Titre : Les Thés Meurtriers d’Oxford 03 – Flagrant Délice
Auteur : H.Y. Hanna
Édition : Autoédité (07/04/2022)
Édition Originale : Oxford Tearoom Mysteries, book 3: Two down, bun to go (2016)
Traduction : Diane Garo
Introduction BABELIO :
Un coup de fil sinistre au milieu de la nuit plonge la propriétaire de salon de thé Gemma Rose au cœur d’un nouveau mystère. Cette fois, son ami Seth est considéré comme le principal suspect d’un crime !
Un meurtre macabre commis dans le cloître d’un ancien collège d’Oxford révèle des rivalités amères au sein de l’université, mais Gemma découvre des indices inattendus dans son petit village des Cotswolds.
Pendant ce temps, sa vie amoureuse ne lui laisse pas de répit. Elle peine à choisir entre l’éminent médecin Lincoln Green et le séduisant inspecteur Devlin O’Connor… tandis que son salon de thé anglais pittoresque prend l’eau alors qu’elle se démène pour trouver un nouveau chef pâtissier.
Avec sa mère exaspérante et sa petite chatte tigrée espiègle, Muesli, qui la rend complètement folle – sans oublier les vieilles chouettes qui ne la lâchent pas d’une semelle -, Gemma doit résoudre son affaire la plus difficile à ce jour si elle veut empêcher la plus cruelle des injustices.
L’avis de Dame Ida :
Or donc voici le troisième volume des enquêtes de Gemma Rose, que j’attendais au tournant.
Gemma est réveillée en pleine nuit par un coup de fil d’un ami qui se voit accusé de meurtre et lui demande de lui rendre un petit service un peu en marge de la loi.
Dans cet opus, le moins qu’on puisse dire c’est qu’on se retrouve plongé en plein milieux de l’action d’emblée et sans attendre que le décor se pose, ce qui est le cas dans la majorité des romans.
Ici le meurtre a eu lieux avant même qu’on tourne la première page.
Cet élément scénaristique et le choix de l’auteure d’écrire ce roman à la première personne vient donner un véritable dynamisme au texte.
Elle nous embarque de manière active dans le cours de ses pensées, et nous transmets les informations à mesure qu’elle les reçoit, ce qui nous plonge de manière très active dans l’intrigue et nous donne le sentiment d’enquêter avec elle.
Elle y intègre également les petits cotés triviaux du quotidiens, et ses histoires de familles qui viennent s’ajouter à son emploi du temps, donnant quelque chose d’authentique à l’histoire…
Car oui, tout enquêtrice amatrice qu’on soit, on n’en a pas moins une vie ! Des parents, des amis, un chat, un job…
Et comme par ailleurs la prose est vivante, de bonne qualité, avec ce petit côté ironique et détaché propre à la « british upper-middle class » dont l’héroïne est supposée faire partie, la lecture du roman est particulièrement agréable.
Bonne surprise ! L’intrigue est honorable et gagne en complexité par rapport aux enquêtes précédentes. Le puzzle s’assemble pièces après pièces et finit par prendre tout son sens au moment de la révélation finale.
Toutefois, si la solution s’impose comme évidente, elle n’est jamais qu’une théorie possible au moment où mue par son intuition, Gemma fonce tête baissée contre l’ennemi, entraînant tous ses alliés dans son sillage, sans que quelqu’un ne lui demande l’once d’un début de preuve pouvant permettre à la théorie de tenir.
Cette petite facilité me semblera légèrement regrettable en ce sens qu’elle manque de crédibilité, même si on prend plaisir à suivre cette héroïne sympathique et ses amis au long des pages jusqu’à une scène de dénouement qui ne manque pas de comique.
Et puis… Voilà… J’attendais ce troisième roman au tournant pour voir si nous étions partis pour tourner en rond dans les histoires de cœur compliquées de l’héroïne hésitante entre deux hommes tel l’âne de Buridan mort de faim et de soif en hésitant entre commencer par boire son seau d’eau ou manger son seau d’avoine.
Alléluia !!!! Elle a fini par choisir !!! Qui ? Nan mais ça va pas ? Je ne vais quand même pas spoiler ça !!! Vous devrez lire ! Franchement, vous me prenez pour qui ?
Cela étant, même si ce mystère concernant ses inclinations pour la gente masculine est enfin élucidé et ne débouche pas sur un « coming out asexuel », ni sur un engagement à vie dans la frigidité et la névrose obsessionnelle, je dois avouer que cette question n’avait qu’un intérêt secondaire dans l’enquête même si les messieurs qui lui faisaient du charme ont pu prendre une part active à l’action. On est loin des obsessions d’Agatha Raisin.
Comme quoi, les anglais arrivent à séparer vie privée et vie professionnelle quand il le faut ?
Un petit bémol ? Oserai-je ?
Un truc me titille depuis le premier volume : le passé professionnel de Gemma dont on nous dit qu’elle vient de rentrer à Oxford après 8 ans passés à mener une brillante carrière dans une grosse boîte Australienne.
Sauf que tome deux, je réalise qu’elle a 29 ans, et que donc elle est partie à 21 ans. Et à 21 ans, à moins d’être une surdouée avec deux ans d’avance (et un tel détail s’annonce dans un background de personnage), tu ne sors au mieux qu’avec ta licence (bachelor en anglais). Et en outre, elle aurait étudié les lettres anglaises…
Or au tome trois on nous explique qu’elle aurait été compétente pour lancer une campagne marketing internationale…
Alors, OK, on nous dit qu’elle a gravi les échelons en Australie… OK, l’Australie fut un temps le nouvel El Dorado de celles et ceux qui avaient compris que le rêve Américain n’était plus qu’une grosse blague… Mais l’Australie n’est pas un pays sous-développé incapable de produire ses propres MBA ou autres Masters destinés aux futurs cadres du marketing !
Dois-je rappeler ce qu’une licenciée en lettre moderne de la Sorbonne peut espérer trouver comme job en France ? Même si elle a eu une mention très bien ? Même pas un job de secrétaire ! On a de très bons BTS d’assistantes de direction, trilingues, qui préparent mieux les candidates à l’utilisation des outils informatiques et au vocabulaire spécifique du commerce dans les langues étrangères…
J’ai d’ailleurs une copine qui a un tel BTS et qui rêve depuis 15 ans de passer cadre… mais nan… les nouvelles recrues sur ce niveau doivent toutes avoir un Master… On me dira que c’est très français cette obsession du diplôme… C’est vrai que chez nous avec une licence de lettres, soit tu poursuis ta formation pour espérer faire de l’enseignement (en primaire ou à la fac si tu décroches un doctorat et que tu as de bon appuis)… Soit tu passes les concours administratifs ou tu prends ce qu’on veut bien te donner à Pôle Emploi.
Oui la carrière de haut niveau dans le marketing juste avec une licence de lettres, fût-elle obtenue à Oxford, c’est extrêmement peu crédible. Mais pas seulement en France. En Angleterre aussi. D’autant que dans ce pays on ne rigole pas avec la conscience de classe.
Ou alors c’est qu’il s’est passé un truc… Un piston d’un tonton… Une intrigue à la « Working Girl »… Une histoire d’amour avec le fils du PDG… Ou alors peut-être qu’en Australie tout est encore possible, qu’on embauche un niveau de culture générale et pas un technicien maîtrisant déjà un sujet et immédiatement rentable…
Mais même si c’est vrai… il est de bon ton d’expliciter les choses pour ne pas laisser la lectrice dans une perplexité abyssale ! Parce que là ça laisse un goût de « pas crédible » et moi j’ai une vilaine obsession : je tiens à ce que le background des héroïnes soit crédible.
Mais… Je taquine le rectum des mouches ! Je l’avoue ! Car mis à part ce (gros… mais il appartiendra à chacun d’estimer à quel point c’est gros en fonction de sa sensibilité) détail, cette enquête m’a paru bien plus engageante que les deux précédentes et le plaisir était au rendez-vous.
Évidemment, je vais lire bientôt le tome 4 pour voir si l’auteure poursuit sur sa lancée !