Des larmes de crocodiles – Úrsula López 02 : Mercedes Rosende

Titre : Des larmes de crocodiles – Úrsula López 02

Auteur : Mercedes Rosende (Uruguay) 🇺🇾
Édition : Quidam (01/03/2024)
Édition Originale : Miserere de los cocodrilos (2016)
Traduction : Marianne Millon

Résumé :
En proie à une boulimie depuis l’enfance, célibataire et prête à tout pour sortir des clous d’une vie solitaire, où son unique plaisir est d’épier ses voisins, Úrsula López accepte de s’allier avec Germán, un détenu qui sort de prison avec une commande de l’avocat véreux Antinucci : le braquage d’un transport de fonds blindé.

Plongeant dans la délinquance avec gourmandise, Úrsula tisse sa toile et s’affirme, car « Dieu vomit les tièdes ». Reste toutefois à affronter Antinucci et son tueur psychopathe…

Aussi acerbe qu’hilarant, Des larmes de crocodile donne libre cours à une magnifique antihéroïne pleine d’autodérision et à l’humour carnassier. Sous-estimer une femme qui verse dans la criminalité est toujours un tort.

Critique :
Voilà un roman noir qui n’est pas facile à appréhender, ni à résumer. Déjà, j’ai fait l’erreur de commencer par le tome 2, qui fait suite aux événements qui se sont déroulés dans le premier…

Pas encore trop grave, dans ce second tome, on a un résumé rapide du premier et on comprend assez vite ce qu’il en est.

Si j’ai décidé de lire cette autrice uruguayenne, c’est un peu à cause de la chronique de Actu du Noir et je ne le regrette pas, même si j’ai eu du mal au commencement, avec ce polar noir.

L’action se déroule à Montevideo, la capitale de l’Uruguay, le genre d’endroit où je n’irai qu’avec la littérature (moins cher, moins loin, moins polluant). Bon, je ne suis pas allée chez les calmes et les gentils, mais plutôt chez les tordus, les psychopathes, les truands et les anti-héros.

Úrsula López, le personnage centrale, n’a rien d’une héroïne belle, mince, élégante, sympa, mais elle est tout le contraire : boulimique, solitaire, avec la haine chevillée au corps (rancunière), imprévisible et avec des envies de vengeance.

Bref, Úrsula n’a rien à voir avec le corps splendide de sa frangine ou de Ursula Andress (James Bond contre Dr. No). Elle n’est même pas sympathique et dans ce roman noir, cela ne m’a pas dérangé, car vu les ambiances, Úrsula avait toute sa place dans ces pages sombres et violentes. Son personnage, tourmentée, en proie à une colère froide, était LE personnage qu’il fallait.

Les autres portraits qui gravitent dans ce roman noir n’étaient pas en reste et on aurait pu rebaptiser ce roman « L’avocat, le déserteur, le violent et le déprimé ». Oui, on a des bras cassé dans la troupe, mais il y avait aussi un fameux psychopathe et un personnage qui s’est révélé être plus machiavélique, plus meurtrier qu’on n’aurait pu le croire. J’en suis tombée de ma chaise, c’était un serial-killer que personne n’a vu.

Anybref, ce roman est violent, mais pas trop, à l’écriture assez cinématographique, comme si le narrateur s’adressait à nous, personnellement (en personne), nous présentant les personnages de manière séparée, avant que tout ce petit monde ne se rencontre pour un final qui était assez violent, chaud (explosifs) et bourré de suspense et de bons dialogues.

Le rythme général est assez lent, mais je ne me suis pas ennuyée durant ma lecture (250 pages), même si j’ai eu un peu de mal à y entrer, tant la trame de départ était complexe. Il vaut mieux être concentré sur sa lecture.

Un roman noir, serré comme un petit café, à l’humour assez grinçant dans les dialogues ou la narration. Le tout servi par une écriture que j’ai trouvée très belle. En tout cas, j »ai bien envie de lire le premier tome afin de découvrir comment tout à commencé.

Les mystères de soeur Juana – 02 – Sang d’encre : Oscar De Muriel

Titre : Les mystères de soeur Juana – 02 – Sang d’encre

Auteur : Oscar De Muriel 🇲🇽
Édition : Presses de la Cité (08/06/2023)
Édition Originale : La sangre es tinta (2019)
Traduction : Vanessa Canavesi

Résumé :
Ma plume rouge est sang. Prends garde, impie…

Don Carlos Sigüenza y Góngora a disparu. Il ne reste de lui qu’un chapeau couvert de sang retrouvé dans la cour du palais royal. Aidée de la novice Alina et de Matea, sa fidèle servante, soeur Juana mène à nouveau l’enquête. Retrouver Góngora lui permettra peut-être d’expier d’anciens péchés…

Mais quelqu’un semble décidé à ne pas laisser le génial astronome reparaître. Est-ce à cause de cette comète maléfique surgie dans le ciel il y a peu, et qui a causé une terreur sans nom dans les Amériques ? Ou des manuscrits hérétiques controversés que l’érudit était enfin parvenu à faire publier ?

À trop vouloir se mêler d’affaires qui les dépassent, les religieuses de San Jerónimo risquent de s’attirer les foudres des puissants… Qui a dit que la vie cléricale manquait de piquant ?

Critique :
C’est avec un grand plaisir que je suis retournée m’enfermer au couvent de San Jerónimo, chez les soeurs hiéronymites. Prenant une tasse de chocolat chaud, j’ai savouré mes retrouvailles avec soeur Juana.

Si dans le premier tome, il y avait des assassinats à la pelle (non, pas avec une pelle) et du sang à foison, dans ce deuxième tome, pas de corps, donc, pas de mort !

Hé oui, deux disparitions louches, mais sans corps retrouvé, on ne sait pas s’ils sont morts ou vivants, ils pourraient même être à la fois morts et vivants, tel le chat de Schrödinger…

Le mystère est donc entier et soeur Juana va enquêter comme elle peut, puisqu’elle est cloîtrée. Heureusement qu’il y a la servante de la novice Alina, une indienne (du Mexique, pas amérindienne) qui elle, peut aller un peu partout. D’ailleurs, son rôle sera plus important et c’est une bonne chose, car c’est un personnage sympathique que j’apprécie énormément.

Ce polar historique est la preuve qu’il y a moyen de tenir son lectorat en haleine sans avoir recours à de l’hémoglobine ou à des mises en scènes gores et innovantes des cadavres (même si je n’ai rien contre). L’auteur avait assez de matière que pour nous donner envie de tourner les pages et c’est ce que j’ai fait, sans voir le temps passer.

Comme dans le premier tome, le récit incorpore bien la vie à Mexico, en Nouvelle-Espagne, en 1690, que ce soit pour la place, importante, de la religion, mais aussi en ce qui concerne les droits que les femmes n’ont pas, que les Indiens n’ont pas (on dit même d’eux qu’ils n’ont pas d’âme) et sur les pleins pouvoirs des colons espagnols, mâles, bien entendu, riches, comme vous l’aviez deviné et nobles (ou religieux).

Sœur Juana entrelaça les doigts.
— Je vous l’accorde. Mais cette affaire est particulièrement épineuse pour deux raisons. Tout d’abord, parce que celle qui passe pour l’aguicheuse est doña Elvira, et son mari s’en lave les mains. C’est typique des aristocrates : ils versent tous dans le péché et la débauche, s’incitent même mutuellement au mal, mais ce sont toujours les femmes qui sont perfides et coupables…

— Mon frère aussi a disparu. Je ne vais pas commencer à écarter des hypothèses à cause du rang ou du titre de certains. Les pires crimes ont toujours été commis par des aristocrates. Ouvrez n’importe quel livre d’histoire, vous verrez.

Pas d’action comme dans un thriller, presque tout à huis clos, hormis quelques incursions dehors, mais deux disparitions, un message énigmatique et des femmes qui ont des cerveaux et qui savent s’en servir ! Et puis, il y a la langue acérée de soeur Juana, qui ne manque jamais de répliques piquantes. Son duel avec l’autre connard (je ne citerai pas de nom) était de toute beauté.

Un chouette polar historique à découvrir, si vous ne l’avez pas encore fait ! Il n’est pas nécessaire d’entrer dans les ordres et de faire vœu de chasteté, obéissance, pauvreté et de réclusion pour passer un très bon moment de lecture.

3,8/5

Le serpent et la lance – 03 – Cinq fleurs : Hub

Titre : Le serpent et la lance – 03 – Cinq fleurs 🇲🇽

Scénariste : Hub
Dessinateur : Hub

Édition : Delcourt -Terres de légendes (15/11/2023)

Résumé :
Empire aztèque (🇲🇽), 1454. Sur son lit de mort, le conseiller du souverain informe son fils qu’il doit reprendre cette fonction honorifique.

Cependant, ce dernier cherche sa fille disparue.

Plus de quarante momies ont été retrouvées dans le royaume, le tueur de jeunes filles court toujours.

Critique :
Enfer et damnation, ce n’est pas encore dans ce tome-ci que nous aurons le fin mot de cette enquête sur les momies de jeunes filles retrouvées…

Il y a un serial-killer dans l’empire Aztèque et Serpent et Oeil-Lance sont toujours en train de tenter de retrouver qui assassine et momifie des jeunes filles.

Peut-être que la solution est dans les souvenirs de jeunesse d’Oeil-Lance ? Lorsqu’il était à l’école avec Serpent et d’autres jeunes garçons issus de classes sociales différentes…

Si au départ, j’avais détesté le personnage de Serpent, au fil des trois tomes, l’auteur nous l’a montré sous un autre jour et j’en suis arrivée à moins de détester, pire, à commencer à l’apprécier, même. La profondeur des personnages est soignée et on s’attache même à des personnages qui n’ont pas de parole ou si peu.

Les rivalités qui opposent le Serpent et la Lance datent de leur scolarité, mais on n’en est plus là, il faut retrouver le coupable et depuis que Cinq-Fleurs, la nièce préférée de Serpent, a disparu, ce dernier flippe grave sa race.

C’est presque un tome de transition, même si l’enquête avance un peu et que l’action est présente à certains moments, comme une course-poursuite contre un assassin, mais ce n’est pas avec ce troisième tome que nous pourrons nous faire une idée sur l’identité du serial-killer (même si j’ai un soupçon).

En tout cas, nos deux hommes utilisent toutes les données pour trouver le coupable, comme reproduire, avec de la terre, la carte de la région et de répertorier, avec des ficelles et des plumes, tous les lieux où des momies furent retrouvées et selon leur ancienneté. Et s’il faut consommer des drogues pour se remémorer son passé, la Lance n’hésitera pas à le faire…

Les dessins font toujours mouche et les couleurs sont chaudes et chatoyantes. Bref, c’est un bel album.

Une excellente série, même si j’avais eu un peu de mal avec les premières pages du tome 1, mais ensuite, malgré le côté qui pourrait paraître alambiqué, c’est clair et limpide, une fois qu’on est bien dans le récit.

Les résumés des deux premiers tomes évitent aussi de laisser les lecteurs avec une mémoire défaillante au moment d’entamer ce nouvel album.

Je suis au taquet et j’ai hâte de lire le quatrième tome, de tout savoir et de relire cette série, juste pour le plaisir, comme le chantait un chanteur bien connu.

Serviteur des Enfer – Chroniques Aztèques 01 : Aliette de Bodard

Titre : Serviteur des Enfer – Chroniques Aztèques 01

Auteur : Aliette de Bodard 🇺🇸/ 🇫🇷
Édition : Mnémos (13/03/2024)
Édition Originale : Servant of the Underworld (2010)
Traduction : Laurent Philibert-Caillat

Résumé :
Au cœur de la majestueuse Tenochtitlan (🇲🇽), capitale de l’empire aztèque, Acatl est un grand prêtre des morts respecté. Son rôle est de s’assurer que les défunts reçoivent les bons rituels et que les rites de passage soient observés pour pénétrer dans le monde des esprits.

Mais lorsqu’une ambitieuse prêtresse est retrouvée morte, Acatl va devoir trouver le coupable, pendant que les hauts dignitaires préparent la succession de l’empereur mourant.

Au fil de son enquête, Acatl découvre un complot bien plus vaste que la simple mort d’une prêtresse, susceptible de menacer l’avenir de l’empire tout entier.

Critique :
Un polar historique qui se déroule à l’époque des aztèques ? J’étais curieuse de le découvrir.

J’ai eu du mal avec les 80 premières pages du roman et j’avais l’impression de pédaler dans la semoule, ce qui m’a fait hésiter à poursuivre ma lecture.

Heureusement que je me suis accrochée, parce qu’ensuite, le récit est devenu plus facile à suivre, plus intéressant et là, je ne l’ai plus lâché.

Qu’est-ce qui a bloqué au départ ? Les noms à rallonge et imprononçables des divinités aztèques (Mictecacihuatl, Mictlantecuhtli, Tezcatlipoca, Huitzilopochtli, …) et de certains personnages, que j’ai parfois rebaptisé dans ma tête : Mihmatini (soeur d’Acatl) est devenue Mimimathy (ce qui a posé un problème de cohérence lorsque j’imaginais cette jeune fille avec la tête de Joséphine ange gardien, en train de claquer des doigts).

Le glossaire des personnages aurait dû se trouver au début du roman et non à la fin pour faciliter les lecteurs à s’y retrouver dans la multitude des personnages.

Ce polar historique est aussi un polar qui lorgne du côté de la fantasy et du fantastique, ce qui fait que les personnages peuvent parler avec leurs dieux, qui existent dans l’autre-monde, ce qui fait que certaines créatures sont, elles aussi, tout à fait réelles et non issues d’un esprit ayant trop fumé du peyolt ou la moquette.

Au départ, cela m’a un peu déstabilisé, mais ensuite, plus aucun souci avec la magie et cet univers particulier de la mythologie aztèque.

L’atout de ce roman, ce sont ses personnages, assez marquants, notamment Acatl, le grand prêtre des morts, qui enquête afin de disculper son frère (même s’ils sont en froid) et tous les autres qui vont graviter autour d’eux. Malgré leurs noms à se faire une torsion de la langue, on arrive à retrouver qui est qui, chacun ayant ses caractéristiques propres.

L’autre atout du roman, et non des moindres, c’est que l’autrice a parfaitement intégré les mœurs de vie de la société aztèque. Au lieu de nous servir des plâtrées de faits de la vie quotidienne des Aztèques, elle a incorporée le tout dans son récit, ce qui fait que, eu fur et à mesure de notre lecture, on en apprend plus, sans que cela soit lourd et indigeste. L’univers mis en place est riche, on est immergé au coeur de l’empire tout de suite.

Ce n’est pas un roman policier qui va trop vite non plus, Acatl n’aura pas une enquête facile et c’est petit à petit qu’il va remonter la piste et trouver qui est coupable, sans pour autant qu’un dieu lui ai soufflé la réponse.

Mais, vu que nous sommes dans un univers de fantasy et de magie, il faut plus s’attendre à un colonel Chimichurri avec le poignard d’obsidienne, dans le temple d’un dieu qu’une résolution traditionnelle d’enquête. Au moins, l’autrice a réussi son grand final, qui n’était ni trop rapide, ni trop long, ni trop facile. Il m’a tenu en haleine !

C’est un polar historique dans un univers de fantasy et de magie qui est réussi, même si j’ai eu du mal avec le début, ce qui m’a donné envie de tout arrêter, mais ma récompense est venue en m’accrochant et en poursuivant ma lecture, car ça en valait la peine, vu l’univers mis en place par l’autrice, qui est tout à fait réaliste et bien détaillé.

Un roman de fantasy que je suis contente d’avoir lu et d’avoir découvert cet univers riche, même s’il est déstabilisant au départ.

PS : ce roman est déjà paru, en 2011, sous le titre de « D’Obsidienne et de sang ».

Le Diable sur mon épaule : Gabino Iglesias

Titre : Le Diable sur mon épaule

Auteur : Gabino Iglesias 🇵🇷
Édition : Sonatine – Thriller/Policier (01/02/2024)
Édition Originale : The Devil Takes You Home (2022)
Traduction : Pierre Szczeciner

Résumé :
Austin, Texas (🇺🇸). Lorsqu’on diagnostique une maladie foudroyante à sa fille, le monde de Mario s’écroule. Il se met à négliger son travail, se fait virer sans ménagement, les factures d’hospitalisation s’accumulent et sa femme cède lentement au désespoir.

Décidé à relever la tête, Mario contacte Brian, un ancien collègue devenu dealer de meth. Celui-ci lui propose un marché d’une effroyable simplicité : la vie d’un homme, contre 6 000 dollars. Sans une once d’hésitation, Mario accepte. Et découvre que la violence est un excellent remède à la colère qui l’habite.

Mais La Huesuda, la déesse de la mort, plane sur son existence. Et la tragédie le frappe à nouveau.

Lorsqu’il accepte une ultime mission pour un cartel de Juarez, la spirale de violence qui se déchaine alors finit de le convaincre qu’il n’aurait jamais dû ouvrir la porte au diable.

Critique :
Le nouveau barrio noir (mélange de thriller baroque, d’hyperréalisme percutant, de syncrétisme latino et de douleur du déracinement) de l’auteur commence gentiment, avant de nous entraîner dans des eaux sombres et puantes, à tel point qu’on se demande si cette aventure sera sans risques pour nous, pauvres lecteurs.

La vie de Mario s’est effondrée lorsque l’on a diagnostiqué une leucémie à sa gamine, qu’il a perdu son boulot, sa couverture de mutuelle, que les factures se sont accumulées et qu’il a mis un pied dans l’engrenage qu’il ne fallait pas.

Lorsque l’on dîne à la table du diable, il faut une longue cuillère et notre Mario l’a oublié. Lorsqu’il s’associe avec Brian, il a déjà franchi une ligne rouge, mais lorsque Juanca leur proposera de s’associer à lui afin de braquer un transport de fond d’un cartel, là, ni Mario, ni les lecteurs, ne pouvaient s’imaginer s’être assis à la table du diable, pour de vrai.

Ce barrio noir est sombre et certaines scènes sont assez gore, très violentes, notamment avec les dinosaures de Louisiane (quand vous le lirez, vous saurez de quoi je parle), la scène dans une petite maison pour récupérer une sorte de relique, ainsi que la scène du braquage en elle-même.

L’auteur connait son sujet, mais il ne se contente pas de donner du rythme à son récit, de proposer des personnages sombres, tourmentés (mais réussis) et de faire de la violence pour le plaisir.

Non, son récit, c’est aussi une manière de tacler les États-Unis, son racisme général, de critiquer le fait qu’une personne d’origine latine ne trouvera jamais que des sales boulots, mal rémunérés, contrairement à un blanc, quand bien même le blanc serait moins qualifié.

J’aurais voulu lui expliquer que des boulots pour lesquels j’étais largement assez qualifié m’étaient passés sous le nez. J’aurais voulu lui raconter que j’avais été viré plusieurs fois par des types qui étaient beaucoup moins compétents que moi. Au lieu de quoi je restai silencieux, parce que le monstre du racisme a plusieurs têtes et que je ne savais pas par laquelle Juanca avait été mordu. Et, surtout, parce qu’il avait raison.

Sans oublier le fait que les américains WASP considèrent les mexicains comme des envahisseurs, oubliant un peu vite que lorsque les premiers colonisateurs mirent le pied au Mexique, celui-ci était déjà habité (tout comme les États-Unis) et que les envahisseurs, ce sont ces descendants de colons…

Il fustige aussi ce pays où l’on peut acheter des armes facilement, armes que les trafiquants revendent ensuite aux membres des cartels mexicains (en fraude, bien entendu) et qu’ils alimentent, de ce fait, les tueries et fusillades au Mexique.

Je manquai m’étrangler. Ces deux « patriotes » faisaient partie intégrante du problème. Si la situation au Mexique était aussi catastrophique, c’était en grande partie à cause des fusillades constantes. Or, les armes impliquées dans ces fusillades provenaient de gens comme Kevin et Stevie.

On était venus pour récupérer un véhicule rempli d’armes, et Brian se voyait proposer un boulot tandis que je me faisais traiter d’immigré clandestin. Une belle illustration du racisme systémique. C’était tellement absurde que c’en était presque amusant. Et, en même temps, j’avais connu ça toute ma vie : à côté d’un Blanc en costar, mon niveau d’études et mon CV ne valaient rien. Sauf que là, le Blanc en question était quand même un toxico transpirant aux yeux écarlates qui avait passé la journée à gober des cachetons.

Si son trio de personnages est réussi, un autre qui est magistral, c’est Don Vázquez, le boss du cartel de Juárez. Un homme élégant, souriant, amical, qui parle sans élever la voix, tout en douceur et qui, sans faire d’effort, arrive à vous glacer d’effroi, tel un Poutine entrant dans la pièce où vous vous trouveriez. Les méchants calmes sont toujours plus angoissants que les p’tits nerveux.

Dans ce roman noir serré et violent, il est amusant aussi de constater combien les membres des cartels sont plus croyants que le pape lui-même et superstitieux comme pas possible. On est au-delà de la patte de lapin ou du bulletin de Lotto rempli un vendredi 13. On entre dans des croyances limites moyenâgeuse ! Mais comme l’auteur ajoute une louche de fantastique et d’horreur, on se dit ensuite qu’il est normal que tout ce petit monde soit croyant !

Un roman noir oppressant, qui sent la sueur, les corps pas lavés, les drogues qui suintent de tous les pores, le sang, les tripes, l’eau croupie, les armes à feu, les balles, les consciences que l’on lave à grand renfort d’excuses bidons, les croyances et les gris-gris dont vous n’avez pas envie de connaître la provenance.

Un roman noir qui, malgré ses éléments fantastiques, reste tout de même terriblement ancré dans le réel et qui nous montre la face cachée des trafics de drogues et d’armes, sans oublier la misère des gens lorsqu’ils perdent leur mutuelle ou leur assurance santé.

An American Year

Jackdaw : Daniel Cole [LC avec Bianca]

Titre : Jackdaw

Auteur : Daniel Cole
Édition : Robert Laffont – La bête noire (21/03/2024)
Édition Originale : Jackdaw (2023)
Traduction : Magali Duez

Résumé :
PRÉDATEUR OU PROIE ?

On l’appelle Jackdaw. Sur chaque victime, il laisse une signature qui fait froid dans le dos : cinq griffures. Et chaque fois qu’il tue, il emporte un trophée, une étrange collection qui ne cesse de s’agrandir.

Personne ne sait à quoi il ressemble, où il va frapper la prochaine fois, ni pourquoi. Il pourrait être votre voisin, votre patron… votre mari. Il n’y a qu’une peur paralysante : qui qu’il soit, il est là, à guetter, à attendre.

Critique :
Ce thriller est très addictif et sans m’en rendre compte, j’avais dévoré plus d’un tiers du récit sans même m’en rendre compte. D’ailleurs, c’est le genre de thriller qui se dévore sur une journée pluvieuse d’un week-end.

Un mystérieux serial-killer, surnommé Jackdaw ((choucas), tue en décapitant des personnes, sans que l’on sache comment il y est parvenu. En plus, il signe de 5 griffures et emporte ensuite un trophée.

L’inspectrice Scarlett Delaney et le sergent Frank Ash sont sur l’enquête, mais ils tournent en rond, ne comprenant pas comment ce serial-killer arrive à commettre ses crimes.

L’inconvénient, avec un thriller, c’est que, contrairement à un whodunit (un roman à énigme classique), c’est que vous n’avez pas une brochette de potentiels coupables à vous mettre sous la dent. Difficile de trouver l’identité du coupable d’un serial-killer dans ce genre de configuration du récit… Surtout que l’auteur ne nous invite pas à chercher l’identité du coupable par nous-même, ne nous donnant pas de la matière pour notre cerveau.

À moins de suspecter les enquêteurs, le chien du sergent Franck Ash, le mari ou le chat de Scarlett… Tiens, il a une bonne tête de coupable, ce chat à trois pattes qui griffe… Oh mon dieu, c’est lui !! C’est le chat, avec le katana dans la bibliothèque ! Gagné.

Le duo d’enquêteurs marche assez bien, ils s’entendent bien, pas d’histoire d’amour à l’horizon (ouf), mais je les ai trouvé un peu fadasse, notamment le sergent Ash, qui aurait mérité d’être un peu plus approfondi, notamment parce que c’est un vieux flic un peu désabusé, mais qui évite les clichés de l’alcoolo déprimé en rogne contre le monde entier. Scarlett avait un peu plus de punch, je l’ai appréciée, même si parfois, elle est un peu naïve.

S’il y a un personnage que j’ai adoré, c’est Henry : élégant, distingué, le port aristocratique, avec un soupçon d’insolence, mais toujours distinguée, presque avec le petit doigt en l’air (ce n’est pas Deadpool !). Dans son rôle, j’ai imaginé un David Niven ou un Sir Sean Connery, la version plus âgée, avec de la barbe. Personnage plus que réussi que celui de Henry qui oscille entre le bien et le mal, tout en équilibre et en finesse.

La deuxième partie est intéressante et si lira tout aussi vite que la première, puisque nous aurons d’un côté, l’enquête officielle, menée par les flics et l’officieuse, menée par deux autre personnages qui vont former un autre duo que j’ai adoré.

Si j’ai trouvé la mise en scène des crimes très originales, bien trouvées (et logiques à comprendre), par contre, pour la dernière, j’ai un peu coincé. Pas sûr que ça fonctionne, mais je me trompe peut-être, notamment parce qu’il m’a été impossible de la visualiser correctement dans ma tête. Ça fonctionne peut-être, je n’irai pas tester, mais elle est tarabiscotée au possible !

Un thriller addictif, qui fait du bien au moral, parce que même s’il y a des cadavres, le ton reste joyeux, sans virer à la farce. Comme le dit l’auteur, il souhaitait que ce roman soit un joyeux moment d’évasion irrévérencieuse, et c’est réussi !

Ce n’est pas Bianca qui me dira le contraire ! LC réussie !

Challenge Thrillers et Polars de Sharon (du 12 Juillet 2023 au 11 Juillet 2024) [Lecture N°169].

Mirror Bay : Catriona Ward

Titre : Mirror Bay

Auteur : Catriona Ward
Édition : Sonatine – Thriller/Policier (07/03/2024)
Édition Originale : Looking Glass Sound (2023)
Traduction : Pierre Szczeciner

Résumé :
Été 1989. Les parents de Wilder Harlow viennent d’hériter d’un cottage dominant les côtes du Maine. L’adolescent, plutôt mal dans sa peau, fait la connaissance sur la plage d’une jeune fille, Harper, et d’un garçon, Nathaniel. Très vite, le trio devient inséparable.

Mais malgré le tableau idyllique du bord de mer, des balades en bateau, des amitiés naissantes et des secrets partagés, des rumeurs courent à Whistler Bay. On parle d’une mystérieuse noyée dont le corps n’a jamais été retrouvé, d’un homme qui s’introduit la nuit dans les foyers pour prendre en photo les enfants pendant leur sommeil…

Bientôt, l’inquiétude est avivée par des événements beaucoup plus sombres.

Pour les trois adolescents, les portes de l’enfance se referment à jamais. Profondément marqué, Wilder entreprend de rédiger ses mémoires. Prenant un visage totalement inattendu, l’horreur frappe à nouveau…

Après « La Dernière Maison avant les bois », Catriona Ward joue une fois encore avec nos nerfs. Et de quelle façon !

Plus qu’un magistral roman de genre, d’une singularité confondante, elle nous propose ici une réflexion sur la mémoire, le passé, les traumatismes et les récits que l’on s’en fait. Un ouvrage qui hante le lecteur bien après avoir tourné la dernière page.

Critique :
On pourrait penser, en commençant à lire ce roman, que l’on se trouve face à un récit qui va se consacrer à trois ados devenus amis durant leur vacances passées à Whistler Bay, sur les côtes du Maine. Mais ce serait réducteur…

Oui, Wilder, ado mal dans sa peau, vient enfin de se faire deux amis, en les personnes de Harper, une jeune fille et de Nat, le jeune homme qui vit à Whistler Bay toute l’année, fils d’un pêcheur. Mais ce roman, c’est un peu plus que ça.

Oui, c’est aussi une histoire de passage à l’âge adulte, des premiers émois, des premiers amours, des serments que l’on se fait et dont on pense qu’ils dureront toute notre vie. Mais pas que.

Oui, dans ce joli coin du Maine, il y a des légendes urbaines qui courent, des histoires que l’on raconte pour se faire peur, sur des personnes qui ont disparu alors qu’elles nageaient, victimes des courant, sans aucun doute, mais cela fait plus frémir si l’on parle de sirènes. Et puis, il y aussi le Rôdeur, qui s’introduit dans les maisons et photographie les enfants.

Ce roman, c’est aussi des ambiances sombres, mystérieuses, intrigantes, pesantes, parfois à la limite de la malséance, notamment dans le comportement de certains personnages, dont je me suis demandée ce qu’ils cachaient vraiment (mais ils ne cachaient peut-être rien non plus, tout l’art du mystère est là).

Ce récit, c’est aussi une plongée dans l’inconnu, parce que l’autrice aime balader ses lecteurs et faire en sorte que son récit soit comme une toile d’araignée, comme les tentacules d’une pieuvre (saviez-vous qu’elle avait un cerveau dans chaque tentacules en plus d’un dans sa tête ?), qui, tels des serpents de mer, nous entraînent un peu partout, avant de nous figer sur place, telle Méduse ?

Alors oui, dans le registre « Pan sur ta gueule, tu ne l’as pas vue venir, celle-là », l’autrice avait frappé beaucoup plus fort dans son précédent roman (La dernière maison avant les bois) qui était bien plus nébuleux. Malgré tout, le final de celui-ci m’a tout de même fait sursauter.

Non, je n’avais rien vu venir. Ni le twist final, ni l’horreur que l’on découvrira à un moment donné, tel un lapin blanc surgissant de la grotte, heu, de son terrier, et entraînant nos trois amis dans un maelström inattendu qui fera tout valser.

Ce récit, c’est comme des poupées gigognes qui s’emboitent l’un dans l’autre, chaque partie cachant la suite, nous laissant dans le noir absolu, puisque l’on ne sait pas ce qu’il adviendra ensuite. Et des découvertes, il y en aura quelques unes !

Croyez-moi, nous sommes loin d’un romans consacré à des ados en vacances et qui vont grandir d’un coup. Les ingrédients dans le roman sont classiques, mais leur traitement ne l’est pas et finalement, on obtient un tout autre plat que celui que l’on pensait avoir à notre table.

Un roman à découvrir, tout comme le précédent de cette autrice, si vous ne l’avez pas encore fait…

An American Year

Challenge Thrillers et Polars de Sharon (du 12 Juillet 2023 au 11 Juillet 2024) [Lecture N°166]  et le Challenge « American Year » – The Cannibal Lecteur et Chroniques Littéraires (du 15 novembre 2023 au 15 novembre 2024) # N°52.

The Old Man : Thomas Perry

Titre : The Old Man

Auteur : Thomas Perry
Édition : L’Archipel – Thriller (01/02/2024)
Édition Originale : The Old Man (2019)
Traduction : Sebastian Danchin

Résumé :
« Une chasse à l’homme intense… Personne ne décrit mieux que Perry les scènes de traque. » New York Times Book Review

Ancien agent du Renseignement militaire américain, Dan Chase a été envoyé en Libye au début des années 1980.

Sa mission : fournir 20 millions de dollars à un chef de guerre hostile à Kadhafi. Mais l’opération a mal tourné. Trente-cinq ans ont passé.

Chase vit en solitaire dans le Vermont avec ses deux chiens. Jusqu’au jour où son ancienne vie le rattrape.

Pour échapper à ceux qui veulent l’abattre, Chase se lance dans une longue cavale à travers les États-Unis et le Canada. Avant de comprendre qu’il n’a d’autre choix que de solder les comptes du passé…

Critique :
« Un roman qui brûle tout sur son passage », selon le bandeau-titre reprenant les paroles de Stephen King.

Bon, le roman est bon, mais de là à dire qu’il brûle tout, c’est un peu exagéré.

Daniel Chase était tranquille, était pénard, promenait ses deux chiens noirs… La retraire, ça a du bon. La nuit, un type est entré chez lui et Dan lui a dit « laisse béton »…

Pardon, vu qu’il y avait un intrus et que nous sommes aux States, il lui a tiré une bastos dans le buffet et hop, affaire réglée, on appelle les flics et le lendemain, Dan Chase mettait les voiles sous une nouvelle identité.

Progressivement, nous allons apprendre ce qu’il s’est passé en Libye, lorsque Dan Chase était un agent du Renseignement militaire américain et qu’il a accompli ce qu’il considérait comme un service rendu à la patrie, qui, elle ne l’a pas entendu de la sorte et maintenant, presque 40 ans après, il a des mecs aux fesses et les renseignements généraux aussi.

Oui, ce thriller est le récit d’une cavale, mais rassurez-vous, notre Dan Chase (qui a pris une autre identité, mais qui sera toujours le vieil homme), ne va pas passer tout le récit à cavaler, il va aussi se poser, refaire son trou, avant de devoir reprendre la route pour échapper à son destin.

Bon, ça aurait pu devenir répétitif et lassant, mais l’auteur a tout de même réussi à rendre ces moments intéressants, notamment grâce à son personnage de Dan Chase, vieil homme de 60 ans (ou plus ?) qui attire tout de suite la sympathie du lecteur. Ses deux gros chiens noirs, je les ai adoré aussi !

Ce thriller se laisse lire facilement, l’écriture étant simple, mais agréable à suivre et l’auteur est assez dissert sur les méthodes utilisées par Dan pour se fondre dans l’anonymat, ouvrir des comptes en banque sur des identités différentes, demander des passeports, des permis de conduire (dans les années 80, c’était plus simple que maintenant) et les période où notre homme sera poursuivi dans la neige sera intense.

Non, je ne me suis pas embêtée en lisant ce thriller, mais il n’a rien brûlé du tout (mais ce n’est pas grave, hein). Par contre, il fait un peu froid dans le dos quand on voit les moyens mis en œuvre par les renseignements américains pour retrouver notre vieil homme, autant de temps après.

On comprend qui est derrière tout ça, mais nous ne saurons pas pourquoi cette personne a décidé de le rechercher, ni comment il a trouvé sa première identité. Là, il restera des zones d’ombre. Elles ne nuiront pas au récit, mais j’aurais aimé savoir…

Un thriller qui fait le job de divertir, de faire monter l’adrénaline, d’offrir du suspense, un personnage sympathique que l’on aurait envie de connaître et quelques révélations qui m’ont fait ouvrir les yeux.

Une lecture pour se vider un peu la tête.

PS : j’aime les animaux et comme Dan avait deux chiens et que j’avais peur qu’il ne leur arrive des malheurs, j’ai triché et je suis allée voir à la fin… Pas de panique à avoir pour ses chiens, pas de blessures, pas d’accident, pas de mort !!

An American Year

Challenge Thrillers et Polars de Sharon (du 12 Juillet 2023 au 11 Juillet 2024) [Lecture N°165]  et le Challenge « American Year » – The Cannibal Lecteur et Chroniques Littéraires (du 15 novembre 2023 au 15 novembre 2024) # N°51.

Obsolète : Sophie Loubière [LC avec Bianca]

Titre : Obsolète

Auteur : Sophie Loubière
Édition : Belfond (01/02/2024)

Résumé :
La femme, un produit sans grand avenir ?

2224. Depuis le Grand Effondrement de la civilisation fossile et les crises qui ont suivi, l’humanité s’est adaptée. Économiser les ressources, se protéger du soleil, modifier son habitat, ses besoins, et adhérer au tout-recyclage.

Y compris celui des femmes.

Afin d’enrayer le déclin de la population, toute femme de cinquante ans est retirée de son foyer pour laisser la place à une autre, plus jeune et encore fertile.

L’heure a sonné pour Rachel. Solide et sereine, elle est prête. Mais qu’en est-il de son mari et de ses enfants ? Car personne n’est jamais revenu du Grand Recyclage. Et Rachel sent bien que le Domaine des Hautes-Plaines n’est pas ce lieu de rêve que promet la Gouvernance territoriale aux futures Retirées…

Critique :
À 50 ans, si tu es une femme, que tu aies une Rolex au poignet ou pas, tu es quand même has been, retirée de ton foyer et envoyée au Domaine des Hautes-Plaines, pour y mener une vie tranquille. C’est le grand recyclage, la retraite à 50 ballais, en fait. Fuck la réforme des retraites !

Nous sommes en 2224, au cap Gris-Nez, dans un monde post-apocalypse, dans une dystopie qui met en scène une petite société d’humains qui se sont adapté à leur nouvel environnement, dans des sociétés avec moins de dépenses énergétiques, plus écologiques, sans violences (fini les meurtres, les vols, les viols,…), avec de l’empathie pour les autres, sans homophobie, sans racisme, sans religions…

Purée, mais c’est le pied, cette société ! Je signe où ? On pourrait l’avoir en 2024 et ne pas attendre 200 ans ??

Ah oui, mais il y a un mais… Un gros MAIS ! Les émotions des gens sont régulées, contrôlées… Alors oui, c’est facile d’endiguer les crimes et autres saloperies. Et puis, comme la fertilité à diminué et que les femmes sont plus nombreuses que les hommes (pauvres choux, va), elles doivent se retirer du jeu, à 50 ans et leurs époux (ou leurs compagnes, pour les couples lesbiens) est prié de reprendre une autre femelle et de refaire des enfants. Repeuplement démographique, en fait !

Oups, ça sent déjà moins bon, vous ne trouvez pas ? Et c’est là que réside toute la puissance de cette dystopie, car l’autrice, au lieu de nous plonger dans une société totalitariste et horrible, version « Servante écarlate » ou « 1984 », nous amène dans une société qui ressemble à un cocon, à un modèle parfait, à une société où il fait bon vivre, loin du métro-boulot-dodo, en harmonie avec la Nature (qui a morflé).

Ce qui fout la trouille, dans cette dystopie, c’est lorsque l’on comprend ce qu’il pourrait y avoir derrière l’envers du décor (et on ne met pas 200 pages à capter qu’il doit y avoir une couille dans le pâté). Mais pour tout savoir, il faudra attendre le chapitre concerné et l’autrice vous donnera les détails au fur et à mesure… Glaçant et troublant, notamment avec les sempiternelles excuses du « nous n’avions pas le choix ».

D’ailleurs, une scène m’a fait penser à celles de l’arrivée des Juifs et autres prisonniers, dans les camps de concentration… Et pourtant, je vous assure que la scène était joyeuse, dans ce roman ! Mais elle m’a fait l’effet d’une douche glacée. Le talent de l’autrice était là aussi.

Mais avant d’arriver à l’épisode du grand recyclage, nous aurons à résoudre la mort mystérieuse de trois habitants du village et il faudra de la persévérance à certains pour mener l’enquête, sans se faire remarquer, puisque l’on a dit que c’était un tragique accident.

Deux arcs narratifs, donc, dans ce pavé de 500 pages : enquêter sur des morts mystérieuses, découvrir le/la/les coupables et se préparer au départ de certaines femmes pour le grand recyclage et à la vie d’après. Dire que personne ne se révolte…

Le côté polar est un peu léger, car ce n’est pas le plus important, mais ce qui arrivera lors des conclusions de celui qui a mené l’enquête et qui tentera de faire comprendre aux autres leurs erreurs, qui ont mené à cette folie ! Et là, c’était brillant, une fois de plus.

Si au départ, j’ai eu un peu de mal en commençant la lecture de cette dystopie, je me suis faite happer ensuite et même si je n’ai pas ressenti de véritable empathie pour les différents personnages, j’ai grandement apprécié ce récit d’anticipation, de ce post Grand Effondrement et cette société que l’autrice a mise en place, qui semble être un havre de paix, mais qui cache des trucs pas nets et qui nous renvoie vers nos sociétés à nous, notamment dans certains de nos travers, tels la surconsommation…

Une dystopie à découvrir absolument ! Bianca, ma copinaute de LC, n’en pense pas moins, elle a apprécié sa lecture, tout comme moi et en a été glacée aussi.

Challenge Thrillers et Polars de Sharon (du 12 Juillet 2023 au 11 Juillet 2024) [Lecture N°164].

Lonesome – 04 – Le territoire du sorcier : Yves Swolfs

Titre : Lonesome – 04 – Le territoire du sorcier

Scénariste : Yves Swolfs
Dessinateur : Yves Swolfs

Édition : Le Lombard (23/02/2024)

Résumé :
Elijah était venu à New York pour régler ses comptes, il en est reparti avec une famille exhumée des sables du temps et de la mémoire.

Mais ni lui ni sa soeur, Miss Lyle, agente des Pinkerton, n’ont pu confronter le responsable de toutes leurs infortunes : leur père, le sénateur Dawson.

Et ce dernier a trouvé refuge au beau milieu des bois sur les terres de Cromley, un cultiste redouté. Pour avoir enfin droit à leur réunion de famille, il leur faudra défier le diable en personne !

Critique :
♫ I’m a poor lonesome cow-boy ♪ Oups, pardon, ce n’est pas le bon générique ! Lonesome est un pauvre solitaire, mais il n’a rien du débonnaire Lucky Luke. Lui, il ne tire pas dans les armes, mais dans les gens, le sang coule et il les tue. Bref, c’est violent, mais c’est la triste réalité du far-west.

Ce quatrième album signe la fin du premier cycle. Avec celui-ci, vous saurez tout, vous savez tout et tout est accompli.

Mais j’espère qu’il y aura une suite, parce que si je fais la moyenne des quatre albums, on a tout de même une bonne série western, classique, certes, un cran en-dessous de la saga Durango, mais dans l’ensemble, les scénarios étaient bons, recherchés et comme l’action se situe avant la guerre de Sécession (que tout le monde sent venir), cela a permis de jouer avec les complots politiques et bancaires (on sait que des banques européenne ont financé autant le Nord que le Sud).

Si votre mémoire vous fait défaut, l’auteur, en début de récit, nous fait un rappel des faits les plus importants de sa nouvelle série, ce qui permet de repartir avec tout en tête (attention, il vaut mieux lire les albums précédents avant de commencer celui-ci !).

Le sénateur Dawson a vu son portrait s’adoucir, dans ce tome-ci, vu qu’il y avait encore pire que cette crapule, le sataniste Crowley, que vous n’avez pas envie de rencontrer, croyez-moi. Et sa troupe de manteaux noirs, vous n’avez pas envie de croiser leur route non plus, et si c’est le cas, planquez vous.

Un bon western, bien bourrin, bourré de violences, de morts, de scènes de tirs, d’embuscades, de gros salopards qui ne reculeront devant rien pour obtenir ce qu’ils veulent et un Lonesome, qui, tel un Durango, fait mouche à chaque tir, même s’il n’utilise pas le flingue mythique du fumeur de cigare.

Challenge Thrillers et Polars de Sharon (du 12 Juillet 2023 au 11 Juillet 2024) [Lecture N°162]  et le Challenge « American Year » – The Cannibal Lecteur et Chroniques Littéraires (du 15 novembre 2023 au 15 novembre 2024) # N°49.