‭La frontière : ‬Patrick Bard

Titre : ‭La frontière

Auteur : Patrick Bard
Édition : Points Thriller (2003)

Résumé :
Bienvenue à Ciudad Juàrez, frontière américano-mexicaine… du mauvais côté du Rio Grande, celui du Mexique. Bienvenue dans « la ville où même le diable a peur de vivre ».

Journaliste au grand quotidien espagnol El Diario, Toni Zambudio est envoyé à Juàrez par son rédacteur en chef pour enquêter sur une série de meurtres abominables : en moins de deux ans, les cadavres de cinquante trois jeune filles atrocement mutilées ont été retrouvés aux abords de la ville.

Crimes rituels commis par une secte satanique ? Œuvre d’un terrifiant serial killer ?

Toutes les questions restent en suspens dans cet univers d’extrême pauvreté où la mondialisation économique a apporté avec ses usines l’humiliation, le commerce de la chair, la violence et la mort.

Et ce que va découvrir Toni Zambudio est pire encore que le pire des cauchemars… Terriblement noir et violent, ce roman ne fait hélas que se baser sur des faits réels.

Critique :
Vous en avez marre du temps pourri du mois de mai, de cette pluie qui n’arrête pas de tomber (du moins, en Belgique), de ces températures trop basses pour mai ?

Vous rêvez de vacances, de soleil, de farniente ? Alors pourquoi ne pas prendre un billet pour le Mexique et la charmante ville de Ciudad Juàrez ? Si, si, elle est charmante et peuplée de Bisounours…

Bon, ce n’est pas ce roman noir qui me donnera envie d’aller passer des vacances au Mexique ! J’aurais mieux fait de lire un guide du routard, cela aurait été moins dangereux pour ma santé mentale.

Ciudad Juàrez « la ville où même le diable a peur de vivre »… La ville du crime n’a jamais aussi bien porté son nom puisque des jeunes femmes se sont assassiner, mutiler, dépecer, violer, profaner et vous compléterez la liste. Les cadavres des prostituées assassinées par jack The Ripper étaient en meilleur état… C’est vous dire.

Partant de faits divers réels, l’auteur en profite aussi pour nous parler des conditions de travail abominables et précaires qui sont celles des travailleuses à la frontera : salaires de misère, pas de sécurité, pas d’hygiène et l’obligation, tous les mois, de montrer son tampon usagé pour prouver qu’elles ne sont pas enceintes.

Bosser pour des multinationales, à bas prix, pour que les actionnaires et les hauts dirigeants s’en foutent plein les fouilles… Dans des usines qui se foutent bien de polluer à mort, de foutre en l’air les nappes phréatiques et où la corruption, la mordida, comme ils disent (pot-de-vin).

Comme prévient l’auteur, une centaine de jeunes femmes ont été retrouvées violées et mutilées ces dernières années à Juarez, et si l’on a bien arrêté et jugé quelques coupables ou prétendus tels, l’ensemble de l’affaire n’a jamais été élucidé.

Ce livre est donc plus qu’une fiction, c’est une œuvre de révolte qui dénonce, entre autres, la perversité d’un système où les grandes multinationales viennent chercher chez les plus pauvres la main-d’œuvre bon marché, corvéable et humiliable à merci.

On ose espérer que la réalité est un peu moins horrible, mais c’est malheureusement loin d’être une certitude. Lorsque l’on peut faire fabriquer des marchandises à bas prix et se faire une grosse marge bénéficiaire, certains n’hésitent pas et y vont à fond, se moquant de la misère humaine qu’ils créent et de la pollution qu’ils font.

Un roman noir ultra violent, réaliste, inspiré de faits divers vrais et qui vous plongera dans la noirceur humaine, sans vous laisser entrevoir une mini lumière au fond du tunnel. Ici, tout est sombre, sanglant, sans concession. Une lecture en mode « j’arrête de respirer ».

Ciudad Juàrez est la capitale mondiale du meurtre, pas celle des gentils Bisounours et elle a une réputation à tenir. Croyez-moi, elle le fait super bien et ce roman ultra noir ne vous donnera pas envie d’aller vous balader dans cette ville (ni même au Mexique).

Challenge Thrillers et Polars de Sharon (du 12 Juillet 2022 au 11 Juillet 2023) [Lecture N°XXX] et Le Mois Espagnol et Sud Américain – Mai 2023 – Chez Sharon [Fiche N°XX].

Publicité

Toute la poussière du chemin : Wander Antunes et Jaime Martin

Titre : Toute la poussière du chemin

Scénariste : Wander Antunes 🇧🇷
Dessinateur : Jaime Martin 🇪🇸

Édition : Dupuis Aire libre (2010)

Résumé :
Bien loin du rêve américain, Wander Antunes et Jaime Martin nous entraînent sur les routes poussiéreuses du sud des États-Unis, à la suite de milliers d’hommes chassés de chez eux par la crise de 1929.

L’un d’entre eux, Tom, fuit l’ombre d’un passé que l’on devine douloureux. Misanthrope muré dans le silence et la solitude, il va pourtant accepter de partir à la recherche d’un enfant disparu.

Le visage de l’Amérique qu’il va rencontrer, au gré de ses pérégrinations, va être celui de la violence, du racisme et de l’injustice, exacerbés par la crise que traverse le pays.

Un récit âpre, qui raconte la quête d’un homme seul face à l’iniquité des représentants de l’ordre et à la brutalité d’hommes sans foi ni loi, dont la force évocatrice n’est pas sans rappeler les écrits réalistes et politiques de Georges Orwell.

Critique :
La crise économique de 1929 a jeté des gens sur les routes, sans oublier le Dust Bowl. Les banques ont tout pris aux fermiers, aux pauvres gens et ensuite, elles ont fait faillite (les hauts placés sont sans doute foutu le camp avec le fric des autres).

Tom fait partie de ces hobboes qui voyagent en train, dans cette Amérique exsangue, dans ce Sud ségrégationniste, raciste, méchant, violent, meurtrier, où les gens n’ont que les mots « nègres » et « lynchage » à la bouche.

Le road-trip de Tom n’est pas de tout repos. Lorsqu’un pays est en crise, la solidarité fout souvent le camp la première et on a l’impression que le cerveau reptilien est seul aux commandes, tant les gens deviennent agressifs, violents, avec des tendance meurtrière. C’est le replis sur soi. L’ignorance mène à la peur, la peur mène à la haine et la haine à la violence.

J’ai apprécié les dessins dans des tons lavés, jaunâtre, ces visages pas toujours détaillé. Bizarrement, ça a passé comme une lettre à la poste. Idem avec le scénario, qui est simple, mais très fort, très profond.

Si le récit semble saccadé, il se lit pourtant très facilement et trouve son rythme assez vite, nous emportant dans cette Amérique de 1929 où l’on voyage en schmet dans les wagons de trains de marchandises.

Tom est un personnage tourmenté, mais attachant, on apprendra plus tard ce qui le tourmente ainsi. Au moins, lui, ne perd pas son humanité, alors qu’il était si facile de la paumer sur les chemins poussiéreux et semés d’embûches (et des types armés), de devenir égoïste et de bouffer les autres pour ne pas être bouffé aussi.

Une bédé forte, âpre, qui ne fait pas dans le sentimentalisme, même si elle laisse la porte entrouverte pour apporter un peu de lumière dans ce monde sombre, rempli de brutes armées de gourdins, de flingues et qui n’hésite pas à tirer sur tout ce qui n’appartient pas à leur ville, village… Les flics n’étant pas mieux.

Ce petit côté manichéen ne m’a pas empêché de savourer cette bédé, car tout le monde n’était pas mauvais dans l’affaire et la solidarité, même en voie de disparition, se débattait encore pour exister.

Une bédé à découvrir, assurément !

Challenge Thrillers et Polars de Sharon (du 12 Juillet 2022 au 11 Juillet 2023) [Lecture N°187] et Le Mois Espagnol et Sud Américain – Mai 2023 – Chez Sharon [Fiche N°13].

Les contemplées : Pauline Hillier

Titre : Les contemplées

Auteur : Pauline Hillier
Édition : La manufacture de livres (09/02/2023)

Résumé :
À l’issue d’une manifestation à Tunis, une jeune Française est arrêtée et conduite à La Manouba, la prison pour femmes. Entre ces murs, c’est un nouvel ordre du monde qu’elle découvre, des règles qui lui sont dictées dans une langue qu’elle ne comprend pas.

Au sein du Pavillon D, cellule qu’elle partage avec vingt-huit codétenues, elle n’a pu garder avec elle qu’un livre, « Les Contemplations » de Victor Hugo. Des poèmes pour se rattacher à quelque chose, une fenêtre pour s’enfuir.

Mais bientôt, dans les marges de ce livre, la jeune femme commence à écrire une autre histoire. Celle des tueuses, des voleuses, des victimes d’erreurs judiciaires qui partagent son quotidien, lui offrent leurs regards, leurs sourires et lui apprennent à rester digne quoi qu’il arrive.

Critique :
♫ Les portes du pénitencier, sur elle, se sont refermées ♪ Et c’est là que certaines finiront leur vie ♪ Comme d’autres femmes l’ont finies… ♫

De la ville de Tunis, personne n’a envie d’aller faire un tour à La Manouba, la prison pour femmes, où il ne fait pas bon y être emprisonnée.

Dans les prisons, il y a des règles à respecter, propres à l’établissement et lorsqu’on est bleue, on ne les connait absolument pas, ce qui peut entraîner bien des problèmes. Heureusement, notre jeune française, emprisonnée pour avoir manifesté, aura la chance de se faire enfermer dans le pavillon D.

Oui, de la chance ! Non pas que ce soit le Club Med, mais comparé à d’autres pavillons, celui-ci est un peu plus humain que d’autres, moins violents et notre jeune femme fera des rencontres décisives, qui lui ouvriront les yeux.

Oui, elle a eu de la chance de tomber sur des femmes pas trop méchantes, qui l’ont prises sous leurs ailes, qui lui ont expliqués les règles, qui l’ont aidées à s’en sortir, à survivre dans un univers carcéral qui n’est pas fait pour nous…

Là bas, une jeune fille a été condamnée à plusieurs années de prison pour tricherie au bac et on en croisera une autre, qui, en plus d’avoir été violée, aura droit à l’ignominie rajoutée à l’ignominie : ou comment tripler la peine d’une victime, tout en blanchissant l’homme coupable de l’acte (et tous les autres). Terrifiant !

Sans jamais sombrer dans le pathos, l’autrice nous raconte ce qu’elle a vécu dans cette prison tunisienne, les multiples humiliations, l’enfer des transports et les règles bien souvent idiotes et illogiques : pour te doucher, tu gardes ta culotte, parce que la techa d’une femme, c’est sale (les gardiennes sont pourtant des femmes), mais ces mêmes gardiennes ne se priveront pas de vous fouiller l’anus et le vagin… Juste pour le plaisir de vous humilier.

Une fois de plus, voilà un récit qui m’a pété à la gueule et qui m’a tordu doucement les tripes, car comme l’autrice, j’ai moi aussi, pris une leçon d’humanité. Qui aurait cru cela possible, avec des femmes incarcérées pour meurtres ou pour d’autres motifs ?

Bien qu’entre nous, j’accorderais bien une médaille à celle qui tua son mari (et son père et ses frères), vu ce qu’elle avait endurée.

Dans ce roman coup de poing, dans cette autobiographie, il n’y a pas que l’autrice, qui est l’héroïne, mais aussi toutes ces femmes enfermées avec elles, ces parias, ces femmes qui ne sentiront plus le soleil réchauffer leur peau, qui continueront de subir leur incarcération, sachant qu’une fois sortie, rien de bon ne les attendra dehors.

Sans jamais les juger (bien qu’au départ, elle le fasse), l’autrice apprendra à les connaître, à les écouter se confier, parlant de leurs fautes, de leurs crimes, de leurs erreurs, le tout avec beaucoup d’humanité aussi, balançant aux orties ses préjugés moraux.

Être une femme, dans certains pays, c’est plus qu’une épreuve, plus que marcher sur une corde raide, plus qu’une punition, plus qu’un risque de tous les jours, de toutes les heures. Dans certains pays, les hommes ont TOUS les droits, les femmes n’en ont aucun.

Dans ces société patriarcales, hautement religieuses, les êtres humains font rarement preuve de mansuétude, de pardon, de gentillesse et les femmes trinquent deux fois : victimes de la violence des hommes (ou de la société) et ensuite, victimes de la violence des autres femmes (gardiennes, belle-mère, mère,….).

Un magnifique roman qui met en avant la sororité, l’humanité, la solidarité, dans un lieu où il est si facile de la perdre.

Un roman magistral et un coup de coeur !

Retiaire(s) : DOA

Titre : Retiaire(s)

Auteur : DOA
Édition : Gallimard – Série noire (12/01/2023)

Résumé :
Une enquêtrice de l’Office anti-stupéfiants, l’élite de la lutte anti-drogue, qui a tout à prouver. Un policier des Stups borderline qui n’a plus rien à perdre. Un clan manouche qui lutte pour son honneur et sa survie.

Avec la rigueur qu’on lui connaît, DOA immerge son lecteur dans le quotidien des acteurs du trafic de came; son indiscutable talent de romancier nous arrime à la destinée de ses personnages, à leurs relations complexes et fragiles; son style, d’une précision presque brutale, colle au plus près de cet univers de violence et de solitude.

Critique :
♪ Un peu renard, un peu loup ♪ Il sort le jour ou bien la nuit ♫ Ce qu´on dit de lui il s´en fout ♫ Le Gitan, le Gitan, que tu ne connais pas! ♪ (*)

Le dernier roman de DOA aurait pu se nommer comme le film avec Alain Delon : flics ou voyous, avec un petit changement, car c’est « flics contre voyous ».

Theo, le policier aux stups, est un ripou. Doublé d’un assassin, même si on aurait tendance à lui pardonner son crime. De l’autre, on a des gitans, des yéniches, trafiquants de drogue, transporteurs de fonds pour d’autres voyous, assassins… Bref, leurs C.V sont bien remplis.

Le dernier roman de DOA est complexe, il ne se lit pas avec le cerveau en vacances, il faut être concentré dans sa lecture, car le scénario est constitué de multiples couches et sous-couches, de personnages (non manichéens), d’actions distinctes et de lieux différents.

C’est vertigineux, addictif, hyper intéressant et d’un réalisme qui fait froid dans le dos. La case prison est à éviter, sauf au Monopoly, car on ne risque rien. À la prison de La Santé, qui porte bien mal son nom, y entrer comme keuf n’est pas conseillé pour la garder, sa santé (ou sa vie).

Au départ, j’ai un peu râlé que l’auteur inclue le/la COVID dans son récit et puis, petit à petit, j’ai compris son utilité, à cette maudite pandémie et à ces foutus confinements. Ils avaient un rôle à jouer, on le comprend après.

Ce roman choral, ultra réaliste, nous plongera dans un bureau de police, dans une prison, dans un camp de manouches, dans un cargo rempli de drogue, dans des trafics en tout genre et dans des morts violentes.

Le récit est sans concession, la plume de DOA aussi. Nette et sans bavures. Ultra documentée, mais sans que cela vienne alourdir le texte.

D’ailleurs, j’ai trouvé que son écriture était très cinématographique, fort descriptive, à tel point que j’ai lu son roman comme si je regardais une série. J’ai aimé l’expérience et l’utilisation de mots argotiques ou en verlan. Mon vocabulaire s’est enrichi !

Pas de manichéisme dans les personnages, qu’ils soient flics ou voyous, ils sont complexes, travaillés. On a des ripoux des deux côtés et des sympas chez les voyous, même s’ils ne sont jamais vraiment des gens à fréquenter, malgré tout, je me suis attachée à l’un d’eux.

Le nouveau roman de DOA est plus noir que mon café, plus corsé, aussi. Comme si nous étions plongés dans une arène où des gladiateurs se livrent des combats à mort, où le public interviendra aussi, comme dans la scène à la Courneuve (putain, sa mère).

Ceci est donc un véritable roman noir, brut de décoffrage et pas un feel good pour se détendre ! Il peut aussi vous rendre addict, dépendant de ce genre de récit ultra réaliste et super documenté. Ma foi, c’est un risque qui vaut la peine d’être pris…

(*) Le gitan : Daniel Guichard

Challenge Thrillers et Polars de Sharon (du 12 Juillet 2022 au 11 Juillet 2023) [Lecture N°174].

Moi Nojoud, 10 ans, divorcée : Nojoud Ali et Delphine Minoui

Titre : Moi Nojoud, 10 ans, divorcée

Auteurs : Nojoud Ali et Delphine Minoui
Édition : J’ai Lu – Témoignage (2009)

Résumé :
« Je m’appelle Nojoud, et je suis une villageoise yéménite. J’ai dix ans, enfin je crois. Dans mon pays, les enfants des campagnes n’ont pas de papiers et ne sont pas enregistrés à leur naissance. Mariée de force par mes parents à un homme trois fois plus âgé que moi, j’ai été abusée sexuellement et battue. Un matin, en partant acheter du pain, j’ai pris un bus et je me suis réfugiée au tribunal jusqu’à ce qu’un juge veuille bien m’écouter… »

Ce livre est l’histoire vraie d’une petite Yéménite qui a osé défier l’archaïsme des traditions dé son pays en demandant le divorce. Et en l’obtenant ! Une première dans ce pays du sud de la péninsule arabique, où plus de la moitié des filles sont mariées avant d’avoir dix-huit ans.

Son courage a été largement salué par la presse internationale et son parcours a ému le monde entier. Passée du statut de victime anonyme à celui d’héroïne, elle raconte aujourd’hui son histoire. Pour briser le silence. Pour encourager les autres petites filles de son âge à ne pas tomber dans le même piège qu’elle.

Critique :
Il est des lectures qui vous font relativiser et vous dire que vous êtes bien né(e)…

Nojoud est une petite fille comme les autres, sauf qu’elle vit au Yémen et qu’elle n’a pas accès au luxe de nos sociétés, à la nourriture abondante, à l’école obligatoire et que dans sa société, les hommes sont les maîtres, les chefs absolus.

Les femmes, les fillettes vivent dans une société patriarcale et elles doivent obéissance à tout ce qui porte un service trois-pièces : père, mari, frère aîné ou fils aîné.

Dans ce récit, cette petite fille, mariée de force à 10 ans (et prise de force par son mari, alors qu’il avait juré d’attendre sa puberté – ce qui en aurait tout de même un pédophile), va oser demander le divorce, dans une société religieuse, patriarcale, où ce droit n’est pas vraiment reconnu (personne n’ose demander).

Le récit est assez court, en 210 pages, tout est dit, du moins, l’essentiel. Commençant par son arrivée dans le tribunal de Sanaa, capitale du Yémen, le récit reviendra ensuite sur une partie de son enfance, sur les mystères qui a entouré leur départ de leur petit village, en abandonnant tout, sur les mystères liés à deux de ses soeurs.

On aura la solution à la fin et cela reste abject, le traitement réservé aux femmes, aux filles, aux gamines… Dans cette société, l’honneur est au-dessus de tout (avec la religion) et ma foi, ils placent leur honneur bizarrement, faisant des victimes des coupables, comme souvent (on fait de même chez nous).

Le récit est assez facile à lire, on sent bien que c’est celui d’une gamine, les termes sont simples, la petite Nojoud ne connaissant rien du monde qui l’entoure, ni du monde des adultes, ni de toutes les règles qui le régissent.

Sans verser dans le pathos ou le larmoyant, elle explique simplement ce qui est arrivé et même sans les détails, on comprend bien son incompréhension, sa honte et sa douleur, lorsque son mari de plus de 30 ans, viendra s’affaler sur elle, prenant ce qu’il estime être son droit, sans que les femmes présentent sur les lieux n’interviennent.

C’est toujours ce qui est le plus terrible : les femmes n’ayant rien à dire, elles n’osent pas élever la voix, s’interposer, mettre fin à certaines pratiques, sans compter celles qui s’en foutent et qui partent du principe que puisqu’elles y ont eu droit, les suivantes y auront droit aussi, reproduisant ces pratiques d’un autre âge.

Ce récit est celui d’un témoignage fort, celui du courage aussi. Ce courage dont la petite Nojoud a du faire preuve pour oser entrer dans un tribunal et d’adresser à un juge. Mabrouk (*) à ces hommes qui l’ont écoutée et qui l’ont aidé.

Un récit autobiographique facile à lire, malgré le sujet traité…

(*) mabrouk : félicitations

Hunger Games – HS – La ballade du serpent et de l’oiseau chanteur : Suzanne Collins

Titre : Hunger Games – HS – La ballade du serpent et de l’oiseau chanteur

Auteur : Suzanne Collins
Édition : Pocket Jeunesse (20/05/2020)
Édition Originale : Hunger Games, book 0: The Ballad of Songbirds and Snakes (2020)
Traduction : Guillaume Fournier

Résumé :
C’est le matin de la Moisson qui doit ouvrir la dixième édition annuelle des Hunger Games. Au Capitole, Coriolanus Snow, dix-huit ans, se prépare à devenir pour la première fois mentor aux Jeux.

L’avenir de la maison Snow, qui a connu des jours meilleurs, est désormais suspendu aux maigres chances de Coriolanus. Il devra faire preuve de charme, d’astuce et d’inventivité pour faire gagner sa candidate.

Mais le sort s’acharne. Honte suprême, on lui a confié le plus misérable des tributs : une fille du district Douze. Leurs destins sont désormais liés. Chaque décision peut les conduire à la réussite ou à l’échec, au triomphe ou à la ruine.

Dans l’arène, ce sera un combat à mort.

Critique :
De la saga Hunger Games, on peut dire que je connaissais quasi rien, si ce n’est les grandes lignes.

Des films, je pense n’avoir pas vu plus de 15 minutes, toutes diffusions confondues.

Qu’est-ce que je suis allée foutre dans cette saga, alors ? La faute à la super chronique de l’ami Yvan (du blog ÉMotions)…

Oui, j’ai mis du temps avant de lire ce roman, qui est en fait un préquel, sorti plusieurs années après la saga éponyme, mais qui se déroule avant (vous suivez toujours ?)…

Puisque je ne savais rien, je suis entrée dans ce récit, vierge de toutes informations, vierge de tous préjugés, puisque je ne connaissais pas les personnages.

C’est en rédigeant ma chronique et en cherchant les infos pour ma fiche que j’ai appris que ce récit se déroulait 60 ans avant l’action des premiers livres. C’est là aussi que j’ai découvert qui était Coriolanus Snow et que son comportement bizarre, envers l’un de ses camarades, a pris tout son sens.

Moi qui m’était demandée, à ce moment-là, pourquoi Coriolanus agissait de la sorte… Là, maintenant que je sais qui il est ensuite, tout s’éclaire !

Être vierge de toute l’histoire était une bonne chose, puisque au départ, je me suis attachée sans peine à ce Coriolanus (et non Coronavirus), jeune garçon de 18 ans, dont le père fut riche, mais qui a tout perdu lors des bombardements du district 13. Il en bave, ne possède que peu de choses, vit avec sa grand-mère (je l’adore) et sa cousine, qui est la reine de la débrouillardise. J’étais sans préjugés envers lui, pas comme celles et ceux qui avaient lu la saga…

Cela a beau être de la littérature pour adolescent, je n’ai jamais eu l’impression que l’autrice sombrait dans la facilité ou le simplisme. Elle n’a pas peur de donner de la profondeur à ces personnages, des ambivalences, des défauts, des qualités et de faire s’interroger certains personnages sur le bien fondé de ces jeux cruels, destinés à rappeler aux districts qu’ils ont commencé la guerre et qu’ils l’ont perdue.

Oui, mais les ados que l’on envoie dans l’arène n’étaient même pas nés quand la guerre à pris fin, ou alors, c’était des bambins, des enfants. Comme si nous obligions des jeunes allemands à se battre jusqu’à la mort dans une arène, pour continuer de les rabaisser et de leur rappeler qu’ils nous ont fait la guerre. Je ne serais pas pour.

Même si la saga ne m’avait jamais intéressée et que je ne savais que peu de choses, j’ai eu très facile de me couler dans cet univers dystopique très glaçant, je dois dire.

Non, ceci n’est pas de la SF, cela pourrait arriver à un pays comme les États-Unis ou à un pays européen. Tout est possible et quand les gens sont prêts à sacrifier un peu de liberté pour un peu plus de sécurité, on se rapproche un peu plus du gouffre.

Si cette lecture n’est pas un coup de coeur (il ne saurait y en avoir à chaque fois), elle reste néanmoins un lecture qui m’a fait réfléchir.

Le récit m’a touché, notamment avec les personnages des districts, obligés de se battre jusqu’à ce qu’il n’en reste qu’un/une et ces habitants du Capitole, même plus capable de penser par eux-mêmes, qui reproduisent des actes barbares, sans penser aux conséquences, qui vivent dans une société dictatoriale, totalitaire et en sont fiers, heureux.

Les grenouilles qui se complaisent dans la marmite d’eau que l’on fait chauffer lentement…

 

Noir burlesque – Tomes 1 & 2 : Enrico Marini

Titre : Noir burlesque – Tomes 1 & 2

Scénariste : Enrico Marini
Dessinateur : Enrico Marini

Édition : Dargaud (2021 / 2022)

Résumé :
Philadelphie, années 1950. Une chambre d’hôtel, la nuit. Assis dans un fauteuil, un homme attend, un revolver à la main. Il s’appelle Slick et guète l’arrivée de Caprice, la femme qui l’a trahi.

En ouvrant la porte, Caprice comprend aussitôt : il est venu pour se venger. Quelques mois plus tôt, Slick a loupé un casse. Il doit de l’argent à son commanditaire, Rex, un boss de la mafia irlandaise.

Ce dernier compte bien épouser Caprice, danseuse dans sa boite de nuit, après avoir éliminé Slick du paysage. Mais il s’est passé quelque chose entre Caprice et Slick. Il y a longtemps déjà, bien avant toute cette histoire. Ils étaient tombés amoureux. Et maintenant, ils jouent avec le feu…

Critique :
Cette bédé est comme un vieux film noir des années 50. Tous les ingrédients sont réunis : un bel homme style bad boys, une beauté fatale, des gangsters mafiosi (pléonasme), des armes à feu, des grandes gueules,…

Slick est le bad boy qu’on aimerait croiser dans sa vie. Cheveux blancs, belle gueule, sensuel, qui sait se battre… Et Caprice, la belle rousse, est tout aussi sensuelle que lui. Quel couple ils pourraient former !

Enrico Marini est un excellent dessinateur et si son Slick a des faux airs du Scorpion, il tient la route (jeu de mot foireux avec son prénom).

Les seules notes de couleurs, dans ces deux albums sépias, seront le rouge et le roux. Cela attire l’œil immédiatement. On a beau être dans une bande dessinée, on pense de suite à un vieux film, tant le découpage pourrait être cinématographique.

Le scénario est classique au possible, mais pourtant, il marche du tonnerre. Les personnages sont bien campés, réalistes. Les dialogues font mouches directement et les ambiances des années 50 sont fidèlement rendues.

Oui, ces deux tomes sont des odes aux romans noirs et aux films noirs américains avec deux personnages qui se tournent autour, qui s’aiment, qui baisent, puis qui se séparent, toujours avec des mots violents.

On a beau se douter de la fin de ces deux tomes, on ne peut s’empêcher de tourner les pages, afin de voir si on a raison ou tort. Si le plat est composé d’ingrédients classiques, Marini a tout de même su en changer la présentation et le goût, parce qu’il n’est pas allé dans la direction que je pensais.

Et puis, le premier album commence presque par la fin… En tout cas, il commence par une scène hautement bourrée de suspense et on à hâte d’arriver au bout pour s’assurer que… Ben oui, on s’attache très vite à Slick et à sa belle petite gueule d’amour.

Une bédé qui fait mouche, autant par son scénario conventionnel qui ne l’est pas tout à fait, que pas ses magnifiques dessins et ses ambiances années 50 superbement rendues dans ces planches sobres, mais qui disent tout ce qu’elles doivent dire.

Un vrai roman noir hard-boiled.

Challenge Thrillers et Polars de Sharon (du 12 Juillet 2022 au 11 Juillet 2023) [Lecture N°165].

Cupidité – Benny Griessel 08 : Deon Meyer

Titre : Cupidité – Benny Griessel 08

Auteur : Deon Meyer
Édition : Gallimard La noire (06/10/2022)
Édition Originale : Donkerdrif (2020)
Traduction : Georges Lory

Résumé :
Benny Griessel et Vaughn Cupido, ravalés au rang d’enquêteurs de base pour avoir enfreint les ordres de leur hiérarchie, soupçonnent leur punition d’être liée au meurtre en plein jour d’un de leurs collègues et aux lettres anonymes qu’ils ont reçues récemment.

Mais ils n’ont pas le loisir d’approfondir la question, car on les charge d’élucider la disparition de Callie, brillant étudiant en informatique.

Dans le même temps, Jasper Boonstra, milliardaire et escroc notoire, confie à une agente immobilière accablée de dettes la vente de son prestigieux domaine viticole.

Conscient que la commission de trois millions de rands réglerait tous les problèmes de la jeune femme, l’homme d’affaires exerce sur elle un chantage qui la met au pied du mur.

A priori, il n’y a aucun lien entre les deux affaires, sauf le lieu, Stellenbosch, au cœur des vignobles du Cap. Mais lorsqu’elles convergent, la cupidité se révèle être leur moteur commun.

Critique :
Benny Griessel et Vaughn Cupido sont de retour et ils sont punis ! Les deux policiers, qui appartiennent aux Hawks, sont rétrogradés et envoyés dans un autre bled.

Pour Vaughn Cupido, c’est la honte de ne plus faire partie de l’élite. Heureusement, ils sont mutés à Stellenbosch, ça aurait pu être pire…

Un étudiant en informatique a disparu, et nos deux policiers sont chargés d’enquêter sur ce petit génie en informatique, ce programmateur brillant, mais solitaire.

D’un autre côté, nous faisons connaissance avec Sandra Steenberg, une agente immobilière qui court après l’argent depuis que toute la région a vécu une terrible récession lorsque l’économie s’est cassée la gueule.

Le rapport entre les deux affaires semble ne pas exister, tant elles sont diamétralement opposées et qu’il est presque impossible de les relier entre elles. Pourtant, autant la disparition que la vente d’un domaine viticole en secret seront importantes et auront des ramifications là où ne s’y attend pas.

Si je n’ai pas envie d’aller vivre en Afrique du Sud, j’adore y aller avec l’agence de voyage Deon Meyer, car j’ai la certitude qu’il ne me proposera pas un voyage digne d’une carte postale ou d’un joyeux Guide du Routard.

L’auteur nous fait entrer dans la corruption, dans la politique sale, dans les gans, dans les townships et si vous entrez dans une belle barraque, chez un plein de fric, croyez-moi que ce ne sera pas un gentil monsieur philanthrope. Mesdames, surveillez vos arrières.

Ses personnages sont réalistes et terriblement humains, que ce soient nos deux enquêteurs et leurs préoccupations (Benny a celle de ne plus boire, Vaughn de perdre du poids) ou les personnages secondaires, tous guidés par l’appât du gain, la cupidité, même si celle de Sandra, l’agente immobilière, est surtout pour payer ses dettes et faire vivre sa famille.

Il y a tant de choses qui nous divisent dans ce pays. Mais la cupidité nous unit, dira un personnage à un moment donné et il aura bien raison.

Les chapitres sont assez courts et bien que le roman fasse 570 pages et que le rythme ne soit pas celui d’un polar survolté, pas d’ennui à redouter à l’horizon. Les pages se tournent toutes seules et on avance d’un bon pas. Les deux enquêtes parallèles sont intrigantes et j’ai été surprise, agréablement surprise, je dois dire.

Un polar noir où la plume de l’auteur n’hésite pas à égratigner le pouvoir en place, ce gouvernement corrompu jusqu’à l’os, ce pays où les gens peuvent avoir peur de la police, qui ne sont pas à l’abri de la corruption et de l’avidité. Oups, de la cupidité !

Un voyage en Afrique du Sud, loin des paysages des cartes postales… Un roman qui se dévore assez vite et qui est très instructif sur la culture de ce pays lointain, où l’apartheid fut loi durant de trop nombreuses années.

Challenge Thrillers et Polars de Sharon (du 12 Juillet 2022 au 11 Juillet 2023) [Lecture N°162].

Ceci n’est pas un fait divers : Philippe Besson [LC avec Bianca]

Titre : Ceci n’est pas un fait divers

Auteur : Philippe Besson
Édition : Julliard (05/01/2023)

Résumé :
Ils sont frère et soeur. Quand l’histoire commence, ils ont dix-neuf et treize ans. Cette histoire tient en quelques mots, ceux que la cadette, témoin malgré elle, prononce en tremblant : « Papa vient de tuer maman ».

Passé la sidération, ces enfants brisés vont devoir se débrouiller avec le chagrin, la colère, la culpabilité.

Et remonter le cours du temps pour tenter de comprendre la redoutable mécanique qui a conduit à cet acte.

Avec pudeur et sobriété, ce roman, inspiré de faits réels, raconte, au-delà d’un sujet de société, le long combat de deux victimes invisibles pour réapprendre à vivre.

Critique :
Bizarrement, les féminicides font couler moins d’encre qu’un attentat terroriste. Pourtant, il y a des coupables et des victimes.

Se sentirait-on moins concernés par des hommes qui tue des femmes, que par des terroristes qui tuent aveuglément plusieurs personnes à la fois ? Ou bien ce sont les médias qui donnent plus de voix à un attentat qu’à des assassinats de femmes ?

Avant, lorsqu’un homme tuait sa femme, sa compagne, les journaux titraient « Il l’aimait tant qu’il l’a tué » et, comme bien des gens, j’ai mis du temps à me rendre compte de l’ineptie et de toute la fausseté de ce titre.

Non, il ne l’aimait pas, il n’aimait que lui, il n’a pas supporté que cette femme lui tienne tête, qu’elle veuille le quitter, qu’elle en aime un autre et pour se venger, il l’a assassinée. L’amour qu’il lui portait était toxique, mortel et personne n’a entendu les plaintes de la femme, personne n’a vu les signes ou pire, tout le monde a fait semblant de ne rien voir.

Avec ce roman de 200 pages, Philippe Besson frappe fort, là où ça fait le plus mal. En donnant la voix à un jeune homme, appelé par sa petite sœur parce que « papa a tué maman », il nous plonge dans l’enfer que vont devoir vivre ces deux enfants, il met le doigt là où ça fait le plus mal, versant du sel dans la plaie, pour qu’un jour, on puisse voir les symptômes et agir avant le drame.

Pas de pathos dans la narration, dans l’écriture, pas de surenchère dans le drame, juste ce qu’il m’a semblé être un bel équilibre dans ce récit où l’auteur décortique ce qui arrive après le meurtre (la visite chez les flics, l’organisation des funérailles, la vie après, le deuil, le stress post-traumatique, les questionnements, les regrets, les remords, l’impression qu’on aurait pu faire quelque chose, le procès…) et tout ce qu’il s’est passé avant, comme signes avant-coureurs, que personne n’a vraiment vu, qui ont été minimisés et que le père, violent, s’était bien gardé de crier sur tous les toits.

J’ai été horrifiée d’apprendre que le père assassin conservait les droits sur ses enfants mineurs, alors qu’il est un meurtrier… D’ailleurs, dans ce roman, bien des choses m’ont glacées d’effroi, à tel point que je ne saurais toutes les citer. Cela m’a révoltée, donné envie de vomir. Il était temps que j’apprenne…

Dans ce roman, j’étais en territoire inconnu, venant d’une famille banale où les violences conjugales n’ont jamais eu lieu (ni dans ma vie de femme mariée).

Ce roman est puissant, glaçant, c’est un coup de cœur tout en étant un coup de poing. Voilà qu’un drame atroce débouche sur une lecture captivante, émouvante, marquante.

Un comble, me direz-vous, qu’il faille un roman parlant d’une histoire vraie, d’un drame épouvantable, pour qu’il décroche plein d’étoiles à la cotation. C’est la preuve qu’il était bien écrit, d’une belle justesse.

Par contre, j’aurais aimé entendre d’autres voix que celle du fils de 19 ans, notamment celle de sa petite soeur de 13 ans, témoin du crime. De plus, j’étais persuadée que l’auteur avait dit, lors de l’émission de La Grande Librairie, qu’il avait donné la parole au père assassin. J’ai dû rêver (ou confondre avec un autre des romans présentés sur le plateau)…

Pourtant, j’aurais aimé qu’on lui donne la parole, à ce meurtrier, non pas pour lui trouver des excuses, mais pour tenter de comprendre ce qui avait basculer cet homme dans cette violence extrême (17 coups de couteau, tout de même !). L’auteur donne quelques pistes, mais j’aurais aimé avoir toutes les voix dans le récit.

Un magnifique roman, qui m’a mis de l’eau dans les yeux et dont j’ai bien du mal à décrire les émotions qui m’ont assaillies durant ma lecture. De la colère, de la rage, de la haine, l’envie de gueuler sur le système défaillant qu’est la police, la justice, les lois…

Et de la tristesse, beaucoup de tristesses devant toutes ces vies fichues irrémédiablement, tout ça à cause d’un homme qui avait peur d’être abandonné et qui ne savait pas aimer sans violence. Non, ce n’était pas un faits divers, c’est plus grave que ça et non, ce n’était pas de l’amour.

Une LC lue en apnée avec Bianca qui, tout comme moi, a été toute retournée. Là, je m’en vais piquer un Tchoupi à ma nièce….

Challenge Thrillers et Polars de Sharon (du 12 Juillet 2022 au 11 Juillet 2023) [Lecture N°138] et Le Mois du Polar, chez Sharon – Février 2023 (N°21).

Lagos lady – Amaka Thriller 01 : Leye Adenle

Titre : Lagos lady – Amaka Thriller 01

Auteur : Leye Adenle
Édition : Métailié Noir (2016) / Points Policiers (2017)
Édition Originale : Easy Motion Tourist (2016)
Traduction : David Fauquemberg

Résumé :
Mauvaise idée de sortir seul quand on est blanc et qu’on ne connaît rien ni personne à Lagos; Guy Collins l’apprend à ses dépens, juste devant le Ronnie’s, où il découvre avec la foule effarée le corps d’une prostituée aux seins coupés.

En bon journaliste, il aime les scoops, mais celui-là risque bien de lui coûter cher : la police l’embarque et le boucle dans une cellule surpeuplée, en attendant de statuer sur son sort. Le sort, c’est Amaka, une splendide Nigériane, ange gardien des filles de la rue, qui, le prenant pour un reporter de la BBC, lui sauve la mise, à condition qu’il enquête sur cette vague d’assassinats.

Entraîné dans une sombre histoire de juju, la sorcellerie du cru, notre journaliste à la manque se demande ce qu’il est venu faire dans cette galère, tandis qu’Amaka mène la danse en tant qu’épatante femme d’action au milieu des notables pervers.

Hôtels chics, bars de seconde zone, jungle, bordels, embouteillages et planques en tout genre, Lagos bouillonne nuit et jour dans la frénésie highlife; les riches font tinter des coupes de champagne sur Victoria Island pendant que les pauvres s’entretuent à l’arme lourde dans les bas quartiers.

Critique :
« Rythme d’enfer avec des personnages impeccablement brossés », disait le bandeau-titre à l’arrière de la version poche.

Le rythme n’était pas d’enfer, d’ailleurs, un rythme trop élevé aurait nuit au récit. Un roman noir, ça se savoure, ça se déguste lentement. Attention, le récit ne manquait pas de rythme, loin de là, mais il était équilibré : ni trop rapide, ni trop lent.

Dans ce genre de roman, il ne faut pas bâcler les préliminaires, les lecteurs doivent avoir le temps de s’imprégner des atmosphères de la ville de Lagos, de ses quartiers miséreux où règnent la violence, sans oublier ses quartiers riches où vivent des gens qui s’en sont mis plein les fouilles grâce à la corruption ou autres trafics pas nets.

Quant aux personnages, en effet, ils étaient bien brossés, même si le journaliste anglais était un peu mou du genou, un peu crétin aussi, tandis que la jolie Amaka avait des couilles pour trois. Je me demande même si elle n’en avait pas pour plus que 3…

Mais au moins, les méchants n’étaient pas de ceux d’opérette, ils n’avaient rien de risibles, c’étaient des truands, ordinaires ou sadiques, devenu tels quels parce qu’ils n’ont pas eu le choix pour survivre ou parce que c’était le plus facile comme job, même si l’on ne fait pas vieux os et que la retraite, c’est souvent une balle que l’on se prend dans le buffet (et avant 64 ans).

M’est avis que le syndicat d’initiative ne sera pas content de la mauvaise pub que ce roman fait au pays : le Nigéria n’était pas dans mon top ten des destinations de rêves et il ne le sera jamais (surtout après cette lecture).

Ici, même si notre journaliste crèche dans un bel hôtel, ce que l’auteur nous montre, c’est ce que vous ne verrez jamais sur une carte postale ou dans un reportage d’échappées belles.

Ce que l’on voit a plus sa place dans une émission de reportage d’investigation où l’on dénonce la corruption, la violence, la politique pourrie (pléonasme, pardon), les flics véreux (on n’a pas envie de se faire arrêter par eux), le fétichisme, les croyances, la sorcellerie, la misère dans laquelle on a poussé des gens, obligeant les femmes à se prostituer pour payer des frais d’hospitalisation, pour pouvoir manger, se payer des études…

Notre journaliste n’avait pas l’intention d’enquêter sur les trafics du pays, ni sur les crimes rituels, ni sur les pratiques des policiers : il s’est juste trouvé au mauvais endroit, au mauvais moment. C’est la belle Amaka, qui, en le sortant de ce mauvais pas, va lui raconter ce qu’elle fait, ce qui se passe dans son pays et lui proposer d’écrire un article sur le sujet.

Ce roman noir, sombre, n’est pas difficile à lire, l’écriture de l’auteur va au plus simple, directement, sans fioritures, sans mettre des gants, avec de temps en temps une touche d’humour, d’ironie. Les phrases se lisent toutes seules et ce roman a été lu en deux petits jours à peine, tellement il prenait aux tripes.

Malheureusement, il a manqué des émotions. Malgré le côté badass d’Amaka (ou à cause de ça ?), je suis restée en retrait par rapport aux personnages et je n’ai pas vraiment su m’attacher à eux.

Ceci ne m’a pas empêché de profiter de ma lecture et de mon incursion en territoire Africain. J’ai apprécié le voyage, en sécurité dans mon canapé. Au moins, l’auteur ne sombre jamais dans le pathos.

Un premier roman qui laisse augurer que le suivant puisse être meilleur… Ah oui, c’est un problème : la suite au prochain épisode ! Là, j’ai moins aimé, car le lecteur n’est pas prévenu au départ. Oui, je savais qu’il y avait deux tomes avec Amaka, mais pas qu’il faudrait lire le deuxième pour savoir ce qu’il en sera de son combat contre un certain Malik…

Un roman noir où la vérité est bien cachée, ou tout le monde porte un masque, où les allégeances changent plus vite que le vent, où les balles sifflent et où les flics sont aussi terribles que les truands (si pas plus terribles).

Challenge Thrillers et Polars de Sharon (du 12 Juillet 2022 au 11 Juillet 2023) [Lecture N°XXX] et Le Mois du Polar, chez Sharon – Février 2023 (N°1X).