Titre : Absolution par le Meurtre – Soeur Fidelma 01
Auteur : Peter Tremayne
Édition : 10/18 Grands détectives (2004 / 2011)
Édition Originale : Absolution by Murder
Traduction : Cécile Leclère
Résumé :
En l’an de grâce 664, tandis que les membres du haut clergé débattent en l’abbaye de Streoneshalh des mérites opposés des Églises romaine et celtique, les esprits s’échauffent.
C’est dans ce climat menaçant qu’une abbesse irlandaise est retrouvée assassinée.
Amie de la victime sœur Fidelma de Kildare va mettre tout sur talent et son obstination à débusquer le coupable. Jeune femme libre et volontaire, Fidelma n’est pas une religieuse tout à fait comme les autres…
Avocate irlandaise célèbre dans tous les royaumes saxons, elle sillonne l’Europe pour résoudre les énigmes les plus obscures en compagnie du moine Eadulf.
Dans cette première enquête, leur collaboration sera mise à rude épreuve tandis que les meurtres se multiplient à l’abbaye.
L’avis de Dame Ida :
Absolution par le Meurtre est un roman policier historique dont le personnage principal deviendra un personnage récurrent repris par l’auteur.
Sœur Fidelma de Kildare, éminente juriste de son époque est en outre douée d’un véritable talent pour résoudre les énigmes ; talent qui sera mis à l’œuvre pour retrouver l’assassin de l’Abbesse Etain trouvée assassinée au moment où débute une rencontre entre les différents courants du christianisme se développant sur les îles de ce qui deviendra plus tard le Royaume Uni.
Et oui, nous sommes au VIIe siècle. Le Royaume-Uni est loin d’être unifié, que ce soit d’un point de vue politique comme du point de vue religieux.
Il est composé d’une infinité de petits royaumes de cultures différentes et où le statut de la femme varie de manière étonnante, et le catholicisme romain est encore loin d’avoir la main mise sur le pays évangélisé par Saint Colomban (ou Colombus en latin), dont la légende veut qu’il soit le premier témoin des apparitions du monstre du Loch Ness… En effet, des églises locales se réclament de l’enseignement de ce saint qui différerait de celui de Rome.
Nous découvrons que si certains moines ou ascètes ont fait le choix de suivre la recommandation de Saint Paul et de rester célibataires et chastes, il ne s’agit pas encore d’une obligation pour les religieux qui peuvent vivre en couvant mixtes, et où les prêtres et les évêques peuvent se marier. Mais évidemment…
Être évêque ou abbesse à la tête d’une riche et influente communauté reste tout de même un privilège des personnes issues de la caste aristocratique.
Note de Dame Ida : En réalité l’obligation du célibat dans le clergé ne se mettra en place qu’entre le XIe et le XIIe siècle… Pour des questions économiques : le Vatican ne voulant pas entretenir les veuves et orphelins laissés par les prêtres, et au passage, rester le seul héritier de ce qu’ils laissaient. Et le mariage ne deviendra un sacrement de l’Eglise Catholique au XIIe siècle également !
Anybref, ce roman comportait un grand nombre d’ingrédients pour me faire kiffer grave la race de ma mémère :
De l’histoire et qui plus est de l’histoire religieuse (on ne se remet pas comme ça d’avoir été première en catéchisme en étant petite), des meurtres, une enquête… Un peu d’amour… Un contexte faisant évidemment penser, peut-être un peu trop, au fabuleux roman d’Umberto Ecco, le « Nom de la Rose »…
Ou aux enquêtes d’un autre moine anglais, Frère Athelstan, célèbre sur ce blog… Et qui pourrait être son grand frère spirituel pour ne pas dire son inspirateur (il est apparu en 1991 et elle en 2004), bien qu’il ait vécu cinq siècles plus tard.
Mais la magie n’a pas opéré sur moi malgré mes attentes.
Pourquoi ? Ah… Oui bonne question… Il faut que je me la pose, que j’analyse et que j’argumente.
Le haut moyen âge anglais est une période que je ne connaissais pas du tout. Aussi, bien que curieuse, je me suis retrouvée totalement perdue car sans références. Je devais compter intégralement sur l’auteur pour me guider. Pourquoi pas ? Après tout je ne demandais qu’à apprendre !
Mais voilà… Le roman est plutôt court. Beaucoup trop court en comparaison à son ambition de nous faire découvrir la face cachée de la lune. D’autant que le haut moyen âge anglais est une période éminemment complexe sur le plan religieux et politique, le pays étant divisé en de multiples petits royaumes plus ou moins antagonistes en fonction des périodes et ayant chacun leurs mœurs et où le paganisme cohabite encore avec le christianisme.
Entre les Saxons, les Pictes, les Irlandais, les celtes, les habitants des « Angles », et j’en oublie… Cela fait énormément d’informations à enregistrer et à intégrer.
Or quand elles tombent toutes en même temps comme une avalanche dès les premières dizaines pages (mention spéciale pour le passage où Fidelma se fait présenter TOUS les personnages forts nombreux présents pour le débat théologique qui s’annonce), un cerveau moyen est vite saturé.
L’auteur semble oublier ici, dans sa hâte de nous en dire le plus possible en un minimum de temps, que le lecteur n’est pas nécessairement historien et n’aborde pas son roman comme un livre de référence historique.
Et oui, le lecteur moyen qui ouvre un roman est d’abord là pour se distraire, même s’il n’est pas allergique quant à la perspective d’apprendre des choses.
Tout est question de dosage et d’équilibre dans un roman historique, et là pour un roman de moins de deux cents pages, allier action et une période aussi complexe de l’histoire relevait de la gageure.
Outre l’avalanche de données historiques, celles-ci étaient souvent amenées avec maladresse. Quand on rajoute tout un tas d’explications historiques dans les dialogues, ça peut rapidement avoir un aspect très artificiel soulignant que ledit dialogue n’a pas pour fonction de faire progresser l’action, mais de déployer les éléments culturels de contexte.
C’est un défaut que je repère assez souvent dans les premières pages de certains romans où les premiers dialogues sont là pour planter le décor, mais cherchent à en dire trop pour que cela puisse garder l’aspect d’un vrai dialogue naturel.
Cette maladresse est sans conteste liée à la petite taille du roman, et à certains moments les explications académiques qui nous sont exposées viennent briser le rythme de l’action et créer des longueurs m’amenant à me demander quelle place il restera à la résolution de l’intrigue.
Toutes ces informations auraient nécessité d’être davantage délayées dans l’action, de manière subtile pour ne pas assommer le lecteur. Mais pour ce faire, il aurait alors fallu que le roman soit plus long. Je doute que le « Nom de la Rose » ait été aussi plaisant à lire s’il avait été plus court.
En outre, que de personnages ! Ils sont fort nombreux ! Et si on ajoute toutes les informations historiques, religieuses, aux nombre de personnages à mémoriser là, c’est vraiment trop pour une mémoire déjà saturée.
D’autant que tous ces personnages ont des noms au sonorités barbares, exotiques ou originales, bien éloignées de nos habitudes, ce qui rend la mémorisation encore plus compliquée. Parfois j’étais complètement perdue et j’avais l’impression de lire un ouvrage de fantasy de l’ère hyperboréenne !
Et je passe sur les liens d’alliances, d’inimitiés ou familiaux complexes (les familles recomposées n’ont pas attendu le XXe siècle pour apparaître en Occident !!!) entre tous ces personnages qui sont évidemment à assimiler si l’on veut pouvoir comprendre les éventuels mobiles du meurtrier.
Effectivement, un meurtre a toujours un mobile… et débusquer tous les motifs pour lesquels on aurait pu vouloir la mort des victimes, et les liens possibles entre ces mobiles, c’est une nécessité incontournable de l’enquête.
Aussi le lecteur doit alors essayer de tous enregistrer… ou y renoncer et donc… renoncer à participer à l’enquête en essayant de devancer la sagacité de l’héroïne. Il est pourtant là le plaisir de la plupart des lecteurs de polars, non ?
Quand tout cela vous tombe sur la tronche en quelques dizaines de pages c’est tout de même beaucoup et une telle densité n’est pas forcément très heureuse.
Moi, ça m’a réduite d’emblée à une position passive et de renoncement à tout comprendre ou à essayer de mener l’enquête aux côtés de Fidelma. Je l’ai suivie passivement… En spectatrice peu certaine de comprendre ce qu’elle lisait. C’est une posture qui m’a été assez peu agréable, peu stimulante. Et comme j’ai tendance à m’endormir facilement quand je lis, j’avoue avoir régulièrement piqué du nez.
Par ailleurs, je suis parfois assez perplexe avec certaines approximations utilisées par les auteurs ou les traducteurs quand les romans sur fond historique.
La vulgarisation auprès du grand public encourage assez ce phénomène qui m’avait heurtée il y a quelques années quand dans un livre de Christian Jacq sur l’époque pharaonique j’ai lu qu’il faisait « prendre leur douche » à ses personnages là où un bain ou une toilette aurait été plus compréhensibles, ou faisait intervenir une « gynécologue » là où un médecin ou une sage-femme aurait été moins anachroniques.
Là, je ne sais trop quoi penser de la fonction « d’avocate » attribuée à Sœur Fidelma. Le mot « lawyer » en anglais peut se traduire de différentes manières, et dans le cas présent, le terme de « juriste » m’eut paru plus indiqué car le mot « avocat » peut nous renvoyer à des représentations très différentes de ce à quoi peut correspondre le parcours de Fidelma dans son contexte historique particulier.
La profession d’avocat ne s’est développée sous la forme que nous lui connaissons en France qu’aux alentours du XIIIe siècle… Peut-être existaient ils ailleurs avant ? Mais certainement pas tout à fait comme nous les voyons aujourd’hui.
Et quand on nous parlera du « divorce » d’un roi chrétien, on pourra être interloqués si nous restons sur l’idée que l’Eglise ne reconnaît pas le divorce. Le terme de « répudiation » (séparation demandée par le mari, et validé par les autorités) n’aurait-il pas été plus judicieux que le divorce (prononcé par une autorité tierce, extérieure au couple) ?
Alors oui, quand on sait qu’alors le mariage n’était pas encore un sacrement chrétien à l’époque, mais un simple arrangement financier entre familles, peut être comprend-on mieux… Mais ça n’est pas expliqué.
En fait tout au long du roman j’aurais l’impression que l’auteur soit va trop loin dans ses explications (trop lourdes ou maladroites au moment où il les donne), ou alors qu’il n’en donne pas assez pour que je puisse comprendre clairement de quoi il parle.
Sans oublier les mots moyenâgeux en langues anciennes locales, liés aux fonctions ou statuts parfois non expliqué, ou insuffisamment expliqués…
Je ne saurai trop à qui attribuer ces approximations (à l’auteur ? à la traductrice ?), mais quoi qu’il en soit, le résultat est que j’imagine que d’autres approximations ont pu m’échapper étant donné que je ne connais rien à cette époque particulière, et que je peux avoir été induite en erreur dans les subtilités de ce qui me sera expliqué sur le contexte historique.
De fait, je ne suis pas sûre de ce que je croirai avoir appris de ma lecture et n’en serait pas franchement satisfaite pour l’édification de ma culture générale. Et ça c’est un peu décevant.
L’intrigue est honorable mais n’a pu que souffrir dans son développement des défauts inhérents au trop faible nombre de pages et au déséquilibre entre son traitement et la présentation du contexte historique.
En outre, je me demande même si l’héroïne est si sympathique que cela. Elle est parfois un brin pète-sec et limite imbue d’elle-même face à certains personnages à qui elle va reprocher la même chose.
Comme elle a beaucoup investi le champ du savoir, la question de savoir qui a le plus grand savoir va revenir sur le tapis à chaque rencontre décisive et j’ai trouvé ça limite pénible. Je sais que c’est dur d’être reconnue en tant que femme de tête et encore plus à cette époque…
Mais les concours de quéquettes qui m’ennuient déjà quand ils opposent des hommes, me navrent carrément quand ils impliquent aussi des femmes qui acceptent de s’approprier les défauts des hommes. Mais l’auteur étant un homme, il a peut-être oublié que les femmes et qui plus est quand elles sont instruites, évitent de se vautrer dans leurs travers ?
Bon elle n’a pas que des mauvais côtés évidemment, mais en même temps l’auteur la rend tellement surhumaine que forcément ça n’en est pas totalement crédible parce que… je me sens jalouse.
Ce livre est la première aventure de Sœur Fidelma. Peut-être ne s’agit-il que d’un tour de chauffe et que l’auteur a pu poursuivre son œuvre en s’appesantissant moins sur le contexte ou du moins en équilibrant mieux l’intégration des éléments historiques au développement de l’intrigue ?
Anybref, avant de mettre ma note, je rappelle que celle-ci n’est jamais représentative que du plaisir que j’ai pu prendre (ou pas) à lire un livre, ce qui signifie que quelqu’un d’autre pourrait tout à fait avoir envie de donner une autre note que la mienne en fonction du plaisir qu’il ou elle aura pu y trouver.
Ne vous arrêtez pas à mon avis si le sujet peut vous intéresser. Au contraire, lisez le livre et venez me dire en quoi vous seriez d’accord ou non avec moi.
Mais moi vous l’aurez bien compris… je n’ai pas eu ici le plaisir escompté en me lançant dans cette lecture.

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