Auteur : Joe R. Lansdale
Édition : Folio Policier (2004)
Résumé :
Hériter de cent mille dollars et d’une petite bicoque dans un quartier délabré n’est pas si mal et l’oncle Chester a fait un beau cadeau à son neveu Leonard…
Même s’il faut tout nettoyer, que le plancher est pourri et que les voisins sont ce que l’on pourrait craindre de pire.
Même si retaper une maison pour la vendre et abattre des murs, c’est prendre le risque de découvrir des squelettes cachés…
Critique :
Lorsque je lis Lansdale, c’est toujours un grand moment de lecture rempli de fous rire causés par les bons mots de l’auteur.
Les deux personnages principaux, Leonard et Hap, n’y sont pas étrangers non plus. Avec ce duo atypique d’un noir homo et d’un blanc hétéro, tout deux décomplexés et cyniques, le tout baignant dans une atmosphère de politiquement non correct, de religion et de drogue : on ne peut passer que des bons moments.
Notre Léo vient de perdre son vieil oncle qui lui a légué une vieille maison toute délabrée située à côté d’un Crack House, de l’argent et des bons de réduction pour bouffer dans les différents restos de la ville (genre pizzas).
Étrange, cette manie de collectionner les vieux bons de réductions, mais bon, les deux hommes se mettent à l’ouvrage et retapent la baraque du mieux qu’ils peuvent, le côté paillettes de « Damido & Co » en moins, les substances pour voir tout briller étant vendues dans la Crack House d’à côté.
Bardaf, sous un plancher, ce ne sera pas la plage, mais un coffre contenant un cadavre découpé d’un enfant, ainsi que des magazines porno « version » pédophiles. Tonton aurait-il été un prédateur sexuel doublé d’un assassin ?
Pour Léo, c’est « non » et il voudrait arriver à prouver le contraire car les flics n’ont pas l’air de vouloir le nom d’un autre coupable, puisque celui-ci leur est livré sur un plateau. Dans sa liste de bonnes résolutions, il ajouterait bien l’enlèvement du magasin de drogue d’à côté, puisque, là aussi, les flics ne savent rien faire.
Tensions raciales entre les Blancs et les Noirs, racisme des deux côtés (le racisme marche dans tous les sens), vente de drogue à des mineurs d’âge, ghetto Noir, disparition d’enfants dont tout le monde se fou, pédophilie,… Pas de doute, on nage en plein polar noir.
Ici, tout est politiquement incorrect, mais Lansdale, avec son style d’écriture mêlant l’humour cynique, l’humour tout court et des phases plus « sobres », vous fait passer le tout comme une lettre à la poste.
[Hap et Leonard découvrant un vieil homme qui creuse une tranchée près de la route].
-Vous creusez un nouvel égout ?
-Naan, répondit-il, en finissant sa cannette de bière et en la balançant sur le tas. […]. J’ai perdu mon dentier.
-Ah ! Souffla Leonard.
– J’étais tellement bourré, la nuit dernière, qu’j’ai laissé tomber mes dents en vomissant dans les chiottes et j’ai tiré la chasse. Elles sont là, qu’ part dans le tuyau. Si elles ont filé dans la fosse, j’ crois bien que j’ suis baisé.
– Désolé pour vos dents, dis-je […].
– Quand vous le retrouverez, demanda Leonard, qu’est-ce que vous en ferez ?
– J’le rince et j’le remets, répondit l’homme.
– C’est bien c’ que je pensais, murmura Leonard.
– Je ferais un peu plus que le rincer, si j’étais vous, intervins-je. Vous devriez mettre un peu de Clorox pour tuer les germes, puis le tremper dans l’alcool et puis dans l’eau.
– Pas question. C’est trop crétin. J’ai jamais vu un germe, et j’ai jamais été malade une seule fois dans ma vie.
Par contre, mes deux amis détectives ont eu le déclic lent, trèès lent ! Le nom du coupable, je l’avais déjà trouvé bien avant eux, directement quand le personnage est apparu (et je dirai rien de plus).
Si vous voulez du trépidant, oubliez ce livre, l’enquête prend sont temps, on papote, on baise, on bricole chez Léo ou chez sa voisine d’en face, MeMaw, on balance des bons mots, parfois assez crus, on cause du ghetto. Mais on prend aussi le temps de parler des problèmes de la société et de ses cloisonnements raciaux.
Dommage que l’enquête soit un peu en deçà…
Mais puisque entre Lansdale et moi, ça « accroche » dans le bon sens du terme, je lui pardonnerai ce manque de sérieux dans l’enquête puisque pour le reste, c’était un bon moment de lecture et de rires.
– Les cafards sont assez gros pour revendiquer la propriété des lieux, grogna-t-il [Léonard vient de passe du désinfectant]
– Je sais. Y en a un qui vient de m’aider à descendre les poubelles.
Niveau « polar noir », il était comme je les aime et voilà pourquoi je lui accorde ces 3,5 étoiles.
« Parfois, même encore aujourd’hui, je me réveille d’un cauchemar où je rampe sous cette piaule pourrie et où je joue maladroitement de la pelle dans la terre, et je sens encore l’odeur de ces enfants, ces cadavres de chair et d’os… »
Challenge « Thrillers et polars » de Liliba (2013-2014) et Le « Challenge US » chez Noctembule.