Titre : Le soldat désaccordé
Auteur : Gilles Marchand
Édition : Aux Forges de Vulcain (1/08/2022)
Résumé :
Paris, années 20, un ancien combattant est chargé de retrouver un soldat disparu en 1917. Arpentant les champs de bataille, interrogeant témoins et soldats, il va découvrir, au milieu de mille histoires plus incroyables les unes que les autres, la folle histoire d’amour que le jeune homme a vécu au milieu de l’enfer.
Alors que l’enquête progresse, la France se rapproche d’une nouvelle guerre et notre héros se jette à corps perdu dans cette mission désespérée, devenue sa seule source d’espoir dans un monde qui s’effondre.
Critique :
Un ancien Poilu qui enquête pour retrouver un disparu durant la Der des Der, c’est un peu comme dans « Gueules d’ombre » de Lionel Destremau, mais contrairement à ce roman, celui-ci, je l’ai adoré !
Sa mission ? Retrouver, pour le compte de Mme Joplain, son fils Émile, qui n’est jamais revenu de la guerre… Oui, mais, nous sommes en 1925, un peu tard, non ?
Le nom de notre ancien Poilu, qui a perdu sa main gauche durant le conflit, nous ne le connaîtrons jamais, mais cela ne m’a posé aucun problème.
Son enquête, minutieuse, va le mener de piste en souvenirs des uns et des autres et après moult interrogations, il va entendre des récits du front, les anciens se livrant facilement à cet enquêteur, lui qui a connu les tranchées comme eux et qui en est revenu mutilé.
Durant son enquête, notre mutilé sans nom, va comprendre que la mère a caché l’existence d’une femme qu’il aimait et il se rendra compte aussi que cette affaire va lui permettre de passer en revue ses souvenirs de guerre, guerre dont il n’est jamais vraiment sorti, lui qui voulait faire son devoir, à tel point qu’il refusa les permissions…
Un roman sur la Première Guerre Mondiale, mais aussi un roman d’amour, une belle histoire qui prend encore plus de d’ampleur lorsque l’on est sur un champ de bataille ou sur le No Man’s Land, sous les obus, la mitraille…
Dans ce roman de 200 pages, on va à l’essentiel, mais l’auteur n’hésite pas à donner de l’épaisseur aux personnages secondaires, à tel point qu’on les voit, qu’on les entend nous raconter leurs souvenirs. Ils ont pris corps, ils sont réalistes. Tout, d’ailleurs, dans ce roman, est d’un réalisme à couper le souffle et jamais l’histoire d’amour ne deviendra guimauve.
L’écriture de l’auteur est belle, agréable à lire et certains néologismes m’ont fait penser à Frédéric Dard, auteur qui avait pour habitude de créer des verbes à partir de mots (comme « Pompefunébrer »).
En 1925, la France fêtait sa victoire depuis sept ans. Ça swinguait, ça électroménageait, ça jazzait, ça cinématographiait, ça mistinguait. L’Art déco flamboyait, Paris s’amusait et s’insouciait. Coco Chanélait, André Bretonnait, Maurice Chevaliait.
Un roman qui se lit trop vite, qui se termine trop rapidement, tant j’aurais encore bien passé du temps avec le mutilé sans nom, ses souvenirs, ses pensées un peu naïves, mais jamais imbéciles, ses anecdotes sur l’après guerre, où l’on apprendra que des villages se sont battus pour récupérer des morts afin de pouvoir les noter sur leur monument…
Si on avait su qu’un boche c’était rien qu’un Français qui parle allemand, on aurait eu du mal à continuer à leur tirer dessus.
Des blessés, c’était pas ce qui manquait, il y en avait partout. C’est même ce qu’on faisait de mieux à l’époque : les estropiés et les morts.
On voulait des lions, on a eu des rats.
On voulait le sable, on a eu la boue.
On voulait le paradis, on a eu l’enfer.
On voulait l’amour, on a eu la mort.
Il ne restait qu’un accordéon. Désaccordé. Et lui aussi va nous quitter.
Un roman court, mais intense, beau, lucide, poétique, bref, on en redemande ! Et je le recommande.