Les trois épouses de Blake Nelson : Cate Quinn

Titre : Les trois épouses de Blake Nelson

Auteur : Cate Quinn
Édition : Presses de la Cité (2021) / Pocket (2022)
Édition Originale : Black Widows (2021)
Traduction : Maxime Berrée

Résumé :
Blake Nelson est retrouvé mort dans le désert. La police soupçonne sa femme l’avoir tué. Mais laquelle ?

RACHEL, PREMIÈRE ÉPOUSE
 » Pardonne-moi, Seigneur, j’ai menti à un policier aujourd’hui. Je lui ai dit que Blake n’avait jamais levé la main sur moi. « 

TINA, SŒUR-ÉPOUSE
 » Quand les flics m’ont embarquée, j’ai cru qu’ils nous arrêtaient pour polygamie. À Vegas, je me faisais arrêter pour racolage. Ici, c’est parce que je suis mariée. « 

EMILY, SŒUR-ÉPOUSE
 »  » Tu peux être toi-même ici ‘, m’a dit Blake. Ce qu’il voulait dire, je pense, c’est que je pouvais être à lui. « 

Contre la volonté de sa famille et les règles de l’Église mormone, Blake Nelson a épousé trois femmes. Tous les quatre vivent dans un ranch miteux perdu au beau milieu de l’Utah, dans l’attente de la Fin des Temps. Personne ici ne les dérangera.

Jusqu’à ce que le corps de Blake soit retrouvé dans un sale état. Bienvenue chez les mormons !

Critique :
Blake Nelson est mort, assassiné. Non, je ne divulgâche rien, c’est dans le résumé et son meurtre arrive dès les premières lignes.

Le mystère est de savoir qui l’a tué ? Et pourquoi ? La particularité de cet homme, c’est qu’il était mormon et polygame, ce qui n’est plus permis dans cette secte.

Ses trois épouses sont number one sur la liste des suspects. Pour  le savoir, nous allons entrer dans leur tête et ces dames seront, tour à tour, les narratrices.

La particularité de ce roman policier, c’est que nous entrons dans l’église des Saints des Derniers Jours et ce n’est pas triste ! L’autrice s’est bien renseignée et l’immersion dans la société mormone est un petit plus qui ne gâche rien.

Entre nous, je n’ai absolument pas envie de me retrouver dans cette espèce de secte qui me parle de fin des temps, qui stockent de la bouffe pour une année, ne boivent pas de café et doivent porter des sous-vêtements jour et nuit, ceux agréé par le Temple.

Ce polar prend son temps et si vous recherchez de l’action, il faudra aller voir ailleurs, car l’autrice prend le temps de planter ses décors, de donner de l’épaisseur à ses personnages en nous parlant de leur vie antérieure, de nous présenter l’homme qu’était Blake Nelson et de sa vie avec ses femmes, eux qui vivent dans un trou tellement perdu que même le trou du cul du monde est moins paumé.

Suivre les pensées de nos trois femmes est glaçant, notamment dans leur façon de vivre et de penser, surtout Rachel, la première épouse, qui est mormone jusqu’au tréfonds de son âme et du fond de sa culotte agrée par le Temple.

Sa spécialité ? Cuisiner des conserves et faire des conserves. Si vous voulez perdre du poids, oubliez les programmes à la con, venez vous asseoir à la table de Rachel : perte de poids garantie tant sa cuisine est insipide.

Brillante idée que de donner la parole aux trois femmes, tour à tour. Leur récit est glaçant, notamment leur vie de femmes mariées et celles de leur enfance. Cela nous permet de ressentir de l’empathie à leurs égards et d’avoir une autre vision que celle de la psychorigide mormone, de l’ancienne pute droguée et de la jeunette immature et frigide, qui ment tout le temps.

Lorsqu’on prend le temps d’aller gratter sous le vernis, on découvre des personnages inattendus. Se retrouver dans la position d’accusées permettra à ces trois épouses de s’ouvrir, de changer, de se montrer telles qu’elles sont vraiment.

L’autrice décrit bien le fonctionnement de la communauté des saints des derniers jours, l’intégrisme de ses membres, leurs préceptes et l’intransigeance de leur doctrine. Ça fait froid dans le dos. Et puis, il n’y a pas que ça… Dans le passé d’une des épouses, il y a des boites qu’elle a choisi de garder fermer.

Un excellent roman policier qui ne se contente pas de nous mettre face à un meurtre et un/une coupable à trouver, mais qui nous immerge dans la communauté des mormons, ainsi que dans la tête et la vie de trois femmes, trois épouses d’un même homme, qui vont devoir se sortir les doigts du cul afin de trouver la solution à l’assassinat de leur époux, qui était loin d’être un saint, lui aussi, mais qui se prenait pour un roi chez lui.

Un roman choral aux atmosphères particulières, aux dialogues ciselés, aux personnages travaillés, qui ne manquent pas de profondeur, ce qui donnera des portraits psychologiques très fins et un roman noir qui se lit tout seul, malgré les 580 pages en version poche.

Challenge Thrillers et Polars de Sharon (du 12 Juillet 2022 au 11 Juillet 2023) [Lecture N°111].

Sous-vêtements mormons…

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Que sur toi se lamente le Tigre : Emilienne Malfatto

Titre : Que sur toi se lamente le Tigre

Auteur : Emilienne Malfatto
Édition : Elyzad (03/09/2020)

Résumé :
Dans l’Irak rural d’aujourd’hui, sur les rives du tigre, une jeune fille franchit l’interdit absolu: hors mariage, une relation amoureuse, comme un élan de vie. Le garçon meurt sous les bombes, la jeune fille est enceinte: son destin est scellé.

Alors que la mécanique implacable s’ébranle, les membres de la famille se déploient en une ronde d’ombres muettes sous le regard tutélaire de Gilgamesh, héros mésopotamien, porteur de la mémoire du pays et des hommes.

Inspirée par les réalités complexes de l’Irak qu’elle connait bien, Emilienne Malfatto nous fait pénétrer avec subtilité dans une société fermée, régentée par l’autorité masculine et le code de l’honneur. Un premier roman fulgurant, à l’intensité d’une tragédie antique.

Critique :
Non, la taille n’est pas importante ! Avec un court roman, on peut faire plus d’effet qu’avec un pavé (sauf si on se prend le pavé dans la gueule), la preuve avec ce roman de moins de 100 pages.

Irak… La guerre et la conditions des femmes, les non-droits des femmes, si ce n’est de respecter les règles, de ne pas trop parler, de ne pas rire, ou alors, doucement, de baisser les yeux, de porter l’abaya une fois les premières règles venues… Et j’en passe.

Tomber enceinte hors mariage, c’est l’affront ultime, le péché maximum, le déshonneur éternel, celui qu’on ne peut laver que dans le sang, celui de la femme, bien entendu !

Dans ce court roman choral, l’autrice donnera la parole à plusieurs protagonistes : la jeune fille enceinte de son amoureux, la belle-sœur, le frère ainé qui va devoir assassiner sa sœur pour sauver l’honneur de la famille, le petit frère, l’autre frère, le modéré, mais qui n’ose pas, qui est lâche. Même un mort aura droit à la parole, même le fleuve Tigre !

L’esquisse des personnages est rapide, cela étant, ils ne manquent pas de profondeur pour autant, ni de présence. Avec peu de mots et des belles phrases, l’autrice nous plonge dans ce pays en guerre, dans un pays où les hommes ont tous les droits et les femmes aucun. Où les mères dressent les mêmes prisons pour leurs filles qu’on leur a dressées pour elles.

On reproduit les mêmes comportements, parce que personne n’ose les changer, se dresser contre elle. Celui ou celle qui osera est morte d’avance, condamnée avant d’essayer, ou alors, il faudrait que la majorité se rebelle contre ces règles iniques.

Un court roman qui vous prend aux tripes, qui vous les tord violement et qui vous fait remercier le Ciel (ou qui vous voulez, je ne suis pas sectaire) d’être née en Europe, dans un pays bien plus libre que l’Irak. Dans ma maison, j’ai le droit de parler fort, de rire aux éclats et de raconter des blagues cochonnes si je veux. C’est le pied !

Non, ce roman ne m’a rien appris que je ne savais déjà, il a même enfoncé les portes ouvertes, puisque nous avons connaissance des horreurs que font subir les société ultra patriarcales aux femmes…

Néanmoins, les émotions étaient au rendez-vous, mon coeur battait à la chamade (et pas d’amour pour la société irakienne), tant le texte était prenant et que j’avais peur de ce qui allait arriver, ce qui est annoncé dès les premières lignes.

Chronique d’une mort pour l’honneur annoncée…

Oui, on se doute de l’issue, on comprend bien que le serpent se mord la queue et que même si le frère ne tuait pas sa sœur, d’autres s’en chargeraient et que personne ne veut aller à l’encontre de ces règles épouvantables qui ne frappent que les femmes et où les hommes ne se sentent jamais coupables.

Un roman qui m’a touché en plein coeur… La preuve que même à la mi-décembre, j’ai encore des coups de cœur littéraire à prendre.

Le Challenge « Les textes courts » chez Mes Promenades Culturelles II (Lydia B – 79 pages).

Le serpent et la lance – Tome 1 – Ombre-Montagne : Hub

Titre : Le serpent et la lance – Tome 1 – Ombre-Montagne

Scénariste : Hub
Dessinateur : Hub

Édition : Delcourt (24/11/2021)

Résumé :
Depuis plusieurs mois, certains paysans découvrent les cadavres momifiés de jeunes femmes assassinées. Afin d’éviter tout trouble, les autorités tentent de dissimuler ces horribles meurtres à leur peuple.

L’enquête est discrètement confiée à Serpent, un haut fonctionnaire cruel privé de ses deux bras. De son côté, le prêtre Cozatl tente de s’adjoindre les services de son ami d’enfance, OEil-Lance…

Critique :
Cette bédé ayant pour univers les Aztèques m’intriguait, j’ai donc saisi l’opportunité lorsqu’on m’a proposé de ma la prêter.

J’allais pouvoir lire ces 180 pages…

Oui, c’est l’équivalent de 4 tomes d’un coup, au moins, il ne faut pas attendre 36 ans entre deux albums. Et puisque tout à été écrit à l’avance, on évitera les erreurs entre deux albums.

J’avoue avoir eu bien du mal à comprendre le début et ce n’est qu’en allant lire le résumé ailleurs que j’ai capté : trois enfants sont nés, leurs origines sociales sont différentes, mais le destin va les réunir plusieurs fois.

La première, dans leur enfance, dans une école et ensuite, lorsque Oeil-Lance et Serpent seront chargés, chacun par une personne différente (l’empereur pour Serpent, Cozatl pour Oeil-Lance), d’enquêter sur ces momies que l’on retrouve un peu partout, comme si quelqu’un se vengeait. Serpent est surtout missionné pour étouffer cette affaire et faire taire les témoins…

L’univers des Aztèques n’est pas celui de Pat Patrouille (on voit que j’ai dû me farcir des épisodes avec ma nièce). Il y a des sacrifices et vu la famine qui a frappé l’empire, celui-ci contrattaque avec encore plus de sacrifices. Le sang coule, âmes sensibles, fermez les yeux pour ces passages.

L’avantage de cet album, c’est qu’avec 180 pages, l’auteur peut prendre le temps de nous présenter la civilisation Aztèque, ses différents personnages, ainsi que de faire des flash-back pour nous parler de leur jeunesse, lorsqu’ils étaient condisciples.

Mélangeant les passages réels avec ceux qui ont lieu dans des rêves, l’auteur peut nous présenter aussi des apparitions fantomatiques qui serviront à Oeil-Lance de mener son enquête et de trouver le coupable qui sème les cadavres momifiés et énucléés des jeunes filles enlevées, se rapprochant de plus en plus de la ville où se tient le pouvoir central.

Ne vous attendez pas à une enquête trépidante, on est plus dans un récit qui prend son temps, que dans un Jack Bauer survitaminé. Surtout que Oeil-Lance traîne les pieds, tandis que son ancien condisciple détesté se retrouve à devoir gérer un peu trop de momies et à faire taire un peu trop de monde.

Ce n’est pas un album que l’on dévore en une seule fois, j’ai dû moi-même recommencer quelques fois afin de tout bien comprendre, de tout bien avoir en tête les différents protagonistes, ceux que nous voyons naître en début d’album.

Mon père l’a trouvée trop compliquée et à arrêté sa lecture, de mon côté, je l’ai poursuivie, parce je sentais qu’il y avait du bon dans ces pages et je ne me suis pas trompée. En fait, il faut être concentré durant sa lecture, les noms des personnages sont compliqués, ils ne portent pas des noms du calendrier, n’en déplaise à certains.

Si les graphismes m’ont un peu déroutés au départ, je m’y suis habituée. Maintenant que j’ai découvert le style de Hub, j’ai bien envie de me faire sa série dans le Japon médiéval.

La suite sera dans le prochain album (ce sera une trilogie) et je serai au rendez-vous.

En fait, cette bédé, elle se mérite, elle ne nivèle pas par le bas, mais vous tire par le haut. Hub s’est donné les moyens de ses ambitions et il n’a pas fait dans la demi-mesure.

#Challenge Halloween 2022

Challenge Thrillers et Polars de Sharon (du 12 Juillet 2022 au 11 Juillet 2023) [Lecture N°73]et et Le Challenge Halloween 2022 chez Lou & Hilde (Du 26 septembre au 31 octobre) – Thriller & Momies.

Les hommes ont peur de la lumière : Douglas Kennedy [LC avec Bianca]

Titre : Les hommes ont peur de la lumière

Auteur : Douglas Kennedy
Édition : Belfond (05/05/2022)
Édition Originale : Afraid of the light (2021)
Traduction : Chloé Royer

Résumé :
Un après-midi calme et ensoleillé, un bâtiment en apparence anonyme et soudain, l’explosion d’une bombe.

L’immeuble dévasté abritait l’une des rares cliniques pratiquant l’avortement. Une victime est à déplorer et parmi les témoins impuissants, Brendan, un chauffeur Uber d’une cinquantaine d’années, et sa cliente Elise, une ancienne professeure de fac qui aide des femmes en difficulté à se faire avorter.

Au mauvais endroit au mauvais moment, l’intellectuelle bourgeoise et le chic type sans histoires vont se retrouver embarqués malgré eux dans une dangereuse course contre la montre. Car si au départ tout semble prouver qu’il s’agit d’un attentat perpétré par un groupuscule d’intégristes religieux, la réalité est bien plus trouble et inquiétante…

Tout à la fois thriller haletant et chronique d’une Amérique en crise, Les hommes ont peur de la lumière est surtout le puissant portrait d’un homme et d’une femme qui, envers et contre tout, essaient de rester debout.

Critique :
De Douglas Kennedy, je n’avais lu que « Cul-de-sac« , que j’avais adoré. Retrouver cet auteur en Lecture Commune avec ma copinaute Bianca était donc une bonne nouvelle.

Un roman avec une enquête, même si non policière, et qui allait critiquer la société américaine, moi, je suis pour.

En effet, dès les premières pages, l’auteur nous met face à quelques représentants de l’Amérique qui s’épanchent sur la banquette arrière de Brendan, un chauffeur Uber à Los Angeles.

Et boum, dès le début, ça dénonce et ça défonce. La société Uber possède des milliers et des milliers de chauffeurs, de véhicules, mais rien n’est à elle, elle n’a quasi pas de bureaux, mais on sent de suite la dictature de la société, ainsi que celle des utilisateurs qui peuvent crucifier les chauffeurs avec des commentaires.

Pourtant, entre le livre et moi, la rencontre n’a pas eu lieu… Brendan m’a fait penser à un mauvais acteur dans un mauvais film, rien ne me semblait réaliste, intéressant, l’auteur balançant des chiffres dans son récit, me faisant décrocher dès le départ.

Même ses clients semblaient être un panel de ce qu’un chauffeur pourrait croiser dans sa journée, sa semaine, et pourtant, ils manquaient de réalisme, d’étoffe.

Bon, je suis comme un chien, je n’ai pas voulu lâcher l’os de suite et j’ai continué ma lecture. L’explosion de la bombe dans un centre pratiquant l’avortement allait sans doute relancer le récit qui me plombait.

Des gens ont le droit de ne pas être d’accord avec l’avortement, je ne remettrai pas cela en question. Par contre, hurler devant les centres pratiquant l’IVG, poser des bombes, agresser les femmes qui y entrent, le personnel hospitalier, les médecins, là, je m’insurge !

C’est facile de dire à une femme (une fille) qu’elle va assassiner son enfant, qu’elle doit le garder, quoiqu’il lui en coûte, et blablabla, mais lorsqu’il s’agira d’élever cet enfant, les manifestants pro-vie ne seront pas là ! Lorsque la mère (et le père ?) aura du mal à joindre les deux bouts, perdra son job pour cause d’enfant, ou seront les pro-vie ? Sûrement pas aux côtés de la pauvre femme et du gosse…

Hélas, si j’ai apprécié le personnage de Elise qui aide les femmes seules dans les cliniques d’avortement (faut savoir le faire), j’ai eu du mal avec le reste des personnages, notamment avec Brendan, qui manquait de pep’s (pour ne pas dire de couilles) et avec son épouse, catho intégriste au possible, souffrant de déni et le curé, bouffant à la table du diable.

L’auteur dénonce bien des faits de société dans son roman, mais j’avais l’impression qu’il le faisait à la louche, afin d’en mettre le maximum et que ses personnages, tels des mauvais acteurs, jouaient dans un mauvais film.

Ensuite, le tout a tourné en thriller survolté avec affrontement avec un grand méchant monsieur, plein de fric et au-dessus des lois, le tout à la sauce western, version « Règlements de compte à O.K Corral ». Heu ?

Le manichéisme était trop présent dans les personnages, tournant à la caricature grotesque. Je suis arrivée au bout de ma lecture péniblement, me demandant ce que j’étais venue faire dans cette galère.

Pour un retour à cet auteur, ce ne fut pas le feu d’artifice espéré. Je n’y ai pas trouvé la lumière que j’espérais.

Bref, cette fois-ci, c’est moi qui a décroché de la lecture, même si je suis allée jusqu’au bout (en sautant des passages). Bianca, elle, a apprécié sa lecture, donc, si vous voulez savoir, je vous conseille d’aller lire son avis, bien plus emballant que le mien.

Ou encore mieux, que vous lisiez le roman afin de vous faire votre propre avis dessus. Parce que bon, là, ce n’est que le mien et il n’est pas encourageant…

Challenge Thrillers et Polars de Sharon (du 12 Juillet 2022 au 11 Juillet 2023) [Lecture N°50] et le Mois Américain (Non officiel) – Septembre 2022.

L’été où tout a fondu : Tiffany McDaniel

Titre : L’été où tout a fondu

Auteur : Tiffany McDaniel
Édition : Gallmeister (18/08/20222)
Édition Originale : The summer that melted everything (2016)
Traduction : François Happe

Résumé :
État de l’Ohio, dans les années 80 : le procureur Autopsy Bliss invite le diable dans sa petite ville de Breathed.

Ce n’est pas un démon rouge et cornu comme dans l’imagerie populaire qui répond à cette invitation, mais Sal, un jeune garçon noir aux étranges yeux verts. La famille Bliss, qui le pense échappé d’une ferme voisine, l’accueille chez elle.

Le temps d’un été, Sal partage donc la vie de Fielding, de son grand frère Grand, parfaite incarnation de l’idéal américain, de sa mère, qui craint trop la pluie pour s’aventurer dehors, de l’irascible tante Fedelia et de la vieille chienne Granny.

Mais sous ses airs de poète, le jeune homme semble semer l’agitation partout où il va.

Canicule sans pareille, événements inquiétants et accidents suspects viennent attiser le climat de discrimination et de ferveur religieuse qui règne sur cet État du Midwest – jusqu’à ce que la suspicion, le fanatisme et la mort s’emparent peu à peu de la ville…

Critique :
« Betty » avait été un coup de foudre monumental, c’est donc à pas prudents que je me suis engagée dans la lecture de son premier roman, redoutant de ne pas y trouver un autre coup de cœur.

Oubliez Betty, ce roman est diamétralement différent, ce qui ne change pas, c’est la patte de l’autrice, son talent pour faire vivre des personnages, pour les placer dans une suite de drames et happer le lecteur/trice au bout de quelques lignes.

Autopsy Bliss (un procès à ses parents pour l’avoir affublé d’un tel prénom) a eu envie d’inviter le diable dans la petite ville de Breathed. Peu de temps après son annonce, arrive un jeune gamin Noir, portant une salopette sale et se présentant comme le diable…

Nous sommes en 1984 et l’année à toute son importance. Les gens sont-ils si crédules que ça, en 1984 ? Il faut le croire. Ou alors, tout simplement, les gens aiment désigner un ou plusieurs boucs émissaires afin de se disculper, de trouver des réponses, des coupables ? Sans doute un mélange de tout ça…

Tant et si bien qu’après avoir rigolé devant le jeune Sal affirmant qu’il est le diable, les gens crédules ont changé leur fusil d’épaule une fois qu’un drame est survenu, même si Sal n’en était pas responsable. Après, ce sera l’escalade.

Fielding, le plus jeune fils de Autopsy Bliss, devenu pote avec Sal, nous racontera tout ça. Fielding est un jeune gamin que j’ai apprécié, son personnage était juste, réaliste. Sa mère était bizarre, mais cela a ajouté du charme à cette famille non conventionnelle.

Par contre, j’aurais aimé que Sal nous parle encore plus, qu’il nous raconte encore plus d’histoires, qu’il ne s’arrête pas de parler, tellement je buvais littéralement ses paroles. Il fera partie des personnages marquants, de ceux que l’on n’oublie pas, même avec Alzheimer.

De Sal, on ne saura pas grand-chose d’autre, hormis qu’il a de magnifiques yeux verts : soit on entre dans le jeu et on acquiesce au fait qu’il soit le diable (sans cornes ou pieds fourchus), soit on reste cartésien, on le prend pour un gamin banal qui se prend pour ce qu’il n’est pas. Mais à chaque fois qu’il prendra la parole, on saura qu’il n’est pas un enfant banal, que quelque part, il a été touché par la grâce.

C’est un peu comme le tigre Hobbes (Calvin & Hobbes) dont on ne sait s’il est une peluche ou un vrai tigre parlant, chacun se faisant son idée, sans pour autant que cela pose un problème de réalisme dans le récit.

Ce roman abordera plusieurs sujets de société, tels que le racisme, l’homophobie, la crédulité des gens, l’effet de meute, sans jamais vraiment aller au fond des choses. D’habitude, cela m’agace, mais pas ici.

L’autrice réussi, en peu de mot, à en dire beaucoup, à nous faire comprendre toute l’ampleur de ces horreurs, en les mettant en scène dans la petite ville accablée de chaleur qu’est Breathed. Pas besoin d’en faire plus, tout est dit. C’est violent, dramatique, horrible. Ou comment dénoncer le racisme crasse et l’intolérance…

En alternance avec le récit de 1984, nous aurons celui de Fielding, devenu adulte, puis vieux, toujours marqué par les événements de 1984. Le récit s’inscrivait parfaitement dans la continuité et il apportait beaucoup d’émotions au récit de notre gamin de 1984, nous éclairant sur ce qu’il advint de sa famille après cet été plus que caniculaire où les esprits se sont échauffés.

Deux romans puissants, voilà ce que Tiffany McDaniel a dans son stock. Deux romans différents, sans aucun rapport entre eux, si ce n’est la plume et la dénonciation du racisme et des intolérances, sous toute ses formes (pas au lactose ou au gluten). Sans oublier le droit à la rédemption, au pardon, à obtenir une seconde chance…

Ce premier roman possédait déjà des personnages marquants, forts, profonds et un récit où l’on sent venir le drame, où l’on sent venir l’horreur et où l’on est impuissant à l’empêcher.

Des émotions, je m’en suis prise dans la gueule, dans les tripes et le passage avec le décès d’un enfant m’a fait un mal de chien, tant il était criant de vérité, de justesse. Pas de pathos, mais énormément de tristesse ressentie.

Le final était grandiose, horrible, terrible… Une histoire du Bien contre le Mal où les valeurs sont inversés. Un récit d’un drame annoncé. Un récit coup de poing et coup de cœur à la fois.

Je ne suis pas le maître de l’enfer. Je ne suis que sa première et sa plus célèbre victime.

Challenge Thrillers et Polars de Sharon (du 12 Juillet 2022 au 11 Juillet 2023) [Lecture N°39] et le Mois Américain (Non officiel) – Septembre 2022.

 

Te tenir la main pendant que tout brûle ‭:‬ Johanna Gustawsson [LC avec Bianca]

Titre : Te tenir la main pendant que tout brûle

Auteur : Johanna Gustawsson
Édition : Calmann-Lévy Noir (06/10/2021)

Résumé :
Lac-Clarence, Québec, 2002. Maxine Grant, inspectrice et mère célibataire dépassée, est appelée sur une scène de crime affreuse. L’ancienne institutrice du village, appréciée de tous, a massacré son mari, le lardant de coups de couteau.

Paris, 1899. Lucienne Lelanger refuse d’admettre la mort de ses filles dans un incendie. Elle intègre une société secrète dans l’espoir que le spiritisme et la magie noire l’aideront à les retrouver.

Lac-Clarence, 1949. La jeune Lina vit une adolescence mouvementée. Pour la canaliser après l’école, sa mère lui impose de la rejoindre à la Mad House, la maison de repos où elle travaille. Lina y rencontre une étrange patiente, qui lui procure des conseils pour le moins dangereux…

Un thriller psychologique sombre et passionnant autour du destin de trois femmes, trois mères éprouvées ou dépassées par la maternité.

Critique :
Blanche-Neige et les 7 Nains, je connaissais, maintenant, je connaîtrai aussi « L’institutrice et les 7 mains ».

Non, ce n’est pas le titre d’un film porno, les 7 mains étant détachées de leurs propriétaires.

Non, ce n’était pas non plus des membres de la famille de La Chose (Addams Family, pour les incultes) que nous aurions retrouvé au Québec… Ma foi, on a les objets de décoration que l’on veut, chez soi, mais il vaut mieux les garder caché lorsqu’on reçoit des invités.

Notre brave institutrice retraitée vient de poignarder 31 fois son époux. Le gars avait du marcher sur le sol encore mouillé, entraînant le courroux de sa blonde. Ou bien il avait oublié une chaussette rouge dans le linge blanc de madame… Bref, sa faute devait être grave pour mériter un tel châtiment.

Ce thriller psychologique est composé de trois récits se déroulant à des époques différentes. L’enquête de police contemporaine (en 2002), un récit se déroulant à Paris en 1899 et un autre avec une jeune gamine, victime de brimades, en 1949.

Quel est le lien entre eux trois hormis qu’elles ont souffert ? Il faudra attendre les trois quarts du roman pour le savoir et comprendre ce qu’ils venaient faire au milieu d’un meurtre violent commis par une paisible retraitée (on ne s’en méfie jamais assez, des p’tites vieilles).

L’autrice a fait en sorte que vous ne compreniez pas trop vite ce qui lie ces trois femmes, les pistes sont brouillées, les cartes bien mélangées et c’est comme avancer dans la purée de pois. On ne sait pas où l’on va, mais l’on a hâte de comprendre où on nous emmène.

L’enquête va avoir des ramifications inattendues, allant au-delà de ce que j’aurais pu penser au départ. Heureusement que les policiers connaissent toujours quelqu’un dans leur entourage qui peut leur expliquer ce qui est hermétique pour eux (et pour les lecteurs aussi).

Cette lecture est addictive, profitant des températures caniculaires de la soirée, j’ai lu jusque bien tard et la chaleur me poussant à me lever tôt, j’ai continué ma lecture, dévorant totalement ce polar, même si, de prime abord, il semblait être un thriller normal, avec des mystères, du suspense et quelques ajouts inhabituels (putain, ces retraités !!).

Non, jusqu’à un certain point, je me trouvais en train de lire un thriller bien fichu, mais sans rien de transcendantal. Les personnages des policiers étaient sympas, amusants, possédaient de l’humour, sans que pour autant je me sois attachée à eux.

Et puis, tel un plat habituel que vous appréciez mais que vous connaissez par coeur, vous vous faites surprendre par la cuisinière autrice qui y a ajouté du piment, vous faisant bondir sur votre sofa, vous redressant devant le truc inattendu que votre palais vient de détecter et qui réveille vos papilles polardesques.

Oh putain de putain ! Ça a dépassé tout ce à quoi je m’étais attendue, je me suis prise un coup de pied au cul et l’autrice a remis ça ensuite, me donnant envie de hurler « Non, non, non… ». Ben si… Violent, horrible. Magnifique aussi, mais dans l’horreur. J’en suis restée muette, la bouche grande ouverte.

Si je ne me suis pas attachée aux portraits des personnages, l’autrice a su néanmoins nous mettre face à des femmes troublantes, blessées, seules, victimes du patriarcat, des préjugés, de la maternité, de la société…

J’ai été bluffée et ma copinaute Bianca aussi. Si notre précédente LC avait été un flop, celle-ci est un top et lorsque je lisais les lignes les plus violentes dans ce qu’elles impliquaient, je me disais que ma copinaute allait souffrir autant que moi en les lisant.

Challenge Thrillers et Polars de Sharon (du 12 Juillet 2022 au 11 Juillet 2023) [Lecture N°007].

La capture – Yvonne Chen 02 : Nicolas Lebel

Titre : La capture – Yvonne Chen 02 (Qui sème les coups récolte la vengeance)

Auteur : Nicolas Lebel
Édition : Le Masque (23/03/2022)

Résumé :
Morguélen. Un nom funèbre pour une île bretonne giflée par les vents. Un terrain idéal pour la lieutenante Chen, lancée dans une traque sans merci. Dans son viseur : des tueurs à gages insaisissables, les Furies, déesses du châtiment.

Mais à l’heure de la rencontre, la partie pourrait bien compter plus de joueurs qu’il n’y paraît. Et quand le prêtre de cette île du bout du monde entre à son tour dans la danse, une seule certitude demeure : quelqu’un va mourir.

Jeu de miroirs à huis clos, le nouveau roman de Nicolas Lebel entraîne le lecteur dans une course échevelée où tout n’est qu’ombres et reflets. Porté par l’humour et l’ingéniosité inégalables du lauréat du Prix des lecteurs du Livre de Poche, La Capture impose Nicolas Lebel comme l’une des voix les plus brillantes du thriller français.

Critique :
Si Dave avait écrit sa lettre à Hélène, exilée sur l’île Morguélen, pas sûr que ça aurait eu le même effet qu’un exil  aux îles des Kerguelen.

Parce que Morguélen (mêle si ça rime super bien avec Helen) se situe en Bretagne et que, ce n’est pas le bout du monde !

♪ Quelle idée, ma douce Hélène, de t’exiler sur l’île Morguélen ♫ (ou comment pourrir votre journée en vous collant la chanson dans la tête).

Bon, on ne va pas se mentir, Yvonne Chen n’est pas mon personnage préféré ! Malgré son caractère de cochon, sa voie éraillée et sa tronche de grenouille, je lui préfère, et de loin, le Capitaine Mehrlicht.

La lieutenante Chen est froide, antipathique au possible, imbuvable et si ça coince de la sorte entre nous, c’est sans doute parce que c’est une femme. Bizarrement, une telle froideur, ce manque d’empathie qu’elle a pour les autres, je pense que ça passerait mieux avec un mec. Me demandez pas pourquoi, docteur.

Chen m’a fait l’effet dune poêle Tefal : déjà que tout glisse sur elle, sans attacher et moi, je ne me suis pas attachée à elle non plus.

Cela ne m’a pas empêché de passer un moment rempli de suspense et de mystère avec notre flic au caractère de merde, qui, poursuivant les assassins de son collègue, va mener son enquête sur la petite île de Morguélen, sorte de trou perdu qui ne s’anime que durant les périodes de vacances.

Moi, je me méfie toujours des petits coins paumés qui semblent super calme, lorsque je lis un roman policier ou un thriller ! C’est bien souvent au moment où débarque notre personnage que le taux de mortalité explose en masse et que l’insécurité règne en maîtresse de maison.

Comme aux échecs, notre Chen va devoir avancer sur un échiquier dangereux, sans savoir où se trouvent les Furies, tandis que de l’autre côté, deux flics de l’OCLCH avancent, eux aussi, à pas de loup, sans savoir si l’homme qu’ils espionnent est un criminel de guerre ou pas.

N’ayant jamais joué aux échecs autrement qu’avec Ron Weasley (on a les références que l’on peut), je sais tout de même que parfois, pour gagner, il faut savoir sacrifier des pions importants…

Dans ce roman, les apparences sont trompeuses et même si j’ai vite deviné où se trouvait la couille dans le pâté, je manquais de certitudes pour affirmer avoir raison.

Comme avec un iceberg, je n’avais trouvé qu’une petite partie, ce qui était immergé, je l’ai découvert au fur et à mesure, me faisant avoir comme une bleue ! Génial, il y avait des surprises dans la surprise du Kinder© !

Non, non, ce n’était pas une saloperie de salmonelle, rassurez-vous, vous pourrez déguster le roman sans risque. C’est comme une sorte de double effet Kiss Cool (pour les plus anciens qui ont passé l’âge des Kinder) et l’explosion finale en bouche pour la fin. Là, je vous garantis que je n’avais rien vu venir !

Si le roman possède moins d’humour que dans ceux consacrés aux enquêtes du Capitaine Mehrlicht, l’auteur ne sera jamais avare de bons mots, de situations cocasses (notamment avec les chansons de Johnny), de vérités vraies, de mettre en scène ses potes auteurs (Claire Favan, Alexis Laipsker, Mazza et de mettre Norek à la Pléiade)…

Et puis, on ne s’y embête pas, le rythme, sans être trépidant, ne nous laisse pourtant pas le temps de flâner et de cueillir des fleurs. La preuve, j’ai lu ce roman en même pas 24h. Une fois qu’on est plongée dedans, c’est comme dans une piscine, on n’a pas envie d’en sortir.

Un scénario bien trouvé, qui laisse la place aux surprises, au suspense, aux mystères et qui se termine d’une manière inattendue, ce qui relance les dés pour le prochain épisode, si suite il y a… C’est intelligent de la part de l’auteur. Un twist génial.

Mon seul bémol sera pour Yvonne Chen, qui n’aura pas le prix de la sympathie du public, ni des collègues, ni celui de la politesse, mais je pense qu’elle s’en moque comme de ma première paire de chaussettes.

Challenge Thrillers et Polars de Sharon (du 12 Juillet 2021 au 11 Juillet 2022) [Lecture N°260] – Dernière du challenge.

Trilogie d’une Nuit d’Hiver – 01 – L’ours et le rossignol : Katherine Arden [LC avec Bianca]

Titre : Trilogie d’une Nuit d’Hiver – 01 – L’ours et le rossignol

Auteur : Katherine Arden
Édition : Denoël – Lunes d’encre (2019) / Folio SF (2020)
Édition Originale : Winternight, book 1: The Bear and the Nightingale (2017)
Traduction : Jacques Collin

Résumé :
Au plus froid de l’hiver, Vassia adore par-dessus tout écouter, avec ses frères et sa sœur, les contes de Dounia, la vieille servante.

Et plus particulièrement celui de Gel, ou Morozko, le démon aux yeux bleus, le roi de l’hiver. Mais, pour Vassia, ces histoires sont bien plus que cela.

En effet, elle est la seule de la fratrie à voir les esprits protecteurs de la maison, à entendre l’appel insistant des sombres forces nichées au plus profond de la forêt.

Ce qui n’est pas du goût de la nouvelle femme de son père, dévote acharnée, bien décidée à éradiquer de son foyer les superstitions ancestrales.

Critique :
Winter is coming… L’hiver vient.

Et en Rus’, quand l’hiver vient, c’est du costaud : on se gèle les miches, on ne mange plus à sa faim, on maigrit, la neige est haute, elle recouvre tout et le gel vous mord les chairs à tel point que vous pourriez perdre des membres.

M’attendant à lire de la fantasy, j’ai été surprise en constant que l’univers resterait dans le registre du fantastique, lui-même puisant son inspiration dans le folklore et la mythologie slave.

Pas de soucis ! J’ai adoré découvrir ce moyen-âge Rus’ (la Russie n’existait pas encore en tant que pays) et me plonger dans la vie d’une famille, 200 ans avant Ivan Le Terrible.

Dans les années 1300, la femme n’avait pas de droits, si ce n’est de se marier et de pondre des chiées de gosses, si possible des garçons vigoureux, merci bien. L’autre option, c’est le couvent… Sympa.

Vassia, elle, adore porter les habits d’un de ses frères, grimper aux arbres et parler aux esprits protecteurs de la maison, sorte d’Elfes de maison qui la protège, si on leur laisse des offrandes. Et pour que le domovoï me reprise mes chaussettes, je lui laisserai tout le pain sec qu’il désire ! Idem pour le vazila (l’esprit des chevaux).

La Russie m’a toujours fascinée, tout en m’effrayant. Ressentir son Histoire, son folklore, son climat, sa Nature, ses habitants au travers de la littérature, c’est ce qu’on a inventé de mieux pour éviter tout risque de se faire tuer par un guerrier du Khan de la Horde d’Or (empire turco-mongol gouverné par une dynastie issue de Djötchi, fils aîné de Gengis Khan), de crever de froid dans une forêt en plein hiver, de finir au couvent ou mariée avec une chiée de gosses à mes basques !

Ce roman fantastique ne brillera pas par son rythme endiablé, que du contraire. Il se passe peu de choses durant des centaines de pages, ou alors, juste des petits évènements et pourtant, jamais je n’ai ressenti de l’ennui durant ma lecture. Il est des romans guère plus épais qui m’ont semblé plus longs et qui furent lus en plus de jours (suivez mon regard sur ma chronique des enquêtes de Irene Adler et Holmes).

Découvrir le folklore et les contes Rus’ m’a passionné, les personnages m’ont emportés, surtout la jeune Vassa, jeune fille qui aimerait être libre et que tout le monde regarde de travers en la traitant de sorcière parce qu’elle veut vivre différemment des autres… Ajoutons à cela le poids de la religion et la place importante que va prendre Konstantin, le prêtre local en les faisant tourner le dos à leurs anciennes croyances.

Tous les personnages, même Anna, la belle-mère bigote, sont bien traités, ont de l’épaisseur et évitent le côté manichéen que l’on retrouve souvent d’autres romans. Oui, on aimerait baffer Anna, mais on peut aussi comprendre ses peurs, elle qui n’a pas accepté ce qu’elle était.

Anna est terriblement humaine et comme les autres, son désir le plus cher est de protéger la fille qu’elle a eu. À elle non plus, on ne lui a pas demandé son avis, lorsqu’on l’a mariée de force, elle qui voulait entrer au couvent.

Ce que j’ai apprécié aussi, dans ce roman fantastique, c’est qu’il n’y a pas de chevalier sans peur, de super homme fort. Il y aura des hommes courageux, de ceux qui donneraient leur vie pour leur famille, mais rien de surhumain. Des frères et des pères, tout simplement, qui craignent pour les leurs, même s’ils ne le disent pas.

L’ambiguïté du personnage de Morozko était un régal aussi, difficile de savoir avec certitude de quel côté de la Force il se trouvait. Le combat final n’est pas bâclé, il prend le temps de monter en puissance, les forces en opposition ont eu quelques escarmouches, Vassia résistant comme elle peut, à la mesure de ses moyens.

L’énorme avantage de cette trilogie est que le premier tome peut se suffire à lui-même. Il y a une véritable fin et nous pourrions en rester là. Ce que je ne ferai pas, car j’ai bien envie de découvrir ce qu’il va advenir de la petite Vassia et quel périple l’attend.

Un roman fantastique, touchant, rempli de folklore russe, de froids hivers où l’on se gèle les fesses, l’estomac vide et de personnages avec qui l’ont aurait envie de vivre cette aventure. Pas de naïveté et pas de mièvrerie, car elles n’avaient rien à faire dans ces contrées septentrionales où le vie était dure et rude.

Une belle découverte que j’ai faite grâce à la proposition de LC de Bianca, qui, une fois encore, est sur la même longueur d’onde que moi.

PS : le Bibliocosme en avait parlé en bien aussi.

Le Challenge Animaux du monde 2020 chez Sharon [Lecture N°98].

Ira dei – Tome 4 – Mon nom est Tancrède : Vincent Brugeas et Ronan Toulhoat

Titre : Ira dei – Tome 4 – Mon nom est Tancrède

Scénariste : Vincent Brugeas
Dessinateur : Ronan Toulhoat

Édition : Dargaud (12/02/2021)

Résumé :
Pour Tancrède, c’est l’heure de tous les dangers. Capturé par Hugues, le voilà entre les mains de Guillaume de Hauteville, le chef des troupes normandes. Celui-ci voit en lui un redoutable soldat dont il aimerait se faire un allié.

Afin d’inciter Tancrède à réveiller son âme guerrière, depuis longtemps en sommeil, Guillaume l’oppose en combat singulier à plusieurs prisonniers, auxquels il promet la liberté en cas de victoire.

« Tu t’apprêtes à faire sortir le diable », lui glisse Étienne, le représentant du pape. Aucun homme ne saura vaincre Tancrède. Même Hugues périra au fil de son épée…

Vivant, Tancrède reste une menace pour l’Église. Pourtant, Étienne décide de lui offrir sa liberté : seul Tancrède est en mesure de l’aider à retrouver sa sœur.

Ce quatrième tome marque la fin du cycle italien. Il confirme les qualités d’une saga qui explore un cadre – la Méditerranée du XIe siècle – peu traité par la bande dessinée et qui allie la rigueur de ses sources historiques à un dessin évoquant autant la poésie de Moebius que la puissance de Jack Kirby.

Critique :
Si dans la chanson, elle voulait revoir sa Normandie, Tancrède, lui, ne veut pas la revoir du tout, ni reprendre son véritable nom de Robert, duc de Normandie.

Guillaume de Hauteville, lui, voudrait bien que Tancrède redevienne Robert, mais ce dernier n’a absolument pas envie d’aller affronter son fils, toutes ces guerres des trônes, ça le fait chier…

Dans ce dernier tome de cette saga (4), nous sommes une fois de plus plongés dans l’Histoire, les guerres, les magouilles politiques, les invasions et les luttes intestines (et pas intestinales).

Étienne (le représentant du pape), de son côté, le tien toujours bien et on ne sait pas trop de quel côté il va tirer. Jusqu’au bout, ce personnage m’aura intriguée, étonnée et là, il va continuer de me trouer le cul, cet Étienne ! Un comble pour un homme d’Église.

Ça magouille de tous les côtés, ça s’embrouille, ça bidouille des complots, l’un joue avec les nouilles de l’autre (restons poli, mais vous voyez de quoi je veux parler).

Bref, dans ce récit, personne n’est tout à fait blanc, ni tout à fait noir, ni vraiment bon ou méchant, tout est nuance de gris, les personnages sont complexes et nous sommes loin du manichéisme affiché dans d’autres bédés.

Les dessins sont dynamiques et les scènes de combats sont bien détaillées : mouvements, expressions… Le découpage de certaines planches ajoute aussi des claques monumentales au lecteur. Là, ça dépote !

Mon bémol sera pour le final qui arrive un peu trop vite, comme un cheveu dans la soupe, laissant un goût d’inachevé, comme si j’avais été plantée au milieu du chemin et que les auteurs foutaient le camp en vacances. L’impression d’être un chien abandonné sur le bord de la route.

Attendez les mecs, c’est tout ? C’est fini ? Tout ça pour en arriver à cette fin un peu bancale ? Tout ce machiavélisme, toutes ces guerres entre les différents seigneurs, entre leurs armées, tout ce suspense, toute cette psychologie et ce travail des personnages pour finir ainsi ?

Ben merde alors… Dommage, car ce final bancal et brutal (je sens l’âme d’une poétesse) casse tout le plaisir de lecture ressenti jusqu’à présent et fout en l’air cette série que j’avais apprécié d’entrée de jeu.

 

Challenge Thrillers et Polars de Sharon (du 12 Juillet 2021 au 11 Juillet 2022) [Lecture N°96] et Le Challenge « Les textes courts » chez Mes Promenades Culturelles II (Lydia B – 54 pages).

Les pionniers : Ernest Haycox

Titre : Les pionniers

Auteur : Ernest Haycox
Édition : Actes Sud – L’Ouest, le vrai (06/01/2021)
Édition Originale : The Earthbreakers (1952)
Traduction : Fabienne Duvigneau

Résumé :
Ils viennent du Missouri et ont tout abandonné dans l’espoir de trouver une terre à des milliers de kilomètres de leurs foyers. Ils ont entassé leurs maigres possessions dans des chariots et traversent les grandes plaines, puis les montagnes Rocheuses où ils affrontent les rapides du fleuve Columbia.

Leur trajet ouvre la célèbre Piste de l’Oregon, qui sera plus tard empruntée par de nombreux migrants en route vers l’Ouest et la terre promise.

C’est un voyage qui a tout d’une grandiose épopée, peuplé d’hommes et de femmes qui souffrent de la faim et du froid, qui connaissent la solidarité autant que les rivalités, qui cherchent l’amour aussi.

Lorsqu’ils parviennent enfin à destination, ils construisent des cabanes, labourent un sol jusque-là inexploré, et installent peu à peu les bases de ce qui deviendra plus tard une société civilisée, avec ses lois, ses règles et ses usages.

Critique :
Dans ce western, qui parle du voyage et de l’installation de pionniers dans l’Oregon, nous sommes loin du côté humoristique utilisé par Morris (et Goscinny) dans Lucky Luke.

Ici, lorsque l’on tombe à l’eau, on risque de mourir, si on prend froid aussi, si on se prend un mauvais coup… Bref, que du concret et du réaliste, dans ce western qui tient plus d’un récit « témoignages » que des duels devant le saloon.

N’ouvrez pas ce roman si vous cherchez du trépidant. Ici, les pionniers ont avancé au rythme du pas des bœufs, des chevaux, des radeaux et lors de leur installation, ils ont suivi le rythme des saisons.

Pas de précipitation dans le récit de Haycox ! Il prend le temps de poser ses personnages, de leur donner de la profondeur, de décrire les éléments météorologiques, les saisons, l’installation des pionniers.

Roman choral, il donnera la parole à plusieurs personnages, tous disparates, mais reprenant un beau panel de ce qu’est l’humanité, sans que l’on ait l’impression qu’il ait fait en sorte de placer tout sorte de gens, comme c’est souvent le cas dans des films ou des séries. Non, ici, on sent que les portraits sont réalistes et pas forcés.

On a beau être dans un western avec tous les codes du genre, ce qui frappe, c’est qu’ensuite on fait en sorte de s’en affranchir. Oubliez les films vus à la télé, dans ce récit, on est aux antipodes de ce que l’on connaît.

C’est une écriture contemplative qu’Haycox nous offre, quasi crépusculaire, résultant de ses lectures de lettres de pionniers, afin que son récit soit le plus juste possible. Dans les films, aucun réalisateur ne montrera jamais les difficultés rencontrées par les colons, ou alors, se sera dans une plaine, jamais dans des sentiers sinueux des montagnes ou à traverser des torrents démontés.

Dans cet affranchissement des codes, en plus de la Nature hostile, on a le respect des personnages : jamais l’auteur ne dénigre les Indiens ou les femmes. On sent le respect qu’il leur porte. L’ouvrage ayant été publié en 1952, c’était tout de même culotté d’oser défendre les oppressé(e)s.

Certains de ses personnages dénigreront femmes et Indiens (on a un salaud et des têtes-brûlées), mais les femmes dans ses pages ne sont pas toutes muettes, elles peuvent avoir du répondant, de la hargne, être parfaitement au courant de leur situation merdique qui les oblige à se marier pour survivre et de subir durant toute leur vie cette inégalité de traitement entre elles et les hommes.

Par contre, la religion est moquée au travers du pasteur qui voit le diable chez tout le monde, Rice Burnett ne se privant pas de demander au pasteur s’il a une religion différente le dimanche du lundi… Malgré tout, le discours du pasteur évoluera au fil des pages et lui-même se mettra à douter de temps en temps.

L’hypocrisie, qu’elle soit religieuse ou du fait des Hommes sera souvent pointée du doigt dans ce récit, notamment lorsque les esprits s’échaufferont afin d’aller punir les Indiens du coin d’une agression. Les pionniers n’en sortiront pas grandis car voler plus pauvre que soi n’est guère reluisant.

La brochette de personnages est copieuse, il faudra rester attentif car l’auteur les nommera par leurs noms de famille, mais aussi par leurs prénoms, ce qui est déstabilisant car ils sont nombreux. Il m’a fallu un peu de temps avant de tous les distinguer et les reconnaître.

Le récit est âpre, les colons feront face aux éléments, à la Nature, hostile, et il leur sera difficile de gagner leur vie, parfois même, il leur sera difficile d’assurer leurs moyens de subsistance. Certains regretteront même d’avoir lâché la proie pour l’ombre.

Voilà donc un western qui tranche avec le genre que l’on connaît, qui ressemblerait plus à des témoignages, réunis dans un roman, qu’à une fiction, tant le réalisme est présent dans la vie de ces colons.

Les portraits des personnages sont bien exécutés, leur psychologie est creusée et rien n’est figé, même si pour certains (et certaines), on pourra chasser leur naturel tant que l’on voudra, il reviendra au galop.

Un magnifique western qui prend son temps. À lire sans se presser, afin de déguster les multiples récits qui l’émaillent et qui donnent de l’épaisseur à l’ensemble.

Un western où les duels sont la plupart du temps contre la Nature ou les éléments météorologiques, qui ne vous font aucun cadeau. La Nature est piégeuse et en aucun cas ressourçante.

et Le Challenge « Il était une fois dans l’Ouest » chez The Cannibal Lecteur.