Titre : La véritable Histoire vraie / Les méchants de l’Histoire – T03 – Torquemada
Scénariste : Bernard Swysen
Dessinateur : Marco Paulo
Édition : Dupuis (10/05/2019)
Résumé :
En 1474, Isabelle de Castille devient enfin reine, après bien des péripéties. Elle a épousé quelques années auparavant Ferdinand, héritier de la couronne d’Aragon dont il héritera en 1479.
À eux deux, ils réunifient ainsi l’Espagne et deviennent « les rois catholiques ». À eux deux seulement ? Non. Dans leur ombre agit un moine bénédictin particulièrement austère et dévot : Tomas de Torquemada.
Issu d’une famille de juifs convertis quelques générations auparavant, il est convaincu que les royaumes de Castille et d’Aragon doivent être sauvés des hérétiques. Il y consacrera sa longue vie.
Véritable stratège politique, il va réussir par l’intermédiaire royal à récupérer les pleins pouvoirs de la part de l’Église catholique sur les tribunaux de l’Inquisition. Il les unifiera dès lors et en deviendra le chef suprême durant quinze ans.
Premier Grand Inquisiteur espagnol, ombre noire du pouvoir, il va donner une dimension brutale et violente aux jugements et persécutera les juifs espagnols sans relâche.
Sous sa gouvernance, l’Inquisition aura un pouvoir sans précédent. Il mourra à 77 ans après avoir rédigé le Code de l’inquisiteur qui sera utilisé durant des années. Il serait responsable de 2 000 exécutions et de 100 000 cas examinés au cours de sa carrière.
Cet ouvrage, préfacé par Jean-Pierre Dedieu (historien spécialiste de l’Histoire de l’Espagne et de l’Inquisition espagnole) , propose un regard pimenté et vrai sur ce personnage historique.
Critique :
Cette bédé commence par une introduction, afin d’éclairer un peu le futur lecteur sur ce que fut l’Inquisition et ce n’est pas une chose simple à expliquer, même pour les historiens.
Au départ, elle n’était pas celle que nous pensons connaître, tous et toutes.
Ces informations de départ sont plus que nécessaires afin de remettre l’église au milieu du village et de mettre fin à des légendes, des exagérations et autres calembredaines que l’on raconte.
Attention, l’Inquisition Espagnole n’était pas un ange non plus ! Comme dans les régimes totalitaires, les inquisiteurs avaient les moyens de vous faire parler, de vous condamner pour des broutilles, de vous faire avouer tout et n’importe quoi, ainsi que d’aller dans l’absurde pour condamner encore plus de monde… Ben oui : « si tu ne l’as pas fait, tu aurais pu le faire »… Même les morts ne sont pas à l’abri de la folie religieuse et purificatrice de Torquemada.
La bande dessinée utilise des dessins assez humoristiques pour nous narrer la vie du petit Tomás de Torquemada, né en 1420 à Valladolid ou Torrequemada (la tour brûlée), dans le royaume de Castille.
On ne peut pas dire qu’il nous inspire de la sympathie, ce gamin, même bébé, tant sa tronche donne envie de partir loin de lui. Il fait la gueule, passe son temps à l’église, il ne rit jamais, ne joue jamais avec les autres enfants, il déteste les friandises… Il est tout simplement sinistre !
Il y a de l’humour dans cette bédé historico-biographique, mais pas que… Oui, on sourit souvent, mais dans le fond, on grince aussi des dents devant la foi de Torquemada qui tourne au fanatisme pur et dur, devant les tortures, les illogismes, les exactions…
Le moindre péché devient un péché mortel et il voudrait purifier l’Espagne des Juifs, Musulmans et des conversos, ces convertis à la foi catholique, mais qui continue de pratiquer leur ancienne foi.
Les dialogues sont caustiques, cyniques, l’humour pratiqué est noir. Il est bien dit aussi que le fait de chasser tous les Juifs d’Espagne (par un décret qui ne fut abrogé qu’en 1967) a considérablement appauvri l’Espagne, enrichissant la France, l’Angleterre, Rome, la Turquie, grâce à l’arrivée des migrants Juifs.
Voilà donc une bédé qui allie, avec équilibre, l’humour et l’Histoire, la légèreté de ton et l’indicible, le tout avec du cynisme. J’aime ça. On est tout à fait capable de faire passer des messages importants, de parler de choses graves, tout en les enrobant d’humour noir ou d’ironie. J’ai toujours trouvé cela plus percutant.
Que l’on ne s’y trompe pas : si l’auteur donne l’impression de rire de tout cela, il n’en est rien. La pilule passe juste autrement. Les exactions commises par l’Inquisition Espagnole ne furent ni les premières, ni les dernières, hélas. Ce genre de comportements, totalement iniques, reviennent régulièrement, à d’autres endroits de la planète.
J’ai maintenant envie de découvrir les autres bédés de cette saga, consacrée aux méchants de l’Histoire.
Le Challenge « Les textes courts » chez Mes Promenades Culturelles II (Lydia B – 64 pages) et Le Mois Espagnol (et Sud-Américain) chez Sharon – Mai 2022 (Fiche N°26).