Des larmes de crocodiles – Úrsula López 02 : Mercedes Rosende

Titre : Des larmes de crocodiles – Úrsula López 02

Auteur : Mercedes Rosende (Uruguay) 🇺🇾
Édition : Quidam (01/03/2024)
Édition Originale : Miserere de los cocodrilos (2016)
Traduction : Marianne Millon

Résumé :
En proie à une boulimie depuis l’enfance, célibataire et prête à tout pour sortir des clous d’une vie solitaire, où son unique plaisir est d’épier ses voisins, Úrsula López accepte de s’allier avec Germán, un détenu qui sort de prison avec une commande de l’avocat véreux Antinucci : le braquage d’un transport de fonds blindé.

Plongeant dans la délinquance avec gourmandise, Úrsula tisse sa toile et s’affirme, car « Dieu vomit les tièdes ». Reste toutefois à affronter Antinucci et son tueur psychopathe…

Aussi acerbe qu’hilarant, Des larmes de crocodile donne libre cours à une magnifique antihéroïne pleine d’autodérision et à l’humour carnassier. Sous-estimer une femme qui verse dans la criminalité est toujours un tort.

Critique :
Voilà un roman noir qui n’est pas facile à appréhender, ni à résumer. Déjà, j’ai fait l’erreur de commencer par le tome 2, qui fait suite aux événements qui se sont déroulés dans le premier…

Pas encore trop grave, dans ce second tome, on a un résumé rapide du premier et on comprend assez vite ce qu’il en est.

Si j’ai décidé de lire cette autrice uruguayenne, c’est un peu à cause de la chronique de Actu du Noir et je ne le regrette pas, même si j’ai eu du mal au commencement, avec ce polar noir.

L’action se déroule à Montevideo, la capitale de l’Uruguay, le genre d’endroit où je n’irai qu’avec la littérature (moins cher, moins loin, moins polluant). Bon, je ne suis pas allée chez les calmes et les gentils, mais plutôt chez les tordus, les psychopathes, les truands et les anti-héros.

Úrsula López, le personnage centrale, n’a rien d’une héroïne belle, mince, élégante, sympa, mais elle est tout le contraire : boulimique, solitaire, avec la haine chevillée au corps (rancunière), imprévisible et avec des envies de vengeance.

Bref, Úrsula n’a rien à voir avec le corps splendide de sa frangine ou de Ursula Andress (James Bond contre Dr. No). Elle n’est même pas sympathique et dans ce roman noir, cela ne m’a pas dérangé, car vu les ambiances, Úrsula avait toute sa place dans ces pages sombres et violentes. Son personnage, tourmentée, en proie à une colère froide, était LE personnage qu’il fallait.

Les autres portraits qui gravitent dans ce roman noir n’étaient pas en reste et on aurait pu rebaptiser ce roman « L’avocat, le déserteur, le violent et le déprimé ». Oui, on a des bras cassé dans la troupe, mais il y avait aussi un fameux psychopathe et un personnage qui s’est révélé être plus machiavélique, plus meurtrier qu’on n’aurait pu le croire. J’en suis tombée de ma chaise, c’était un serial-killer que personne n’a vu.

Anybref, ce roman est violent, mais pas trop, à l’écriture assez cinématographique, comme si le narrateur s’adressait à nous, personnellement (en personne), nous présentant les personnages de manière séparée, avant que tout ce petit monde ne se rencontre pour un final qui était assez violent, chaud (explosifs) et bourré de suspense et de bons dialogues.

Le rythme général est assez lent, mais je ne me suis pas ennuyée durant ma lecture (250 pages), même si j’ai eu un peu de mal à y entrer, tant la trame de départ était complexe. Il vaut mieux être concentré sur sa lecture.

Un roman noir, serré comme un petit café, à l’humour assez grinçant dans les dialogues ou la narration. Le tout servi par une écriture que j’ai trouvée très belle. En tout cas, j »ai bien envie de lire le premier tome afin de découvrir comment tout à commencé.

Le Diable sur mon épaule : Gabino Iglesias

Titre : Le Diable sur mon épaule

Auteur : Gabino Iglesias 🇵🇷
Édition : Sonatine – Thriller/Policier (01/02/2024)
Édition Originale : The Devil Takes You Home (2022)
Traduction : Pierre Szczeciner

Résumé :
Austin, Texas (🇺🇸). Lorsqu’on diagnostique une maladie foudroyante à sa fille, le monde de Mario s’écroule. Il se met à négliger son travail, se fait virer sans ménagement, les factures d’hospitalisation s’accumulent et sa femme cède lentement au désespoir.

Décidé à relever la tête, Mario contacte Brian, un ancien collègue devenu dealer de meth. Celui-ci lui propose un marché d’une effroyable simplicité : la vie d’un homme, contre 6 000 dollars. Sans une once d’hésitation, Mario accepte. Et découvre que la violence est un excellent remède à la colère qui l’habite.

Mais La Huesuda, la déesse de la mort, plane sur son existence. Et la tragédie le frappe à nouveau.

Lorsqu’il accepte une ultime mission pour un cartel de Juarez, la spirale de violence qui se déchaine alors finit de le convaincre qu’il n’aurait jamais dû ouvrir la porte au diable.

Critique :
Le nouveau barrio noir (mélange de thriller baroque, d’hyperréalisme percutant, de syncrétisme latino et de douleur du déracinement) de l’auteur commence gentiment, avant de nous entraîner dans des eaux sombres et puantes, à tel point qu’on se demande si cette aventure sera sans risques pour nous, pauvres lecteurs.

La vie de Mario s’est effondrée lorsque l’on a diagnostiqué une leucémie à sa gamine, qu’il a perdu son boulot, sa couverture de mutuelle, que les factures se sont accumulées et qu’il a mis un pied dans l’engrenage qu’il ne fallait pas.

Lorsque l’on dîne à la table du diable, il faut une longue cuillère et notre Mario l’a oublié. Lorsqu’il s’associe avec Brian, il a déjà franchi une ligne rouge, mais lorsque Juanca leur proposera de s’associer à lui afin de braquer un transport de fond d’un cartel, là, ni Mario, ni les lecteurs, ne pouvaient s’imaginer s’être assis à la table du diable, pour de vrai.

Ce barrio noir est sombre et certaines scènes sont assez gore, très violentes, notamment avec les dinosaures de Louisiane (quand vous le lirez, vous saurez de quoi je parle), la scène dans une petite maison pour récupérer une sorte de relique, ainsi que la scène du braquage en elle-même.

L’auteur connait son sujet, mais il ne se contente pas de donner du rythme à son récit, de proposer des personnages sombres, tourmentés (mais réussis) et de faire de la violence pour le plaisir.

Non, son récit, c’est aussi une manière de tacler les États-Unis, son racisme général, de critiquer le fait qu’une personne d’origine latine ne trouvera jamais que des sales boulots, mal rémunérés, contrairement à un blanc, quand bien même le blanc serait moins qualifié.

J’aurais voulu lui expliquer que des boulots pour lesquels j’étais largement assez qualifié m’étaient passés sous le nez. J’aurais voulu lui raconter que j’avais été viré plusieurs fois par des types qui étaient beaucoup moins compétents que moi. Au lieu de quoi je restai silencieux, parce que le monstre du racisme a plusieurs têtes et que je ne savais pas par laquelle Juanca avait été mordu. Et, surtout, parce qu’il avait raison.

Sans oublier le fait que les américains WASP considèrent les mexicains comme des envahisseurs, oubliant un peu vite que lorsque les premiers colonisateurs mirent le pied au Mexique, celui-ci était déjà habité (tout comme les États-Unis) et que les envahisseurs, ce sont ces descendants de colons…

Il fustige aussi ce pays où l’on peut acheter des armes facilement, armes que les trafiquants revendent ensuite aux membres des cartels mexicains (en fraude, bien entendu) et qu’ils alimentent, de ce fait, les tueries et fusillades au Mexique.

Je manquai m’étrangler. Ces deux « patriotes » faisaient partie intégrante du problème. Si la situation au Mexique était aussi catastrophique, c’était en grande partie à cause des fusillades constantes. Or, les armes impliquées dans ces fusillades provenaient de gens comme Kevin et Stevie.

On était venus pour récupérer un véhicule rempli d’armes, et Brian se voyait proposer un boulot tandis que je me faisais traiter d’immigré clandestin. Une belle illustration du racisme systémique. C’était tellement absurde que c’en était presque amusant. Et, en même temps, j’avais connu ça toute ma vie : à côté d’un Blanc en costar, mon niveau d’études et mon CV ne valaient rien. Sauf que là, le Blanc en question était quand même un toxico transpirant aux yeux écarlates qui avait passé la journée à gober des cachetons.

Si son trio de personnages est réussi, un autre qui est magistral, c’est Don Vázquez, le boss du cartel de Juárez. Un homme élégant, souriant, amical, qui parle sans élever la voix, tout en douceur et qui, sans faire d’effort, arrive à vous glacer d’effroi, tel un Poutine entrant dans la pièce où vous vous trouveriez. Les méchants calmes sont toujours plus angoissants que les p’tits nerveux.

Dans ce roman noir serré et violent, il est amusant aussi de constater combien les membres des cartels sont plus croyants que le pape lui-même et superstitieux comme pas possible. On est au-delà de la patte de lapin ou du bulletin de Lotto rempli un vendredi 13. On entre dans des croyances limites moyenâgeuse ! Mais comme l’auteur ajoute une louche de fantastique et d’horreur, on se dit ensuite qu’il est normal que tout ce petit monde soit croyant !

Un roman noir oppressant, qui sent la sueur, les corps pas lavés, les drogues qui suintent de tous les pores, le sang, les tripes, l’eau croupie, les armes à feu, les balles, les consciences que l’on lave à grand renfort d’excuses bidons, les croyances et les gris-gris dont vous n’avez pas envie de connaître la provenance.

Un roman noir qui, malgré ses éléments fantastiques, reste tout de même terriblement ancré dans le réel et qui nous montre la face cachée des trafics de drogues et d’armes, sans oublier la misère des gens lorsqu’ils perdent leur mutuelle ou leur assurance santé.

An American Year

Les Fils de Shifty : Chris Offutt

Titre : Les Fils de Shifty

Auteur : Chris Offutt
Édition : Gallmeister (04/01/2024)
Édition Originale : Shifty’s Boys (2022)
Traduction : Anatole Pons-Reumaux

Résumé :
Mick Hardin se remet d’une blessure de guerre chez sa sœur Linda, shérif de Rocksalt dans le Kentucky, lorsque le cadavre d’un dealer local est découvert. Il s’agit de l’un des fils de Shifty Kissick, une veuve que Mick connaît depuis longtemps.

La police refusant d’enquêter, Shifty demande à Mick de découvrir le coupable. Se débattant entre un divorce difficile et son addiction aux antidouleurs, ce dernier commence à fouiner dans les collines, avec la ferme consigne de ne pas gêner la réélection de sa sœur.

Il comprend vite que le meurtre a été mis en scène, et bientôt un deuxième fils de Shifty est abattu. Pourquoi le sort s’acharne-t-il ainsi sur la famille Kissick ? Le temps presse et Mick le sait car dans cette communauté basée sur un code moral intransigeant, la violence appelle la violence.

Critique :
Retour pour moi à Rocksalt dans le Kentucky, dans les collines, là où les gens vivent dans leur monde, où l’on se présente en donnant le nom de son père et où les gens que vous visitez ajoutent le nom de votre grand-père et de toute votre lignée…

Dans « Les gens des collines », j’avais fait la connaissance de Mick Hardin, un enquêteur du CID (Division des enquêtes criminelles au sein de l’armée américaine), en congé maladie (revalidation de sa jambe). C’est un taiseux, mais pour enquêter, il est excellent.

Le voici mandaté par la vieille Shifty Kissick pour enquêter sur l’assassinat de son fils cadet, Fukin’Barney, dealer de drogue. Et Mika va accepter, pendant que sa sœur, Linda, fait campagne pour un second mandat de shérif.

Comme pour le premier opus, le récit est assez ramassé, en 280 pages, tout est dit, plié, réglé. L’auteur ne fait pas des pages juste pour le plaisir d’en faire. Sans être écrit à l’os, son roman noir va à l’essentiel, nous présentant les protagonistes en peu de mots et en nous plongeant dans la petite ville des Appalaches d’une manière directe. Pas besoin d’en lire plus pour comprendre où nous sommes et l’importance de la famille pour ces gens.

En commençant cette enquête, Mick n’aurait jamais pensé qu’elle l’entraînerait aussi loin, et moi non plus. C’était totalement insoupçonnable, loin d’une résolution classique et cela donnera un final rempli d’action, d’adrénaline et un petit côté western, mais version contemporaine (on oublie le Colt de l’arrière grand-père).

Les ambiances de ce roman noir rural sont brutes de décoffrage, réalistes, naturelles. Le reflet de ce que sont les gens des Appalaches : taiseux, armés, assez rudes, peu démonstratifs en câlins et avec une mémoire de l’arbre généalogique de tout le monde.

Bizarrement, on s’attache à ces gens-là, on comprend leur rudesse, leur méfiance, leur attachement à la famille et c’est parce que l’on sent que auteur aime ses personnages, même les secondaires, qu’il y a mis ses tripes et toute son affection.

Un véritable rural noir, un polar différent des whodunit classiques, un vrai roman noir avec de la rudesse, de la testostérone, mais aussi de la tendresse (sans en faire trop, ce n’est pas le genre des personnages) et un final qui fera entrer certains dans un vortex de violences sanglantes.

Un parfait équilibre de violences, de sang, d’enquête et de personnages touchants, même dans les plus rudes.

Une suite encore meilleure que le premier opus !
An American Year

Challenge Thrillers et Polars de Sharon (du 12 Juillet 2023 au 11 Juillet 2024) [Lecture N°157]  et le Challenge « American Year » – The Cannibal Lecteur et Chroniques Littéraires (du 15 novembre 2023 au 15 novembre 2024) # N°44.

Châtiment : Percival Everett

Titre : Châtiment

Auteur : Percival Everett
Édition : Actes Sud – Actes noirs (07/02/2024)
Édition Originale : The Trees (2021)
Traduction : Anne-Laure Tissut

Résumé :
Une série de meurtres brutaux secoue la petite ville de Money, Mississippi : des hommes blancs sont retrouvés atrocement mutilés.

Mais ces meurtres recèlent un mystère, car sur chaque scène de crime on retrouve un second cadavre [résumé trop bavard, je le coupe !].

Lorsqu’un duo d’enquêteurs tout en second degré est dépêché sur les lieux, il se heurte à la résistance attendue du shérif, de ses adjoints, du légiste et d’une cohorte de Blancs tous plus racistes les uns que les autres. Les deux agents spéciaux pensent avoir affaire à des crimes punitifs…

Dans cette comédie noire audacieuse et provocatrice, Everett a le racisme et les violences policières dans le collimateur et déploie son intrigue à un rythme effréné, ne laissant aucune chance au lecteur de détourner le regard.

Critique :
♫ Money, get away ♪ (1) Oui, la petite ville de Money, Mississippi, ne donne pas envie d’être visitée. Nous sommes dans le Sud profond, celui des rednecks, des pequenauds, des ploucs, des bouseux et des racistes bas de plafond, dont certains portent encore la cagoule blanche…

Que se passe-t-il à Money ? Deux hommes blancs se sont fait assassiner (rien d’original), on a massacré leur visage, enroulé du fil barbelé autour et on leur a coupé les couilles (ah, on ajoute de l’originalité).

Là où le truc devient fou, c’est qu’on a retrouvé, sur chaque scène de crime, le corps d’un homme Noir, visage tuméfié aussi, mort de chez mort et que ce mort a disparu ensuite, puis réapparu, puis disparu, et est encore réapparu… Serait-ce un zombie, un mort-vivant ? Ou alors, David Copperfield est en ville et à eu envie de diversifier ses tours ? Les magiciens sont parfois taquins…

Ce qui surprend, dans ce roman noir de chez noir, c’est le ton, l’écriture et l’ambiance. L’auteur joue dans le registre de l’humour (noir et ironique), à la limite du burlesque (sans franchir la ligne rouge) et ces ambiances, au lieu d’être plombées, sont amusantes. J’ai souvent souri avec les dialogues, avec les adjoints débiles du shérif, sorte de mélange de Laurel, Hardy et d’Averell Dalton (le « quand est-ce qu’on mange ? » en moins), ainsi que les noms de certains personnages (les jeux de mots !).

Ce roman, qui a le goût d’un bonbon acidulé, m’a donné l’impression de se passer dans l’Amérique de 1950 (les mauvaises langues diront 1850), tant cette petite ville de Money avait l’air d’être restée coincée dans cette époque où le racisme suintait de partout et où les lynchages avaient toujours lieu. Alors, quand un protagoniste parlait de son smartphone ou d’Internet, j’étais à deux doigts de crier à l’anachronisme. Non, non, nous étions bien dans les années 2016 (le moumouté est sur le trône). En tout cas, la consanguinité n’a pas eu trop d’effet sur la population…

Un roman noir à l’humour grinçant, où l’auteur dénonce une Amérique raciste, suprémaciste, où le KKK est toujours présent, où les gens sont prêts à revoter pour le mec aux cheveux orages, celui qui n’a que des phrases haineuses (ou sexiste, ou débiles au possible) qui lui sortent de la bouche (le discours de Trump, dans le roman, semble être surréaliste, mais est terriblement réaliste)…

Et puis, il y a des personnages lumineux, comme Mamma Z, qui a réuni des archives sur toutes les personnes lynchées depuis 1913 (son année de naissance), sans oublier son arrière-petite-fille, Gertrude, que j’ai apprécié, ainsi que les deux agents du MBI (Mississippi Bureau of Investigations), qui ont apporté une touche d’humour et de légèreté dans ce récit qui avait tout pour être glauque et oppressant.

Un roman policier totalement fou, où vous n’aurez pas toutes les réponses pour les premiers crimes (les modus operandi), mais entre nous, ce n’est pas important.

Le final du roman lorgnera du côté du fantastique, du surnaturel, même, mais uniquement pour illustrer la métaphore que les américains blancs (WASP) sont toujours hantés par les morts, victimes du racisme, de la ségrégation, de la haine, lynchés ou asphyxiés… Leur conscience les tourmente, ils veulent les faire taire, mais on ne réduit pas les morts au silence.

Un roman noir au casting impeccable, dont on ne sait si le récit, sérieux, est masqué sous du burlesque ou alors, si c’est du burlesque utilisé pour cacher le côté sérieux et violent de ce récit. En tout cas, c’était bien réalisé, bien mis en scène, sans jamais dépasser la ligne rouge ou devenir moralisateur.

La noirceur, parfois, il faut la masquer sous l’humour (caustique), elle ne passera que mieux et marquera encore plus les esprits. Moi, j’ai été marquée par ce roman.

(1) Money des Pink Floyd

An American Year

Challenge Thrillers et Polars de Sharon (du 12 Juillet 2023 au 11 Juillet 2024) [Lecture N°156]  et le Challenge « American Year » – The Cannibal Lecteur et Chroniques Littéraires (du 15 novembre 2023 au 15 novembre 2024) # N°43.

La langue des choses cachées : Cécile Coulon

Titre : La langue des choses cachées

Auteur : Cécile Coulon
Édition : L’Iconoclaste (11/01/2024)

Résumé :
Inlassablement, jour après jour, une mère apprend à son fils son travail, celui de soigner, de réparer les autres. Une nuit, ce dernier se rend dans le hameau du Fond du puits où il découvre l’erreur commise par sa mère des années auparavant. Face à cette révélation, il ne sait pas comment réagir.

Critique :
Voilà un roman qui m’a happé dans ses mots, directement, comme si j’étais aspiré par le récit, par ses ambiances et que je m’étais retrouvée en train de cheminer aux côtés du fils (nous ne connaîtrons jamais son prénom), un rebouteux, un guérisseur, tout comme sa mère, un homme qui, tout comme sa génitrice, connait la langue des choses cachées.

Une fois happée par la prose de l’autrice, par le choix de ses mots (sans le choc des photos), il m’a été impossible de fermer ce court roman (145 pages) avant de l’avoir terminé.

Le récit est écrit à l’os, sans grandes descriptions, avec très peu de dialogues, sans identités des personnages, si ce n’est le fils, la mère, le prêtre et ainsi de suite. Et pourtant, il y a une puissance dans les mots, dans les phrases, dans cet univers un peu gothique que l’autrice a créé pour nous. Puissant, voilà le mot que je cherche.

L’époque n’est jamais donnée et on a même un grand écart entre les détails donnés dans le récit où l’on parle de villages lointains, de forteresses, d’hommes en armures, de guerre, mais aussi d’appareils photos, de caméras, d’hôpitaux, de voitures et de stars du rock.

J’ai arrêté de me mettre la cervelle en feu en tentant de comprendre à quelle époque le récit se déroulait, ce n’était pas important, de toute façon, ni même de savoir s’il y avait eu une sorte d’effondrement de la société. Emportée par les flots tumultueux du récit, le reste est passé à la trappe. Et c’est mieux ainsi, cela m’a permis de me concentrer sur ce conte gothique, sur ce récit d’apprentissage et de pénétrer dans la noirceur des Humains.

Parce que oui, de la noirceur, il y en a, côtoyant la beauté. Dans ces pages, pas de manichéisme, un homme violent avec son épouse, peut être doux avec son fils. C’est pour ce garçon malade que l’on a fait appel à la mère, la guérisseuse, qui a envoyé son fils, car elle lui a passé le flambeau. Et les fantômes qui vont avec son don.

Ce roman est la preuve que l’on peut faire du puissant avec peu de pages, en choisissant ses mots, en sélectionnant ce que l’on va raconter ou taire, en écrivant à l’os, sans fioritures, sans approfondir plus qu’il ne faut ses personnages.

Et la preuve aussi que l’on peut s’attacher à des personnages en sachant si peu sur eux, tant ils sont forts, omniprésents dans ces pages, sans pour autant écraser le récit de leur présence.

Le final m’a glacé, tout comme certains passages du roman, sans pour autant que l’autrice cherche à faire du glauque ou à sucrer le sucre. Elle n’en rajoute pas, elle garde un bon équilibre et elle vous tacle d’un seul coup.

Un roman qui marque, qui m’a laissé un peu pantelante, me demandant ce que j’allais lire ensuite : un Petzi ou un autre roman aussi fort que celui-là ?

Voilà de quoi j’ai besoin, après ce roman (je vais le piquer à ma nièce)…

Sale temps pour les braves : Don Carpenter

Titre : Sale temps pour les braves

Auteur : Don Carpenter
Édition : Cambourakis (2023)
Édition Originale : Hard Rain Falling (1964)
Traduction : Céline Leroy

Résumé :
Abandonné dès sa naissance en pleine crise de 1929, Jack Levitt traîne ses airs de mauvais garçon et ses pulsions meurtrières dans la grisaille de Portland.

Empoisonné par l’amertume qui fait bouillir son sang, Jack suit depuis toujours le parcours d’isolement que la société a prévu pour lui. Après l’orphelinat, la maison de correction ; après la prison du comté, la prison d’état. Jack a vingt-six ans quand il sort de San Quentin.

Affranchi par la connexion qui l’a uni à son codétenu Billy Lancing, Jack tentera de se libérer de la solitude de la vie, son ennemie de toujours, à travers l’aventure conjugale et la paternité. Mais là encore, la liberté est hors de portée.

Critique :
Les qualificatifs étaient des plus élogieux pour ce roman, alors, je me suis laissée tenter… Là aussi, ce fut une lecture en forme de montagnes russes.

Ce que j’ai le plus apprécié, c’est le côté hard-boiled du roman : les personnages de petites frappes, de loosers, de mauvais garçons qui passent leur temps à jouer aux cartes, au billard, au snooker et à monter des mauvais coups, plutôt que d’aller bosser.

Jack Levitt abandonné à sa naissance, ses parents avant la page 30, n’a pas eu de chance. Il traîne avec son ami, Denny Mellon et ils vont croiser la route de Billy Lancing, un jeune noir surdoué au billard… et ensuite, aller de galère en galère.

Ceci est un vrai roman noir, pur et dur, noir comme un café, sombre, violent, rempli d’injustices et de descriptions des maisons de corrections et des prisons américaines, où notre Jack Levitt sera incarcéré.

L’injustice de la justice est flagrante et elle est à plusieurs vitesses : une pour les pauvres, une pour les Noirs, une pour les WASP. Devinez qui s’en sort le mieux ?

Ce roman noir parle très bien de la société américaine des années 30 (grande dépression) en passant par celle d’après-guerre et allant jusqu’au aux années 60, en abordant plein de sujets, dont le racisme. Oui, durant une grande partie de ce roman, j’ai passé un bon moment et j’ai apprécié l’histoire d’amour contrariée de Jack. C’était inattendu.

Hélas, ce qui a ralentit la lecture, ce sont les descriptions des parties de billard, de snooker, avec des tas de termes qui ne feront plaisir qu’aux connaisseurs et pas à la lectrice lambda qui sait juste que les balles doivent aller dans un trou. Me demandez pas plus.

Malgré tout les bons points de ce roman, je n’ai pas vraiment frémi durant ma lecture et à un moment donné, j’ai même décroché. Il y a des choses qui ne s’explique pas vraiment.

Un roman sombre, démoralisant et désespéré. Ne cherchez pas de la lumière, vous n’en trouverez pas.

Un roman d’apprentissage, celui d’un jeune garçon devenu jeune homme, un laissé pour compte, un paumé qui ne sait pas quoi faire de sa vie (hormis voler, baiser, boire, s’amuser), sachant très bien que la malédiction a pesé sur lui dès sa conception et que jamais il ne pourra sortir de sa condition, dans cette Amérique qui vend de la poudre aux yeux en vous parlant que tout est possible. Oui, pour quelques uns…

An American Year

Challenge Thrillers et Polars de Sharon (du 12 Juillet 2023 au 11 Juillet 2024) [Lecture N°138] et Le Mois du Polar – Février 2024 – Chez Sharon (Fiche N°30).

Les cris de l’innocente : Unity Dow

Titre : Les cris de l’innocente

Auteur : Unity Dow 🇧🇼
Édition : Actes Sud (23 octobre 2006)
Édition Originale : The Screaming of the Innocent (2002)
Traduction :Céline Schwaller

Résumé :
Amantle accomplit son service national clans un dispensaire de brousse, du côté des superbes paysages du delta de l’Okavango. Affectée à des tâches subalternes, elle découvre-une boîte contenant les vêtements d’une petite fille, couverts de sang. Il s’avère que ce sont ceux de la jeune Neo, disparue cinq ans plus tôt. La police avait classé l’affaire : « attaque par un lion, aucune trace clé l’accident ».

Véritable empêcheuse de danser en rond, Amantle va relancer l’enquête, au grand clam des autorités locales. Dans les hautes sphères aussi on s’inquiète de cette exigence de vérité qu’osent poser des villageois supposés dociles.

On ne parle plus de lion mais d’erreur humaine, d’élimination de preuves, de crime rituel perpétré par clés gens haut placés. La découverte des vêtements gêne élu monde, les coupables sans doute, ceux qui ont peur des pouvoirs occultes certainement, ceux aussi qui craignent et jalousent leurs supérieurs.

Mais Amantle ne lâche pas, elle contacte une amie avocate et se fait des alliés parmi les villageois qui voient en elle la seule chance d’en savoir plus, clé coincer peut-être les coupables impunis de ces meurtres rituels relativement réguliers qui frappent de petites campagnardes.

Maîtrisant parfaitement les dialogues, les portraits, les cadres clé vie, Unity Dow écrit là non seulement un bon thriller sur fond d’Afrique partagée entre modernité et tradition mais aussi un réquisitoire contre clés pratiques excessivement barbares.

Critique :
Lors de mes précédentes lectures, j’ai fait une incursion sur le continent africain et j’y suis restée, passant du Gabon (Le Festin de l’aube) à la RDC (Les enfants du serpent) et maintenant, au Botswana.

Ce polar n’en est pas vraiment un, du moins, pas dans le sens conventionnel, habituel…

Dans ce roman noir, on commence par découvrir un homme, bien sous tous les rapports (il sait ménager son épouse et ses maîtresses), qui regarde une jeune gamine prépubère sauter à la corde (un agneau sans poils)… et ses pensées sont malsaines.

Ensuite, nous découvrirons ses deux complices. Nous ne sommes pas dans un roman policier où il faut découvrir le ou les coupables, on les connaît déjà. Le tout sera de savoir si on arrivera à les confondre, les arrêter…

Non, ce qu’ils comptent faire subir à cette gamine, ce n’est pas de la pédophilie, c’est pire que ça (je ne pensais pas un jour arriver à dire cela, à penser cela, à l’écrire, mais oui, c’est encore plus ignoble et plus trash qu’un viol).

Quant à la personne qui va enquêter sur les meurtres de jeunes gamines, ce sera une jeune femme, Amantle, aidée par tout un village qui en a marre que les flics les baladent et leur racontent des couilles plus grosse que celles d’un mammouth. Qu’un lion dévore une gamine, oui, ça peut arriver, mais qu’un lion ôte avant les vêtements de la gamine, sans les déchirer, vous m’avouerez que c’est fort de café.

Ceci n’est pas un polar qui va vite, que du contraire, il prend son temps, l’autrice en profitant pour nous parler de sa culture, des croyances des botswanais, des sorciers ou autres diseurs de bonne aventure, qui ont pignon sur rue, de leur manière de vivre, à l’opposé de celles des occidentaux.

Sans oublier la corruption qui gangrène tout le système, du plus bas échelon jusqu’au plus haut, en passant par les tribunaux. Au travers de plusieurs personnages, l’autrice va vraiment nous faire entrer dans les coutumes de son pays et notamment les plus horribles.

Les superstitions sont légions, tout le monde (ou presque) y croit, se fait soigner par des sorciers ou sont prêts à tout pour s’assurer qu’ils vont rester au somment ou y accéder. Et croyez-moi, on est loin de la patte de lapin ou d’un Saint-Joseph dans une gouttière pour qu’il ne pleuve pas !

Oh putain, il y a un passage terriblement violent, sauvage, à la limite du supportable et pratiqué par des hommes au sommet de la société, des hommes riches, avides de pouvoir… Pas par des paysans pauvres.

Si j’ai souri devant certains dialogues, notamment entre Amantle et un policier, si j’ai ri des peurs de son amis avocate, de la gouaille de son ami, je savais bien qu’ensuite j’allais morfler et que sous ses airs de polar amusant, cette enquête allait nous mener vers un moment qui ne serait ni drôle, ni amusant, mais traumatisant…

L’explication finale, je l’ai lue sans respirer, les doits accrochés à mon bouquin, les tripes nouées. Oui, il est facile de faire d’un homme respectable, mais pauvre, un complice. Si facile de le manipuler, de lui foutre la trouille, de le dominer et de lui pourrir le reste de sa vie, parce que lui, le pauvre mec, il a une conscience, là où les salopards n’en ont pas…

Un roman coup de poing, une fois de plus. Un roman qui m’a percuté de plein fouet, puisque je ne savais pas du tout ce qui m’attendait. Une lecture qui m’a laissée la bouche sèche et l’envie de lire toute la collection de Tchoupi, pour me remettre de ce voyage au Botswana (déjà que le voyage en RDC avait été hyper violent et trash aussi).

Vous savez quoi, après avoir déposé mes fesses sur le continent Africain, je m’en vais revenir à des lectures moins costaudes. Là, il me faut de la douceur pour tenter d’effacer certaines images gravées dans ma rétine…

Challenge Thrillers et Polars de Sharon (du 12 Juillet 2023 au 11 Juillet 2024) [Lecture N°129] et Le Mois du Polar – Février 2024 – Chez Sharon (Fiche N°21).

Les enfants du serpent – Inspecteur Karel Jacobs 03 : Clarence Pitz

Titre : Les enfants du serpent

Auteur : Clarence Pitz
Édition : IFS Phénix noir (09/10/2023)

Résumé :
Tout le monde est capable d’aimer. Même les pires ordures. 2012. La brutalité des hommes s’abat sur le village de Bumia, à l’est de la République Démocratique du Congo.

Un groupe armé surnommé « les arracheurs » y commet les pires atrocités. Parmi les victimes, Gloria et sa fille Phionah. Seules survivantes, elles parviennent à prendre la fuite, l’âme blessée et le corps ravagé…

2017. Au cœur de Bruxelles, dans le quartier populaire de Matongé, un homme défiguré et énucléé est retrouvé dans un caniveau. L’inspecteur Karel Jacobs reconnaît la signature des « arracheurs ». À l’approche du procès d’un des miliciens, il craint que les témoins du massacre de Bumia ne soient à nouveau en danger.

Engagé dans une course contre la montre, il va devoir se plonger dans ses souvenirs pour sauver la vie des deux rescapées. Mais aussi de ses proches…

Critique :
Ce polar commence gentiment, avec une comptine enfantine, c’est tout doux, avant que le récit ne vous propulse, en quelques lignes, en enfer ! Gloria et sa fille Phionah seront les rescapées des tortures commises par des soldats d’une milice.

Ensuite, après l’horreur qui s’est déchaînée à Bumia, un petit village de RDC, je me suis retrouvée à Bruxelles, dans le quartier de Matongé (quartier africain). Un quartier animé, coloré, où il fait bon se promener, sauf quand on retrouve un cadavre sur le trottoir, baignant dans son sang, énuclée !

Âmes sensibles, foutez-le camp et tenez-vous éloignées de ce roman noir qui n’épargne personne, ni son lectorat, ni ses personnages. Oubliez les Bisounours, nous allons nous retrouver au coeur de la RDC, où les milices armées assassinent, violent, torturent… Le coltan est un minerai fort convoité et donc, toutes les atrocités sont permises pour s’approprier ce minerai. Pensez-y en prenant votre smartphone ou votre PC…

Le récit se fera en alternance entre celui qui se déroule dans la région du Kivu, quelques années auparavant (2012) et celui se déroulant à Bruxelles, dans le quartier de Matongé, de nos jours (2017). Chaque chapitre se terminant, bien entendu, de manière abrupte, ce qui fait monter votre tension.

C’est même démoniaque. Le suspense est à son comble durant tout le récit, on a le cœur qui bat à cent à l’heure et si la plongée en apnée est une discipline olympique, je peux gagner une médaille d’or aux prochains JO, car j’ai lu ces quelques 450 pages en apnée totale (et je suis descendue très bas dans l’âme humaine, dans ce qu’elle a de plus sombre) !

Les personnages sont intéressants aussi et certains, hyper attachants, notamment le docteur Jonas Mutombo, celui qui répare les femmes et les gamines brisées de l’intérieur par des viols ultra-brutaux. L’inspecteur Karel Jacobs aussi, est un personnage fort, un flic qui ne lâche rien. Quant à Gloria et Phionah, j’ai tremblé pour elles durant tout le récit, tant elles étaient maltraitée par le récit et les hommes.

Les enfants du serpent (enfants soldats) est un roman noir qui parle de misère, de corruption, de l’exploitation des mines de coltan, des droits des travailleurs qui n’existent pas, des droits humains qui sont aux abonnés absents aussi, de la violence qui règne dans certains pays d’Afrique, mais aussi du génocide du Rwanda, des bourreaux qui peuvent trouver une rédemption et des victimes qui peuvent devenir des bourreaux, eux aussi.

Si certains passages sont à la limite de l’insoutenable, ils ne sont pas là gratuitement, juste pour ajouter du glauque, mais pour dénoncer des pratiques qui ont eu lieu et qui existent toujours (et partout dans le monde), dès que des hommes ont des armes, du pouvoir, de l’impunité et la sensation d’être des dieux tout puissants, détruisant tout sur leur passage (détruisant des êtres humains, des femmes et des filles, surtout).

Un roman fort, poignant, violent, qui ne vous laissera pas indemne et qui va au fond de la noirceur humaine, là où personne n’a envie de s’aventurer… Une descente dans les enfers sur terre et dans les méandres de la psyché humaine. Pas dans ce qu’elle a de plus joli, évidemment (hormis pour quelques personnages, lumineux, eux).

Un coup de cœur et un putain de coup de poing !

Challenge Thrillers et Polars de Sharon (du 12 Juillet 2023 au 11 Juillet 2024) [Lecture N°125] Le Mois du Polar – Février 2024 – Chez Sharon (Fiche N°17).

Vallée furieuse : Brian Panowich

Titre : Vallée furieuse

Auteur : Brian Panowich
Édition : Actes Sud – Actes noirs (12/01/2022)
Édition Originale : Hard Cash Valley (2020)
Traduction : Laure Manceau

Résumé :
Dane Kirby, agent du Georgia Bureau of Investigation, s’offre une partie de pêche. Il a reçu des résultats médicaux pour le moins inquiétants et se trouve en pleine conversation avec sa femme – morte vingt ans plus tôt – lorsqu’il reçoit un appel du shérif. Ned Lemon, le meilleur ami de Dane, perdu de vue depuis des années, est soupçonné de meurtre.

Mais l’agent Kirby n’aura pas le temps d’aider son vieux compagnon d’armes : il est convoqué par le FBI sur une scène de crime à Jacksonville, en Floride. Dans sa chambre de motel, un homme a été réduit en charpie à l’aide d’un bâton de Kali – une tige de bambou aiguisée.

Il s’avère que la victime est originaire de Géorgie et que les fédéraux comptent sur Kirby pour leur servir de guide chez ces dégénérés géorgiens, connus pour leurs labos de méth, leur passion pour les combats de coqs, leur addiction à l’alcool et aux drogues de tout acabit. S’ils sont à la poursuite du tueur, ils cherchent surtout à retrouver celui qui est au cœur de la tourmente sans même le savoir : un jeune garçon, un enfant différent, qui tient la promesse faite à son grand frère : il se cache…

Sur les pas de Dane Kirby, héros cabossé, nous pénétrons, le souffle court, dans le territoire sinistré de la Géorgie profonde, que Brian Panowich révèle en clair-obscur, à travers des personnages ravagés, plus attachés à leur terre qu’à leur vie.

Critique :
Direction la Géorgie, le Sud Profond (Deep South)… Dans ces montagnes, dans cette contrée, nous sommes loin des grandes villes. Ici, c’est la ruralité et ceux que les autres considèrent comme des campagnards, pour ne pas dire des ploucs, des débiles profonds.

Mais avant de se retrouver dans les montagnes, le roman commence en Floride où un homme va se faire déchirer par le bâton de Kali. C’est fou comme un petit truc peut faire autant de dégâts…

Au départ, j’ai eu du mal avec ce roman noir, ce qui m’a étonné, parce que les deux autres romans de cet auteur avaient été des coups de cœur chez moi. Mais dans celui-ci, exit les personnages qui avaient fait mon bonheur dans les deux autres romans.

Heureusement que je me suis accrochée, parce qu’ensuite, tout s’est éclairé. Enfin ! Après un départ cahoteux et plusieurs arcs narratifs, le récit s’est focalisé sur Dane Kirby qui va mener l’enquête sur cette mort affreuse (et elle ne sera pas la seule).

Pas d’enquête sur les chapeaux de roues, mais ce ne sera pas pépère non plus, pour notre Dane, notamment parce que rien n’est facile, qu’il n’a pas de piste pour retrouver un gamin recherché par des truands (le frère de la victime) et qu’on a demandé à l’agente du FBI, Rosalita Velasquez, qui a un sale caractère et qui prend Dane pour un plouc de flic du Deep South. Y’a de l’orage dans l’air (et pas de la rumba).

Les personnages du FBI sont assez caricaturaux, Dane Kirby, lui, est torturé au possible, pas en forme, tête à claque et il cache un secret à sa copine. Personne n’est tout à fait blanc ou noir, tout le monde est en nuance de gris, à la moralité élastique.

Si le départ était chaotique, ensuite, ça a roulé comme sur une autoroute 3 bandes, sans barrages routiers. Dane Kirby est attachant, c’est un bon enquêteur et il a une âme, un cœur. L’auteur a su lui donner de la profondeur et du réalisme. Et si Rosalita est imbuvable, ce n’est pas pour autant qu’elle n’est pas attachante (et attachiante).

Le final est assez explosif, brutal, sanglant et ne vous laissera que peu de répit. J’ai aimé la manière dont il se terminait, même si, dans l’ensemble, on pourra dire qu’il manque d’un poil de réalisme, mais bon, pas trop grave.

Malgré le fait qu’après un départ difficile, j’ai adhéré au récit, je le trouve tout de même plusieurs crans en-dessous de ses deux prédécesseurs (Bull Mountain / Comme les lions).

An American Year

Challenge Thrillers et Polars de Sharon (du 12 Juillet 2023 au 11 Juillet 2024) [Lecture N°119],  le Challenge « American Year » – The Cannibal Lecteur et Chroniques Littéraires (du 15 novembre 2023 au 15 novembre 2024) # N°30 et Le Mois du Polar – Février 2024 – Chez Sharon (Fiche N°11).

Darwyne : Colin Niel

Titre : Darwyne

Auteur : Colin Niel
Édition : du Rouergue – Noir (24/08/2022)

Résumé :
Darwyne Massily, un garçon de dix ans, légèrement handicapé, vit à Bois Sec, un bidonville gagné sur la jungle infinie. Et le centre de sa vie, c’est sa mère Yolanda, une femme qui ne ressemble à nulle autre, bien plus belle, bien plus forte, bien plus courageuse.

Mais c’est compter sans les beaux-pères qui viennent régulièrement s’installer dans le petit carbet en lisière de forêt. Justement un nouvel homme entre dans la vie de sa mère : Jhonson, un vrai géant celui-là.

Et au même moment surgit Mathurine, une employée de la protection de l’enfance. On lui a confié un signalement concernant le garçon. Une première évaluation sociale a été conduite quelques mois auparavant par une collègue qui a alors quitté précipitamment la région.

Critique :
J’ai encore dû être maraboutée, ce n’est pas possible autrement ! Voilà encore un roman bien coté sur Babelio, qui a tourné sur bien des blogs, toujours avec des chroniques élogieuses et moi, bardaf, je passe à côté (idem avec « Le silence » de Lehane).

J’avais lu que ce roman avait des airs avec « Vipère au poing » ou « Les noces barbares », et effectivement, on est dans le même genre de récit : noir, violent, sordide.

Darwyne est un gamin qui vit près d’une forêt, dans l’Amazonie et il est né avec des malformations sur le corps. Yolanda, sa mère, se débrouille comme elle peu, elle est travailleuse et le gamin ne semble manquer de rien…

Ce roman noir avait tout pour me plaire : un bidonville, de la misère, une relation mère-fils effroyable, un récit aussi poisseux que la forêt aux alentours, des ambiances moites, des beaux-pères qui disparaissent, une dame des services de protection de l’enfance qui tourne autour et des critiques élogieuses.

Alors pourquoi ça a foiré ? Je ne sais pas… Dès le départ, j’ai patiné avec le récit, n’avançant qu’à petits pas, comme si je marchais dans cette forêt amazonienne qui prend toujours plus d’ampleur, malgré les coupes. Comme si je marchais dans la boue, je pataugeais avec l’histoire, malgré le fait que je me sois attachée à Darwyne.

J’ai aimé sa relation avec la nature, sa manière qu’il a de l’apprivoiser, de la comprendre, de fuir les relations humaines, de regarder de travers les amants de sa mère, qui le chassent dans l’autre pièce, puisqu’ils dorment avec sa mère, jusqu’à ce qu’ils partent, sans laisser d’adresses.

J’ai aimé la relation qui nait entre Mathurine, des services de protection de l’enfance et cet étrange gamin tout cabossé. J’ai été horrifiée du comportement de sa mère, sorte de Folcoche de l’Amazonie, qui le rabaisse plus bas que terre.

Si la première moitié du roman ne m’a pas emballée, j’ai préféré la seconde moitié, plus sombre, plus intéressante et là, j’ai repris pied dans le récit et j’ai pu arriver jusqu’au bout.

Dommage que mes impressions ne rejoignent pas la horde de celles et ceux qui ont adoré ce roman et l’ont ajouté dans leurs coups de coeur…