Les Ogres-Dieux – Tome 1 – Petit : Hubert et Bertrand Gatignol

Titre : Les Ogres-Dieux – Tome 1 – Petit

Scénariste : Hubert
Dessinateur : Bertrand Gatignol

Édition : Soleil – Métamorphoses (2014)

Résumé :
Du plus jeune et plus petit des Ogres, c’est toute l’histoire d’une famille et de ses membres qui nous est contée. Héritage, coutumes, tiraillements… Un superbe récit gothique autour du déterminisme familial.

Petit est le fils du Roi-Ogre. À peine plus grand qu’un simple humain, il porte sur lui le signe de la dégénérescence familiale qui rend chaque génération plus petite que la précédente à force de consanguinité.

Son père veut sa mort, mais sa mère voit en lui la possible régénération de la famille puisqu’il pourrait s’accoupler à une humaine tel que le fit jadis le Fondateur de la lignée.

Elle le confie alors à la tante Desdée, la plus ancienne d’entre eux, qui déshonorée en raison de son amour pour les humains, vit recluse dans une partie de l’immense château.

Seulement voilà, contrairement au souhait de sa mère, elle tentera d’élever Petit à l’inverse des moeurs familiales…

Tiraillé entre les pulsions violentes dont il a hérité et l’éducation humaniste qu’il a reçue de Desdée, Petit trouvera-t-il sa place ? Et survivra-t-il à l’appétit vorace de sa famille ?

Critique :
Once upon a time, au pays des ogres…

Cette bande dessinée m’avait intriguée, j’aurais aimé en savoir plus et c’est donc pour cela que je l’ai acquise.

Premières impressions ? Les dessins sont superbes, ils me plaisent, les tons en noir et blanc aussi. Allez, vendu et hop, directement à la lecture.

Le récit n’est pas fait pour les petits enfants : nous sommes au pays des ogres, ils vivent dans un château et sont cannibales. Donc, en tant qu’être humain, faites gaffe à vos miches, vous pourriez bien finir dans leur assiette, ou en amuse-gueule, comme nous grignoterions une carotte devant la télé. Sauf que la carotte, elle n’est pas vivante !

Dans cette famille de géant, au fur et à mesure du temps qui passe, les géants naissent de moins en moins grands, la consanguinité les rend aussi un peu tarés et la seule à ne pas être cannibale est l’ancêtre, Desdée, celle qui va prendre Petit sous son aile et le laisser grandir dans un environnement plus sécurisé, son père voulant le bouffer pour cause de petite taille.

Oui, chez eux, la taille est importante !

Cette bédé nous plonge dans un monde cruel, gore, horrible, gothique, un monde où la loi du plus fort est toujours la meilleure et où il faut manger pour ne pas être mangé.

Dans cette bédé, les dessins, les expressions, sont tout aussi importantes que les textes et je me suis régalée, me demandant où tout cela allait nous mener et surtout, quel rôle Petit allait pouvoir jouer, lui qui est tout de même plus grand que les humains, plus petit que le plus petit des ogres, qui ne mange pas d’humains, mais qui refuse de se reproduire.

Ce conte de fée est violent, sans concession, comme l’étaient à l’origines les contes de fées (oublions les mièvreries faites par Disney), il met en scène un enfant qui va devoir grandir dans le secret et ensuite, trouver sa voie, sauf qu’il ne veut pas de celle qu’on lui trace et qu’il va devoir trouver sa propre voie et surtout, se défaire de ses frères dégénérés qui veulent le bouffer (et son père aussi).

Un conte de fées cruel, mais excellent ! Il me tarde de pouvoir lire la suite.

PS : l’ouvrage est plus grand qu’une bédé ordinaire et ce premier tome fait 174 pages… Oui, c’est lourd à tenir dans ses mains !

#Challenge Halloween 2022

Challenge Thrillers et Polars de Sharon (du 12 Juillet 2022 au 11 Juillet 2023) [Lecture N°67] et Challenge Halloween 2022 chez Lou & Hilde (Du 26 septembre au 31 octobre) – Familles extraordinaires.

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Edmund Kemper – L’ogre de Santa Cruz [Les sérials killers – T04] : Stéphane Bourgoin, J.D Morvan, Roy Allan Martinez et Mauro Vargas

Titre : Edmund Kemper – L’ogre de Santa Cruz [Les sérials killers – T04]

Scénaristes : Stéphane Bourgoin, Jean-David Morvan
Dessinateurs : Roy Allan Martinez et Mauro Vargas

Édition : Glénat (27/01/2021)

Résumé :
Récemment mis en lumière par la série Mindhunter, Ed Kemper est un serial killer qui a fait trembler l’Amérique.

Enfermé à perpétuité, cet individu diagnostiqué comme un dangereux psychopathe est l’auteur de multiples meurtres tous plus sordides les uns que les autres. Dans les années 1970, ce tueur en série a perpétré pas moins de 10 meurtres, dont celui de sa mère et de ses grands-parents.

Né le 18 décembre 1948, Edmund Kemper a dès sa venue au monde impressionné par son gabarit démesuré. Pesant plus de 6 kg à la naissance, celui-ci mesurera à l’âge adulte 2,06 m pour 160 kg.

Une envergure spectaculaire qui lui vaudra au moment de ses crimes le surnom d' »Ogre de Santa Cruz ».

Diagnostiqué à l’âge de 15 ans comme schizophrène paranoïde, Ed Kemper, qui « s’amusait » depuis l’enfance à mutiler les poupées de sa sœur ou à maltraiter des animaux, commence son entreprise sanglante dès 1964 en tirant avec un fusil sur sa grand-mère.

Critique :
Oui, je sais, depuis certains révélations, le nom de Stéphane Bourgoin n’est absolument plus gage de sérieux, vu tout ce qu’il a raconté comme carabistouilles sur son C.V, mais il est directeur de cette collection, donc, pas le choix.

Naît-on serial-killer ou le devient-on à cause de l’environnement dans lequel on a grandi, suite aux brimades et coups sur la tronche reçues ? La question est posée.

Cette bédé qui parle d’Edmund Kemper n’a pas pour vocation de lui trouver des excuses, des circonstances atténuantes, juste d’expliquer ce que ce fut son enfance avant de devenir le serial-killer qu’il est devenu ensuite. Son enfance ne fut pas rose…

Je sais, tous les enfants brimés, battus, abusés ou qui ont tué un chat, un chien, ne deviennent pas des serial-killer, loin de là et heureusement.

ATTENTION, expliquer, tenter de comprendre un assassin ne veut pas dire le pardonner ou l’absoudre, loin de là. Juste tenter de comprendre… Si c’est possible.

Les dessins ne m’ont pas vraiment plu, ni les couleurs dans des tons bruns jaunes que l’on trouve lors de certains passages (ceux dans la prison). Et puis, toutes ces cases utilisées juste pour montrer l’arrivée de Kemper au parloir, le tout sans parole, ça fait perte de temps.

Kemper nous raconte sa vie et surtout ses meurtres comme vous et moi raconterions une histoire banale d’une journée normale de bureau, sauf que lui assassine des femmes, les viole post-mortem, les décapite, les découpe en morceaux, fait l’expérience de cannibalisme. Kemper est un homme de haute stature, on comprend que l’ait surnommé l’ogre.

Afin d’arriver au bout de cette bédé, il vaut mieux prendre du recul, se détacher de tout, sinon, le ton froid utilisé par Kemper pour parler des meurtres risquerait de vous donner envie d’aller voir ailleurs. Ce que j’ai fait souvent, puisque j’ai étalé la lecture de cette bédé sur plusieurs jours.

Non pas que le récit soit dur, j’ai lu bien pire que les meurtres de Kemper, mais jamais ce serial-killer ne fait montre de compassion, de remords, de culpabilité, rien, restant même évasif sur le traitement qu’il a réservé à certaines de ses victimes.

« La fille était hautaine, je n’aime pas les femmes, c’est à cause de ma mère, elle me rabaissait tout le temps »… Voilà quelques phrases derrière lesquelles il se disculpe de tout.

Ok, son enfance ne fut pas facile, loin de là, mais si le problème venait de sa mère, fallait le régler au plus vite et ne pas s’attaquer à des femmes innocentes, exutoire de sa colère, victimes qui n’avaient pas la poigne de sa mère et son emprise sur lui.

Une lecture assez dérangeante, surtout lorsque l’on apprend que Edmund Kemper participe à des enregistrements de livres pour aveugles et de l’engouement qu’il suscite auprès de certaines personnes, comme tous les serial-killer, en fait.

Ce n’est pas une lecture qui restera gravée dans ma mémoire, les couleurs jaunes brunes utilisées durant toutes les scènes à la prison m’ont donné mal aux yeux et le ton froid de Kemper m’a donné envie de le coller sur une chaise électrique ou de le frapper à la batte de base-ball…

Challenge Thrillers et Polars de Sharon (du 12 Juillet 2021 au 11 Juillet 2022) [Lecture N°38].

Les naufragés de la Méduse : Jean-Christophe Deveney et Jean-Sébastien Bordas

Titre : Les naufragés de la Méduse

Scénariste : Jean-Christophe Deveney
Dessinateur : Jean-Sébastien Bordas

Édition : Casterman (03/06/2020)

Résumé :
En 1816, les royalistes reviennent au pouvoir. Le commandement de La Méduse est confié à un noble qui n’a pas navigué depuis vingt-cinq ans.

Le 2 juillet, la frégate échoue sur un haut fond au large du Sénégal. 170 passagers s’installent sur un radeau de fortune.

Deux semaines plus tard, le radeau est retrouvé miraculeusement avec à son bord seulement 17 survivants.

Critique :
Le récit du naufrage de la Méduse, je le connaissais, mais cela change tout lorsque c’est dessiné et qu’il y a une mise en abyme entre le naufrage de la frégate et celle de la vie de Géricault, qui, à cette époque, se noie aussi.

Les auteurs, en alternant le récit du voyage/naufrage de la Méduse et des recherches de Géricault pour son tableau ont donné une autre approche à la tragédie et ont évité de sombrer dans le glauque.

Les dessins, en aquarelles, mettent cette histoire bien en valeur : tons chauds lorsque nous sommes en mer et tons plus froids lorsque nous rejoignons Géricault. C’est donc avec les yeux grands ouverts que j’ai commencé ma lecture en découvrant les différents protagonistes : d’un côté, ceux de la Méduse et de l’autre, tous ceux et celles qui gravitaient autour de Géricault.

Les auteurs ont fait un véritable travail d’enquêteurs et Theodore Géricault aussi. Ce dernier voulait peindre de manière originale les naufragés, sortir des tableaux à connotation biblique et frapper un grand coup avec sa toile.

Le montage est lui aussi bien fait puisque l’on a quelques pages sur le voyage de la frégate et ensuite les recherches de Géricault, ses ennuis, ses amours contrariés. S’il n’avait pas de soucis d’argent et pouvait prendre son temps pour exercer son art, notre peintre avait des soucis ailleurs.

Notamment il en aura avec les survivants et témoins du naufrage : Corréard et Savigny qui ne sont pas honnêtes, l’un se mettant en scène comme un héros et l’autre trouvant une fièvre tropicale pour excuser le cannibalisme qui saisit certains des naufragés, quand d’autres mettaient en cause les Noirs qui se trouvaient sur le radeau.

Hé oui, les riches, les bourgeois, le commandant, les dirigeants, eux sont allés dans les canots et les autres, les troisième classe, sont allés s’entasser sur un radeau que l’on n’a pas hésité à rompre les amarres pour s’en débarrasser… Titanic avant l’heure.

Si vous connaissiez les erreurs qui furent commises lors du naufrage et les imbécilités faites par un commandant qui n’avait plus navigué depuis des lustres, pas de panique, cet album vous rafraîchira la mémoire et vous ravira au passage car c’est avec minutie que Géricault mène son enquête, cherche les zones d’ombres, les non-dits, les incohérences dans les différents témoignages, le peintre s’écorchant même avec quelques racistes de bas-étage au passage.

Et en prime, vous saurez tout sur cette toile célèbre, sur son peintre, sur sa réalisation, sa vie, ses amours, ses emmerdes. En prime, vous croiserez Horace Vernet et Delacroix !

Si vous ne saviez rien de rien, pas de soucis non, car après cette lecture, vous saurez tout sur le naufrage ET sur l’élaboration de ce tableau qui est maintenant célèbre. Vous pourrez briller aux repas de famille et en société. Moi-même je me suis cultivée avec délectation car la bédé est un petit bijou de mise en scène intelligente et de dessins superbes.

La folie qui saisit les naufragés sur le radeau est elle aussi bien mise en scène, faite avec réalisme, sans juger, car nous ne savons pas comment nous réagirions, perdu sur un radeau, les pieds dans l’eau salée, sans nourriture, sans eau, sans espoir et sous le soleil…

Certains ont sans doute fait des témoignages douteux afin de ne pas se mettre en cause et se faire juger par une populace toujours prompte à s’enflammer et à vilipender.

Une magnifique bédé qui alterne le récit de la frégate La Méduse avec les recherche de Géricault pour son tableau, une mise en abyme réalisée de main de maître, une biographie de Géricault sans en être une, un récit de naufrage qui tournera à l’horreur mais sans que les auteurs ne sombrent dans le voyeurisme.

Bref, un making of superbement bien fait et si on parle de naufrage, la bédé, elle, ne sombre jamais.

PS : merci à ma soeur de m’avoir offert cet album graphique pour ma Noël. C’était totalement inattendu, surprenant et une putain de bonne idée !

Challenge Thrillers et Polars de Sharon (du 11 Juillet 2020 au 11 Juillet 2021) [Lecture N°156].

Régression : Fabrice Papillon

Titre : Régression

Auteur : Fabrice Papillon
Édition : Belfond (10 octobre 2019)

Résumé :
Ils sont prêts. Ils reviennent d’un lointain passé, d’une époque glorieuse.

Ils forment ce que Socrate et Homère nommaient déjà la race d’or. Ils viennent sauver la terre, et les hommes qui peuvent encore l’être. Pour les autres, ils n’auront aucune pitié.

L’heure du Grand Retour a sonné… et, pour le commandant Marc Brunier, celle de son ultime enquête.

36 000 ans avant Jésus-Christ. Une famille résiste au froid au fond d’une grotte de la péninsule Ibérique quand des hommes font irruption et massacrent les parents. Fascinés par la peau claire et les yeux bleutés du fils, les assaillants l’épargnent et l’enlèvent.

14 février 2020, Corse. Vannina Aquaviva, capitaine de gendarmerie à la section de recherche d’Ajaccio, découvre un charnier dans une grotte de Bonifacio.

De son côté, la police retrouve un cœur en décomposition au pied d’un olivier millénaire du site préhistorique de Filitosa. Des scènes de crime similaires apparaissent sur d’autres sites de la préhistoire en Espagne puis en Angleterre.

Les premières analyses de la police scientifique sont stupéfiantes. Quelle est cette créature meurtrière dotée de capacités sidérantes ?

Aux confins de l’Europe et jusqu’à la Russie des goulags et de Tchernobyl, une chasse à l’homme exceptionnelle commence à travers le monde et les âges, où l’on croise Homère, Socrate et son disciple Platon, Jésus et l’apôtre Jean, mais aussi Rabelais, Nietzsche ou encore le terrifiant Heinrich Himmler.

Quel secret remontant à nos origines partagent tous ces hommes ? Après des millénaires de silence, une révélation est en passe de bouleverser l’équilibre même de l’espèce humaine…

Critique :
Non mais quelle idée saugrenue que celle de l’auteur de nommer un de ses personnages Vannina ♫ ah ah ah ah ♪ ah ah ah ah ♪

Durant les premières pages, j’avais Dave qui chantait sans cesse dans ma tête… Je n’ai rien contre, mais à la longue…

Sans oublier que l’auteur a nommé un des chiens pisteur « Jupiter » et moi, je voyais le mari de Brigitte, votre préz, courant avec la langue pendante… Non mais, un peu de sérieux, que diable !

Moi aussi je vais reprendre mon sérieux car ce roman n’est pas une comédie. Je dirais même plus que c’est un thriller assez efficace dans son déroulement car les temps morts ne sont jamais vraiment morts, mais instructifs à plus d’un titre. Assurément, on va se coucher moins bête.

Mon seul bémol (petit) sera tout de même pour cette Vannina Aquaviva, la capitaine de gendarmerie de Bonifacio, qui cumule des tas de qualités sportives, de combattante, de tête brûlée, de blessures profondes dans le cœur et l’âme, tout comme le commandant Marc Brunier qui est un flic qui abuse du pur malt et est bourré de traumatismes car il a vécu une chose horrible dans sa vie.

J’apprécierais de temps en temps d’être face à des flics normaux… Sans blessures profondes, traumatismes et autres. Je ne demande pas le flic lambda, celui qui n’a pas envie de bosser, ni de traverser la rue pour suivre les traces de sang qui commencent sur votre trottoir, mais bon, le juste milieu.

Sans compter qu’on en a un (Carlier, dit Pierre Richard) qui a tout du crétin qui n’a même pas su orthographier correctement le mot « gendarmerie » lorsqu’il a passé son examen d’entrée…

Stop, les pinailleries sont terminées car malgré mes réticences du départ face à ces personnages un peu trop mutilés par la vie, je suis vite entrée dans ce roman que j’avais pourtant regardé d’un œil torve avant de commencer, dubitative que j’étais.

Je précise bien « avant de commencer » car une fois les premières lignes entamées, j’étais dedans, dévorée par la curiosité et le plaisir de lecture.

C’est avec étonnement et moult questionnements que j’ai suivi l’enquête Corse (je n’ai pas pu résister) et que j’ai tenté de percer cette chape de brume qui me bouchait la vision. Qui avait tué ces gens de manière horrible ? Violente… Abjecte, barbare… Mystèèère.

L’auteur sait de quoi il cause, ça se voit, ça se sent, ça se lit… On est presque dans du détail scénaristique, pour une série, tant les détails foisonnent et sont clairs dans notre petite tête. Les scènes se jouent sous nos yeux et les acteurs prennent vie.

Plus on avance et plus on a l’impression que le mystère s’épaissi, que le fantastique vient de surgir dans notre lecture mais non, ce n’est que de la science… Serait-elle fiction, cette science ? Oui, un peu mais réaliste de par certains abords.

L’alternance entre le présent et le passé est plus que réussie. Rendez-vous compte que l’on commence en 36.000 ans avant J-C et qu’ensuite, on débarque en 2020, passant du passé au futur sans même que l’on souffre du jet lag.

Durant tout le roman, on refera des petits sauts dans le temps, côtoyant des personnages illustres (certains sont glaçants, tel Himmler) qui vont lever une partie du voile tout en l’opacifiant parce que faut pas croire que toute l’énigme va se foutre à poil d’un seul coup. Faut faire durer le plaisir et faire monter la pression.

La frontière entre la réalité, la science et la fiction est ténue et si on pourrait croire que bien des choses sont irréelles, la biographie finale jette tout de même un horrible doute… Oups, tout ne serait pas si fictif que ça, alors…

Régression est un roman qui fait avancer, qui fait réfléchir, car toutes les régressions ne sont pas si mauvaises que ça. Il y a régresser et régresser…

Et ici, nous ne parlons pas de personnes qui régressent dans le mauvais sens, un peu comme on en croise sur les réseaux sociaux (et ailleurs) et qui donnent l’impression de vouloir nous ramener à des époques où la liberté de paroles et de pensées était restrictive.

Un thriller scientifique que j’ai lu avec attention, concentrée que j’étais et qui met fin à ma série noire de lectures en demi-teintes de ces derniers jours. Un thriller qui n’a pas bâclé son final, ni son départ, ni son milieu…

— C’est cela qu’ils t’ont fait payer ! De les avoir placés devant leur ignorance, en les poussant toujours plus loin dans leurs contradictions. Un homme mérite-t-il de mourir pour cela ?

Mais lui en était convaincu : tous les hommes, malgré leurs différences, provenaient des mêmes ancêtres, qui avaient lentement évolué. Aucun ne pouvait être « singe » ou « inférieur » par essence. Les hommes avaient tous suivi leur chemin, s’adaptant à leur milieu, leurs contraintes. Les classer relevait de la mystification scientifique.

Pourtant, il fallait bien des arguments savants pour justifier la supériorité de l’homme blanc sur les « sous-hommes » des colonies… Pour les exploiter, les spolier… Lamarck était de plus en plus convaincu d’être instrumentalisé au profit des ambitions coloniales malsaines des monarques de la vieille Europe.

Considérer les indigènes comme des sauvages, voire des singes, leur ouvrait un boulevard : tout était permis, sans nul égard pour ces « sous-races ». Et les savants qui l’attestaient bénéficiaient de tous les honneurs, comme Cuvier le démontrait aisément.

En détruisant leurs forêts, comme en Amazonie, ou bien en les entraînant dans notre chute, en faisant monter le niveau des mers, au point d’immerger leurs îlots, ou bien en les asphyxiant, à cause de l’effet de serre et de la pollution globale. Sans les toucher, sans même tirer une seule balle, nous allions les éradiquer.
Nous n’étions que des Destructeurs.
Nous l’avions toujours été.
Mais nous venions de mettre au point l’arme ultime. Planétaire, insidieuse, bien plus puissante que cent mille bombes atomiques : l’arme atmosphérique et climatique.

— La comparaison est presque terminée. Pour votre information, dans notre génome, nous abritons tous entre un et quatre pour cent de gènes de Néandertal. Ce sont les conclusions auxquelles nous sommes parvenus en comparant des milliers d’ADN à celui de l’homme de Néandertal. Cela prouve que nous nous sommes croisés avec lui.

— Vous imaginez ? L’homme de Néandertal a survécu plus de quatre cent mille ans en Europe, et il s’est complètement éteint en trente mille ans seulement, après l’arrivée de Sapiens sur son territoire. Et c’est la même histoire pour tous les autres : Denisova, Florès, Luzonensis…

Une belle revanche pour cet homme dont la myopie ne cessait de s’aggraver [Himmler]. Parmi ses autres tares, il était petit et malingre. Il avait bien tenté de développer ses biceps, autrefois, mais n’y était jamais parvenu. Tout comme Hitler, il n’avait rien de l’étalon aryen si souvent glorifié dans ses discours criards.

Challenge Thrillers et Polars de Sharon (juillet 2019 – juillet 2020) – N°XX.

Sept – Tome 19 – Sept Cannibales : Sylvain Runberg & Tirso Cons

Titre : Sept – Tome 19 – Sept Cannibales

Scénariste : Sylvain Runberg
Dessinateur : Tirso Cons

Édition : Delcourt Conquistador (2016)

Résumé :
Ils sont sept. Riches. Influents. L’élite. Des mâles dominants avides de sensations fortes. Ils se jouent des valeurs hypocrites d’une société qui les adule. Ne vivent-ils pas dans un monde où la loi du plus fort s’impose ouvertement ?

Sept prédateurs, qui assouvissent leurs pulsions lors de gigantesques fêtes privées.

Comme chaque année, Alessandro, Markus, Martin, Doron, Paul, Sebastiaan et Denis s’offrent un week-end de rêves. Les sept amis en profitent pour décompresser, loin de leurs vies remplies, stressantes et bien propres.

Après la Toscane, l’an prochain, ce sera la Provence qui leur servira de cadre, Denis a déjà tout planifié pour qu’ils puissent laisser libre cours à leurs envies et leurs vices.

Mais le rituel va être perturbé. Car cette fois-ci, leur nouvelle proie n’entend pas se laisser mener à l’abattoir…

Critique :
Ils sont 7… et ont plus des sept mercenaires que des sept nains de Disney.

Nos 7 hommes sont des mâles Alpha, ils occupent tous des postes importants, viennent de pays différents, mais ont été dans la même université et sont donc amis depuis longtemps.

Nos sept hommes sont des prédateurs, rien ne leur résiste, ils sont toujours à la recherche de nouvelles sensations pour pimenter leurs vies qu’ils pensent trop classiques.

Et puis, lorsque personne ne se rend compte que vous avez tué des gens, vous ressentez l’ivresse de l’impunité et puisque vous pensez que tout est permis, il n’y a plus de limites à votre folie.

Si je n’ai pas été fan des dessins, je l’ai été du récit car sa construction nous fait remonter dans le temps, mélangeant agréablement les derniers faits de nos prédateurs, leurs anciens (un chaque année), ainsi que leur tout premier, celui qui les fit entrer dans un autre monde : celui des meurtriers et des chasseurs de gibiers bien différent de ceux qui chassent le sanglier infesté à la peste porcine (ou pas).

Cela ménage du suspense, ces retours en arrière et augmente le rythme cardiaque lors de la traque de l’élue de l’année, une informaticienne qui n’a pas trop envie de se faire bouffer par ces Hannibal Lecter en herbe qui avant vont la chasser dans un parc fermé.

Durant le récit, voit bien la montée de la violence, leur recherche, sans cesse, des sensations fortes au mépris de toutes les règles, des vies humaines prises et où les femmes ne sont que des objets sexuels, à chasser dans le sens premier du terme ou à faire passer à la casserole, au propre comme au figuré (le figuré avant le propre, sinon, ils allaient baiser un cuissot de viande).

Un thriller haletant, violent, où les hommes sont des bêtes sauvages, des mâles Alpha se croyant tout permis et pour qui la vie des autres ne compte pas.

Se croyant les plus forts, pensant qu’ils sont les meilleurs, ils n’avaient jamais pensé qu’une proie ne voudrait pas danser sur leur musique à eux et qu’ils allaient chasser une jolie biche qui avait tout d’une panthère.

Violent, horrible, sanglant, mais addictif.

Challenge Thrillers et Polars de Sharon (2018-2019) et Le mois du Polar Chez Sharon (Février 2019).

La Compassion du Diable : Fabio M. Mitchelli [Critique – Défi CannibElphique]

Titre : La Compassion du Diable

Auteur : Fabio M. Mitchelli
Édition : Fleur Suvage (2014) / Milady (18/03/2016)

Résumé :
1963 – Une nuit dans l’Ohio… impulsive. Suivront des corps, dans des barils en plastique.

1981 – Deux enquêteurs, hantés par leur passé.
Le cannibale de Cleveland… et vous. Votre compassion… celle pour le diable.

Critique :
Pour lire et apprécier ce genre de roman, il vaut mieux avoir les tripes bien accrochées. Il est donc conseillé aux âmes trop sensibles de s’abstenir.

Pour le cas où des petits curieux à l’âme sensible voudraient tout de même lire ce roman, je préciserai qu’il s’inspire de la vie de Jeffrey Dahmer, serial-killer surnommé « Le cannibale de Milwaukee » et d’Anthony Sowell, qui n’a rien d’un enfant de cœur non plus.

Ici, on suivra les horreurs perpétrées par « Le boucher de Cleveland » (fiction) et je vous déconseille de faire vos courses chez lui, vous pourriez vous retrouver à déguster de la cuisse humaine, du pénis ou des testicules, bref, le genre de chose qui ferait ruer votre estomac et votre esprit aussi.

C’est un roman que j’ai lu en très peu de temps, faisant même le forcing pour le terminer avant d’aller dormir, me foutant pas mal des conséquences pour le lendemain car il a un côté addictif, surtout après la première moitié, lorsque le final monte en puissance et en suspense.

Les chapitres sont courts, rythmés, alternant entre ceux de 1981 qui concernent nos deux flics, Freddy Lawrence et Victoria Fletcher, et ceux des années 60, avec Blake Memoria pour titre et les premiers crimes de ce tueur fou et sans pitié qui se nomme Blake.

L’enquête commence fort avec la découverte d’un charnier par hasard et puis bingo, encore un autre en démolissant une maison ! Jour de chance pour les flics, les voici ayant décroché la timbale et avec du pain sur la planche.

Pour ma part, j’aurais aimé un peu plus de pages dans ce roman afin de pouvoir développer un peu plus les deux personnages que sont les flics Freddy Lawrence et Victoria Fletcher, et même celui d’Henrique, le flic hidalgo qui s’immisce dans l’enquête avec des révélations percutantes comme un poids lourd reçu en pleine tronche.

Et c’est là que le bât a blessé, car si j’adore être surprise dans un thriller ou un policier, il faut tout de même que cela reste cohérent et là, à un moment donné, j’ai quand même eu vachement du mal à y croire car cela ne correspondait pas à la réalité, dans mon esprit. Trop, c’est trop.

Malgré cela, j’ai été happée par la suite, me demandant comment ça allait se terminer pour notre flic qui remontait le fil de l’enquête et pour le journaliste, auteur d’un livre, avec le mystère que venait de lui transmettre un petit vieux dans un home, avant de passer l’arme à gauche.

Et ce fut durant une scène extrêmement violente, véritable confrontation au sommet, que j’ai perdu le fil de l’histoire, l’auteur me donnant l’impression qu’à force de vouloir brouiller les cartes pour nous mystifier et nous surprendre, en faisait trop pour nous faire perdre le fil de qui était qui, au point qu’à la fin, j’avais l’esprit tout chamboulé de découvrir que ce n’était pas ce que je venais de lire qu’il s’était passé.

Vous suivez toujours ?

Si l’épilogue n’était pas nécessaire, je dirais même plus, il n’avait pas de raison d’être, pour le reste, j’ai passé un sacré moment de lecture addictive, voulant absolument savoir qui était le cannibale et comment les flics allaient l’arrêter, ou découvrir son identité.

Mon seul bémol sera pour le côté un peu trop irréel dans la résolution de l’affaire et sur l’identité du tueur.

Le Challenge Thrillers et Polars de Sharon (2017-2018) , Le « Challenge US 2016-2017 » chez Noctembule.

Pourquoi je l’ai choisi (par Stelphique) :

J’avais gagné ce livre grâce à un concours sur l’excellent blog Collectif Polar ! Et tout de suite, l’idée de la LC nous est venue avec ma binomette fidèle, Cannibal Lecteur, car on adore les histoires de tueurs en série !!!!

Synopsis :

Deux flics, un tueur. Des corps horriblement torturés. Deux enquêteurs le cannibale de Cleveland, une traque sans relâche…et vous. Vous et le diable. Plongez dans les secrets d’une âme criminelle dès le ventre de la mère. Dans la matrice du mal, tout au fond de l’enfer.

Inspiré du parcours sanglant du sérial killer américain Jeffrey Dahmer, la Compassion du diable est un thriller à la mécanique implacable. On le surnomme le « livre bleu ».

Ce que j’ai ressenti :… Mitonner un bon petit plat…

Au menu aujourd’hui: le petit thriller de Fabio M.Mitchelli cuisiné aux petits oignons, et c’est une invitation en grande pompe, puisque le diable s’invite à la table…

Une fée qui rencontre un diable, une Cannibal qui en rencontre un autre quelque peu célèbre, ça commence à devenir une attablée plus que surprenante: mais, plus on est de fous, plus on rit, non ?!!

Pour faire un bon repas, il faut de bons ingrédients…

Nous avons donc :

  •  Un tueur en série. Et pas des plus inconnus, puisque c’est le fameux « Boucher de Cleveland ». Nous avons même son traçage et pedigree depuis le ventre de sa mère jusqu’à son ultime battement de cœur, toutes ses pensées les plus intimes, jusqu’à ses plus atroces actes de barbarie, et plus si affinités… Une belle pièce « Blake » du boucher qui sera mis en valeur par ses petits accompagnements…
  • Deux flics investis. Une enquête c’est avant tout une équipe avec ses petits piments de séduction/ répulsion. Une interaction de sucré/salé qui relève tous les goûts entre charme et sens aux aguets, nuits blanches ou remplies de cauchemars, et bien sûr, passé douloureux intimes qui laissent un petit arrière goût en bouche…
  • Un écrivain avide d’une bonne histoire maléfique. C’est la touche secrète de cette recette imaginée par Fabio Mitchelli pour faire de ce moment, une vengeance qui se mange bien froide…

Si la marmite est bonne, pleine de chapitres haletants, rythme soutenu et scènes cauchemardesques, je vais juste un peu chipoter :

Fabio Mitchelli nous offre un bon thriller, mais en voulant à tout prix maintenir son suspense, il prend des « raccourcis » dans ces mises en place de personnages et leurs passé, et du coup, nous y perdons un peu en émotions…

Même pour l’ombre du diable, j’aurai aimé plus de folklore, plus de légende, qu’il prenne une plus grande place dans ses pages…

C’était difficile de ressentir de la compassion pour le diable, ou la compassion du diable, car on reste beaucoup spectateur d’une folie sanglante…

En fait, j’en aurai aimé plus de ses pages pour me lier davantage, mais je note quand même cet auteur dans mes agendas de lectrice compulsive car on sent un très grand  potentiel même si ce livre n’a pas été à la hauteur de mes attentes…

« On ne fait pas tomber le diable,Mac Callaugh. On l’évite ou on le subit , Mais on ne le fait pas tomber. Il est Bien Trop perfide et intelligent pour être démasqué , livré à la justice, jugé et condamné … »

Malgré ce chipotage d’elfe accro aux émotions, l’auteur a su me prendre aux tripes avec des scènes vraiment préparées avec soin, toutes plus noires et sanglantes les unes que les autres et disséquées en tranchant chapitres efficaces ! Page-turner et violence implacable se marie bien sur cette assiette de bleu…

Bon appétit surtout !

Ma note Plaisir de Lecture  7/10

Tony Chu, détective cannibale – Tome 1 – Goût décès : John Layman & Rob Guillory

Titre : Tony Chu, détective cannibale – Tome 1 – Goût décès

Titre : Tony Chu, détective cannibale – Tome 2 – Un goût de Paradis

Titre : Tony Chu, détective cannibale – Tome 3 – Croque mort

Scénariste : John Layman
Dessinateur : Rob Guillory

Édition : Delcourt (2010 / 2011 / 2012)

Résumé :
L’Inspecteur Tony Chu a un secret. Ou plutôt un pouvoir… Enfin, quelque chose d’un peu bizarre qui fait de lui un cibopathe. Cela signifie qu’il est capable de retracer psychiquement la nature, l’origine, l’histoire et même les émotions de tout ce qu’il ingurgite.

Cela fait de lui un enquêteur de premier ordre, notamment lorsqu’il doit « goûter » à la victime d’un meurtre pour coincer le criminel… Ses capacités hors du commun vont l’amener à enquêter sur des affaires plus étranges les unes que les autres…

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tony-chu-detective-cannibale-tome-1-gout-decesCritique :
Pour une fois, je vais groupir trois critiques en une seule : les trois premiers tomes de la série « Tony Chu, le détective cannibale ».

Tony, flic, est cibopathe… Non, ça n’est pas contagieux, restez-ici.

Non, ce n’est pas non plus un truc sexuel qu’il ferait… Ou un état qu nécessite un internement.

Cela veut seulement dire que lorsqu’il croque dans une pomme, il peut détecter les 36 produits chimiques qu’elle a reçu, qui l’a coupée et si, d’aventure (en aventure), il s’attaquait à une tranche de bacon, il saurait tout sur la mort du pauvre cochon.

S’il avait mangé des lasagnes de chez Findus, il aurait aussitôt détecté, non pas l’anguille sous roche, mais le cheval sous le bœuf.

Étonnante série que je viens de commencer, là… Un flic qui peut découvrir les planques où se trouvent des cadavres rien qu’en mordant un suspect, pareil pour le code secret d’un coffre, juste en léchant le sang du détenteur…

Je vous le dis de suite, vaut mieux avoir l’estomac bien accroché pour lire cette sympathique saga qui sort des sentiers battus avec son pitch pour le moins « pas banal ».

Par contre, je viens d’apprendre qu’en anglais, cette série se nommait « Tony Chew » et qu’il y avait un jeu de mot dans le nom, car « to chew » veut dire « mâcher ».

Pourquoi avoir changé le nom ? Parce que le francophone estt incapable de comprendre ? Merci, c’est gentil ! MDR

Cette série, policière, est assez futuriste puisque nous sommes dans un monde où la consommation de poulet a été interdite pour cause de grippe aviaire qui a fait des millions de morts.

Le poulet s’échange donc sous les manteaux et se vend très cher au marché noir. Mais n’y aurait-il pas des complots et des magouilles là-dessous ??

Ce que j’ai aimé, dans cette série, en plus de son pitch amusant, c’est le côté décalé et humoristique. Il y a de l’humour, des situations cocasses, du suspense, des enquêtes, des retournements de situations, des coups fourrés…

De plus, j’aime le fait que l’auteur commence souvent un chapitre par un flash-back, ou  une scène qui s’est déroulée bien avant, ou parfois même, une scène que nous verrons après.

Il faut être aussi attentif pour lire toute les petites choses écrites dans des cadres, des journaux,… C’est souvent drôle !

Le seul point faible c’est que le fil rouge est assez mince et qu’une fois lu les trois premiers tomes, il faut se poser afin d’être sûr qu’on a rien loupé.

Pour le reste, chaque album n’a pas toujours une intrigue principale qui se détache, mais plusieurs petites qui se regroupent, le tout formant le fil rouge.

Pour le premier tome, j’avais trouvé que les personnages n’étaient pas assez développés, mais je remarque que l’auteur nous en apprend plus sur eux au fil des tomes.

En tout cas,  j’ai hâte de découvrir la suite des enquêtes de Tony Chu !

Étoile 3,5

Challenge « Thrillers et polars » de Sharon (2016-2017) et Le « Challenge US 2016-2017 » chez Noctembule.

BILAN LECTURE - Veux la suite t'excites pas

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J’étais Dora Suarez : Robin Cook

Titre : J’étais Dora Suarez                                big_5

Auteur : Robin Cook
Édition : Payot et Rivages (1991)

Résumé :
Qui était Dora Suarez ? Pourquoi a-t-on massacré à la hache cette jeune prostituée londonienne ? Mais surtout, pourquoi l’inspecteur chargé de l’enquête, torturé par ses démons, promet-il à la défunte réparation et expiation ?

Décidé à terrasser le Mal, le policier narrateur deviendra Dora Suarez; en revivant ses souffrances, il entrera en osmose avec la victime. Toutes ces interrogations le mèneront devant l’un des tueurs les plus fous de la littérature policière, jusqu’à l’affrontement final qui échappe au genre pour entrer dans la métaphysique.

Septième ouvrage de l’Anglais Robin Cook, écrit dans un style sec et brutal, « J’étais Dora Suarez » marque un tournant dans l’histoire du roman noir et l’émergence de ce que l’auteur lui-même appelle le « roman de deuil ».

Critique : 
Un tueur… dans un appart… Vous suivrez, comme si vous y étiez, tous les faits et gestes de cet homme qui, muni d’une hache, voulu décapiter la jeune Dora Suarez, 30 ans.

À cause de l’arrivée inopinée de Betty, 86 ans, il a dû saloper son travail en expédiant la vieille dame dans une pauvre horloge âgée qui ne demandait rien et qui ne nous donnera plus jamais l’heure, vu son état. Betty ne nous donnera plus l’heure non plus, vu comment elle a terminé son chemin de vie, encastrée dans le bois de cette horloge.

Notre joyeux tueur, après profanation « masturabatoire » sur le cadavre de Betty, s’en fut, mécontent : pas su couper la tête de sa victime pour l’emporter en souvenir !

« Il arriva quand même à se masturber sur elle. La douleur qui ravageait sa verge, l’était dans lequel était son membre, ne lui facilitait pas les choses. […] Il avait eu un mal de chien, et il avait dû se plier en deux au-dessus d’elle, se branlant à toute vitesse, mais la douce délivrance était venue, et il n’y avait qu’à voir comment il l’avait littéralement aspergée : bon Dieu, quelle puissance il possédait encore ! »

Alors, pour finir la nuit en beauté, il alla répandre la cervelle d’un proprio de boite de nuit sur les murs, refaisant toute la déco pour pas un balle ! Hormis une balle Dum-dum…

— Tout le haut du crâne éclaté, expliqua Stevenson. Il n’y a plus que la mâchoire inférieure, le reste décore le papier peint, sans supplément de prix.

Ce roman est décrit comme « un roman en deuil » et je ne donnerai pas tort à cette appellation d’origine contrôlée car, si le roman « Les mois d’avril sont meurtriers » était déjà une plongée dans l’abîme qu’est la vie du sergent enquêteur, avec cet opus-ci, on descend encore plus profondément dans les abysses !

Quelle densité dans le récit et quelle écriture ! Littéralement une envolée lyrique qui vous emporte dans le roman et vous fait quitter le monde réel. Le tout, servi avec des dialogues rempli d’humour noir.

— Vous m’avez l’air aussi sinistre que le troisième larbin du diable, la nuit où l’enfer a été inventé.

— Pour parler vulgairement, si son côlon était un mouchoir en papier, ça ne vaudrait même pas la peine d’éternuer dedans.

— Le premier, ajoutai-je, Felix Roatta, n’ai rien trouvé de mieux que d’asperger un mur avec sa cervelle, inventant ainsi une nouvelle sorte de papier peint. Quant à l’autre, Guiseppe Robacci, il est dans nos murs, à l’Usine, où il prend un peu de repos dans la cellule numéro trois.

—  Vous êtes un type épouvantable, dit Jollo. Ce n’est vraiment pas la délicatesse qui vous étouffe. […]
—  C’est parce que je fréquente les morts, Jollo, expliquai-je. Vous devriez faire comme moi, un de ces jours, au lieu de vous déguiser en commissaire et de lécher les culs et des timbres-poste.

Je viens d’en ressortir « bouleversifiée » (néologisme offert pour cette 800ème critique sur Babelio).

Durant ma lecture, j’étais aux côtés du sergent fraichement réintégré à l’A14, me positionnant, tout comme lui, soit dans la peau du Tueur, soit dans la peau de Dora Suarez lorsqu’il lisait son journal intime, la découvrant chanteuse en boîte de nuit et prostituée occasionnelle. On s’y attache, à cette Dora qui était plus qu’une exploratrice.

C’est pour Dora que notre sergent de l’A14 va aller si loin dans sa descente aux enfers, c’est parce que son désir de mettre le grappin sur l’assassin est devenu une véritable obsession pour lui.

D’ailleurs, il entrainera le lecteur avec lui dans son enquête et nous irons, en sa compagnie, dans les tréfonds de l’horreur humaine où tout est bon pour faire du fric. L’être humain est une bête immonde dans ce roman, et encore, je fais insulte aux animaux, là !

Si James Ellroy,  dans « Un tueur sur la route », avait dépeint un tueur froid et implacable, Robin Cook vient de le surclasser avec celui de son roman en ajoutant un palier dans la monstruosité et la folie furieuse.

On dépasse l’entendement, même. En plus, il a un soucis avec son membre viril… ce qui donnera une tournure encore plus dingue à ce tueur !

« L’une des forme que prenait son dérèglement (si seulement cela avait pu ne pas aller plus loin !), c’était la haine absolue, bien qu’inconsciente, qu’il portait à la seule partie de lui-même sur laquelle, bien qu’elle fut relié au reste de son corps, il n’avait aucun pouvoir : son phallus. C’est pour cette raison qu’il avait commencé à le punir alors qu’il était encore très jeune. »

« Son membre lui avait fait faux bon, comme un pneu crevé, la première fois qu’il l’avait mis à l’épreuve à l’âge de quinze ans, à cet instant redoutable, dans la vie d’un jeune homme, où, par son refus obstiné et catégorique de se dresser, une partie de son corps lui avait démontré qu’il n’était pas l’être supérieur que le reste de lui-même croyait être ».

« Avec curiosité, il caressa sa queue, qui lui faisait encore mal après la dernière séance; mais depuis quelques temps, pendant son entrainement, il la meurtrissait plus subtilement – car il ne voulait pas que cet autre lui-même en miniature, cette entité imbue d’elle-même et pleine d’insolence ne lui claque entre les doigts maintenant ».

Incapable de retirer mes yeux des pages, j’ai continué ma lecture, tout en sachant que j’aurais du mal à en revenir indemne.

L’écriture de Robin Cook est un nectar dont la plume a été trempée dans le poison.

Normal, me direz-vous, pour nous présenter une galerie de personnage aussi fabuleuse, leur faire descendre la pente sans qu’ils puissent se plaindre et nous servir une telle enquête ! Enquête, qui, au départ, pourrait sembler un peu « simpliste » mais ce serait faire injure à l’auteur que de le croire une seule seconde.

J’ai serré les dents plusieurs fois lors des sévices  d’autoflagellation que s’inflige le tueur. Bien que non concernée par cette « chose », j’ai eu mal pour lui.

Un grand roman noir, mais un roman en deuil… Mes dents étaient serrées, mais j’ai eu mon coup de coeur !

Challenge « Thrillers et polars » de Liliba (2013-2014), Challenge « I Love London II » de Maggie et Titine, le « Mois anglais III » chez Titine et Lou et « Challenge Ma PAL fond au soleil – 2ème édition » chez Metaphore.

CHALLENGE - Ma PAL Fond au soleil