La langue au chat… : Erle Stanley Gardner

Titre : La langue au chat…                                     big_3

Auteur : Erle Stanley Gardner
Édition:  Un Mystère n°90 édité par Presses de la Cité – 1ère édition (1952)

Résumé (Extrait) :
Le chaton avait des yeux jaunes qui lui avait valu d’être appelé « Ambre », et ces yeux ne quittait pas la boule de papier froissé qu’Helen Kendal agitait par-dessus son bras de fauteuil.

Critique :
Après avoir avalé quelques romans noirs et un de dark fantasy où l’auteur prenait un malin plaisir à trucider tout le monde, je me devais d’opter pour une lecture plus calme. Perry Mason, le célèbre avocat américain était l’homme qui tombait à point…

Minute papillon ! Qui a dit « papy avocat » ? Non, non, non, dans les livres, Mason n’a pas 90 balais et sa secrétaire n’en a pas 86 ! Il est jeune, il est beau, il est grand et fort, il sent bon le prétoire tout chaud et sa secrétaire tient plus du modèle « poupoupidou », avec un cerveau bien alimenté, que de la mamy gâteuse du téléfilm des années 90 !

Bien, maintenant que j’ai mis les choses au point, parlons du roman : Franklin Shore a fichu le camp il y a 10 ans de chez lui et n’a plus donné signe de vie à sa famille. Bien que déclaré mort juridiquement, sa chiante mégère de « veuve » conteste l’affaire et la nièce, Helen Kendal, ainsi que Gérald, le frère du disparu, ne peuvent rien toucher de l’argent.

Helen comprit alors pourquoi tante Matilda se refusait obstinément à croire Franklin Shore décédé. Elle le haïssait trop pour pouvoir supporter l’idée qu’il échappât à sa vengeance. Elle se plaisait à l’imaginer revenant pour les seules raisons pouvant l’obliger à revenir : parce qu’il serait vieux, seul, meurtri par la vie, et dans le besoin.

Sur ce, tout s’emballe : le « disparu » téléphone à Helen et lui dit qu’il vit toujours. Stupeur ! Ensuite, c’est le chaton d’Helen qui a failli mourir empoisonné. Que de péripéties pour cette jolie jeune fille.

Si Perry Mason va entrer en scène, c’est parce que Franklin, l’oncle volage, a demandé à sa nièce d’aller le quérir, afin qu’il se mette en contact avec Henry Leech, un homme de confiance. Homme qui sera retrouvé raide mort dans sa voiture…

– […] En revanche, j’ai toujours remarqué que, lorsque vous m’indiquiez des indices, ce n’est pas tant pour attirer mon attention sur eux que pour m »empêcher de la porter sur d’autres choses. (Le lieutenant Tragg s’adressant à Perry Mason)

Le reste de l’histoire ne sera que rebondissements et imbroglio comme je les aime.

Ce qui m’a sauté aux yeux directement, c’est le côté « anti-jap » qui transpire dans cette histoire vis-à-vis du domestique, Komo… L’histoire se déroule en 1942, normal, donc. Les autres que j’avais lu étaient postérieurs ou antérieurs à cette date ou occultaient la seconde guerre mondiale.

Une chose qui m’a fortement plu dans ce roman-ci, c’est qu’il ne se déroule pas tout à fait comme dans les nombreux autres que j’ai lu.

Ici, pas le scénario habituel du client(e) qui demande à Mason de l’aider, en omettant des tas de choses importantes + meurtre + accusation client(e) + enquête de Mason + procès où Perry Mason prouve que son client(e) est innocent(e) et démasque le coupable par la même occasion.

Le schéma de celui-ci est différent et c’est « tant mieux ». Ici, durant l’enquête de Perry Mason, Della Street, sa secrétaire, se fait arrêter par le lieutenant Tragg et se retrouve accusée d’avoir soustrait un témoin important.

La voilà au tribunal devant un jury. Le district attorney, Hamilton Burger, jubile : cette fois, il va accrocher Mason à son tableau de chasse. Depuis le temps qu’il est son adversaire dans les cours et tribunaux… « Là, c’est sûr, je vais l’avoir » se dit-il en se frottant les mains.

Pas de chance, Perry est toujours le plus fort et il indiquera même le chemin vers la solution aux 12 jurés en leur parlant du comportement étrange d’un chaton… Pour qui connait les mœurs des chatons, la solution crève les yeux, une partie du jury l’a comprise et moi aussi.

Nous n’assisterons pas non plus à la dernière contre-attaque de Perry au procès, mais nous le retrouvons, à la fin, en compagnie de sa secrétaire, innocentée par le jury, lui expliquant comment il a solutionné l’affaire, qui est coupable, pourquoi, comment et toussatoussa.

Pas de déroulement du procès ? Vachement inhabituel dans les romans mettant en scène l’avocat…

De plus, puisque le lieutenant Tragg et le district attorney lui avaient reproché de trop se mêler des enquêtes et d’utiliser des méthodes peu orthodoxes, il ne leur a pas donné la solution de l’affaire, les laissant patauger dedans jusqu’au cou.

– Mason, dit Burger [District Attorney], vous exercez votre métier de façon peu orthodoxe. Vos méthodes sont spectaculaire, théâtrales et bizarres.
– Vous oubliez un qualificatif, glissa Mason.
Le district attorney battit des paupières :
– Effectives ? s’enquit-il.
Mason acquiesça.
– C’est bien ce qui m’ennuie, dit Burger.
– Je suis aise de vous l’entendre reconnaître.
– Oh ! Ça ne m’ennuie pas dans le sens que vous pensez, mais simplement parce que vous risquez de faire école et que chaque avocat de ce comté s’efforcera bientôt de jouer un plus fin avec la police.
– Si je découvre le véritable coupable d’un crime avant la police, est-ce mal agir ?
– Ce sont vos moyens que je critique.
– Qu’ont-ils de si critiquables ?
– Vous ne vous contentez pas d’interroger vos clients dans votre bureau et de plaider leur cause devant le tribunal. Vous vous lancez à corps perdu dans des enquêtes, vous procurant des preuves par tous les moyens, vous refusant à mettre la police dans la confidence.

La solution, les deux hommes doivent la trouver. Ils y arriveront, mais cela mettra bien 15 jours de plus et à ce moment là, ils comprendront que Mason savait tout…

Bluffant, donc, ce petit roman, qui m’a sorti des sentiers battus de l’auteur.

Ajoutons aussi des traits d’humour et des réparties bien senties entre l’avocat et le flic ou contre le district attorney.

– Nous avons une minute, Floyd, dit le lieutenant Tragg. Le type qui nous attends est mort. Il ne risque donc pas de faire quoique ce soit qui puisse nous embrouiller. Mais Maître Masson, lui, est bien vivant.
– Sous-entendez-vous que je pourrais vous embrouiller ? s’enquit l’avocat avec un sourire.
– Quand une de vos aventures nocturnes rend mon intervention nécessaire, je préfère avoir un entretien avec vous le plus vite possible. Cela simplifie toujours beaucoup les choses.

Et des traits d’esprits du lieutenant Tragg :

– C’est vous, Mason ? Est-ce que vous allez encore m’annoncer que vous avez découvert un cadavre ?
– Non, non ! dit vivement l’avocat.
– J’aime mieux ça. Qu’y a-t-il donc ?
– Je n’ai pas découvert de cadavre, mais une personne qui était avec moi vient d’en découvrir un dans une automobile, près du réservoir qui est à l’entrée de la route d’Hollywood…
– Oh, fit le lieutenant Tragg, c’est quelqu’un se trouvant avec vous qui a découvert ce cadavre ? Vous avez, je suppose, dépassé le nombre de cadavres que vous pouviez découvrir personnellement et vous préférez maintenant passez la main à votre estimable secrétaire ?
– Croyez-vous que ce soit vraiment le moment de vous donner tant de peine pour faire de l’esprit ?

Et une secrétaire qui ne se laisse pas faire face au lieutenant…

– Qu’est-ce que c’est que cela ?
– C’est une porte, répondit Della avec humeur. Vous avez déjà vu des portes, lieutenant [Tragg]. C’est fait ordinairement de bois, posé sur des gonds; ça s’ouvre et se referme.
– Comme c’est curieux ! fit Tragg.

Bien que j’ai compris certaines choses, tout n’était pas illuminé dans mon esprit, ma théorie s’étant affinée tout au long de ma lecture. L’auteur a pris soin aussi d’embrouiller les pistes et de nous lancer des leurres au visage.

J’ai adoré le final, Mason gagnant une fois de plus sur ce pauvre Burger, qui est cuit et qui doit se répéter, comme un mantra « Un jour, je l’aurai ».

Livre participant au challenge « Thrillers et polars » de Liliba (2013-2014) et  Le « Challenge US » chez Noctembule.

Note : Le petit chat noir est en fait l’avatar de Karine, du blog  « Livrenvie – Black Kat’s Blog ». Allez lui rendre visite, ses chroniques sont addictives, ces citations du jour sont fraiches, mais attention, elle pourrait vous faire augmenter la pile de livre…

47 réflexions au sujet de « La langue au chat… : Erle Stanley Gardner »

  1. Ping : L’ensemble de toutes les lectures par auteurs | 22h05 rue des Dames

  2. Ping : Bilan Livresque : Octobre 2013 | The Cannibal Lecteur

    • Et reposant quand on ne veut pas se casser la tête, voir du sang, du social, bref, pour la pause des méninges, c’est Mason qui intervient : humour, procès, bons mots, un zeste de flirtage et hop, mon esprit était aéré et prêt à entamer « un tueur sur la route » de Ellroy.

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      • pas le meme style, effectivement ! Il faudra que je lise quelques Perry Mason ! Je connais Gardner parce qu’il a cree un gentleman-cambrioleur : Lester Leith. Si tu as l’occasion de trouver les Series Noires qui contiennent les nouvelles le concernant, c’est tres sympa, tres leger et old-fashioned… Je ramenerai toujours tout aux gentlemen-cambrioleurs ! 🙂

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        • On sent que tu aimes les gentlemen cambrioleurs… Tiens, je savais qu’il y avait une autre série, dans celle de l’Éléphant, avec deux autres personnages, j’en ai mais je les aime moins que Mason.

          Faudra que je cherche !

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  3. C’est bien du Cannibale lecteur, tout craché, ça.
    Allez me dégoter un bon vieux Perry Masson de dessous les fagots.
    Il y a plus de 20 ans que je n’en est plus lu un. Whoua le coup de jeune.
    Je crois que le premier que j’ai lu, c’était « sur la corde raide » mais là c’était il y une trentaine d’années. Et en plus l’auteur lui était mort depuis presque 15 ans.
    Et ouais, Cannibale, les années passent et le polar reste.
    Merci à toi pour ce moment de nostalgie.

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    • Oui, j’aime bien les Mason, je les collectionne et il ne m’en manque plus que quelques uns. J’adore les couvertures de la collection Éléphant.

      C’était la minute « on a plus 20 ans et on le sent ».

      Sur la corde raide, je l’ai lu aussi. Mon premier était « l’avocat du diable » parce que je pensais que c’était le livre dont le film portant le même nom… 😳

      Le polar reste et ses ramifications sont nombreuses. J’aime bien me faire des oldies, ils ont une vie, une histoire, c’est gai.

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    • Il saute dans un lit, mais il n’y reste pas et va dans un autre, preuve qu’il n’y avait pas eu quelqu’un qui avait dormi dans le premier lit choisi par le chaton.

      Pourquoi ? Si le chaton n’est pas resté dans le lit, c’est parce qu’il était froid, et il est allé dans le lit où le jardinier avait dormi.

      Donc, le jardinier avait menti en disant que Franklin était revenu et avait dormi dans le second lit.

      Trahi par un petit poupousse innocent !

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  4. Ping : Les lectures d’octobre | 22h05 rue des Dames

    • Non, pas du tout, un innocent petit chaton prénommé Ambre… pas du genre à dénoncer le coupable en sifflant.

      Pas de bouledogue, non, jamais vu dans les livres, mais l’univers de la série est aussi éloigné des livres canonique que je le suis de la planète Saturne.

      Faut encore que je t’envoie le lien et que je le poste sur FB, mais je prend mon temps, j’étais de sortie ce jour… 😉

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      • Pas de stress.
        Décidément, les adaptations sont toujours très différentes des livres.
        Il y a quelqu’un qui a parlé de la série Bones. Aucun rapport avec la série juste le nom des personnages.

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        • En effet, aucun rapport entre la série et les livres ! Hormis le nom de Temperance Brennan, le reste, on oublie ! 😀

          Le jour où j’ai découvert que Mason était en fait un homme dans la petite trentaine, élégant, beau mec et que la secrétaire était une belle femme, dans la vingtaine, j’ai fait des yeux comme des soucoupes !

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            • Un peu trop de liberté, en effet ! La première série tournée avant celle qui avait Raymond Burr comme interprète était un peu plus correcte par rapport aux livres.

              Ce que j’aime dans les livres, c’est le détective Paul Drake qui enquête (j’aimais pas celui de la série Ken Malenski), et ses réparties avec Mason.

              Et puis l’époque des années 40-50 a un charme, surtout que pas téléphones partout, on passe par les cabines publiques, les téléphones dans les bars, bref, plus complexe que maintenant avec les GSM 😀

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