Titre : Les Enquêtes Secrètes de Sherlock Holmes – Jack l’Egorgeur
Auteur : Olivier Trouilhet
Édition : Planches des Saluts (30/03/2022)
Résumé :
Voilà trois ans que Sherlock Holmes a disparu dans les chutes de Reichenbach en affrontant le professeur Moriarty.
Nostalgique, le docteur Watson se replonge dans ses publications des aventures de Holmes. Réalisant qu’il a beaucoup romancé la réalité, il décide de rendre hommage à son regretté ami en reprenant la plume pour dépeindre Holmes tel qu’il était vraiment.
En parcourant ses carnets remplis d’enquêtes inédites, son choix se porte sur les évènements survenus au cours de l’année 1888 lorsque le tristement célèbre Jack l’Égorgeur terrorisa Londres.
Watson nous fait ainsi découvrir Sherlock Holmes comme on ne l’a jamais vu, prétentieux, colérique, de mauvaise foi, radin, mauvais violoniste et piètre combattant, dans un affrontement sans merci avec l’ennemi public n°1.
L’Avis de Dame Ida :
Yes indeed ! C’est officiel maintenant. Quand Dame Belette, notre bien aimée hôtesse de ces lieux est débordée, il lui arrive parfois de me confier implicitement des missions périlleuses comme par exemple lui donner mon propre avis sur un livre qu’elle n’a pas encore eu le temps de lire… Pour l’aider à le positionner dans sa PAL.
Tout commence comme un pastiche de base : Holmes est supposé mort après sa chute dans les chutes du Reichenbach (alors que tout le monde sait qu’il a passé trois ans en cure dans un asile d’aliénés pour troubles délirants chroniques, ressassant en boucle l’histoire d’un complot planétaire imaginaire de brigands dirigé par un mort nommé Riarty que personne n’a jamais retrouvé ni vu – ça c’est mon hypothèse personnelle évidemment)…
Il y aurait d’autres thèses sur le grand hiatus, toutes plus honorables les unes que les autres pour cacher que Holmes est un peu zinzin… les solutions bonnes seulement à 7% n’aident jamais vraiment…), et Watson s’ennuie mortellement alors il ressort un vieux dossier sur lequel broder à la plume pour s’occuper.
Et bingo ! Ce vieux dossier concerne les meurtres commis à Whitechapel en 1888 par un certain Jack. Tout le monde se demandait depuis longtemps en effet pourquoi (Oui ! Franchement ! Pourquoiiiii !) Holmes n’était pas venu au secours de l’inspecteur Abberline pour coffrer ce grand criminel…
Et bien c’est parce qu’Abberline, frappé par la syphilis pour s’être investi trop profondément dans l’affaire des meurtres des périprostiputes de l’East End, a dû laisser la place à un Lestrade débordé et pas franchement futé qui ne pouvait rien faire sans Holmes.
Et peu à peu de fil en aiguille cachée dans une botte de foin, nous voilà embarqués dans la traque d’un Jack, rétrogradé au rang de simple égorgeur, alors qu’on se serait attendu à le voir promu par la postérité à celui d’éventreur, vu l’année énoncée. Mais peu importe ! Peu importe le gibier ! Ce qui prime c’est la chasse !
Une chasse étonnante… Ecrite dans un style que Watson nous annoncera plus dépouillé, plus recentré sur les faits et avec moins de fioritures stylistiques pour expliquer que nous n’y retrouverons pas la prose à laquelle le canon nous a habitués.
Evidemment, on comprendra vite que ce Jack, aux trousses duquel Holmes et consort se précipitent, n’est pas le fameux Éventreur. Les ripperologues distinguées que nous sommes savent bien qu’Elizabeth Stride (Long Liz ou Lucky Liz pour les cyniques) est la troisième victime de l’Éventreur, et qu’elle ne saurait être confondue avec l’Elizabeth Strike, trucidée en cinquième position, par l’Egorgeur pisté tout au long de ce texte…
Un texte concentré au format un peu bâtard de même pas une petite centaine de pages, qu’on ne saura s’il faut le qualifier de grosse nouvelle ou de petit roman… pétillant d’humour et de quiproquos, et où le personnage de Holmes nous semblera un peu différent de l’image policée qu’en donne habituellement le canon… Il paraîtra même quelque peu perché à certains moments.
Watson et Lestrade ne seront pas en reste… L’un est un satané gaffeur… L’autre est un idiot profond égratignant les expressions idiomatiques à qui mieux mieux, ravi d’avoir réussi en tout et pour tout au cours de l’année écoulée à réunir un chat perdu et sa maîtresse… Et passons sur Mrs Hudson, qui ne sera pas épargnée et qu’on nous présentera sourde comme un pot.
Généralement, je n’aime pas tellement voire pas du tout, que les pastiches ne respectent pas la psychologie des personnages canoniques. J’irais même jusqu’à dire que je déteste cela et mes précédentes critiques de pastiches vous ont déjà montré que je peux même être assez sévère et vindicative à ce sujet.
Et pourtant… Là… ça passe crème. Pourquoi ? Et bien parce que c’est clairement annoncé dès le départ avec une gaffe inaugurale (certes un peu grossière – l’impression de « déjà vu » en frappera plus d’un.e !) de Watson.
Dès le premier chapitre nous partons avec lui dans un pastiche comique, rigolo, marrant et iconoclaste (nan… ça n’est pas une insulte du Capitaine Haddock… Enfin si… Mais pas que… à la base ce n’est pas un gros mot !).
C’est quand le pastiche se prend au sérieux et ne remplit pas le cahier des charges qu’il mérite qu’on le charge. Quand on vous annonce du pastiche léger, sans honte et sans artifice on se laisse aller, on se laisse porter, et on s’amuse deux bonnes heures en sirotant un lapsang souchong entre deux shortbreads.
Enfin quand je dis léger… Je vais un peu vite… Certains gags pourront paraitre même un peu lourd, gras, gros ou grotesques. Certaines expressions, certains exemples, certaines métaphores n’auront pas grand-chose de victorien, fleurant bon l’anachronisme…
Et l’auteur n’a pas peur de jouer avec la vulgarité la plus trash si ça peut paraître drôle (Et oui… comment s’appelle la périprostipute de la page 30 ? Lily Lapipe ! Si… Si… il a osé ! Quant au médecin légiste il portera bien son nom pour ceux qui savent assez d’anglais pour le traduire… et je vous en passe quelques autres bien rigolotes pour ne pas spoiler). Bref, on ne fait pas dans la dentelle!
Puristes et mijaurées sont priés de passer leur chemin. Et quand on a compris que ces quelques pages sont sans autres prétentions que de divertir le lecteur, on passe l’éponge bien volontiers sur les libertés qu’a pris l’auteur avec le canon pour nous faire pouffer, pour nous faire nous gausser, pour nous faire ricaner, sourire, marrer, rigoler et se tordre les cotes.
Ce livre n’est pas sans me rappeler « Elémentaire mon cher Lock Holmes », un fameux film comique truffé de gags potaches mais bon enfant où Holmes n’est que le prête nom gaffeur et idiot d’un Watson qui résout les énigmes en voulant rester dans l’anonymat…
Evidemment les intrigues sont différentes, mais l’esprit est le même. Si vous avez aimé ce film, vous aimerez ce livre.
Anybref, j’ai passé un très bon moment de distraction en lisant ce pastiche qui n’est certes pas le chef d’œuvre du genre pour les sherlockiens diplômés et autres amateurs du canon, mais qui a le mérite de ne pas prétendre avoir des qualités qu’il n’a pas et qui assume résolument et avec une réussite certaine, sa dimension franchement comique.

PS : Evidemment on ne pourra pas pardonner (mais si! je déconne!) à l’auteur la bourde honteuse et invraisemblable, que dis-je, l’hérésie dramatique de la page 50, où Holmes ose tremper sa tartine (déjà la tartine, c’est belge ! Pas anglais !) dans son thé !
Un bon anglais ne saurait commettre de pareil sacrilège ! Même si le toast est à la marmelade et chante « God Save The Queen » et Rules Britania en même temps ! En Grande Bretagne, voire dans tout le Commonwealth, on ne fait pas trempette ! C’est mal ! C’est tabou ! C’est un coup à se voir déchoir de sa nationalité ! Epicétou ! 😀
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