Le dahlia noir (BD) : James Ellroy, Miles Hyman, David Fincher et Matz

Titre : Le dahlia noir (BD)

Scénariste : Matz & David Fincher (d’après le roman James Ellroy)
Dessinateur : Miles Hyman

Édition : Rivages / Casterman Noir (13/11/2013)

Résumé :
Los Angeles Police Department, 1946. Dwight « Bucky » Bleichert fête son premier jour aux Mandats, le prestigieux service où rêvent de travailler la plupart des flics de la Cité des Anges. Il fera équipe avec Leland « Lee » Blanchard, un collègue qui comme lui a été boxeur, et qu’il a déjà affronté sur un ring.

Malgré les non-dits entre eux, les deux hommes sympathisent. Ils ne savent pas encore qu’ils vont enquêter ensemble sur un crime qui va à la fois les rapprocher et bouleverser leurs existences : la mort atroce d’une jeune femme, Elizabeth « Betty » Short, surnommée le Dahlia Noir, dont on retrouve le corps mutilé dans un terrain vague, en janvier 1947…

Ainsi débute l’un des plus fameux romans noirs de la littérature américaine des dernières décennies, à la fois polar haletant et portrait saisissant de Los Angeles, dans toute sa fascination trouble : Le Dahlia noir, de James Elroy.

C’est le plus francophile des dessinateurs américains, Miles Hyman, déjà auteur avec Matz, dans la même collection, d’une adaptation de Nuit de fureur de Jim Thompson, qui en signe la mise en images, très inspiré par la ville de Los Angeles où il a personnellement vécu plusieurs années.

L’adaptation du roman d’Ellroy en bande dessinée est assurée une fois encore par Matz, mais cette fois-ci à quatre mains puisqu’il a travaillé en équipe avec le cinéaste David Fincher.

Critique :
Il n’est pas facile d’adapter en bande dessinée, un roman qui fait plus de 500 pages. N’ayant pas lu le roman d’Ellroy, je ne peux pas juger du résultat.

Hélas, si le scénario est excellent, si la plongée dans le Hollywood des années 40 est vertigineuse et loin des strass paillettes.

Normal, avec James Ellroy, c’est poisseux, c’est noir, sombre, écrit avec des gants de boxe que l’auteur t’envoie dans la tronche. Les romans noirs sont meilleurs lorsqu’il sont servis frappés.

Hélas, les dessins, c’étaient une horreur. Oui, je ne sais pas dessiner et je suis incapable de faire un truc basique, mais dans cette bédé, les visages sont carrés et les têtes se ressemblent un peu trop, à tel point que je me suis souvent emmêlée les pinceaux entre différents personnages.

Si le récit met du temps avant d’arriver au cadavre découpé, c’est pour mieux nous permettre de faire connaissance avec les deux policiers qui vont, entre autre, enquêter sur ce crime crapuleux.

Dwight Bleichert et Leland Blanchard sont deux anciens boxeurs, devenu policiers. Nous en apprendrons plus sur eux, mais ils nous surprendront au fil des pages, qui sont très sombres, malgré les tons assez chaleureux.

Un roman graphique très sombre, violent, aux relents de putréfaction, de corruption, de magouilles, de sexe… Bref, tout ce qui fait Hollywood et la ville de Los Angeles. Pas de licornes, dans cette adaptation du roman noir d’Ellroy. D’ailleurs, il n’y en a jamais, dans ses romans.

Si j’ai détesté les dessins et que j’ai réussi à mélanger certains personnages à cause de leurs tronches semblables, de leurs visages carrés ou des mauvais plans qui ne laissaient pas voir les détails, j’ai apprécié le scénario, complexe, qui ne se livrera pas tout de suite, mais se déroulera et vous surprendra jusqu’au bout.

Cette bédé me donne juste envie de lire le roman original…

Challenge Thrillers et Polars de Sharon (du 12 Juillet 2022 au 11 Juillet 2023) [Lecture N°164].

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Blackwater – 04 – La Guerre : Michael McDowell

Titre : Blackwater – 04 – La Guerre

Auteur : Michael McDowell
Édition : Monsieur Toussaint Louverture (19/05/2022)
Édition Originale : Blackwater, book 4: The War (1983)
Traduction : Yoko Lacour et Hélène Charrier

Résumé :
La guerre est finie, vive la guerre ! Une nouvelle ère s’ouvre pour le clan ­Caskey : les années d’acharnement d’Elinor vont enfin porter leurs fruits ; les ennemies d’hier sont sur le point de devenir les amies de demain ; et des changements surviennent là où personne ne les attendait.

Le conflit en Europe a fait affluer du sang neuf jusqu’à Perdido, et désormais les hommes vont et viennent comme des marionnettes sur la propriété des Caskey, sans se douter que, peut-être, leur vie ne tient qu’à un fil.

Critique :
♫ Mais qu’est-ce qu’il a, doudou didonc ?
Blackwater Blackwater, c’est trop ! C’est bon ! ♪

Impossible de dire ce qu’il y a dans Blackwater pour provoquer une telle addiction ! Le fait est là, depuis la première page du premier tome, je suis sous le charme et bien incapable de dire pourquoi.

Dans cette saga familiale, il n’y a rien d’exceptionnel, pas d’aventures folles, pas de tension à couper au couteau, le fantastique reste ténu, l’écriture est simple (sans être gnangnan), et malgré tout, une fois ce quatrième tome ouvert, j’ai eu bien du mal à le refermer avant le mot « Fin ».

Dans ce quatrième tome, tout le monde a vieilli ou grandi… Frances et la peste de Miriam sont devenues des jeunes filles, Mary-Love n’est plus là pour foutre la merde dans la famille (la discorde), James a pris un coup de vieux et si la guerre n’est pas encore déclarée, les temps sont en train de changer.

Les femmes ont une place importante, dans la famille Caskey, ce sont elles qui dirigent, qui prennent les décisions et c’est sans doute ce qui me plait dans cette saga : les femmes ne sont pas des petites choses fragiles, elles se battent pour obtenir leur place méritée.

La récession est passée par là, le crash de 1929 aussi et on sent bien que tout le monde est touché par l’effondrement de l’économie. Des magasins ont fermé, les autres scieries aussi, la ville de Perdido vivote et ce sera la guerre qui la fera repartir en avant, notamment avec l’essor de la scierie des Caskey. Par contre, personne n’échappera aux tickets de rationnement et au fait que les jeunes hommes doivent s’engager.

Si le rythme n’est pas effréné, les personnages ont bien évolués, changés, pris de la bouteille, certains ayant un rôle plus important dans ce tome 4. On ne peut pas dire qu’on reste les bras croisés durant 250 pages ! Frances va en apprendre plus sur ce qu’elle est vraiment… Oui, l’élément fantastique est plus important que dans les précédents, mais sans jamais devenir trop prégnant.

Cette saga, c’est comme les eaux noires de la Blackwater ou les rouges de la Perdido : lorsque l’on plonge dedans, on est immédiatement aspiré dans un tourbillon dont il est difficile de se dépêtrer. On y est aspiré et entraîné vers le fond.

Non, non, toutes celles et ceux qui ont plongé dans les eaux troubles des deux rivières n’ont absolument pas envie qu’on leur jette une bouée de sauvetage !! On veut juste lire la saga en entier et espérer qu’ensuite, on pourra reprendre une vie normale…

Blackwater, c’est une saga familiale et fantastique qu’il faut découvrir, si ce n’est déjà fait. C’est addictif, sans pour autant posséder de l’action. En fait, ce sont les personnages qui font que l’on ait envie de poursuivre la saga. On les aime comme s’il faisait partie de notre famille. Une famille un peu bizarre, certes, mais qui ne se laisse jamais abattre.

Allez, vivement la suite !

Challenge Thrillers et Polars de Sharon (du 12 Juillet 2022 au 11 Juillet 2023) [Lecture N°163].

C’est pour mieux te manger : Ji Yeon Kim

Titre : C’est pour mieux te manger

Auteur : Ji Yeon Kim
Édition : Matin Calme (20/01/2022)
Édition Originale : Red Riding Hood (2019)
Traduction : Anne Barthellemy & E. J. Lee

Résumé :
L’homme est un loup pour l’homme.

Brave Minjue, elle a fait toute la route depuis la campagne pour rendre visite à sa grand-mère Sooja, avec des courses plein le coffre de la voiture. Elles ont parlé un peu. Elles ont caressé le chien.

Ensuite la colocataire de Minjue a fait une promenade avec la vieille dame. Elles ont papoté, mère-grand a raconté des bribes de sa jeunesse. C’était un après-midi ordinaire.

À ceci près que mère-grand, Sooja, était morte quelques semaines plus tôt.

Critique :
La réplique « C’est pour mieux te manger » est connue de tous les enfants et anciens enfants, puisque tout le monde a eu droit au conte du Petit Chaperon Rouge.

Et dans la version de Charles Perrault, ça se terminait très mal pour la gamine et sa mère-grand. La morale était violente mais le message était clair : méfiez-vous du loups.

Loup qui, nous ne le savions pas, symbolisait le mâle, le prédateur sexuel qui séduit une jeune fille.

Dans ce roman policier, réécriture du conte, à la trame narrative dans le désordre (c’est pour mieux te surprendre), on se retrouve avec une jeune fille qui va enquêter sur l’incendie de la maison de Sooja, la mère-grand de Minjue, qui est la seule survivante de l’incendie (le frère de Minjue était mort aussi dans l’incendie). C’est tout ce qu’il vaut mieux connaître du résumé.

Lorsque je lis de la littérature coréenne, le plus difficile est toujours les noms et prénoms des différents protagonistes, le nom de famille étant toujours le premier, ce qui fait que bien souvent, je fais une soupe avec les différents personnages.

Ici, hormis quelques erreurs, je m’y suis bien retrouvée. Semer des petits cailloux blancs, à la manière d’un petit Poucet est la meilleure chose pour retrouver qui est qui (noter les noms sur un petit papier) et ne pas se perdre dans la forêt des prénoms.

Au départ, impossible de savoir où le récit va nous entraîner, vu que c’est une réécriture du conte du Petit Chaperon Rouge, mais que les protagonistes du conte (Chaperon Rouge, la grand-mère, le chasseur et le loup) vont sortir de leur rôle d’origine et endosser un autre, bien différent, dans ce récit.

Oui, il faut s’accrocher au départ et persévérer dans cette construction à l’envers, qui ne dévoilera la totalité de l’histoire qu’au compte goutte. Votre galette, c’est en morceau qu’elle vous sera servie et pour mériter de croquer dedans, il va falloir tout lire afin de reconstruire le puzzle, qui, je l’avoue, était bien pensé et inattendu.

En déroulant son histoire, l’auteur en profite aussi pour parler de la société sud-coréenne, des difficultés de trouver du travail, d’avoir un CDI, de l’argent, des difficultés à se loger, des prix exorbitants des cautions locatives, des rapports familiaux…

Le problème c’est qu’aucun des personnages n’a réussi à me faire vibrer, tant ils étaient plats, même s’ils pouvaient être oppressants par moment. L’écriture, elle, m’a semblée sans émotion, assez froide.

Par contre, j’ai aimé le malaise ressenti à un moment donné, avec la grand-mère qui semble perdre la tête, lors d’un accident, lors de certaines rencontres, lorsque l’on commence à ajuster les pièces du puzzle.

Ce roman policier est intéressant de par la construction de son intrigue, à l’envers, afin de pouvoir cacher les choses essentielles du récit et laisser le lecteur comme deux ronds de flamby, lorsque tout le tableau apparaît. Ah ben merde alors, fut mon exclamation en comprenant. Non, elle ne passera pas à la postérité, ma phrase.

La littérature coréenne n’est pas facile, souvent exigeante, et j’ai souvent bien du mal avec elle, mais je persévère et, de temps en temps, on y fait des découvertes surprenantes. Dommage que les personnages n’aient pas su me faire vibrer. Par contre, le final était original et m’a cloué le bec.

Challenge Thrillers et Polars de Sharon (du 12 Juillet 2022 au 11 Juillet 2023) [Lecture N°156] et Le Mois du Polar, chez Sharon – Février 2023 (N°39).

Le choc de Carnac : Sophie Marvaud [LC avec Bianca]

Titre : Le choc de Carnac

Auteur : Sophie Marvaud
Édition : 10/18 Grands détectives (07/01/2021)

Résumé :
Carnac, 4.700 avant J.-C. Trois peuples se partagent le territoire : les Pêcheurs de la côte, les Nomades de la Forêt-des-Buttes, et de nouveaux venus, les Cultivateurs, qui incendient les terres pour les défricher.

Lorsqu’un homme chargé d’un message de paix est assassiné, la guerre semble inévitable. Trois femmes s’interposent alors : Lynx, une jeune nomade audacieuse, Paruline, la deuxième épouse d’un riche pêcheur, et La Vivace, une cultivatrice dévouée.

Leur enquête révèle peu à peu des secrets inavouables… Le sort de chaque peuple se jouera lors d’une grande cérémonie rituelle au milieu des menhirs.

Critique :
Ce polar historique nous fait voyager assez loin dans le temps : en 4.700 avant J-C ! N’oubliez pas vos vêtements en laine et quelques fourrures de bêtes pour le voyage.

Pour le lieu, ce sera Carnac, dans ce qui n’est pas encore nommé le Morbihan. Avant l’alignement des pierres (Obélix serait-il le coupable de cet alignement ?). Trois peuples vivent dans le coin : les pêcheurs, les nomades et les cultivateurs. Ces derniers rêvent d’expansion.

Qui dit expansion, dit déforestation ! Hé oui, plus de 6.000 ans avant notre ère, pour obtenir plus de terres à cultiver, il fallait déboiser ! Bon, ce n’était pas pour planter du soja ou de la palme…

L’Homme n’était pas différent avant et ce polar historique va nous le prouver en nous faisant passer du temps avec différents protagonistes des trois peuples, afin que nous les connaissions mieux. L’enquête autour d’un assassinat sera le meilleur prétexte pour que nous les rencontrions tour à tour.

Les travers humains sont bien présents dans le récit : jalousie, soif de pouvoir, avidité, richesses étalées, peur des Autres (notamment ceux qui vivent du nomadisme), envie d’être encore plus calife qu’avant, soif de reconnaissance, méchanceté, peurs qui mènent à des désastres, crimes, vengeances… De ce côté là, l’évolution n’a pas eu lieu, nous n’avons pas changé, que du contraire !

Il ne faut pas vous attendre à une enquête poussée : elle se résoudra très vite, quitte à aller un peu vite dans l’accusation et la justice. En fait, l’enquête se poursuivra encore, à petits pas, lorsqu’il appert que le crime pourrait avoir plusieurs coupables, chacun ayant commis un acte répressible.

Le rythme du récit est assez lent, il y a peu d’action, pourtant, cette lecture est intéressante pour le côté historique et psychologique des Hommes qui composent cette fresque et qui pourraient être nos contemporains, tant leurs comportements, leurs pensées, leurs actions, sont les mêmes que les nôtres.

Non, ce ne sera pas le polar de l’année, sauf du néolithique (les librairies existaient déjà, non ?), ce ne sera pas non plus la lecture du mois, juste une lecture intéressante au niveau préhistorique.  Néolitiquement parlant, c’était pas mauvais du tout.

Anybref, ce roman policier m’a fait passer un bon moment, sans prise de tête. J’ai apprécié les portraits des différents personnages, les travers des Humains, si contemporains, que des femmes soient mises en avant (pour l’enquête, en plus) et si la résolution de l’énigme ne cassera pas trois pattes à un mammouth congelé, elle n’en est pas moins réaliste et si humaine.

Alors, pas de regrets pour cette LC avec Bianca, même si ça manquait de punch et d’action. Le plaisir était ailleurs. Bon, maintenant, je peux remiser mes fourrures et prendre un bain, parce que je dois fouetter le poisson, la forêt, la fumée…

Challenge Thrillers et Polars de Sharon (du 12 Juillet 2022 au 11 Juillet 2023) [Lecture N°XXX] et Le Mois du Polar, chez Sharon – Février 2023 (N°XX).

Frère Athelstan – 09 – L’auberge du Paradis : Paul C. Doherty

Titre : Frère Athelstan – 09 – L’auberge du Paradis

Auteur : Paul C. Doherty
Édition : 10/18 – Grands détectives (2006)
Édition Originale : The Field Of Blood (1999)
Traduction : Christiane Poussier et Nelly Markovic

Résumé :
À l’automne 1380, frère Athelstan espérait enfin pouvoir se consacrer à ses turbulents paroissiens de Southwark, mais sa fonction de secrétaire du coroner de Londres, sir John Cranston, l’oblige bien malgré lui à se plonger dans une nouvelle et ténébreuse affaire.

Trois corps dont celui d’un messager royal sont découverts dans une bâtisse en ruine. Le même jour, une jeune prostituée accuse son ancienne patronne, dame Kathryn Vestler, d’avoir commis plusieurs assassinats.

Avec sa virtuosité coutumière, Paul Harding nous entraîne, au cœur d’un Londres flamboyant et inquiétant, sur les pas de ses deux héros dans une aventure où les cadavres foisonnent, l’amour fait des siennes et un trésor suscite toutes les convoitises…

Critique :
Malgré la crasse et l’insalubrité des ruelles, des auberges, des tavernes, c’est toujours avec plaisir que je trouve frère Athelstan et le coroner Sir John Cranston, pour enquêter sur des meurtres mystérieux ou des petites énigmes qui semblent banales, au départ, mais qui se révèlent souvent plus profondes qu’il n’y paraissait.

Comme d’habitude, dans ce neuvième tome, nous nous trouvons face à trois affaires à résoudre : trois corps retrouvés dans une maison en ruine, plusieurs corps retrouvés enterrés dans un champ et deux jeunes amoureux qui ne peuvent se marier en raison de la parenté de leurs aïeules.

Pour une fois, la plus petite des énigmes ne cachait pas de profondeur insoupçonnée, elle était simple, sans être simpliste et il faudra aussi un coup de pouce du destin pour aider Athelstan dans cette tâche difficile puisque son prédécesseur a liquidé les registres paroissiaux.

Les deux plus grosses enquêtes, avec les meurtres, seront moins faciles à résoudre. Pourtant, Athelstan doit le faire, sinon, une femme sera pendue et pour l’autre, sa paroisse devra payer une amende faramineuse, puisque l’un des assassinés est un messager royal (selon la loi de l’époque, le village où l’on découvre le corps est frappé d’une lourde amende, à moins qu’on n’arrête le meurtrier). Inique, comme loi.

— Vous connaissez la loi, reprit-il. À moins que cette paroisse ne livre le meurtrier, tout le monde ici paiera une amende sur la moitié de ses biens. Les juges du roi, ajouta-t-il après avoir, d’un geste, apaisé la clameur grandissante, siègent au Guildhall. Je suis sûr qu’un édit sera émis. La taxe serait fort lourde.

Athelstan n’a pas beaucoup d’éléments pour résoudre toutes ces enquêtes, mais il est rempli de sagacité et bien souvent, un détail, viendra l’éclairer. Parfois, c’est le hasard qui lui fait voir ce détail, qui le met sur la piste. Malgré tout, il possède de petites cellules grises qui fonctionnent très bien.

Son duo improbable avec le ventripotent et soiffard coroner marche du tonnerre, parce qu’ils ont beau être diamétralement opposé de caractère et de méthode de vie, tous les deux cherchent à rendre justice, à emprisonner les coupables et laisser les innocents hors des prisons.

Non, on ne révolutionne pas le polar, les véritables coupables ne sont pas vraiment une surprise, je les avais repéré de suite et soupçonné, mais le tout était de prouver qu’ils étaient coupables et là, c’est moins facile. Heureusement que Athelstan a la ruse du serpent…

Un polar historique qui se lit tranquillement, sans se prendre la tête, mais qui fait du bien au moral, car, une fois de plus, je retrouve des vieux copains et on a éclusé quelques chopes de bières ensemble.

Challenge Thrillers et Polars de Sharon (du 12 Juillet 2022 au 11 Juillet 2023) [Lecture N°151], Le Mois du Polar, chez Sharon – Février 2023 (N°34) et le Challenge British Mysteries 2023 chez Lou et Hilde – De janvier à mars (N°08).

L’homme-bouc : Éric Corbeyran et Aurélien Morinière

Titre : L’homme-bouc

Scénariste : Éric Corbeyran
Dessinateur : Aurélien Morinière

Édition : Robinson (16/09/2020)

Résumé :
Lorsqu’on lui signale la disparition d’une adolescente au coeur de la forêt limousine, l’enquêtrice Gaëlle Demeter affronte une étrange réalité où se mêlent traditions et superstitions.

Face à l’inconnu, elle fait appel à son amie, Blanche.

Blanche est chamane. Elle connaît certains chemins qui mènent aux replis du monde…

Critique :
Je ne sais pas si l’Homme bouc sent mauvais, mais en tout cas, une chose est sûre : il vaut mieux ne pas croiser sa route !

Le Limousin, ses forêts profondes, ces jeunes filles qui disparaissent, ces vieilles croyances…

Un album qui mélange le fantastique et la sorcellerie, sans pour autant que cela ne tourne en eau de boudin. L’équilibre est là entre réalisme et croyances.

Une bédé de presque 200 pages, dans des tons noir et blanc, aux dessins somptueux et majestueux, qui donnent du relief et de la présence aux décors, ainsi qu’aux personnages. On est dans des graphismes réalistes et je les ai adoré. Mais il ne donne pas envie d’aller se balader dans le Limousin, à cause du Mal qui rôde. Le syndicat d’initiative du Limousin n’appréciera sans doute pas ce roman graphique…

Les ambiances, sont sombres, poisseuses, angoissantes. Ceci n’est pas un album à laisser traîner entre les mains d’un enfant. Il y a de la violence, des tripes à l’air, des momies et un gosse pourrait flipper en le feuilletant.

L’enquête n’avancera pas très vite, les gendarmes ont peau de balle et sans l’aide de Blanche, une chamane, ils n’auraient pas beaucoup avancé dans cette disparition mystérieuse. Malgré tout, on est scotché à ces pages, durant la lecture, tant le suspense nous prend aux tripes.

Cette bédé à tout d’un roman noir, on y croisera de la misère humaine, celle d’une mère qui s’est retirée de la société après la disparition de sa fille, bien des années auparavant.

C’est un rural noir, une enquête qui flirte avec le fantastique, avec les croyances et qui va nous balader dans des forêts magnifiques, aux frontières du réel, sans que les auteurs se prennent les pieds dans le tapis.

Un roman graphique noir, sombre, oppressant, angoissant et une fois la lecture terminée, on se surprend à reprendre sa respiration normale.

Une enquête qu’on ne lira pas pour ses multiples rebondissements, puisqu’il n’y en a pas vraiment, mais pour ses ambiances, ses décors, ses personnages et pour la balade, en toute sécurité (pour les lecteurs).

Challenge Thrillers et Polars de Sharon (du 12 Juillet 2022 au 11 Juillet 2023) [Lecture N°148] et Le Mois du Polar, chez Sharon – Février 2023 (N°31).

Agatha Christie (BD) – Tome 23 – Les vacances d’Hercule Poirot : Didier Quella-Guyot, Agatha Christie et Thierry Jollet

Titre : Agatha Christie (BD) – Tome 23 – Les vacances d’Hercule Poirot

Scénariste : Didier Quella-Guyot (d’après Agatha Christie)
Dessinateur : Thierry Jollet

Édition : EP – Agatha Christie (2013)

Résumé :
Hercule Poirot pensait pouvoir profiter de vacances bien méritées dans un hôtel de luxe, sur la côte du Devon…

Mais quand la belle et capricieuse Arlena est retrouvée assassinée, tous les indices semblent désigner son mari comme coupable. Il faudra tout le talent du célèbre détective Hercule Poirot pour mettre au jour une machination diabolique…

Critique :
Pauvre Hercule Poirot ! Il prend des vacances bien méritées et le voilà face à un crime ! Ou alors, il faut plaindre le coupable, parce qu’avec Poirot sur l’île, pas de doute, cette personne sera démasquée.

Oui, dans cette série, il est possible de tomber sur des adaptations dont les dessins ne sont pas moches au possible. C’est rare, mais de temps en temps, j’ai un coup de bol.

Sans être des chefs-d’oeuvre, les dessins sont corrects, agréables à regarder et Poirot n’a pas une tête de mafioso.

Alors qu’il aurait pu, tranquillement, continué de lézarder sous le soleil de la côte du Devon (mais tout habillé, hein), notre Poirot va se retrouver face à une énigme : qui a tué la bombasse d’Arlena, qui faisait tourner toutes les têtes des hommes ?

Ayant lu le roman il y a très longtemps, je me souvenais plus de l’identité du coupable, ni du modus operandi. J’en ai retenu quelques uns, mais pas celui des Vacances. Pourtant, à un moment donné, lors de la découverte du corps, une chose m’a sautée aux yeux… Bon sang, mais c’est bien sûr !

Bon, je n’avais pas tout trouvé, loin de là, à ce petit jeu-là, Hercule Poirot et Agatha Christie sont meilleurs que moi. Une fois de plus, la reine du crime avait bien mijoté son coup et c’était implacable. Bravo à elle, au moins, on sort des sentiers battus.

Une belle adaptation de ce roman génial, même si, du fait des 46 pages, il faut aller vite et ramasser le récit, ce qui pourrait donner l’impression que cela va trop vite dans les explications de Poirot.

Challenge Thrillers et Polars de Sharon (du 12 Juillet 2022 au 11 Juillet 2023) [Lecture N°145], Le Mois du Polar, chez Sharon – Février 2023 (N°28)et le Challenge British Mysteries 2023 chez Lou et Hilde – De janvier à mars (N°06).

Seul le silence (BD) : Fabrice Colin, Richard Guérineau et R. J. Ellory

Titre : Seul le silence (BD)

Scénariste : Fabrice Colin (d’après un roman de R. J. Ellory)
Dessinateur : Richard Guérineau

Édition : Phileas (28/10/2021)
Édition Originale : A Quiet Belief in Angels (2007)
Traduction :

Résumé :
Joseph Vaughan, devenu écrivain à succès, revient sur des événements qui ont bouleversé son enfance et qui vont le hanter, le poursuivre toute sa vie d’adulte : des meurtres de jeunes filles perpétrés sur plusieurs décennies, dont il a été le témoin involontaire.

Joseph a douze ans lorsqu’il découvre dans son village de Géorgie le corps horriblement mutilé d’une fillette assassinée. La première victime d’une longue série qui laissera longtemps la police impuissante. Des années plus tard, lorsque l’affaire semble enfin élucidée, Joseph décide de changer de vie et de s’installer à New York pour oublier les séquelles de cette histoire qui l’a touché de trop près.

Lorsqu’il comprend que le tueur est toujours à l’œuvre, il n’a d’autre solution pour échapper à ses démons, alors que les cadavres d’enfants se multiplient, que de reprendre une enquête qui le hante afin de démasquer le vrai coupable… Joseph Vaughan, devenu écrivain à succès, tient en joue le tueur en série, dans l’ombre duquel il vit depuis bientôt trente ans.

Plus encore qu’un récit de serial killer à la mécanique parfaite et au suspense constant, Seul le silence a marqué une date dans l’histoire du thriller.

Avec ce roman crépusculaire à la noirceur absolue, sans concession aucune, R. J.Ellory révèle la puissance de son écriture et la complexité des émotions qu’il met en jeu.

Critique :
N’ayant pas encore lu le roman éponyme de R. J. Ellory, lire l’adaptation bédé était une bonne idée, afin de combler ce manquement honteux.

Dans des tons sépias, le dessinateur va nous plonger dans l’Amérique des années 40, le récit commençant quand le moustachu déclara la guerre.

Des gamines sont assassinées, atrocement mutilées, violées. Pour les braves gens, ce ne peut pas être le fait d’un vrai Américain, jamais de la vie (pour les Anglais, Jack the Ripper était un étranger).

Bref, rien ne change en ce bas monde… Le racisme n’est jamais loin, hélas. Et lorsque les gens ont peur, il remonte à la surface, entre dans les esprits, chamboule les pensées, rempli les têtes de vilaines pensées et les cœurs de haine. Et avec tous ces assassinats crapuleux, la peur est bien présente, elle aussi. Et elle empêche de réfléchir.

Le rythme est lent et tant mieux, car c’est ce qui convient à ce genre de récit où les atmosphères et les personnages sont les plus importants. Il faut bien ressentir les angoisses, les mystères, le poids que certains font peser sur les épaules des autres, les suspicions, celles qui détruisent tout. Dans cette bédé, tout cela était bien rendu, l’ambiance était étouffante et angoissante.

Les dessins étaient très bien faits et j’ai aimé les tons sépias choisis pour colorer les cases. Cela leur donnait un petit air de vieil album retrouvé dans une malle, une histoire oubliée dont les pages avaient jaunis. Dans d’autres, c’étaient des tons pastels, qui habillaient très bien les dessins.

Le suspense était maîtrisé jusqu’au bout, c’est seulement dans les dernières pages que j’ai compris qui était le coupable et je suis tombée de haut. Ma foi, le final aurait mérité quelques pages de plus, afin de ne pas donner l’impression qu’il se termine trop vite (n’ayant pas lu le roman, je ne sais pas comment il se déroule à l’origine).

Un autre léger mini bémol : dans le résumé, il est indiqué que lorsque tout commence, Joseph a 12 ans et que c’est une fillette qui a été assassinée (on apprendra qu’elle avait 11 ans). Hors, en voyant les dessins, Joseph tire plus sur les 16 ans et la fillette paraît du même âge aussi. Le dessinateur aurait pu faire un effort pour qu’ils ne paraissent pas avoir 4 ans de plus. C’est un détail, mais il est important.

Ce ne sont pas ces petits bémols qui me gâcheront mon plaisir : cette bédé (ou ce roman graphique) est un petit bijou autant pour le scénario que pour les dessins, les décors, les couleurs et cette impression que tout le récit est poisseux.

Désolée, j’aime ce genre de récit, ces angoisses, ces personnages du Sud profond, même si on n’a pas envie de copiner avec ces racistes. Mais ils sont si humains, dans leurs réflexions dénuées de tout sens et malheureusement, cela fait toujours écho à ce qui se dit de nos jours, dans nos pays.

Une super adaptation, il ne me reste plus qu’à lire le roman !

Challenge Thrillers et Polars de Sharon (du 12 Juillet 2022 au 11 Juillet 2023) [Lecture N°142] et Le Mois du Polar, chez Sharon – Février 2023 (N°25).

Ceci n’est pas un fait divers : Philippe Besson [LC avec Bianca]

Titre : Ceci n’est pas un fait divers

Auteur : Philippe Besson
Édition : Julliard (05/01/2023)

Résumé :
Ils sont frère et soeur. Quand l’histoire commence, ils ont dix-neuf et treize ans. Cette histoire tient en quelques mots, ceux que la cadette, témoin malgré elle, prononce en tremblant : « Papa vient de tuer maman ».

Passé la sidération, ces enfants brisés vont devoir se débrouiller avec le chagrin, la colère, la culpabilité.

Et remonter le cours du temps pour tenter de comprendre la redoutable mécanique qui a conduit à cet acte.

Avec pudeur et sobriété, ce roman, inspiré de faits réels, raconte, au-delà d’un sujet de société, le long combat de deux victimes invisibles pour réapprendre à vivre.

Critique :
Bizarrement, les féminicides font couler moins d’encre qu’un attentat terroriste. Pourtant, il y a des coupables et des victimes.

Se sentirait-on moins concernés par des hommes qui tue des femmes, que par des terroristes qui tuent aveuglément plusieurs personnes à la fois ? Ou bien ce sont les médias qui donnent plus de voix à un attentat qu’à des assassinats de femmes ?

Avant, lorsqu’un homme tuait sa femme, sa compagne, les journaux titraient « Il l’aimait tant qu’il l’a tué » et, comme bien des gens, j’ai mis du temps à me rendre compte de l’ineptie et de toute la fausseté de ce titre.

Non, il ne l’aimait pas, il n’aimait que lui, il n’a pas supporté que cette femme lui tienne tête, qu’elle veuille le quitter, qu’elle en aime un autre et pour se venger, il l’a assassinée. L’amour qu’il lui portait était toxique, mortel et personne n’a entendu les plaintes de la femme, personne n’a vu les signes ou pire, tout le monde a fait semblant de ne rien voir.

Avec ce roman de 200 pages, Philippe Besson frappe fort, là où ça fait le plus mal. En donnant la voix à un jeune homme, appelé par sa petite sœur parce que « papa a tué maman », il nous plonge dans l’enfer que vont devoir vivre ces deux enfants, il met le doigt là où ça fait le plus mal, versant du sel dans la plaie, pour qu’un jour, on puisse voir les symptômes et agir avant le drame.

Pas de pathos dans la narration, dans l’écriture, pas de surenchère dans le drame, juste ce qu’il m’a semblé être un bel équilibre dans ce récit où l’auteur décortique ce qui arrive après le meurtre (la visite chez les flics, l’organisation des funérailles, la vie après, le deuil, le stress post-traumatique, les questionnements, les regrets, les remords, l’impression qu’on aurait pu faire quelque chose, le procès…) et tout ce qu’il s’est passé avant, comme signes avant-coureurs, que personne n’a vraiment vu, qui ont été minimisés et que le père, violent, s’était bien gardé de crier sur tous les toits.

J’ai été horrifiée d’apprendre que le père assassin conservait les droits sur ses enfants mineurs, alors qu’il est un meurtrier… D’ailleurs, dans ce roman, bien des choses m’ont glacées d’effroi, à tel point que je ne saurais toutes les citer. Cela m’a révoltée, donné envie de vomir. Il était temps que j’apprenne…

Dans ce roman, j’étais en territoire inconnu, venant d’une famille banale où les violences conjugales n’ont jamais eu lieu (ni dans ma vie de femme mariée).

Ce roman est puissant, glaçant, c’est un coup de cœur tout en étant un coup de poing. Voilà qu’un drame atroce débouche sur une lecture captivante, émouvante, marquante.

Un comble, me direz-vous, qu’il faille un roman parlant d’une histoire vraie, d’un drame épouvantable, pour qu’il décroche plein d’étoiles à la cotation. C’est la preuve qu’il était bien écrit, d’une belle justesse.

Par contre, j’aurais aimé entendre d’autres voix que celle du fils de 19 ans, notamment celle de sa petite soeur de 13 ans, témoin du crime. De plus, j’étais persuadée que l’auteur avait dit, lors de l’émission de La Grande Librairie, qu’il avait donné la parole au père assassin. J’ai dû rêver (ou confondre avec un autre des romans présentés sur le plateau)…

Pourtant, j’aurais aimé qu’on lui donne la parole, à ce meurtrier, non pas pour lui trouver des excuses, mais pour tenter de comprendre ce qui avait basculer cet homme dans cette violence extrême (17 coups de couteau, tout de même !). L’auteur donne quelques pistes, mais j’aurais aimé avoir toutes les voix dans le récit.

Un magnifique roman, qui m’a mis de l’eau dans les yeux et dont j’ai bien du mal à décrire les émotions qui m’ont assaillies durant ma lecture. De la colère, de la rage, de la haine, l’envie de gueuler sur le système défaillant qu’est la police, la justice, les lois…

Et de la tristesse, beaucoup de tristesses devant toutes ces vies fichues irrémédiablement, tout ça à cause d’un homme qui avait peur d’être abandonné et qui ne savait pas aimer sans violence. Non, ce n’était pas un faits divers, c’est plus grave que ça et non, ce n’était pas de l’amour.

Une LC lue en apnée avec Bianca qui, tout comme moi, a été toute retournée. Là, je m’en vais piquer un Tchoupi à ma nièce….

Challenge Thrillers et Polars de Sharon (du 12 Juillet 2022 au 11 Juillet 2023) [Lecture N°138] et Le Mois du Polar, chez Sharon – Février 2023 (N°21).

Une saison pour les ombres : R. J. Ellory

Titre : Une saison pour les ombres

Auteur : R. J. Ellory
Édition : Sonatine (05/01/2023)
Édition Originale : The darkest saeson (2022)
Traduction : Étienne Gomez

Résumé :
Nord-est du Canada, 1972. Dans cette région glaciale, balayée par les vents, où l’hiver dure huit mois, la petite communauté de Jasperville survit grâce au travail dans les mines d’acier. Les conditions de vie y sont difficiles. Au-delà du village, il n’y a rien. Juste une nature hostile, quelques ours, des loups.

Aussi quand le corps d’une adolescente du village est découvert aux abords de la forêt, la gravité des blessures laisse supposer qu’elle a été victime d’une bête sauvage.

Ce sera en tout cas la version officielle. Et tout le monde prie pour qu’elle soit vraie. Mais, quelques temps plus tard, le corps d’une autre jeune fille est retrouvé.

Montréal, 2011. Le passé que Jack Deveraux croyait avoir laissé derrière lui le frappe de plein fouet lorsqu’il reçoit un appel de Jasperville. Son jeune frère, Calvis, est en garde-à-vue pour tentative de meurtre. De retour sur les lieux de cette enfance, qu’il a tout fait pour oublier, Jack découvre qu’au fil des années, l’assassin a continué à frapper.

L’aîné des Deveraux comprend alors que la seule façon de mettre fin à cette histoire tragique est de se répondre à certaines questions, parfois très personnelles. Mais beaucoup, à Jasperville, préfèrent voir durer le mensonge qu’affronter la vérité.

Critique :
Dehors, il faisait gris, le vent était froid et moi, au lieu de choisir un roman se passant sous le soleil, je me suis aventurée à Jasperville, au nord-est du Canada !

Cette petite ville, c’est le trou du cul du monde, un trou du cul gelé, un lieu où l’on se gèle tout ce qui dépasse (peut-être même le kiki, si l’on n’y fait pas gaffe), où l’été ne dure que 4 mois et l’hiver, sans soleil, 8 mois.

Bref, le lieu où personne n’a envie d’aller passer des vacances, ni même bosser et pourtant, il y a des gens qui y vivent et qui s’accommodent de ce froid, de cette solitude et des horreurs qui s’y passent.

L’auteur a choisi l’alternance des époques (de 1969 à 2011), afin de nous plonger encore mieux dans cet environnement peu habituel où il faut résister à la Nature hostile, aux froids extrêmes et aux animaux sauvages qui vivaient déjà là avant l’arrivée de l’Homme et de la société d’extraction de minerai de fer, la Canada Iron (je lui préfère le Canada Dry).

Après un chapitre consacré à ce qu’il se passe dans le présent, le suivant est consacré à l’enfance de Jacques (Jack) Deveraux, à sa famille et de ce qu’il s’est passé dans cette petite ville où des crimes atroces ont été commis, même si tout le monde a préféré les attribuer à des animaux sauvages.

Le nouveau roman d’Ellory n’est pas vraiment un roman policier habituel : il faut attendre la moitié du livre pour que Jack arrive enfin à Jasperville et il faut encore du temps avant qu’il ne commence son enquête.

Nous sommes dans un roman d’atmosphères et d’introspection, car Jack Devereau est parti en 1984, abandonnant son petit frère avec son père et n’est plus revenu dans cette ville depuis 25 ans.

Sa conscience le travaille, il a des regrets, des choses à se faire pardonner et son petit frère semble être devenu fou, parlant de wendigos, ces créatures surnaturelles, maléfiques, anthropophages… Bref, des bestioles que vous n’avez pas envie de croiser. Légendes ? Réalité ?

Ce roman est noir, foncièrement noir comme le charbon, avec peu de lumière, même lorsque durant 4 mois, le soleil ne descend jamais sous l’horizon. Rien à redire, Ellory a réussi ses décors et durant ma lecture, j’avais froid, j’ai ressenti au fond de mes tripes la désolation de ce lieu, la dépression qui pouvait atteindre tout le monde, surtout durant les mois sombres de l’hiver et face à ce haut fourneaux qui ne s’arrêtait jamais.

Les personnages, quels qu’ils soient, étaient bien campés, réalistes, complexes, alliant de la fragilité et de la solidité. Bref, tout simplement humains, terriblement humain. On pourrait être n’importe lequel, il est facile de s’y identifier, de les comprendre, d’être d’accord avec leurs colères ou avec leur fuite.

Certains ont fui leur passé, d’autres n’ont pas pu y échapper, mais au final, est-ce qu’on arrive vraiment à se détacher de notre passé, à le fuir ? Ou bien est-il toujours tapi en nous, tel un wendigo attendant de nous attraper, pour nous emporter là où on ne veut pas aller ?

Ce roman sombre et froid, est très bien construit, j’ai apprécié le voyage, même si j’ai eu froid aux miches. Les personnages, bien campés, m’ont subjugués de par leur réalisme et l’enquête, bien que ramassée sur le derniers tiers, était bien construite, et réaliste, elle aussi, pour un homme qui n’est pas un policier, même s’il est enquêteur puisque son job est « expert en incendie pour les assurances ».

Malgré tout, le coup de coeur n’est pas total, il a manqué une étincelle pour allumer le feu, un accélérant, un produit inflammable qui aurait transformé ce roman en brasier, emportant tout sur son passage, comme certains romans de l’auteur ont fait.

Attention, la lecture fut bonne, même si j’espérais un coup de coeur !

Challenge Thrillers et Polars de Sharon (du 12 Juillet 2022 au 11 Juillet 2023) [Lecture N°137], Le Mois du Polar, chez Sharon – Février 2023 (N°20).et le Challenge British Mysteries 2023 chez Lou et Hilde – De janvier à mars (N°05).