Toute la poussière du chemin : Wander Antunes et Jaime Martin

Titre : Toute la poussière du chemin

Scénariste : Wander Antunes 🇧🇷
Dessinateur : Jaime Martin 🇪🇸

Édition : Dupuis Aire libre (2010)

Résumé :
Bien loin du rêve américain, Wander Antunes et Jaime Martin nous entraînent sur les routes poussiéreuses du sud des États-Unis, à la suite de milliers d’hommes chassés de chez eux par la crise de 1929.

L’un d’entre eux, Tom, fuit l’ombre d’un passé que l’on devine douloureux. Misanthrope muré dans le silence et la solitude, il va pourtant accepter de partir à la recherche d’un enfant disparu.

Le visage de l’Amérique qu’il va rencontrer, au gré de ses pérégrinations, va être celui de la violence, du racisme et de l’injustice, exacerbés par la crise que traverse le pays.

Un récit âpre, qui raconte la quête d’un homme seul face à l’iniquité des représentants de l’ordre et à la brutalité d’hommes sans foi ni loi, dont la force évocatrice n’est pas sans rappeler les écrits réalistes et politiques de Georges Orwell.

Critique :
La crise économique de 1929 a jeté des gens sur les routes, sans oublier le Dust Bowl. Les banques ont tout pris aux fermiers, aux pauvres gens et ensuite, elles ont fait faillite (les hauts placés sont sans doute foutu le camp avec le fric des autres).

Tom fait partie de ces hobboes qui voyagent en train, dans cette Amérique exsangue, dans ce Sud ségrégationniste, raciste, méchant, violent, meurtrier, où les gens n’ont que les mots « nègres » et « lynchage » à la bouche.

Le road-trip de Tom n’est pas de tout repos. Lorsqu’un pays est en crise, la solidarité fout souvent le camp la première et on a l’impression que le cerveau reptilien est seul aux commandes, tant les gens deviennent agressifs, violents, avec des tendance meurtrière. C’est le replis sur soi. L’ignorance mène à la peur, la peur mène à la haine et la haine à la violence.

J’ai apprécié les dessins dans des tons lavés, jaunâtre, ces visages pas toujours détaillé. Bizarrement, ça a passé comme une lettre à la poste. Idem avec le scénario, qui est simple, mais très fort, très profond.

Si le récit semble saccadé, il se lit pourtant très facilement et trouve son rythme assez vite, nous emportant dans cette Amérique de 1929 où l’on voyage en schmet dans les wagons de trains de marchandises.

Tom est un personnage tourmenté, mais attachant, on apprendra plus tard ce qui le tourmente ainsi. Au moins, lui, ne perd pas son humanité, alors qu’il était si facile de la paumer sur les chemins poussiéreux et semés d’embûches (et des types armés), de devenir égoïste et de bouffer les autres pour ne pas être bouffé aussi.

Une bédé forte, âpre, qui ne fait pas dans le sentimentalisme, même si elle laisse la porte entrouverte pour apporter un peu de lumière dans ce monde sombre, rempli de brutes armées de gourdins, de flingues et qui n’hésite pas à tirer sur tout ce qui n’appartient pas à leur ville, village… Les flics n’étant pas mieux.

Ce petit côté manichéen ne m’a pas empêché de savourer cette bédé, car tout le monde n’était pas mauvais dans l’affaire et la solidarité, même en voie de disparition, se débattait encore pour exister.

Une bédé à découvrir, assurément !

Challenge Thrillers et Polars de Sharon (du 12 Juillet 2022 au 11 Juillet 2023) [Lecture N°187] et Le Mois Espagnol et Sud Américain – Mai 2023 – Chez Sharon [Fiche N°13].

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Blackwater – 06 – Pluie : Michael McDowell

Titre : Blackwater – 06 – Pluie

Auteur : Michael McDowell
Édition : Monsieur Toussaint Louverture (17/06/2022)
Édition Originale : Blackwater, book 6: Rain (1983)
Traduction : Yoko Lacour & Hélène Charrier

Résumé :
Si le clan Caskey accuse le poids des ans, il est loin de s’être assagi : révélations écrasantes, unions insolites et réceptions fastueuses rythment leur vie dans une insouciance bienheureuse.

Mais quelque chose surplombe Perdido, ses habitants et ses rivières. Le temps des prophéties est enfin venu.

Critique :
Et voilà, c’est fini… La saga de la famille Caskey est terminée. Je voulais attendre un peu plus avant d’entamer le dernier tome, mais je n’ai pas su résister longtemps : je voulais savoir ! Tout en ayant peur d’être déçue par le final.

Mettons fin au suspense tout de suite, le final était à la hauteur et il ne pouvait se dérouler autrement. La boucle est bouclée…

Une fois de plus, nous suivons l’évolution de la famille Caskey qui devient encore plus riche que riche, sans que pour autant ils ne développent des choses bien avec leurs fortunes. Malgré tout, certains personnages évoluent.

Sister continue de s’enfoncer dans l’imbécilité, à se transformer en Mary-Love (sa mère acariâtre qui faisait marcher tout le monde à la baguette) et Lilah, la fille de Frances, devient pire que Miriam au même âge, tandis que Miriam, elle, s’est assagie un peu.

Plus d’horreur et de fantastique, dans ce dernier tome et ce qui était dans la rivière, mort, n’était pas sans doute assez mort puisque ces esprits sortiront de l’eau et pas que pour chatouiller les pieds des dormeurs.

Ce sont des passages d’épouvante, mais je n’ai pas compris pourquoi les morts dans la rivière sortaient maintenant pour demander des comptes. Parce qu’ils sentaient qu’Elinor vieillissait et qu’elle perdait de son pouvoir de transformation ? Dans la scène finale, je l’ai compris, mais pas avant… Sauf si c’est pour dire qu’un jour, tout se paie, surtout les crimes.

Anybref, ce n’est pas le plus important ! La saga est finie… L’histoire a commencée en 1919, lors de la crue et nous terminons ce sixième tome en 1969 : les personnages ont pris un coup de vieux, d’autres sont mort, des enfants sont nés, des petits-enfants aussi.

Cette saga, c’est 50 ans d’histoire américaine, même si nous n’aurons que peu d’échos de ce qu’il se passe ailleurs, puisque c’est aussi un huis-clos dans la ville de Perdido, une ville du Sud, en Alabama…

Au moins, chez les Caskey, le personnel Noir est bien traité et bien payé. Mais on sent tout de même, chez les plus anciens, une sorte de déférence envers les maîtres Blancs.

Les Caskey m’ont marqué, notamment dans le fait que les femmes aient toujours eu leur mot à dire, qu’elles soient les plus fortes, que l’homosexualité féminine ne soit pas fustigée et dans le fait que chez eux, on se « vole » les bébés ou les enfants…

Mary-Love avait pris Miriam, le nouveau-né de son fils, Elinor prendra Lilah, sa petite-fille, qui se fera ensuite voler par Miriam, tandis que Quennie empruntera son petit-fils durant 7 ans… Et si Lilah avait voulu des enfants, Miriam (sa tante) lui en aurait pris un, elle le dira elle même. Heu, les gars, c’est pas normal de voler les enfants des autres !

S’il ne pouvait en être autrement du final, ne vous attendez pas à recevoir toutes les réponses à vos questions sur Elinor et sa race. Il restera des questions sans réponses, à nous d’y répondre, ou de laisser planer les mystères. Cela ne m’a pas dérangé.

Cette saga en 6 volumes, en plus d’en jeter dans la biblio grâce à ses magnifiques couvertures, est une saga que j’ai adoré, sans pour autant que ce soit des coups de cœur, mais j’ai aimé les ambiances, les atmosphères, les auras de mystères, l’Histoire de l’Amérique, vue au travers du prisme de cette famille étonnante, où j’ai aimé des personnages plus que tout et détesté d’autres (et aimé les détester).

Une saga qui m’a attrapée et qui ne m’a plus lâchée, même si j’ai espacé dans le temps la lecture des 6 tomes. Une saga qui m’a tenue en haleine avec peu de choses, sans que jamais je ne m’ennuie une seule seconde. Un mystère ! Une belle découverte.

Blackwater – 05 – La Fortune : Michael McDowell

Titre : Blackwater – 05 – La Fortune

Auteur : Michael McDowell
Édition : Monsieur Toussaint Louverture (03/06/2022)
Édition Originale : Blackwater, book 5: The Fortune (1983)
Traduction : Yoko Lacour et Hélène Charrier

Résumé :
Le clan Caskey se développe et se transforme. Certaines branches font face à la mort, d’autres accueillent la vie.

Entre rapprochements inattendus, haines sourdes et séparations inévitables, les relations évoluent. ­Miriam, ­désormais à la tête de la scierie et noyau dur de la famille, continue à faire grandir la richesse.

Suite à une découverte surprenante et miraculeuse – excepté pour une personne –, c’est la ville entière qui va bientôt prospérer. Mais la soudaine fortune suffira-t-elle alors que la nature commence à ­réclamer son dû ?

Critique :
Une fois de plus, j’ai adoré ce cinquième et avant-dernier tome de la saga consacrée au clan Caskey.

La fortune sourit aux audacieux, mais surtout à ceux qui ont un don pour renifler du pétrole (sans avions renifleurs). Elinor en a la capacité et son don va permettre à la famille de devenir encore plus riche qu’ils n’étaient.

Oui, mais, cela à un coût, non ?

Comme d’habitude, on ne peut pas dire que ce récit est trépidant et pourtant, j’y étais accrochée, impossible de le lâcher, j’aurais bien poursuivi mon voyage pour avoir encore du temps de lecture.

Le côté fantastique a toujours été ténu, dans la saga, même si l’on sait, depuis le départ, que Elinor n’est pas comme tout le monde. Dans ce cinquième tome, le fantastique est plus présent, sans pour autant que cela dérange, on s’y est habitué depuis le début, à la créature.

Dans le final, on a à nouveau un gros truc important qui se passe, d’ailleurs, on l’avait senti venir. Un personnage, un des importants, change totalement, se retirant de plus en plus à l’intérieur d’iel-même (no spolier, même sur le sexe), alors qu’un autre dépasse les bornes en décidant de ne plus bouger son cul et de transformer un membre de sa famille en esclave.

Le tome 6, le dernier, m’attend sur la table, j’ai envie de sauter dessus et d’un autre côté, je repousse ce moment, parce qu’ensuite, je devrais dire bye-bye à la famille Caskey et depuis le premier tome, je l’adore.

Surtout que dans cette famille, les femmes ont leur mot à dire et leur rôle à jouer et pas que dans une cuisine !

Un excellent tome qui nous apprend un peu plus sur les créatures, sans pour autant apporter toutes les réponses, Elinor ne les connaissant pas toutes non plus.

O’Boys – Intégrale Couleur : Steve Cuzor et Philippe Thirault

Titre : O’Boys – Intégrale (Le sang du Mississippi / Deux chats gais sur un train brûlant / Midnight Crossroad)

Scénariste : Philippe Thirault
Dessinateur : Steve Cuzor

Édition : Dargaud

Résumé :
Philippe Thirault, Stephan Colman et Steve Cuzor signent avec cette série une magnifique évocation de l’Amérique des années 1930, sur fond de racisme et de blues…

Cette intégrale d’O’Boys réunit les trois épisodes de l’histoire deux jeunes gens qui, ensemble, vont accomplir un fabuleux périple qui deviendra un véritable apprentissage de la vie…

Un récit puissant qui restitue l’ambiance dans le sud des États-Unis des années 1930 : l’univers de Mark Twain, John Steinbeck ou Jack London. Une Amérique sur fond de blues et de racisme…

Critique :
Cette série fut d’abord éditée en trois tomes, que je viens de lire. Afin de ne pas faire trois chroniques, je n’en ferai qu’une seule et ce sera avec l’intégrale.

Me voici, une fois de plus, dans l’Amérique sudiste des années 30 : la raciste, la ségrégationniste (le Nord ne vaut pas mieux), celle des hobos, de la crise de 29, de la violence, du chômage, de l’exil… Bienvenue au Mississipi !

Cette série met en scène un jeune garçon nommé Huck Finn et son frère, Tom… Heu, attendez un peu, là ! Ce sont les personnages emblématiques des romans de Mark Twain !

En fat, ces bédés, sont une sorte de réécriture plus moderne des aventures de Huckberry Finn, qui, dans le roman, s’enfuyait sur un radeau, en compagnie d’un esclave Noir. Dans ce récit, nous sommes dans les années 30 et c’est un terreau fertile pour développer un magnifique récit, fait de sang, de violence, de racisme et de musique.

J’ai vite oublié le roman original, tant cette bédé était riche, scénaristiquement et historiquement parlant. Sans compter les dessins, très bien faits, détaillés.

Huck a une bouille sympathique, même si son personnage n’appelle pas à la sympathie, ni à la compassion, malgré les malheurs qui le frappe. Élevé à la dure, il ferait n’importe quoi pour continuer sa vie de bohème, c’est un égoïste, même s’il évoluera au fil des trois albums.

Dans ces bédés, on y retrouve tous les ingrédients des années 30, avec les Noirs, toujours victimes de la ségrégation, qui jouent de la musique dans des bouges infâmes, avec les hobos qui voyagent clandestinement sur les trains, la misère, le chômage,…

Ce récit, c’est un voyage dans l’Amérique, sans payer son billet de train, mais attention, c’est un voyage violent : il y aura des morts, des accidents, et pas toujours de la solidarité entre les clandestins. N’oublions pas que Huck voyage avec Charley, un Noir et que ce n’est pas bien vu. Comme il n’est pas bien vu, dans les bouges Noirs, qu’un jeune Blanc y fasse son entrée.

Anybref, O’Boys n’est pas pour les enfants (évitez de laisser trainer, on aura une tête coupée et du sang), mais c’est parfait pour les adultes (sauf les trop sensibles).

C’est l’histoire d’un road movie initiatique totalement fou, mais réaliste, et qui permettra aux auteurs de nous parler de cette Amérique des années 30 où il fallait traverser tout le pays pour espérer trouver du boulot (maintenant, faut juste traverser la rue, c’est plus cool – ironie), une Amérique où les inégalités étaient importantes (zut, elles le sont toujours), le racisme omniprésent (décidemment, rien ne change), le tout sur le son des guitares et des chansons de blues.

De la grande bédé !

♫ Il y a longtemps sur des guitaresDes mains noires lui donnaient le jourPour chanter les peines et les espoirsPour chanter Dieu et puis l’amourLa musique vivraTant que vivra le blues ♪

(La Musique que j’aime – Johnny Hallyday)

Challenge Thrillers et Polars de Sharon (du 12 Juillet 2022 au 11 Juillet 2023) [Lecture N°173].

No home : Yaa Gyasi

Titre : No home

Auteur : Yaa Gyasi
Éditions : Calmann-Lévy (2017) / Livre de poche (2018)
Édition Originale : Homegoing (2016)
Traduction : Anne Damour

Résumé :
Maama, esclave Ashanti, s’enfuit de la maison de ses maîtres Fantis durant un incendie, laissant derrière elle son bébé, Effia. Plus tard, elle épouse un Ashanti, et donne naissance à une autre fille, Esi.

Ainsi commence l’histoire de ces deux demi-sœurs, Effia et Esi, nées dans deux villages du Ghana à l’époque du commerce triangulaire au XVIIIe siècle.

Effia épouse un Anglais et mène une existence confortable dans le fort de Cape Coast, sans savoir que Esi, qu’elle n’a jamais connue, est emprisonnée dans les cachots du fort, vendue avec des centaines d’autres victimes d’un commerce d’esclaves florissant avant d’être expédiée en Amérique où ses enfants et petits-enfants seront eux aussi esclaves.

Grâce à un collier transmis de génération en génération, l’histoire se tisse d’un chapitre à l’autre : un fil suit les descendants d’Effia au Ghana à travers les siècles, l’autre suit Esi et ses enfants en Amérique.

Critique :
No Home est le récit d’une saga familiale qui va faire le grand écart puisque la descendance d’Effia restera au Ghana, tandis que toute la branche d’Esi, sa demi-soeur, vivront aux États-Unis, suite à la déportation d’Esi sur un navire négrier.

L’originalité de ce roman, c’est que chaque chapitre nous offre un protagoniste différent, alternant les descendants des deux demi-sœurs et remontant le fil du temps, de 1760 à nos jours.

C’est ainsi que chaque génération vivra une vie différente de la précédente. Au Ghana, les descendants d’Effia sont des esclavagistes et vivront, en partie, de la traite négrière.

En Amérique, sur la lignée d’Esi, nous explorerons l’esclavage, la ségrégation raciale, l’exploitation des Noirs, l’iniquité des lois des Blancs, puisqu’un Blanc sera condamné à 9 ans de prison (et de travaux forcés dans les mines) pour un meurtre et qu’un Noir sera condamné à la même peine pour avoir regardé une Blanche (qu’il n’avait même pas regardé en plus).

Le récit ne faiblit jamais, sauf avec les deux derniers protagonistes, où j’ai trouvé qu’il y avait moins à dire. Malgré tout, leur récit était intéressant puisqu’il clôturait cette saga sur une note positive.

Chaque chapitre aurait pu être un roman à part entière et il était frustrant de quitter un personnage, auquel on s’était attaché, avant que l’on ne soit subjuguée, à nouveau, par le suivant et son histoire personnelle.

Effectivement, j’aurais préféré passer plus de temps avec certains personnages, tant leur histoire était riche (et malheureusement terrible), tant j’aurais aimé en apprendre plus sur eux, sur ce qu’il s’était passé, durant les ellipses et ne pas me contenter de quelques phrases.

C’est un roman palpitant, passionnant, ambitieux et qui n’a rien à voir avec ceux que j’ai déjà lu, notamment grâce à sa construction bien pensée, mais aussi à la plume de l’autrice, qui était simple, sans être simpliste et si agréable à suivre.

L’autrice ne sombre jamais dans le pathos, d’ailleurs, elle aurait pu aller encore plus loin, mais elle a préféré ne pas s’appesantir sur certaines choses, comme l’horreur et l’inhumanité des voyages des négriers, de l’esclavage, de la ségrégation…

Avec peu de mots, quelques phrases bien senties, l’autrice en dit assez pour que même le plus ignare des lecteurs comprenne bien tout l’ignominie d’un pareil trafic, toute la brutalité de l’esclavage et l’iniquité de la ségrégation.

Un roman puissant, une belle lecture. Un voyage sans concession dans le pays de La Côte de l’Or, devenu le Ghana ensuite et dans les États-Unis des années sombres.

Wake up America – Tome 1 – 1940-1960 : John Lewis, Andrew Aydin et Nate Powell

Titre : Wake up America – Tome 1 – 1940-1960

Scénaristes : John Lewis & Andrew Aydin
Dessinateur : Nate Powell

Édition : Rue de Sèvres (08/01/2014)
Édition Originale : Wake Up America
Traduction : Basile Béguerie

Résumé :
Une peinture de la société américaine des années 60, racontée à partir de la vie de John Lewis, démocrate, icône américaine, le seul encore vivant du groupe des Big Six dont faisait partie Martin Luther King.

Ce premier tome retrace le début des sits in et la mise en pratique de la politique de non violence.

Critique :
Cette série, en 3 albums, est l’autobiographie romancée du militant et député noir américain John Lewis.

Le premier volume est consacré à sa jeunesse dans l’Alabama. La ségrégation n’a plus lieu d’être, mais dans les états du Sud, c’est une seconde nature et les Blancs la pratiquent encore et toujours.

Le récit commence avec l’arrivée au pouvoir de Barak Obama et le sénateur John Lewis qui reçoit des jeunes enfants dans son bureau. Il va alors replonger dans ses souvenirs.

Au départ, l’histoire ne manque pas d’humour, avec le jeune John qui, voulant être prédicateur, se livrait à des sermons devant une congrégation des plus improbable : les poulets de la famille.

Cet album retrace une partie des combats livrés par les Afro-américains pour tenter de faire respecter leurs droits, notamment en faisant des sitin dans des cafés où l’on refusait de les servir, en boudant les bus et les commerces.

Les dessins, noir et blanc, sont réalistes et vont droit au but. Il y a une belle maîtrise graphique et j’ai adoré.

Alors non, je n’ai rien appris de neuf sur la lutte des Noirs pour obtenir des droits. J’avais déjà appris bien des choses dans le roman Power de Michaël Mention et dans Harlem Shuffle de Colson Whitehead.

Malgré tout, il n’est jamais mauvais de se les remettre en mémoire, afin de ne pas oublier les saloperies de l’Histoire (enfin, des Hommes, l’Histoire, elle, elle se laisse écrire) et de se dire que rien n’est jamais gagné pour les minorités, quand bien même une minorité est la moitié de l’humanité (les femmes), qu’il faut toujours se battre, être vigilant et que oui, à la fin, on s’épuise…

Si les droits civiques des Afro-Américains ont changé ensuite, eux aussi doivent rester éveillés et sur le qui-vive, car l’Amérique fait des bonds en arrière en matière de droits et de libertés, tout comme chez nous, en Europe.

Un comics riche en émotions, en Histoire, en combats. Un récit qu’il faudrait faire lire aux plus jeunes, qui ne savent pas ou à toutes celles et ceux qui ont la mémoire courte, sélective, qui sont dans le déni, le négationnisme, la ségrégation, la suprématie. Bien que je me demande si un jour ils changeront, ces racistes… Pas sûr, malgré tous les récits du monde.

Un comics dont j’ai hâte de lire la suite.

 

Blackwater – 04 – La Guerre : Michael McDowell

Titre : Blackwater – 04 – La Guerre

Auteur : Michael McDowell
Édition : Monsieur Toussaint Louverture (19/05/2022)
Édition Originale : Blackwater, book 4: The War (1983)
Traduction : Yoko Lacour et Hélène Charrier

Résumé :
La guerre est finie, vive la guerre ! Une nouvelle ère s’ouvre pour le clan ­Caskey : les années d’acharnement d’Elinor vont enfin porter leurs fruits ; les ennemies d’hier sont sur le point de devenir les amies de demain ; et des changements surviennent là où personne ne les attendait.

Le conflit en Europe a fait affluer du sang neuf jusqu’à Perdido, et désormais les hommes vont et viennent comme des marionnettes sur la propriété des Caskey, sans se douter que, peut-être, leur vie ne tient qu’à un fil.

Critique :
♫ Mais qu’est-ce qu’il a, doudou didonc ?
Blackwater Blackwater, c’est trop ! C’est bon ! ♪

Impossible de dire ce qu’il y a dans Blackwater pour provoquer une telle addiction ! Le fait est là, depuis la première page du premier tome, je suis sous le charme et bien incapable de dire pourquoi.

Dans cette saga familiale, il n’y a rien d’exceptionnel, pas d’aventures folles, pas de tension à couper au couteau, le fantastique reste ténu, l’écriture est simple (sans être gnangnan), et malgré tout, une fois ce quatrième tome ouvert, j’ai eu bien du mal à le refermer avant le mot « Fin ».

Dans ce quatrième tome, tout le monde a vieilli ou grandi… Frances et la peste de Miriam sont devenues des jeunes filles, Mary-Love n’est plus là pour foutre la merde dans la famille (la discorde), James a pris un coup de vieux et si la guerre n’est pas encore déclarée, les temps sont en train de changer.

Les femmes ont une place importante, dans la famille Caskey, ce sont elles qui dirigent, qui prennent les décisions et c’est sans doute ce qui me plait dans cette saga : les femmes ne sont pas des petites choses fragiles, elles se battent pour obtenir leur place méritée.

La récession est passée par là, le crash de 1929 aussi et on sent bien que tout le monde est touché par l’effondrement de l’économie. Des magasins ont fermé, les autres scieries aussi, la ville de Perdido vivote et ce sera la guerre qui la fera repartir en avant, notamment avec l’essor de la scierie des Caskey. Par contre, personne n’échappera aux tickets de rationnement et au fait que les jeunes hommes doivent s’engager.

Si le rythme n’est pas effréné, les personnages ont bien évolués, changés, pris de la bouteille, certains ayant un rôle plus important dans ce tome 4. On ne peut pas dire qu’on reste les bras croisés durant 250 pages ! Frances va en apprendre plus sur ce qu’elle est vraiment… Oui, l’élément fantastique est plus important que dans les précédents, mais sans jamais devenir trop prégnant.

Cette saga, c’est comme les eaux noires de la Blackwater ou les rouges de la Perdido : lorsque l’on plonge dedans, on est immédiatement aspiré dans un tourbillon dont il est difficile de se dépêtrer. On y est aspiré et entraîné vers le fond.

Non, non, toutes celles et ceux qui ont plongé dans les eaux troubles des deux rivières n’ont absolument pas envie qu’on leur jette une bouée de sauvetage !! On veut juste lire la saga en entier et espérer qu’ensuite, on pourra reprendre une vie normale…

Blackwater, c’est une saga familiale et fantastique qu’il faut découvrir, si ce n’est déjà fait. C’est addictif, sans pour autant posséder de l’action. En fait, ce sont les personnages qui font que l’on ait envie de poursuivre la saga. On les aime comme s’il faisait partie de notre famille. Une famille un peu bizarre, certes, mais qui ne se laisse jamais abattre.

Allez, vivement la suite !

Challenge Thrillers et Polars de Sharon (du 12 Juillet 2022 au 11 Juillet 2023) [Lecture N°163].

Jim Thorpe – La légende Amérindienne du football : Kevin Lecathelinais et Georges Chapell

Titre :Jim Thorpe – La légende Amérindienne du football

Scénariste : Kevin Lecathelinais
Dessinateur : Georges Chapelle et Emmanuel Michalak

Édition : Delcourt (05/10/2022)

Résumé :
En 1904, Jim quitte la Première nation Sauk et Fox pour le collège de Carlisle, où l’on rééduquait les enfants amérindiens. Sur le terrain de football (américain) comme sur les pistes d’athlétisme, l’entraineur Pop Warner va pousser Jim à donner le meilleur de lui-même, jusqu’aux podiums de Stockholm ou au fameux match contre les cadets de West Point dirigés par Ike Eisenhower.

Critique :
Le sport et moi, ça fait deux. Je ne fais pas de sport, jamais de sport, si ce n’est monter à cheval (et oui, c’est du sport).

Le football américain m’est totalement inconnu et je n’ai absolument pas envie d’en savoir plus.

Cette bédé n’était, en principe, pas faite pour moi et pourtant, je n’ai pas regretté cet achat !

Né né en 1887 dans l’Okhlahoma, Jim Thorpe était l’un des plus grands sportifs américain, qu’il était d’origine Amérindienne et que cet album, bien qu’il parle de sport, parle aussi de dépassement de soi, de racisme, de ségrégation et d’injustice.

Ben voyons, si Jim Thorpe avait été un WASP (White Anglo-Saxon Protestant), sa carrière aurait été différente et la reconnaissance des autres aurait été différente ! Là, il n’était question que d’emplumés Rouges contre des Blancs, puisque l’équipe de Jim était composée uniquement d’Amérindiens, provenant du magnifique collège Carlisle où il fallait tuer l’Indien en eux et en faire de parfaits petits américains…

Ironie, bien entendu ! C’étaient des collèges monstrueux où l’on extirpait, de force la culture des Amérindiens, où on l’effaçait, la réduisait en miettes. Finalement, ces pauvres gosses se retrouvaient dénués de tout, sans pour autant être devenu des Américains.

De toute façon, dans cette Amérique des années 20, profondément raciste, il leur aurait été impossible d’être accepté.

Modeste n’étant pas le second prénom de Jim Thorpe, ses fanfaronneries, vantardises, son orgueil, irritaient les autres au plus haut point. Lui, était fier de ses origines.

Pourtant, Jim n’était pas qu’un vantard, ce qu’il disait, il le réalisait ! Même des trucs de fous au football américain, avec une cheville blessée ou une course avec deux chaussures différentes qui ne lui appartenaient pas.

Les dessins sont réalistes, ne manquant jamais de dynamismes et on s’attache très vite à ce grand gaillard qui sourit tout le temps et qui ne se laisse jamais abattre par les saloperies que les autres pouvaient lui réserver. C’était un véritable athlète qui brillait dans tout ce qu’il touchait.

Alors oui, cette bédé parle de sport, pourtant, malgré mon allergie au foot, qu’il soit européen ou américain, je peux vous assurer que ce fut un plaisir de lire cette bédé, d’aller me coucher moins bête et d’apprendre qu’un Amérindien, un jour, fut le plus grand athlète d’Amérique et qu’il joua même un match contre les cadets de West Point dirigés par Ike Eisenhower qui voyait ce match comme une revanche après la défaite américaine à Little Big Horn… T’es très raciste, Ike !

Le pays tout entier est raciste, hélas… et la grande gueule de Jim lui fera perdre toutes ses médailles, parce qu’un jour, il avait joué au base-ball de manière professionnelle, sans changer son nom et que les athlètes des J.O ne pouvaient pas être des sportifs professionnels. Ou comment chercher la petite bête parce que l’on a pas envie que les sportifs Blancs se fassent damer le pion par un Amérindien…

Une bédé qui ne manque pas d’émotions, qu’elles soient de joies quand Jim gagne tout ou plus tristes, lorsqu’il repense à son frère et qu’il tente de tenir les promesses qu’il lui avait faite, quand ils étaient gosses.

Le cahier qui se trouve en fin d’album nous en apprendra plus sur Jim Thorpe et sur l’injustice américaine qui n’aime pas qu’on lui ravisse les premières places… Surtout quand on est pas un WASP…

L’année 2023 commence bien, du point de vue des lectures ! Pourvu que ça dure !

Blackwater – 03 – La Maison : Michael McDowell

Titre : Blackwater – 03 – La Maison

Auteur : Michael McDowell
Édition : Monsieur Toussaint Louverture (05/05/2022)
Édition Originale : Blackwater, book 3: The House (1983)
Traduction : Yoko Lacour et Hélène Charrier

Résumé :
1928 à Perdido. Alors que le clan Caskey se déchire dans la guerre intestine et sans merci que se livrent Mary-Love et sa belle-fille, et tandis que d’autres crises – conjugales, économiques, existentielles – aux répercussions défiant l’imagination se profilent, dans les recoins sombres de la maison d’Elinor, la plus grande de la ville, les mauvais souvenirs rôdent et tissent, implacables, leurs toiles mortelles.

Critique :
Cette fois-ci, je suis retournée à Perdido sans traîner en chemin tant j’avais hâte de retrouver la famille Caskey.

Si je devais expliquer pourquoi à quelqu’un qui n’a jamais lu cette saga, je pense que j’aurais du mal à lui donner de bonnes raisons, tant c’est un tout.

L’élément fantastique est toujours présent, en tapinois, planqué dans le placard et dans le personnage d’Elinor.

Il fiche la trouille, même utilisé avec parcimonie, à la limite de l’horrifique que n’aurait pas renié Stephen King.

Le suspense ? Oui, il est présent, mais ce n’est pas l’élément principal de cette série, ni ce qui fait coller mes doigts aux pages.

Tout le sel de cette saga familiale tient dans ses personnages, dans les atmosphères, dans les dialogues, dans le contexte historique de l’Alabama, terre ségrégationniste, où les Noirs n’occupent jamais que des places subalternes, domestiques, ouvriers, sans réel espoir de se hisser au-dessus de leur condition, d’être premier de cordé. Pourtant, il y a des rues à traverser !

Un personnage important est Mary-Love, la matriarche castratrice, qui aime ses enfants, qui les aime trop et qui voudrait que cet amour soit exclusif : donc, pas de mariage et si mariage il y a, faut vivre chez elle, dépendre entièrement d’elle, dont une dépendance financière, ce qui ne plait à aucun enfant qui souhaiterait sa totale indépendance.

Elle fait partie des gens que l’on aimerait aller balancer dans l’enclos des alligators, mais cela leur donnerait des aigreurs à l’estomac. On la déteste, tout en la comprenant et en compatissant à sa demande d’amour exclusif, qui ne peut avoir lieu.

Ses manigances sont brutales, tout en étant en finesse et comme Elinor ne répond à rien, on se demande toujours quel prochaine merde elle va lui faire. Sur le final, Mary-Love et Elinor auront une discussion qui m’a passionnée et dégoûtée, tant Mary-Love étant dans le déni le plus total.

J’avais trouvé Elinor un peu en retrait dans le volume précédent, mais dans celui-ci, qui se déroule sur plusieurs années, elle va monter en puissance, se montrer intraitable et rabattre toutes les cartes. Sans que l’on sache vraiment quelles sont ses motivations secrètes.

Le seul bémol de ces romans, c’est qu’ils se lisent trop vite. Ou alors, c’est moi qui les dévore avec trop d’appétit. On avance dans le récit, mais bien des choses restent encore cachées et je n’ai qu’une envie, c’est de découvrir ce qui se cache sous tout cela.

Une saga qui m’a happée dès le départ, sans que je puisse vraiment expliquer pourquoi, juste que c’est prenant, addictif, rempli de mystères et que c’est bon.

Challenge Thrillers et Polars de Sharon (du 12 Juillet 2022 au 11 Juillet 2023) [Lecture N°98].

Blackwater – 02 – La Digue : Michael McDowell

Titre : Blackwater – 02 – La Digue

Auteur : Michael McDowell
Édition : Monsieur Toussaint Louverture (22/04/2022)
Édition Originale : Blackwater, book 2: The Levee (1983)
Traduction : Yoko Lacour et Hélène Charrier

Résumé :
Tandis que la ville se remet à peine d’une crue dévastatrice, le chantier d’une digue censée la protéger charrie son lot d’imprévus : main-d’œuvre incontrôlable, courants capricieux, disparitions inquiétantes…

Pendant ce temps dans le clan Caskey, Mary-Love, la matriarcale, voit ses machinations se heurter à celles d’Elinor, son étrange belle-fille, mais la lutte ne fait que commencer. Manigances, alliances contre-nature, sacrifices, tout est permis.

À Perdido, les mutations seront profondes, et les conséquences, irréversibles.

Critique :
Ayant un peu délaissé la petite ville de Perdido et la famille Caskey, je me suis empressée d’acheter le tome 2 (et le 3), afin de poursuivre ma découverte de cette saga familiale.

Tout comme pour le premier tome, j’ai eu du mal à lâcher celui-ci, tant j’étais impatiente de savoir si le digue allait se faire et s’il y allait avoir des morts.

Mais avant de jouer au maçon et au terrassier, j’ai suivi la passe d’arme entre Elinor et sa belle-mère, Mary-Love Caskey, castratrice de ses enfants.

Cette mère aime ses enfants, elle les étouffe, ne les laisse pas vivre leur vie, ne souhaitant même pas qu’ils se mariassent, ou alors, à ses conditions et en continuant de vivre avec elle.

La preuve, son fils, Oscar, qui gère la scierie familiale, ne touche qu’un salaire dérisoire, sa mère refusant qu’il puisse prendre son indépendance. S’il a besoin d’argent, il faut qu’il lui en demande, pareil pour les courses du ménage… Il serait temps que les enfants foutent leur mère dans la rivière.

Si Elinor est un peu en retrait dans ce deuxième tome, Sister, la sœur d’Oscar, sera mise en avant, lui donnant même la possibilité de tenir tête à sa mère, la fille ayant tiré des leçons des emmerdes que son frère a eu avant de se marier.

Le côté fantastique est toujours présent, mais tapi dans un recoin sombre. La scène la plus crue arrivera sur la fin du récit, dans toute sa violence, dans toute son ignominie.

Elinor n’est pas un ange, mais à ce petit jeu, Mary-Love Caskey a de quoi voir venir, elle qui ne s’embarrasse pas des personnes, réglant leur vie tel un dictateur, plaçant ses pions là où elle veut qu’ils aillent. Certes, elle n’a pas de sang sur les mains…

Comme pour le premier tome, celui-ci est addictif, sans pour autant qu’il y ait de l’action, des péripéties ou un suspense à couper au couteau.

Non, ce qui est important, dans la saga, ce sont les atmosphères, lourdes de mystères, ces petites allusions que l’auteur fait en fin de son roman et qui sentent bon le Stephen King, les monstres tapis sous les lits.

Ce qui fait tenir ce récit, ce sont les personnages, véritable glaise qui fait tenir les briques ensemble, comme l’argile qui compose cette digue… Sans eux et les mystères, le récit s’effondrerait.

Un roman fantastique qui colle aux mains et qu’il est difficile de poser ! Si la saga continue dans cette qualité de récit, je sens que je vais bien m’amuser.

Challenge Thrillers et Polars de Sharon (du 12 Juillet 2022 au 11 Juillet 2023) [Lecture N°96].