titres : La part de l’ombre – T01 – Tuer Hitler

Scénariste : Patrice Perna
Dessinateur : Francisco Ruizgé 🇪🇸

Édition : Glénat (06/01/2021)

Résumé :
Berlin, décembre 1955. Nous sommes à l’aune de la guerre froide. Guntram Muller est journaliste pour un des plus grand quotidien, le Berliner Zeitung. Il s’intéresse à une affaire assez singulière et très éloignée des préoccupations du Rédacteur en chef : le procès en révision de Maurice Bavaud, un jeune Suisse que l’on dit « illuminé » exécuté par les nazis en 1941 pour avoir tenté d’assassiner Adolf Hitler.

Ce procès, réclamé par la Confédération Suisse se soldera finalement par un jugement pour le moins étonnant : le jeune « terroriste », décapité en 1941, est condamné à cinq ans de détention et cinq ans de perte des droits civiques. Guntram, ancien inspecteur de la célèbre Kripo (Kriminalpolizei), enrôlé dans l’Abwehr en 1939, s’intéresse de près à cette histoire.

Et pour cause. Il a été mandaté, à l’époque des faits, par un proche de Himmler, pour enquêter sur les éventuels complices qui auraient pu aider le jeune Suisse a approcher aussi facilement le Führer dans le lieu le plus sécurisé, le fameux Nid d’Aigle.

En 1955, toujours tourmenté par son passé, Guntram tente de réhabiliter la mémoire de Maurice Bavaud et se lance dans une vaste enquête, journalistique cette fois. Il est aidé en cela par un jeune homme, garçon de bureau au journal, pour lequel il s’est pris d’affection. Wolf Fiala rêve de devenir reporter comme son idole, le célèbre Albert Londres. Il va aider Guntram à dérouler le fil complexe de l’histoire de Bavaud.

On découvrira toutes les hypothèses échafaudées au cours de cette étrange affaire : Bavaud était-il un fou de Dieu, tueur solitaire ?

Etait-il un espion agissant pour le compte d’une organisation secrète, A-t’il été mandaté par les alliés ou par un proche d’Hitler ? Comment a-t’il pu approcher le dictateur d’aussi près et à plusieurs reprises ? Pourquoi la Suisse a-t’elle refusé de l’aider en l’échangeant contre un espion Allemand ? Mais les apparences sont rarement fidèles à ce que sont les Hommes en réalité…

Critique :
En 1938, Maurice Bavaud, un jeune Suisse, a tenté de tuer Hitler. Il a été condamné et décapité. 15 ans plus tard, on le recondamne à nouveau !

Pourquoi ? Parce que : « Attendu qu’en vertu de l’article 211 du code pénal, la vie d’Adolphe Hitler mérite une protection juridique au même titre que n’importe quel être humain ».

Qu’en 1938, on condamne cette tentative assassinat, c’est compréhensible, Hitler est au sommet, et ce, jusqu’à son suicide et la capitulation de l’Allemagne.

Mais après, en sachant ce qu’Hitler a commis, avec l’aide de sa clique de nazis, on aurait dû décorer Maurice Bavaud, ou, au pire, le condamner pour avoir raté son coup !

Ben non, lors de la révision de son procès demandée par son père, 15 ans après, on recondamne cet homme qui est mort ! Sérieusement ? Oui, sérieusement, on condamne Maurice Bavaud, mort par décapitation en 1941, à cinq ans de détention et cinq ans de perte des droits civiques ! Heu ?? Ubuesque, non ?

Ok, je vais éviter de voir les choses par le petit bout de la lorgnette, comme le suggère Guntram Muller, journaliste, à son jeune padawan.

Alors, tentons de comprendre comme Bavaud en est arrivé à vouloir tuer le moustachu (je lui en veux de ne pas avoir réussi)… Enquêtons aux côtés de nos deux journalistes, dans le Berlin de l’Est.

Une tentative d’homicide est condamnable, quelque soit la personne que l’on souhaitait envoyer au boulevard des allongés, quand bien même c’était Hitler, quand bien même c’était assassiner un tyran. Ôter la vie est un crime.

Le récit est assez lent et à la fin de ce premier tome, on ne sait toujours pas qui était vraiment Bavaud, ni si ce qu’on a dit de lui est véridique ou si certains voulaient juste le faire passer pour un fou, un illuminé de la religion.

Il n’en reste pas moins que cet homme a réussi à se retrouver, par deux fois, dans l’entourage proche du moustachu et armé, qui plus est !

Ce premier album va mettre en images les hypothèses échafaudées au cours de cette étrange affaire, ainsi que l’enquête menée par Guntram Muller, journaliste au Berliner Zeitung et le jeune Wolf Fiala, qui rêve de devenir reporter comme son idole, Albert Londres.

Les mystères sont présents et à la fin de ce premier album, il est difficile d’échafauder des hypothèses, de tirer des conclusions, de faire des déductions. Je dois même avouer que je n’avais pas connaissance de cette tentative d’assassinat du moustachu. Les autres, oui, mais pas celle-ci. Cette bédé m’enverra au lit moins bête, tiens !

Les dessins sont réalistes, très agréables et les décors des années 50, dans Berlin divisée, sont très bien faits aussi. Des bâtiments sont en ruine, des murs effondrés, on voit que tout n’a pas encore été reconstruit.

Fin du suspense, je me lance sur le second tome ! Et la critique du second volet est pour demain après-midi

Challenge Thrillers et Polars de Sharon (du 12 Juillet 2022 au 11 Juillet 2023) [Lecture N°201] et Le Mois Espagnol et Sud Américain – Mai 2023 – Chez Sharon [Fiche N°43].

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Tango – 06 – Le fleuve aux trois frontières : Matz et Philippe Xavier

Titre : Tango – 06 – Le fleuve aux trois frontières

Scénaristes : Matz et Philippe Xavier
Dessinateur : Philippe Xavier

Édition : Le Lombard (08/10/2021)

Résumé :
La triple frontière, entre l’Argentine, le Paraguay et le Brésil. Les spectaculaires chutes d’Iguazú ne suffisent pas à en faire un paradis terrestre : la jungle est pleine de contrebandiers, de trafiquants et de tueurs.

Tango et Mario croient donner un coup de main à Mike, mais ce dernier leur a caché les vraies raisons de sa présence.

Les mauvaises surprises s’accumulent, et l’heure de régler les vieux comptes a sonner pour Tango…

Critique :
Impossible pour John Tango de faire du cheval tranquillement, dans la cordillère des Andes ! Un coup de fil et hop, faut revenir pour aller sortir d’un mauvais pas un pote, Mike.

Les voici parti aux spectaculaires chutes d’Iguazú, qu’on aurait envie d’aller voir aussi, si ce n’était pas aussi dangereux dans le coin.

Non, il ne fait pas bon vivre à la triple frontière, entre l’Argentine, le Paraguay et le Brésil. Et si j’en doutais un peu, cet album va me l’expliquer violement, me donnant juste envie de rester dans mon canapé.

Une fois de plus, nous voici dans un road trip violent, où les balles vont fuser, le sang couler, les vengeances s’accomplir. Mike leur expliquera pourquoi il en veut à un type en particulier.

Les dessins sont toujours très bien exécutés, les scènes de combats aussi et rien ne change en ce bas monde : corruption, vols, assassinats, expulsions, gangs, mafias et autres joyeusetés. Un mec blindé de fric et avec des hommes armés à sa solde, s’il veut votre bout de terrain, il le prendra, vous laissant le choix entre le fric et la balle (si on vous laisse le choix).

Si on creuse un peu, cet album n’est pas exceptionnel, il est dans la veine des précédents : de l’action, des combats, des armes à feu, des gens à sauver, des méchants super méchants, bref, Tango et Mario, c’est un une sorte d’Agence Tous Risques, à deux et en plus violent que la série bon enfant.

On a un album qui parle de vengeance et qui comporte tout ce qu’il faut pour faire un album rempli d’action, mais avec peu de réflexion : c’est le plus fort ou le plus rusé qui gagne, ou du moins, celui qui tire le premier. Bref, plus de muscles que de cervelles.

Mais dans l’ensemble, ça se laisse lire, ça dépayse, on prend son pied parce que les méchants sont punis et que les gentils gagnent. Même si les gentils ont un tas de cadavres qui leur collent à leurs basques, vu tous ceux qu’ils ont dégommé.

Une série à lire pour le côté action, pas le côté réflexion (sauf le premier album qui était excellent). Une série qui vaut pour le dépaysement et le duo, qui fonctionne très bien. et parce que, de temps en temps, juste de l’action, ça ne fait pas de mal au cerveau…

Challenge Thrillers et Polars de Sharon (du 12 Juillet 2022 au 11 Juillet 2023) [Lecture N°195] et Le Mois Espagnol et Sud Américain – Mai 2023 – Chez Sharon [Fiche N°28].

Le manuscrit de Birkenau – Auschwitz 02 : José Rodrigues dos Santos

Titre : Le manuscrit de Birkenau – Auschwitz 02

Auteur : José Rodrigues dos Santos 🇵🇹
Édition : HC (2021) / Pocket (06/10/2022)
Édition Originale : O Manuscrito de Birkenau (2020)
Traduction : Adelino Pereira

Résumé :
Une approche totalement nouvelle de l’Holocauste où J.R. dos Santos donne la parole à ceux qui l’ont perdue.

Le grand magicien Herbert Levin, sa femme et son fils ont été déportés à Auschwitz où ils tentent de survivre. Le soldat Francisco Latino a réussi à se faire engager dans l’armée SS pour tenter de retrouver sa fiancée russe enfermée, elle aussi, dans les camps de la mort.

Ils ne savent pas encore qu’ils vont devoir coopérer pour survivre. Et les choses se compliquent lorsque les prisonniers du Sonderkommando commencent à préparer un soulèvement majeur et que Levin se retrouve au cœur de la révolte.

Critique :
Ce roman est la suite du Magicien d’Auschwitz, que j’avais déjà apprécié, mais ce second tome est bien plus oppressant que le premier puisqu’il se déroule intégralement dans le camp de concentration de Birkenau.

Comment écrire un roman historique, tout en étant dans le fictionnel, sans trahir la mémoire des personnes qui ont été assassinées en masse dans ce camp ?

Comment décrire l’indicible, sans que le récit ne devienne si horrible que l’on répugnerait à le lire ? Faut-il édulcorer la vérité ou pas ? Pour moi, il me semble que non… Sinon, à quoi bon écrire un livre sur le sujet des camps d’extermination…

L’auteur a donc réussi ce subtil équilibre d’un récit qui en dit beaucoup, qui entre dans l’indicible, sans édulcorer, sans toutefois en arriver à trop de détails horrible qui donnerait envie au lecteur d’arrêter sa lecture et de placer ce livre dans le freezer, tel Joey (Freinds) avec les romans éprouvants. J’ai déjà fait de même (au sens figuré, bien entendu).

Pourtant, après que notre magicien, Herbert Levin, fut placé dans l’unité des Sonderkommando, je vous avoue sans honte que j’ai stoppé ma lecture afin de regarder une série policière légère (mais pas trop) avant d’aller dormir.

C’était effroyable, ce passage où Herbert découvre les milliers de cops morts dans la chambre à gaz, ainsi que le moment où il faut y faire entrer les nouveaux arrivants…

Pour assassiner à grande échelle (industriellement) tout un peuple (et d’autres), il faut déjà faire preuve d’une froideur sans nom, mais y impliquer les personnes que l’on génocide aussi, là, il faut être d’un sadisme sans nom… Et si au départ Levin est sonné, horrifié et tout ce que vous voulez, ensuite, au bout de quelques jours, comme les autres, il agit mécaniquement, sans réfléchir.

Dans ce poste barbare, soit la personne bugue et on l’assassine froidement, soit elle survit en fermant les yeux et en travaillant mécaniquement, en fermant son esprit, son cœur et en agissant comme un robot.

Il n’y aura pas que ces passages qui seront éprouvants, mon coeur s’est serré aussi lorsque l’on annonce aux prisonniers du camp des familles qu’ils vont y passer aussi, alors que eux, après 6 mois de présence à Birkenau, avaient très bien compris où partaient tous les nouveaux arrivants… Des femmes, des enfants, soi-disant des ennemis du peuple allemand… Je n’ai pas encore compris.

La force de ce roman, c’est qu’il est basé sur des faits réels, sur des témoignages historiques, que la plupart des personnages, y compris Herbert Levin, ont existé. La seul entorse est que Levin n’a pas été affecté aux Sonderkommando et qu’il n’a pas donné de spectacle de magie devant des dignitaires du camp. Francisco Latino,  croisé dans le premier tome, n’a pas existé, mais est inspiré d’autres personnages.

Son autre force c’est que jamais il ne sombre dans le manichéisme, alors que cela aurait été si facile de faire des nazis des vilains méchants pas beaux, sadiques de la pire espèce.

Alors oui, le personnage du Malakh HaMavet (Otto Moll) est un salopard, il était ainsi, on n’allait pas le changer, mais les autres sont plus en nuance et l’on voit des soldats nazis avoir du mal à envoyer les enfants du camp des famille dans la chambre à gaz… Attention, ce moment d’humanité n’exonère pas leurs crimes, loin de là, mais au moins, ce n’étaient pas tous des machines à assassiner.

Oui, ce roman m’a mis le coeur en vrac, plusieurs fois, mais une fois la pause faite, je n’ai plus lâché le récit, il me fallait aller jusqu’au bout et découvrir l’horreur, une fois encore. Je suis plus chanceuse que celles et ceux qui s’y trouvaient, je n’allais donc pas faire ma petite nature, même si j’ai trinqué, notamment lors du dernier morceau du roman… Terrible. Le choc…

Les témoignages sur cette période sombre, il en existe beaucoup, mais seuls les survivants ont pu témoigner (et encore, tous et toutes ne l’ont pas fait). Les morts ne parlent pas, ne témoignent pas. Ils sont silencieux pour l’éternité.

Hors, seuls ceux et celles qui ont vécu la shoah jusqu’au bout auraient pu témoigner de l’horreur de la chambre à gaz, de ces milliers corps qui se bousculent, qui s’écrasent, qui cherchent de l’air…

Idem dans les Sonderkommando, qui étaient des témoins qu’il fallait éliminer et hélas, les survivants n’ont pas été nombreux à parler, trop honteux de ce qu’ils avaient dû faire. Le pire du pire n’a pas laissé de témoins, juste quelques testaments enterrés dans le camp.

Cette lecture est d’utilité publique, même si elle ne fera pas changer d’avis les négationnistes ou les nouveaux nazis de notre époque.

Un roman fort, terrible, sans concession, qui mordra dans vos chairs, dans votre âme et qui relate, avec pudeur, avec émotion, la dure réalité des camps de concentration, d’extermination et de ce génocide industriel, accompli par des êtres humains.

Maintenant, j’ai deux envies : la première étant d’en apprendre un peu plus sur les Sonderkommando et la seconde, c’est de lire de la littérature jeunesse légère pour me remettre de mes émotions…

Un puissant sentiment de culpabilité et de honte s’était emparé de Levin, et certainement aussi de ses compagnons. Ils évitaient les regards des autres. Ils avaient collaboré à la mort de ces gens. Leur propre peuple. Ils étaient complices. Et en échange de quoi ? D’une journée supplémentaire de vie, dans le confort du Block 13, d’une douche chaude, d’un estomac bien rempli et de quelques gorgées de pálinka volée.

Culpabilité et honte. Comment lui, Levin, qui se considérait intègre et équilibré, qui respectait tout le monde et qui avait passé une grande partie de sa vie à faire sourire et à émerveiller les gens, avait-il pu emmener des cadavres de bébés jusqu’à un four en échange de ce confort ? Il avait vu dans cette salle des femmes semblables à sa Gerda et des enfants comme son Peter ! Et qu’avait-il fait ? Ce que les Allemands lui avaient ordonné. Culpabilité et honte.

« Je pense que nous ne devrions lire que les livres qui nous mordent et qui nous transpercent, a écrit Franz Kafka. Si le livre que nous lisons ne nous secoue pas, ne nous réveille pas d’un coup de poing sur le crâne, à quoi bon le lire ? […] Un livre doit être une hache qui brise la mer gelée qui est en nous. » C’est à ça que servent les romans, c’est pour ça que j’en écris, et c’est pour ça que j’ai écrit celui-ci, et que je l’ai fait de cette façon.

Le Mois Espagnol et Sud Américain – Mai 2023 – Chez Sharon [Fiche N°11].

Leur âme au diable : Marin Ledun

Titre : Leur âme au diable

Auteur : Marin Ledun
Édition : Gallimard Série noire (2021) / J’ai Lu Policier (2022)

Résumé :
L’histoire commence le 28 juillet 1986 par le braquage, au Havre, de deux camions-citernes remplis d’ammoniac liquide destiné à une usine de cigarettes. 24 000 litres envolés, sept cadavres, une jeune femme disparue.

Les OPJ Nora et Brun enquêtent. Vingt ans durant, des usines serbes aux travées de l’Assemblée nationale, des circuits mafieux italiens aux cabinets de consulting parisiens, ils vont traquer ceux dont le métier est de corrompre, manipuler, contourner les obstacles au fonctionnement de la machine à cash des cigarettiers.

David Bartels, le lobbyiste mégalomane qui intrigue pour amener politiques et hauts fonctionnaires à servir les intérêts de European G. Tobacco.

Anton Muller, son homme de main, exécuteur des basses œuvres. Sophie Calder, proxénète à la tête d’une société d’évènementiel sportif.

Ambition, corruption, violence. Sur la route de la nicotine, la guerre sera totale.

Critique :
J’ai arrêté avant même de commencer… Arrêté quoi ? Ben de fumer, pardi ! Je n’ai jamais commencé de ma vie.

Pourquoi ? Parce que fumer transformait vos vêtements en trucs puants (et vous avec) et que si j’avais acheté des clopes, j’aurais eu moins d’argent pour acheter des livres.

Beurk ça pue et en plus, ça coûte un bras, tout en vous transformant en addict, alors, j’ai envoyé tout ça au diable. Ce qui n’était pas facile car à l’époque (les années 80/90), fumer était signe de liberté, de coolitude, d’avoir du style…

Marin Ledun nous propose un polar hyper documenté sur l’industrie du tabac et toutes ses magouilles, ses dérives, ses plans marketing bien huilés, bien hypocrisies, ses bonnes idées pour que les gens fument encore plus, que les politiciens n’entravent pas trop le droit de fumer partout et de s’en mettre plein les fouilles.

L’industrie du tabac, dans ce roman, n’a rien à envier aux mafias : pots-de-vin, pressions, intimidations, cadeaux pour tenir certaines personnes dans sa poche, meurtres, contrebande organisée, détournements d’argent, arrosage des politiciens, des scientifiques ou menaces… Tout est bon pour se faire du pognon, quitte à mentir, à cacher, à jouer avec les mots. Fumer provoquerait des cancers ? Mheu non !

Oui, ce roman est documenté, à fond, l’industrie des clopes n’est pas une œuvre caritative, ni de bienfaisance, ni écologique. Quant aux ingrédients rajoutés en schmet (en douce) dans le tabac, nous avons de la réglisse, du sucre, du chocolat (jusque là, tout va bien) et d’autres plus que dégueu, notamment le carburant pour fusées, du mercure, du plomb, de l’arsenic et de l’ammoniac…

Vous ne mangeriez pas ce que vous fumez ! Mais maintenant, j’aurai une pensée émue pour les fumeurs lorsque je nettoierai mes carreaux, puisque j’utilise un peu d’ammoniac mélangée avec mon produit fait maison.

Hélas, là où le bât a blessé, c’est que le roman est trop long et que les personnages ne m’ont pas touché, même s’ils étaient magnifique d’hypocrisie, de cynisme, de désabusement,…

L’un d’eux a manqué de crédibilité : David Bartels, est déjà assez glaçant de par sa cupidité et l’auteur lui rajoute le plaisir d’avoir tué quelqu’un. C’est bon, fallait pas en jeter plus ! Son côté « lobbyiste prêt à tout » en faisait un vilain très crédible, là, on a surjoué en sucrant le sucre.

Si j’ai apprécié ce que j’ai appris dans ce roman (même si je n’avais jamais eu de doutes quant aux méfaits en tout genre des cigarettiers), à partir de la moitié du récit, j’ai eu l’impression que l’on s’enlisait dans de la mélasse, ce qui a rendu la seconde moitié plus longue à lire et moins passionnante.

Dommage, parce qu’il y avait tout les ingrédients pour faire de ce roman une lecture addictive, sans ajout de substances illicites ou cancérigènes. L’industrie des cigarettes est un rouleau compresseur prêt à tout pour vendre ces clopes et ça, le roman le démontre bien, d’une manière magistrale même. Hélas, à un moment donné, le récit tourne un peu en rond, ce qui a cassé le rythme.

Malgré tout, cette lecture restera marquante pour ce qu’elle explore à fond, sans concession, nous rappelant que l’on déforeste aussi pour planter plus de plants de tabac et que ça, ça ne se mange pas !

Challenge Thrillers et Polars de Sharon (du 12 Juillet 2022 au 11 Juillet 2023) [Lecture N°161].

Le choc de Carnac : Sophie Marvaud [LC avec Bianca]

Titre : Le choc de Carnac

Auteur : Sophie Marvaud
Édition : 10/18 Grands détectives (07/01/2021)

Résumé :
Carnac, 4.700 avant J.-C. Trois peuples se partagent le territoire : les Pêcheurs de la côte, les Nomades de la Forêt-des-Buttes, et de nouveaux venus, les Cultivateurs, qui incendient les terres pour les défricher.

Lorsqu’un homme chargé d’un message de paix est assassiné, la guerre semble inévitable. Trois femmes s’interposent alors : Lynx, une jeune nomade audacieuse, Paruline, la deuxième épouse d’un riche pêcheur, et La Vivace, une cultivatrice dévouée.

Leur enquête révèle peu à peu des secrets inavouables… Le sort de chaque peuple se jouera lors d’une grande cérémonie rituelle au milieu des menhirs.

Critique :
Ce polar historique nous fait voyager assez loin dans le temps : en 4.700 avant J-C ! N’oubliez pas vos vêtements en laine et quelques fourrures de bêtes pour le voyage.

Pour le lieu, ce sera Carnac, dans ce qui n’est pas encore nommé le Morbihan. Avant l’alignement des pierres (Obélix serait-il le coupable de cet alignement ?). Trois peuples vivent dans le coin : les pêcheurs, les nomades et les cultivateurs. Ces derniers rêvent d’expansion.

Qui dit expansion, dit déforestation ! Hé oui, plus de 6.000 ans avant notre ère, pour obtenir plus de terres à cultiver, il fallait déboiser ! Bon, ce n’était pas pour planter du soja ou de la palme…

L’Homme n’était pas différent avant et ce polar historique va nous le prouver en nous faisant passer du temps avec différents protagonistes des trois peuples, afin que nous les connaissions mieux. L’enquête autour d’un assassinat sera le meilleur prétexte pour que nous les rencontrions tour à tour.

Les travers humains sont bien présents dans le récit : jalousie, soif de pouvoir, avidité, richesses étalées, peur des Autres (notamment ceux qui vivent du nomadisme), envie d’être encore plus calife qu’avant, soif de reconnaissance, méchanceté, peurs qui mènent à des désastres, crimes, vengeances… De ce côté là, l’évolution n’a pas eu lieu, nous n’avons pas changé, que du contraire !

Il ne faut pas vous attendre à une enquête poussée : elle se résoudra très vite, quitte à aller un peu vite dans l’accusation et la justice. En fait, l’enquête se poursuivra encore, à petits pas, lorsqu’il appert que le crime pourrait avoir plusieurs coupables, chacun ayant commis un acte répressible.

Le rythme du récit est assez lent, il y a peu d’action, pourtant, cette lecture est intéressante pour le côté historique et psychologique des Hommes qui composent cette fresque et qui pourraient être nos contemporains, tant leurs comportements, leurs pensées, leurs actions, sont les mêmes que les nôtres.

Non, ce ne sera pas le polar de l’année, sauf du néolithique (les librairies existaient déjà, non ?), ce ne sera pas non plus la lecture du mois, juste une lecture intéressante au niveau préhistorique.  Néolitiquement parlant, c’était pas mauvais du tout.

Anybref, ce roman policier m’a fait passer un bon moment, sans prise de tête. J’ai apprécié les portraits des différents personnages, les travers des Humains, si contemporains, que des femmes soient mises en avant (pour l’enquête, en plus) et si la résolution de l’énigme ne cassera pas trois pattes à un mammouth congelé, elle n’en est pas moins réaliste et si humaine.

Alors, pas de regrets pour cette LC avec Bianca, même si ça manquait de punch et d’action. Le plaisir était ailleurs. Bon, maintenant, je peux remiser mes fourrures et prendre un bain, parce que je dois fouetter le poisson, la forêt, la fumée…

Challenge Thrillers et Polars de Sharon (du 12 Juillet 2022 au 11 Juillet 2023) [Lecture N°XXX] et Le Mois du Polar, chez Sharon – Février 2023 (N°XX).

Seul le silence (BD) : Fabrice Colin, Richard Guérineau et R. J. Ellory

Titre : Seul le silence (BD)

Scénariste : Fabrice Colin (d’après un roman de R. J. Ellory)
Dessinateur : Richard Guérineau

Édition : Phileas (28/10/2021)
Édition Originale : A Quiet Belief in Angels (2007)
Traduction :

Résumé :
Joseph Vaughan, devenu écrivain à succès, revient sur des événements qui ont bouleversé son enfance et qui vont le hanter, le poursuivre toute sa vie d’adulte : des meurtres de jeunes filles perpétrés sur plusieurs décennies, dont il a été le témoin involontaire.

Joseph a douze ans lorsqu’il découvre dans son village de Géorgie le corps horriblement mutilé d’une fillette assassinée. La première victime d’une longue série qui laissera longtemps la police impuissante. Des années plus tard, lorsque l’affaire semble enfin élucidée, Joseph décide de changer de vie et de s’installer à New York pour oublier les séquelles de cette histoire qui l’a touché de trop près.

Lorsqu’il comprend que le tueur est toujours à l’œuvre, il n’a d’autre solution pour échapper à ses démons, alors que les cadavres d’enfants se multiplient, que de reprendre une enquête qui le hante afin de démasquer le vrai coupable… Joseph Vaughan, devenu écrivain à succès, tient en joue le tueur en série, dans l’ombre duquel il vit depuis bientôt trente ans.

Plus encore qu’un récit de serial killer à la mécanique parfaite et au suspense constant, Seul le silence a marqué une date dans l’histoire du thriller.

Avec ce roman crépusculaire à la noirceur absolue, sans concession aucune, R. J.Ellory révèle la puissance de son écriture et la complexité des émotions qu’il met en jeu.

Critique :
N’ayant pas encore lu le roman éponyme de R. J. Ellory, lire l’adaptation bédé était une bonne idée, afin de combler ce manquement honteux.

Dans des tons sépias, le dessinateur va nous plonger dans l’Amérique des années 40, le récit commençant quand le moustachu déclara la guerre.

Des gamines sont assassinées, atrocement mutilées, violées. Pour les braves gens, ce ne peut pas être le fait d’un vrai Américain, jamais de la vie (pour les Anglais, Jack the Ripper était un étranger).

Bref, rien ne change en ce bas monde… Le racisme n’est jamais loin, hélas. Et lorsque les gens ont peur, il remonte à la surface, entre dans les esprits, chamboule les pensées, rempli les têtes de vilaines pensées et les cœurs de haine. Et avec tous ces assassinats crapuleux, la peur est bien présente, elle aussi. Et elle empêche de réfléchir.

Le rythme est lent et tant mieux, car c’est ce qui convient à ce genre de récit où les atmosphères et les personnages sont les plus importants. Il faut bien ressentir les angoisses, les mystères, le poids que certains font peser sur les épaules des autres, les suspicions, celles qui détruisent tout. Dans cette bédé, tout cela était bien rendu, l’ambiance était étouffante et angoissante.

Les dessins étaient très bien faits et j’ai aimé les tons sépias choisis pour colorer les cases. Cela leur donnait un petit air de vieil album retrouvé dans une malle, une histoire oubliée dont les pages avaient jaunis. Dans d’autres, c’étaient des tons pastels, qui habillaient très bien les dessins.

Le suspense était maîtrisé jusqu’au bout, c’est seulement dans les dernières pages que j’ai compris qui était le coupable et je suis tombée de haut. Ma foi, le final aurait mérité quelques pages de plus, afin de ne pas donner l’impression qu’il se termine trop vite (n’ayant pas lu le roman, je ne sais pas comment il se déroule à l’origine).

Un autre léger mini bémol : dans le résumé, il est indiqué que lorsque tout commence, Joseph a 12 ans et que c’est une fillette qui a été assassinée (on apprendra qu’elle avait 11 ans). Hors, en voyant les dessins, Joseph tire plus sur les 16 ans et la fillette paraît du même âge aussi. Le dessinateur aurait pu faire un effort pour qu’ils ne paraissent pas avoir 4 ans de plus. C’est un détail, mais il est important.

Ce ne sont pas ces petits bémols qui me gâcheront mon plaisir : cette bédé (ou ce roman graphique) est un petit bijou autant pour le scénario que pour les dessins, les décors, les couleurs et cette impression que tout le récit est poisseux.

Désolée, j’aime ce genre de récit, ces angoisses, ces personnages du Sud profond, même si on n’a pas envie de copiner avec ces racistes. Mais ils sont si humains, dans leurs réflexions dénuées de tout sens et malheureusement, cela fait toujours écho à ce qui se dit de nos jours, dans nos pays.

Une super adaptation, il ne me reste plus qu’à lire le roman !

Challenge Thrillers et Polars de Sharon (du 12 Juillet 2022 au 11 Juillet 2023) [Lecture N°142] et Le Mois du Polar, chez Sharon – Février 2023 (N°25).

Les Chiens de Pasvik – Les enquêtes de la police des rennes 04 : Olivier Truc

Titre : Les Chiens de Pasvik – Les enquêtes de la police des rennes 04

Auteur : Olivier Truc
Édition : Métailié Noir (2021) / Point Policier (2022)

Résumé :
Ruoššabáhkat, « chaleur russe », c’est comme ça qu’on appelait ce vent-là. Ruoššabáhkat, c’est un peu l’histoire de la vie de Piera, éleveur de rennes sami dans la vallée de Pasvik, sur les rives de l’océan Arctique.

Mystérieuse langue de terre qui s’écoule le long de la rivière frontière, entre Norvège et Russie. Deux mondes s’y sont affrontés dans la guerre, maintenant ils s’observent, s’épient.

La frontière ? Une invention d’humains.

Des rennes norvégiens passent côté russe. C’est l’incident diplomatique. Police des rennes, gardes-frontières du FSB, le grand jeu. Qui dérape. Alors surgissent les chiens de Pasvik.

Mafieux russes, petits trafiquants, douaniers suspects, éleveurs sami nostalgiques, politiciens sans scrupules, adolescentes insupportables et chiens perdus se croisent dans cette quatrième enquête de la police des rennes.

Elle marque les retrouvailles – mouvementées – de Klemet et Nina aux confins de la Laponie, là où l’odeur des pâturages perdus donne le vertige.

Olivier Truc nous raconte le pays sami avec un talent irrésistible. Il sait nous séduire avec ses personnages complexes et sympathiques.

Et, comme dans Le Dernier Lapon et La Montagne rouge, il nous emmène à travers des paysages somptueusement glacés.

Critique :
Le Pasvik du titre n’est pas un être humain qui posséderait des chiens… Non, Pasvik, c’est une réserve naturelle, à cheval sur la Norvège et la Russie.

C’est aussi le nom de la rivière qui sépare la Norvège, la Finlande et la Russie, en pleine Laponie, dans le Nord !

Ah, cette foutue frontière… Lorsque les rennes la franchissent, c’est l’incident diplomatique, comme si des animaux pouvaient connaître une invention humaine, qui n’a de sens que pour nous (et encore, les frontières bougent au gré des conflits).

Ensuite, ce sont des chiens errants, en provenance de Russie, qui franchissent la frontière. Ils sont soupçonnés d’être porteurs de la rage et les voilà entrés en Norvège. My god, on a déclenché des guerres pour moins que ça. Il va falloir faire preuve de diplomatie, car les relations entre les deux pays sont plus tendues que la corde d’un string.

Le Grand Nord, le froid polaire, les rennes, la culture sami, les policiers Klemet et Nina, de la culture, de la politique, les us et coutumes, les jours faibles en lumière, la Laponie, la Russie, les vieilles querelles, rancœurs,…

Bref, j’étais contente de retrouver ce qui m’avait enchanté dans les trois précédents romans, me délectant à l’avance du fait que j’irais me coucher moins bête après cette lecture.

Et effectivement, j’ai appris des choses sur la politique, sur les corruptions, ordinaires ou grandes, j’ai remis à jour mes connaissances sur la culture sami, l’élevage des rennes, la difficulté qu’à le peuple Sami pour survivre, puisqu’ils ont de moins en moins de pâturages pour leurs bêtes.

Malheureusement, il faut attendre près de la moitié du roman pour que cela commence à bouger et que l’enquête débute vraiment. Klemet et Nina ne font plus équipe, Klemet semble encore plus paumé qu’avant, comme s’il n’était pas vraiment là.

De plus, l’auteur se répète souvent, notamment avec Klemet et ses problèmes d’ombre, sur le fait que dans le tome précédent, Nina, sa collègue, l’avait surprise en train de se mesurer le crâne… La répétition, ce n’est pas bon.

Les personnages qui gravitent autour de Klemet et de Nina sont bien campés, sans manichéisme, avec de la profondeur, des contradictions, des blessures profondes et hormis le vrai méchant, ses sbires pouvaient être touchants. Oui, un comble, mais c’est ce que j’apprécie dans les personnages.

Ce polar du Nord (bien qu’écrit par un français) est comme tous les polars nordique : il prend son temps. En fait, l’enquête policière ne commencera qu’après une bonne moitié du récit et ne sera pas tout à fait conventionnelle.

D’ailleurs, cette enquête n’est là que pour permettre à l’auteur de parler de géopolitique, de politique, de l’Histoire entre les pays du Grand Nord, de la Russie, des problèmes des éleveurs Sami, du communisme et de quelques unes de ses dérives, des territoires qui ont appartenu un jour, aux Samis et où leurs rennes broutaient, avant qu’on ne les foute plus loin, comme s’ils n’étaient que des fétus de paille qui dérangeaient.

Les conflits, la collaboration avec les Allemands, les traités, les vainqueurs, ont retracé les frontières, sans prendre en compte les gens qui vivaient sur ces territoires.

La Guerre Froide est terminée depuis longtemps, mais dans ce roman, dans ces territoires, des remugles en provenance de l’Histoire s’échappent encore et toujours. Durant ma lecture, j’ai souvent eu l’impression d’être toujours dans cette période, tant ça y puait.

Un polar nordique qui s’attache plus à la politique, aux différentes populations, à la cohabitation difficile entre tous ces peuples, de culture Sami, à la difficulté de vivre de l’élevage des rennes, sur la recherche de son identité, sur le patriotisme exacerbé, sur le fait qu’une partie du peuple russe vit dans la pauvreté, tout en continuant de porter son pays aux nues.

C’est très documenté, très approfondi, les paysages sont bien décrits, on ressent bien le froid et le fait que tout le monde se retrouve le cul entre deux chaises, dans ces confins glacés où le soleil est soit ultra-présent ou soit au minimum syndical.

Malgré tout cela, la première partie a été assez longue à lire et contrairement aux précédents romans, ce ne fut pas le coup de coeur, sans doute dû au fait que Klemet et Nina n’enquêtent plus ensemble et qu’ils m’ont semblé un peu pâlot, comme effacé, dans ce roman.

Cela ne m’empêchera pas de lire la suite, si suite il y a un jour…

Challenge Thrillers et Polars de Sharon (du 12 Juillet 2022 au 11 Juillet 2023) [Lecture N°118] & et Le Mois du Polar, chez Sharon – Février 2023 (N°01).

Le palais des mille vents – 01 – L’héritage des steppes : Kate McAlistair [LC avec Bianca]

Titre : Le palais des mille vents – 01 – L’héritage des steppes

Auteur : Kate McAlistair
Édition : L’Archipel (14/10/2021)

Résumé :
Lahore, 1838. Adolescent, Morgan vit sous le joug de son père, un mercenaire aussi cruel qu’ivrogne. Il tombe amoureux de Chali, une jeune princesse mongole, mais celle-ci doit épouser le petit-fils de l’empereur du Pendjab.

Morgan s’efforce de l’oublier en prenant sous son aile Maura, une fillette venue rejoindre son père, le colonel Fleming, redoutable chef de la police de l’empereur.

Un jour, c’est le drame : alors que Morgan tente de s’opposer à son père ivre, ce dernier tombe du balcon et se tue. Fleming l’accuse de meurtre. Le jeune garçon parvient à lui échapper et s’enfuit dans l’Himalaya.

Dix ans ont passé. Maura est mariée à un botaniste britannique qui œuvre dans le renseignement. Au cours d’une réception au Palais des mille vents, en Russie, elle reconnaît Morgan. À nouveau sous son charme, elle manœuvre pour qu’il devienne le guide de l’expédition de son mari. Attiré par Maura, Morgan refuse tout d’abord.

Mais lorsqu’il comprend que cette expédition est en réalité une mission de sauvetage de la princesse Chali, à présent veuve et pourchassée par des tueurs, il n’a plus qu’un désir : venir en aide à celle qu’il n’a jamais pu oublier…

Critique :
Pour qui veut voyager sans bouger de son canapé, ce roman est parfait, puisque, en plus de vous faire voyager sur la carte de l’Asie et de la Russie, il vous offrira aussi une plongée dans le temps, puisque l’histoire commence en 1838.

Au Pendjab, Morgan vit dans un élevage de chevaux, avec sa mère, d’origine Hindoue et son père, un anglais violent, alcoolique et tout basculera lorsque ce crétin à la main lourde, qui passe ses rages sur son épouse, chutera de son balcon… Oui, bien fait pour sa gueule, mais Fleming, le redoutable chef de la police de l’empereur, l’accusera et le poursuivra jusque dans les montagnes.

Si vous cherchez un roman qui dépote avec de l’action à tous les chapitres, il faudra laisser ce roman de côté, car lui, il s’attache plus aux us et coutumes des pays, des époques et est très descriptif dans les lieux, les paysages. Sans rire, j’ai été transportée du Pendjab à la Russie, les steppes, je les ai bien visualisées et je dois dire que c’est ce qui a fait que je me suis attachée à ce roman.

L’histoire est des plus conventionnelles, le plaisir étant dans la manière dont l’autrice nous la conte. Là où le bât blesse un peu (un comble, lorsque l’on voyage dans une caravane), c’est dans l’histoire d’amour et dans les personnages principaux.

Morgan est un jeune garçon sympathique, qui crève de trouille devant son père. Dix ans plus tard, le voici paré de toutes les qualités (beau, intelligent, parfait cavalier, il sait se battre, il est gentil,…). Fleming est le grand méchant, mais on ne sait pourquoi il voue une telle haine au jeune Morgan, qui ne lui a jamais rien fait. Pas de nuances dans les portraits des personnages, ce qui est dommage.

L’histoire d’amour est un peu bateau, à mon sens, dû au fait que Morgan, à 15 ans, est tombé amoureux de Chali (dernière descendante du célèbre Gengis Khan), avec qui il n’a échangé quelques mots, bien qu’il ait passé du temps avec elle (barrière de la langue). En même temps, il aime bien aussi Maura (par amour du goût ?), 12 ans, qui lui offrira un baiser avant qu’il ne s’enfuie.

Ce sont des gosses, des ados, des amourettes de jeunesse, à laquelle, en principe, on ne donnera jamais suite. Bingo, 10 ans après, Morgan croise à nouveau la route de Maura, mariée : son comportement sera un peu aberrant, jouant un jeu de séduction dangereux, bien que Morgan la repousse.

Rien n’est logique dans le comportement de Maura qui reveut un baiser, afin d’être sûre qu’elle aime son mari et non Morgan (comme si c’étaient des mets à goûter). Elle m’a fait penser à une gamine et non à une femme de 22 ans (à cette époque, on était mûre plus tôt). Morgan, lui, aime toujours sa princesse, mais peut-être aussi Maura, il ne sait pas…

Je n’ai rien contre les histoires d’amour dans les romans, mais j’apprécie tout de même qu’elles n’aient rien à voir avec du Harlequin. Morgan aime le souvenir de Chali, il l’idéalise et Maura fait pareil avec lui.

Bref, on perd du temps avec leurs chipoteries et autant ou j’avais apprécié Maura jeune, autant où elle m’a un peu exaspéré adulte. Rien de grave, mais j’ai eu l’impression d’un « tout ça pour ça ? ».

Malgré tout, cela ne m’a pas empêché de déguster le récit du voyage de la caravane de chevaux et de chameaux, dans les steppes kirghizes, chevauchant durant des heures, chassant avec un aigle, vivant à la dure, toujours à la merci de pillards. Les descriptions sont précises, très vivantes, belles et c’est ce qui m’a fait le plus vibrer dans ce roman.

Un roman à l’histoire ultra classique, mais racontée autrement, avec beaucoup de précisions dans les us et coutumes des différentes cultures abordées, de détails dans les paysages traversés, le climat, la nature, afin d’y immerger le lecteur pour qu’il se sente plus proche de ce que vivent les personnages, que ce soit dans la chaleur du Pendjab ou dans la froide Russie.

C’est grâce à ma copinaute Bianca que j’ai lu ce roman avec elle. Une LC réussie ! Comme il est à suivre, nous avons décidé de poursuivre le voyage. Tout comme moi, Bianca a apprécié le voyage. Suivez le lien et vous saurez tout !

Les trois épouses de Blake Nelson : Cate Quinn

Titre : Les trois épouses de Blake Nelson

Auteur : Cate Quinn
Édition : Presses de la Cité (2021) / Pocket (2022)
Édition Originale : Black Widows (2021)
Traduction : Maxime Berrée

Résumé :
Blake Nelson est retrouvé mort dans le désert. La police soupçonne sa femme l’avoir tué. Mais laquelle ?

RACHEL, PREMIÈRE ÉPOUSE
 » Pardonne-moi, Seigneur, j’ai menti à un policier aujourd’hui. Je lui ai dit que Blake n’avait jamais levé la main sur moi. « 

TINA, SŒUR-ÉPOUSE
 » Quand les flics m’ont embarquée, j’ai cru qu’ils nous arrêtaient pour polygamie. À Vegas, je me faisais arrêter pour racolage. Ici, c’est parce que je suis mariée. « 

EMILY, SŒUR-ÉPOUSE
 »  » Tu peux être toi-même ici ‘, m’a dit Blake. Ce qu’il voulait dire, je pense, c’est que je pouvais être à lui. « 

Contre la volonté de sa famille et les règles de l’Église mormone, Blake Nelson a épousé trois femmes. Tous les quatre vivent dans un ranch miteux perdu au beau milieu de l’Utah, dans l’attente de la Fin des Temps. Personne ici ne les dérangera.

Jusqu’à ce que le corps de Blake soit retrouvé dans un sale état. Bienvenue chez les mormons !

Critique :
Blake Nelson est mort, assassiné. Non, je ne divulgâche rien, c’est dans le résumé et son meurtre arrive dès les premières lignes.

Le mystère est de savoir qui l’a tué ? Et pourquoi ? La particularité de cet homme, c’est qu’il était mormon et polygame, ce qui n’est plus permis dans cette secte.

Ses trois épouses sont number one sur la liste des suspects. Pour  le savoir, nous allons entrer dans leur tête et ces dames seront, tour à tour, les narratrices.

La particularité de ce roman policier, c’est que nous entrons dans l’église des Saints des Derniers Jours et ce n’est pas triste ! L’autrice s’est bien renseignée et l’immersion dans la société mormone est un petit plus qui ne gâche rien.

Entre nous, je n’ai absolument pas envie de me retrouver dans cette espèce de secte qui me parle de fin des temps, qui stockent de la bouffe pour une année, ne boivent pas de café et doivent porter des sous-vêtements jour et nuit, ceux agréé par le Temple.

Ce polar prend son temps et si vous recherchez de l’action, il faudra aller voir ailleurs, car l’autrice prend le temps de planter ses décors, de donner de l’épaisseur à ses personnages en nous parlant de leur vie antérieure, de nous présenter l’homme qu’était Blake Nelson et de sa vie avec ses femmes, eux qui vivent dans un trou tellement perdu que même le trou du cul du monde est moins paumé.

Suivre les pensées de nos trois femmes est glaçant, notamment dans leur façon de vivre et de penser, surtout Rachel, la première épouse, qui est mormone jusqu’au tréfonds de son âme et du fond de sa culotte agrée par le Temple.

Sa spécialité ? Cuisiner des conserves et faire des conserves. Si vous voulez perdre du poids, oubliez les programmes à la con, venez vous asseoir à la table de Rachel : perte de poids garantie tant sa cuisine est insipide.

Brillante idée que de donner la parole aux trois femmes, tour à tour. Leur récit est glaçant, notamment leur vie de femmes mariées et celles de leur enfance. Cela nous permet de ressentir de l’empathie à leurs égards et d’avoir une autre vision que celle de la psychorigide mormone, de l’ancienne pute droguée et de la jeunette immature et frigide, qui ment tout le temps.

Lorsqu’on prend le temps d’aller gratter sous le vernis, on découvre des personnages inattendus. Se retrouver dans la position d’accusées permettra à ces trois épouses de s’ouvrir, de changer, de se montrer telles qu’elles sont vraiment.

L’autrice décrit bien le fonctionnement de la communauté des saints des derniers jours, l’intégrisme de ses membres, leurs préceptes et l’intransigeance de leur doctrine. Ça fait froid dans le dos. Et puis, il n’y a pas que ça… Dans le passé d’une des épouses, il y a des boites qu’elle a choisi de garder fermer.

Un excellent roman policier qui ne se contente pas de nous mettre face à un meurtre et un/une coupable à trouver, mais qui nous immerge dans la communauté des mormons, ainsi que dans la tête et la vie de trois femmes, trois épouses d’un même homme, qui vont devoir se sortir les doigts du cul afin de trouver la solution à l’assassinat de leur époux, qui était loin d’être un saint, lui aussi, mais qui se prenait pour un roi chez lui.

Un roman choral aux atmosphères particulières, aux dialogues ciselés, aux personnages travaillés, qui ne manquent pas de profondeur, ce qui donnera des portraits psychologiques très fins et un roman noir qui se lit tout seul, malgré les 580 pages en version poche.

Challenge Thrillers et Polars de Sharon (du 12 Juillet 2022 au 11 Juillet 2023) [Lecture N°111].

Sous-vêtements mormons…

Sherlock Holmes en Limousin : Jean-Louis Boudrie

Titre : Sherlock Holmes en Limousin

Auteur : Jean-Louis Boudrie
Édition : La geste (01/09/2021)

Résumé :
Lorsque Sherlock Holmes et le Dr Watson sont invités par un ami limousin aux commémorations du 700ème anniversaire de la mort du roi Richard Cœur de Lion devant le château de Châlus en Limousin, ils acceptent avec empressement.

En même temps, il leur est demandé conseil pour mettre fin aux agissements de la Bande à Burgou, un légendaire bandit de grand cœur et de grands chemins qui rançonne les bois de la région ; on le croyait disparu, il refait surface.

Une immersion dans un monde de veilles pierres et de forêts sauvages peuplées de loups cruels et de diverses créatures, un monde qui leur est totalement étranger et qu’ils devront apprivoiser, à moins que ce ne soit le contraire.

Qui l’emportera ? La froide analyse et les savantes déductions du célèbre détective ?

Ou la ruse et l’audace des hommes des bois ? Et s’il y avait des femmes des bois ? Et un trésor caché dans les ruines ?

Une chose est certaine : cette affaire laissera des traces de part et d’autre, et Sherlock Holmes le dira lui-même : Unfortgettable !

Inoubliable, mon cher Watson !

Critique :
Puisqu’il me reste encore des apocryphes holmésiens non lus, je me suis dit que c’était le bon moment pour les lire : début d’année, pas envie de commencer avec du trop lourd…

Oui, mais pas au point de vouloir lire du léger, une sorte de burlesque non assumé qui m’a plus souvent fait lever les yeux au ciel et qui, sans son statut d’apocryphe holmésien, aurait fini sa vie sous un meuble bancal.

Oserai-je dire que c’est un roman policier ? Il ne se passe pas grand-chose…

Sérieusement, l’intrigue tient sur un ticket de métro, les bandits de grand chemin ne font parler d’eux qu’après une centaine de pages et ça tient aussi de la pantalonnade grotesque, à tel point qu’on en vient à se demander si ces bandits ne sont pas là que pour amuser le détective ! Une ligne, à la fin, me fera penser que je n’avais peut-être pas tort…

Et Holmes, dans tout cela ? À se demander à quoi il sert ! Il n’enquête pas vraiment, ses déductions ne ressemblent à rien, il promet qu’il va tout résoudre, mais c’est à se demander comment il a fait, hormis attendre que tout tombe tout cuit. Oh, il se bougera un peu sur la fin, mais on est loin du détective officiel de Conan Doyle qui réfléchit.

Je ne sais toujours pas comment il a pu déduire qu’il y avait, dans le petit mot reçu à la fin, l’ombre du professeur de mathématique maléfique… Le mot était écrit par le complice, rien ne laisse présager qu’il y avait, derrière, le méchant canonique, mais oui, il était bien là. Mystèèère !!

Quant aux explications finales, elles sont en option ! Ou alors, on doit faire le job et faire marcher nos petites cellules grises… Expression que l’auteur utilise pour Holmes (là, Poirot va lui faire un procès) et qui ne lui va pas du tout. Apparemment, toutes ces histoires pour une trahison et une histoire de femme… Et les pierres qui sont tombées non loin de Holmes, c’étaient toutes des accidents ? Démerdez-vous pour le savoir !

Quant à Watson, on est loin du gentleman de Conan Doyle… Notre brave médecin plote une dame (sans le faire exprès), couchera avec elle après un excès de tabasco dans sa nourriture (ainsi qu’avec une autre, plus tard) et Holmes lui demandera, le lendemain, si c’était bon (la nuit de baise, pas le tabasco !).

Oula, en 1889, les Anglais parlaient de sexe entre eux ? Que Holmes et Watson allassent se dégorger le poireau, ma foi, c’est humain, mais que Holmes lui demande comment c’était, là, je m’insurge ! Tout comme Holmes fredonnant « What a wonderful world » (Louis Armstrong) après avoir planté son bâton dans la motte d’une madame.

Ah, les anachronismes ! Ceux qui font rire dans les comédies… L’auteur a eu l’idée d’insérer dans son texte des références à notre époque, des petites phrases qui auraient dû faire sourire, mais qui m’ont plus fait lever les yeux au ciel qu’autre chose tant elles tombaient comme des cheveux dans la soupe…

N’est pas Goscinny qui veut, Holmes n’est pas un comique troupier et si certaines références pouvaient prêter à sourire (le bruit et l’odeur, la tête de veau sauce Gribiche, le petit pas pour l’homme,…), j’ai des doutes sur le « casse-toi pauv’c** » de Sarko, sur le « sauf les cul-de-jatte, bien entendu » (extrait d’une chanson de Brassens), sur Holmes imaginant Pierre Desproges sur la même place, dans le futur (et j’en passe)…

Ou on fait du burlesque assumé (faut pas se louper) ou on se contente de glisser moins de références… Ici, l’auteur se prend les pieds dans le tapis. Trop est l’ennemi du bien.

On peut faire de l’humour dans un Sherlock Holmes, mais il se doit d’être plus fin, plus raffiné et surtout, on essaie tout de même d’offrir aux lecteurs une intrigue policière bien ficelée, même avec une simple affaire. On ne lui donne pas l’impression de le planter là, avec des explications vite expédiées et qui n’éclairent rien.

Mais ceci n’est que mon opinion, l’auteur fait ce qu’il veut, de toute façon, c’est son livre, mais vu ma déception (et le prix de l’ouvrage), je pense que j’ai le droit de rouspéter, puisque mon achat a fait vivre des gens (et payé leur facture d’énergie ?).

J’allais oublier aussi le présence d’un loup apprivoisé (à sa naissance), qui un jour, suivra Holmes, qui se trouve à cheval, avec trois de ses congénères (le loup apprivoisé n’appartenant à aucune meute, sans doute des solitaires qui l’accompagnent ?), dans le but de lui faire peur… Je n’ai pas vu l’utilité de cette poursuite…

Ni dans le fait que des loups aient préférés manger une bergère, en lieu de place de ses moutons, ainsi qu’un homme blessé… La forêt est giboyeuse, il y a des sangliers à tous les coins de sentier, des cerfs, des chevreuils, et le loup ne mange les humains que s’il crève la dalle (et encore). Le syndicat des loups pourrait porter plainte pour incitation à la haine et propagation de faits totalement faux, dans le but de les vilipender.

Quant aux policiers de bled, ils portaient tous des noms de grands crus : Gyvré, Chambertin, Montrachet, Bordeaux,… Oui, ça m’aurait fait rire ailleurs, mais pas ici. Trop c’était trop…

Anybref, il y a, dans ce roman policier qui n’a de policier que le nom, trop choses inutiles, qui ne servent à rien, qui ne font pas avancer l’histoire, ni l’enquête, mais qui servent à noircir des pages, dans le but de faire rire et qui ne font que desservir le texte (pourtant, je suis bon public, même avec des blagues à Toto, avec parcimonie) et qui m’ont juste fait lever les yeux au plafond, bien trop souvent.

C’est le deuxième roman des éditions La Geste, avec Holmes, qui me déçoit et j’ai peur de lire les suivants… Moi qui pensais passer un bon moment holmésien, je me suis fourrée le doigt dans l’œil, jusqu’au coude.

Ce genre d’écriture, de roman, n’est pas fait pour moi, ou alors, avec un inspecteur de Scotland Yard, un simple flic anglais en vacances et où le comique troupier est assumé et bien réalisé.

Challenge Thrillers et Polars de Sharon (du 12 Juillet 2022 au 11 Juillet 2023) [Lecture N°110].