Les mystères de soeur Juana – 02 – Sang d’encre : Oscar De Muriel

Titre : Les mystères de soeur Juana – 02 – Sang d’encre

Auteur : Oscar De Muriel 🇲🇽
Édition : Presses de la Cité (08/06/2023)
Édition Originale : La sangre es tinta (2019)
Traduction : Vanessa Canavesi

Résumé :
Ma plume rouge est sang. Prends garde, impie…

Don Carlos Sigüenza y Góngora a disparu. Il ne reste de lui qu’un chapeau couvert de sang retrouvé dans la cour du palais royal. Aidée de la novice Alina et de Matea, sa fidèle servante, soeur Juana mène à nouveau l’enquête. Retrouver Góngora lui permettra peut-être d’expier d’anciens péchés…

Mais quelqu’un semble décidé à ne pas laisser le génial astronome reparaître. Est-ce à cause de cette comète maléfique surgie dans le ciel il y a peu, et qui a causé une terreur sans nom dans les Amériques ? Ou des manuscrits hérétiques controversés que l’érudit était enfin parvenu à faire publier ?

À trop vouloir se mêler d’affaires qui les dépassent, les religieuses de San Jerónimo risquent de s’attirer les foudres des puissants… Qui a dit que la vie cléricale manquait de piquant ?

Critique :
C’est avec un grand plaisir que je suis retournée m’enfermer au couvent de San Jerónimo, chez les soeurs hiéronymites. Prenant une tasse de chocolat chaud, j’ai savouré mes retrouvailles avec soeur Juana.

Si dans le premier tome, il y avait des assassinats à la pelle (non, pas avec une pelle) et du sang à foison, dans ce deuxième tome, pas de corps, donc, pas de mort !

Hé oui, deux disparitions louches, mais sans corps retrouvé, on ne sait pas s’ils sont morts ou vivants, ils pourraient même être à la fois morts et vivants, tel le chat de Schrödinger…

Le mystère est donc entier et soeur Juana va enquêter comme elle peut, puisqu’elle est cloîtrée. Heureusement qu’il y a la servante de la novice Alina, une indienne (du Mexique, pas amérindienne) qui elle, peut aller un peu partout. D’ailleurs, son rôle sera plus important et c’est une bonne chose, car c’est un personnage sympathique que j’apprécie énormément.

Ce polar historique est la preuve qu’il y a moyen de tenir son lectorat en haleine sans avoir recours à de l’hémoglobine ou à des mises en scènes gores et innovantes des cadavres (même si je n’ai rien contre). L’auteur avait assez de matière que pour nous donner envie de tourner les pages et c’est ce que j’ai fait, sans voir le temps passer.

Comme dans le premier tome, le récit incorpore bien la vie à Mexico, en Nouvelle-Espagne, en 1690, que ce soit pour la place, importante, de la religion, mais aussi en ce qui concerne les droits que les femmes n’ont pas, que les Indiens n’ont pas (on dit même d’eux qu’ils n’ont pas d’âme) et sur les pleins pouvoirs des colons espagnols, mâles, bien entendu, riches, comme vous l’aviez deviné et nobles (ou religieux).

Sœur Juana entrelaça les doigts.
— Je vous l’accorde. Mais cette affaire est particulièrement épineuse pour deux raisons. Tout d’abord, parce que celle qui passe pour l’aguicheuse est doña Elvira, et son mari s’en lave les mains. C’est typique des aristocrates : ils versent tous dans le péché et la débauche, s’incitent même mutuellement au mal, mais ce sont toujours les femmes qui sont perfides et coupables…

— Mon frère aussi a disparu. Je ne vais pas commencer à écarter des hypothèses à cause du rang ou du titre de certains. Les pires crimes ont toujours été commis par des aristocrates. Ouvrez n’importe quel livre d’histoire, vous verrez.

Pas d’action comme dans un thriller, presque tout à huis clos, hormis quelques incursions dehors, mais deux disparitions, un message énigmatique et des femmes qui ont des cerveaux et qui savent s’en servir ! Et puis, il y a la langue acérée de soeur Juana, qui ne manque jamais de répliques piquantes. Son duel avec l’autre connard (je ne citerai pas de nom) était de toute beauté.

Un chouette polar historique à découvrir, si vous ne l’avez pas encore fait ! Il n’est pas nécessaire d’entrer dans les ordres et de faire vœu de chasteté, obéissance, pauvreté et de réclusion pour passer un très bon moment de lecture.

3,8/5

Serviteur des Enfer – Chroniques Aztèques 01 : Aliette de Bodard

Titre : Serviteur des Enfer – Chroniques Aztèques 01

Auteur : Aliette de Bodard 🇺🇸/ 🇫🇷
Édition : Mnémos (13/03/2024)
Édition Originale : Servant of the Underworld (2010)
Traduction : Laurent Philibert-Caillat

Résumé :
Au cœur de la majestueuse Tenochtitlan (🇲🇽), capitale de l’empire aztèque, Acatl est un grand prêtre des morts respecté. Son rôle est de s’assurer que les défunts reçoivent les bons rituels et que les rites de passage soient observés pour pénétrer dans le monde des esprits.

Mais lorsqu’une ambitieuse prêtresse est retrouvée morte, Acatl va devoir trouver le coupable, pendant que les hauts dignitaires préparent la succession de l’empereur mourant.

Au fil de son enquête, Acatl découvre un complot bien plus vaste que la simple mort d’une prêtresse, susceptible de menacer l’avenir de l’empire tout entier.

Critique :
Un polar historique qui se déroule à l’époque des aztèques ? J’étais curieuse de le découvrir.

J’ai eu du mal avec les 80 premières pages du roman et j’avais l’impression de pédaler dans la semoule, ce qui m’a fait hésiter à poursuivre ma lecture.

Heureusement que je me suis accrochée, parce qu’ensuite, le récit est devenu plus facile à suivre, plus intéressant et là, je ne l’ai plus lâché.

Qu’est-ce qui a bloqué au départ ? Les noms à rallonge et imprononçables des divinités aztèques (Mictecacihuatl, Mictlantecuhtli, Tezcatlipoca, Huitzilopochtli, …) et de certains personnages, que j’ai parfois rebaptisé dans ma tête : Mihmatini (soeur d’Acatl) est devenue Mimimathy (ce qui a posé un problème de cohérence lorsque j’imaginais cette jeune fille avec la tête de Joséphine ange gardien, en train de claquer des doigts).

Le glossaire des personnages aurait dû se trouver au début du roman et non à la fin pour faciliter les lecteurs à s’y retrouver dans la multitude des personnages.

Ce polar historique est aussi un polar qui lorgne du côté de la fantasy et du fantastique, ce qui fait que les personnages peuvent parler avec leurs dieux, qui existent dans l’autre-monde, ce qui fait que certaines créatures sont, elles aussi, tout à fait réelles et non issues d’un esprit ayant trop fumé du peyolt ou la moquette.

Au départ, cela m’a un peu déstabilisé, mais ensuite, plus aucun souci avec la magie et cet univers particulier de la mythologie aztèque.

L’atout de ce roman, ce sont ses personnages, assez marquants, notamment Acatl, le grand prêtre des morts, qui enquête afin de disculper son frère (même s’ils sont en froid) et tous les autres qui vont graviter autour d’eux. Malgré leurs noms à se faire une torsion de la langue, on arrive à retrouver qui est qui, chacun ayant ses caractéristiques propres.

L’autre atout du roman, et non des moindres, c’est que l’autrice a parfaitement intégré les mœurs de vie de la société aztèque. Au lieu de nous servir des plâtrées de faits de la vie quotidienne des Aztèques, elle a incorporée le tout dans son récit, ce qui fait que, eu fur et à mesure de notre lecture, on en apprend plus, sans que cela soit lourd et indigeste. L’univers mis en place est riche, on est immergé au coeur de l’empire tout de suite.

Ce n’est pas un roman policier qui va trop vite non plus, Acatl n’aura pas une enquête facile et c’est petit à petit qu’il va remonter la piste et trouver qui est coupable, sans pour autant qu’un dieu lui ai soufflé la réponse.

Mais, vu que nous sommes dans un univers de fantasy et de magie, il faut plus s’attendre à un colonel Chimichurri avec le poignard d’obsidienne, dans le temple d’un dieu qu’une résolution traditionnelle d’enquête. Au moins, l’autrice a réussi son grand final, qui n’était ni trop rapide, ni trop long, ni trop facile. Il m’a tenu en haleine !

C’est un polar historique dans un univers de fantasy et de magie qui est réussi, même si j’ai eu du mal avec le début, ce qui m’a donné envie de tout arrêter, mais ma récompense est venue en m’accrochant et en poursuivant ma lecture, car ça en valait la peine, vu l’univers mis en place par l’autrice, qui est tout à fait réaliste et bien détaillé.

Un roman de fantasy que je suis contente d’avoir lu et d’avoir découvert cet univers riche, même s’il est déstabilisant au départ.

PS : ce roman est déjà paru, en 2011, sous le titre de « D’Obsidienne et de sang ».

Wild West – 04 – La boue et le sang : Thierry Gloris et Jacques Lamontagne

Titre : Wild West – 04 – La boue et le sang

Scénariste : Thierry Gloris
Dessinateur : Jacques Lamontagne

Édition : Dupuis – Grand public (05/01/2024)

Résumé :
Toujours sur la piste du « tueur-scalpeur », Wild Bill, Calamity Jane et Charlie Utter découvrent que le mystérieux meurtrier, enfant, a probablement été lui-même scalpé par des Indiens qui ont en outre assassiné ses parents…

Pendant ce temps, Graham, employeur du trio et chef de l’Union Pacific, accueille les Buffalo Soldiers, soldats noirs qu’il a engagés pour protéger le chantier ferroviaire des raids indiens.

Une minorité opprimée pour mater des Natives spoliés ? L’Amérique, terre de toutes les libertés, ne traite pas tous ses enfants de la même manière…

Mais la situation va encore se complexifier lorsque les ouvriers du chemin de fer vont dynamiter un cimetière indien sacré…

Entre fiction, Histoire et exploration sans concession du mythe américain, la conclusion de l’incroyable nouveau diptyque de Wild West, porté par un trio de personnages de légende.

Critique :
Le western a le vent en poupe quand les séries sont de grande qualité, comme celle-ci, ce n’est que du bonheur.

Oui, bon, ne vous imaginez pas que l’on se balade au pays de Candy ou des Bisounours, loin de là ! Dans les bédés westerns réalistes, il y a du sang, de la violence, des morts, des attaques…

D’un côté, notre trio composé de Calamity Jane, Wild Bill et de Charlie Utter, sont toujours sur la piste d’un tueur en série particulièrement violent.

De l’autre, les Buffalo Soldiers, menés par Graham, sont chargés de protéger le chantier du chemin de fer, car les Indiens sont en colère après que les visages pâles aient profané un cimetière indien à coup de bâtons de dynamite.

Dans les Buffalo Soldiers, la plupart des hommes sont Noirs, ce qui fera dire à Bass (oui, le marshal Bass !) que les Blancs utilisent des Noirs pour régler leurs problèmes avec les Rouges…

— Faire combattre des noirs contre des rouges pour les intérêts d’une minorité de blancs. Brillante idée.

Entre nous, le Bass de cette série est bien plus sexy que celui de la série « Marshal Bass » de Igor Kordey & Darko Macan… On aurait envie d’aller se rouler dans la poussière avec lui.

Bref ! C’est bourré d’adrénaline, de suspense, d’Indiens pas contents, menés par Cheval Fou et tous les bons ingrédients pour faire un excellent western se trouvent réunis dans cet album, qui, comme les autres de la série, est de bonne facture.

Lamontagne, le dessinateur, a des dessins bien plus réalistes que lorsqu’il est au manettes des séries « ASPIC : Détectives de l’étrange » ou « Shelton & Felter », mais, dans les expressions de certains personnages, notamment dans ceux de Charlie Utter, j’ai retrouvé des similitudes avec deux autres personnages de ces autres séries.

Un tome 4 qui clôture l’enquête du serial killer scalpeur tueur, un tome tout en profondeur, ultra réaliste et qui nous montrera, une fois de plus, ce que l’Homme est capable d’infliger à d’autres Hommes, notamment en les considérant comme des sous-Hommes ou pire, comme n’appartenant pas au genre humain…

Non, la Conquête de l’Ouest n’est pas une aventure magnifique, belle et tranquille, mais plutôt un bain de sang, un génocide, des massacres, des vols, des appropriations, le tout pour obtenir toujours plus de fric, plus de pognon, de métal jaune, bref, le pouvoir et l’argent.

Une série à découvrir, si vous ne l’avez pas encore fait. À réserver aux adultes, tout de même et à celles et ceux qui aiment les western ! (si vous n’aimez que les licornes, oubliez cette série).

An American Year

Challenge Thrillers et Polars de Sharon (du 12 Juillet 2023 au 11 Juillet 2024) [Lecture N°167]  et le Challenge « American Year » – The Cannibal Lecteur et Chroniques Littéraires (du 15 novembre 2023 au 15 novembre 2024) # N°53.

La Conjuration de Dante : Fabrice Papillon

Titre : La Conjuration de Dante

Auteur : Fabrice Papillon
Édition : Seuil (08/03/2024)

Résumé :
Les tombeaux des plus grands scientifiques profanés.
Des meurtres inexpliqués dans plusieurs capitales européennes.
Un complot d’une envergure sans précédent.

Une enquête de la commissaire Vernay, sous haute tension.

Fabrice Papillon, journaliste et producteur de documentaires, est l’auteur de plusieurs ouvrages de vulgarisation scientifique et de thrillers. Il revient avec un quatrième roman dantesque !

Critique :
J’avais fait connaissance de Louise Vernay, commandante de la brigade criminelle de Lyon,  dans « Aliénés » et, entre elle et moi, le courant n’était pas passé.

Devenue commissaire au bastion à Paris, elle est toujours aussi bourrine, toujours aussi cash, grossière, n’écoutant personne, traînant une palanquée de casseroles et torturée au possible depuis l’enfance. Ce n’est pas avec ce roman que j’allais me réconcilier avec elle.

Je sais qu’il n’est pas évident de créer une héroïne équilibrée… Il ne faut pas qu’elle soit fleur bleue, ni trop badass, ni trop pleurnicheuse, ni trop torturée, ni trop effacée derrière les mecs, ni trop pieds dans le plat, bref, ce n’est pas simple. L’auteur ne doit pas aimer sa Louise non plus, vu tout ce qu’elle va encaisser comme blessures dans ce récit !

Le scénario, lui, était copieux, ne manquait pas de rythme, de mystères, de changement de pays, de lieux, et pourtant, j’ai trouvé le temps long… Notamment dans la première moitié du roman, ce qui est ballot, parce que ça ne manquait pas de rebondissements et de trucs de ouf.

Par contre, ce que j’ai apprécié, c’est le côté scientifique de ce thriller, parce que l’on apprend des choses, l’auteur sait de quoi il parle et il arrive à mélanger la science avec son récit survolté, sans que cela soit lourd, indigeste ou que cela nous donne l’impression que nous sommes des crétins.

L’auteur nous parle de matière grise, de cette chose importante qu’est notre cerveau, de tout ce que l’on sait (et qu’on ne sait pas encore), mais il parlera aussi de Nature, des arbres connectés entre eux, de la toile réalisée par les champignons, de l’être humain, des génies, du Mal, du Bien, du fait que nous allons droit dans le mur (je pense que nous avons déjà la gueule dedans)…

Oui, le roman possède beaucoup de sujets intéressants et heureusement, c’est ce qui a sauvé une partie de ma lecture, du fait que Louise Vernay me sortait par les trous de nez et que je ne ressentais aucune empathie pour les différents personnages de ce roman (si ce n’est pour deux rôles secondaires qui étaient tenu par des personnes existant réellement). Vraiment ballot !

L’erreur que j’ai faite, aussi, c’est de commencer ce pavé de 500 pages la veille d’un week-end chargé où il m’a été impossible de lire (j’ai perdu plus de 2 jours) et de devoir ensuite le mettre sur le côté pour cause de LC (j’avais vraiment mal calculé mon coup, moi). Lorsqu’une lecture met trop de temps, cela me fait perdre un peu le fil de l’histoire.

L’écriture de l’auteur est simple, sans être simpliste, il a fait en sorte que les lecteurs ne soient pas trop perdus dans son récit tortueux aux multiples rebondissements (et quelques sauts dans le temps) et il a fait aussi en sorte de nous apporter les explications de tout cela dans le final, avec un personnage qui va tout expliquer, comme de bien entendu.

Mais le final m’a fait perdre tout intérêt pour le roman, tant il manquait de finesse, notamment avec l’espèce de méchant qui avait tout du fou du labo 4 (vieux film de 1967) ! Qu’un groupe aussi intelligent que celui mis en scène dans le roman, ait laissé ce personnage manier les scalpels tout azimuts et faire autant de conneries, cela m’étonne… Peut-être pas si intelligente que ça, cette académie des neuf.

Anybref, ce thriller survolté a des défauts et des qualités, peut-être même les défauts de ses qualités… Il m’a donné l’impression d’être trop sucré, trop salé, trop gras et de manquer d’équilibre dans le scénario (ah, ces personnages qui vivent des trucs à la Bruce Willis en peu de temps).

Pas de doute qu’il y a 20 ans, il m’aurait tenu en haleine et que je l’aurais kiffé grave, mais maintenant, ça passe moins bien chez moi (ben oui, ceci n’est que mon avis personnel !), notamment parce que tout cela ne me semble pas réaliste (et entre nous, j’espère que j’ai raison, parce que sinon, portez des couches culottes, vous risquez de faire sur vous !), même si je sais aussi que la réalité dépassera toujours la fiction (un président pareil qu’un Trump, dans un roman et j’aurais crié au remboursement, à l’irréalité et pourtant, il est réel…).

Une lecture en demi-teinte, même si je retiendrai les points positifs de ce roman qui me permettront, à l’aide de ces petites anecdotes, de briller à la fin d’un repas de famille !

À noter que dans l’ensemble, les critiques pour ce roman sont positives et que je vais encore faire figure de minorité dans les mitigés…

Challenge Thrillers et Polars de Sharon (du 12 Juillet 2023 au 11 Juillet 2024) [Lecture N°161].

Au nord de la frontière : R. J. Ellory

Titre : Au nord de la frontière

Auteur : R. J. Ellory
Édition : Sonatine (21/03/2024)
Édition Originale : The Last Highway (2023)
Traduction : Fabrice Pointeau

Résumé :
Victor Landis est shérif dans une petite ville de Géorgie. C’est un homme solitaire, qui a dédié son existence au travail. Pour toute famille, il ne lui reste que son frère, Frank, avec qui il a partagé une enfance misérable avant qu’une brouille ne sépare les deux hommes.

Lorsque Frank est retrouvé mort dans des circonstances étranges, Victor décide de passer la frontière du Tennessee afin d’en savoir plus. Là, il découvre que son frère avait une ex-femme, et une fille, dont il ignorait l’existence. Pour sa nièce, Victor doit tenter d’en savoir plus sur la mort de Frank.

Le voilà immergé au cœur des communautés isolées des Appalaches, où la drogue, les trafics en tous genres et la corruption sont omniprésents. Bientôt, sa piste le conduit sur une série de meurtres inexpliqués de jeunes adolescentes…

Critique :
Le Tennessee… Ça donne envie de chanter, tiens ! Mais le shérif Victor Landis n’a pas envie de pousser la chansonnette, son frère, shérif aussi, mais dans un autre comté, est mort, écrasé par une voiture et ça ne sent pas l’accident accidentel.

Son frangin, avec qui il était brouillé depuis des années, était-il un pourri ? Un corrompu ? En tout cas, ça ne sentait pas bon, quand Victor a commencé à enquêter sur la mort de son frère et à foutre son nez partout.

Les Appalaches, c’est toujours un voyage dont on ne revient pas tout à fait indemne et cette fois-ci, nous ne serons pas dans le Kentucky, mais en Georgie. Tout une promesse de voyage.

La promesse a été tenue, tout au long de ce récit qui sentait bon le roman noir. Ce récit n’est pas nerveux, il prendra son temps, ici, on ne court partout, on enquête à l’ancienne et comme nous sommes début des années 90, pas de nouvelles technologies pour se faire aider.

L’auteur a agencé son récit comme un oignon dont on retire les épluchures au fur et à mesure, le déshabillant doucement, faisant avancer l’enquête de Victor sans se presser et nous dévoilant des mystères au fur et à mesure de cet effeuillage. Mais plus on se rapprochait du centre et plus ça puait la charogne crevée oubliée au soleil !

La petite ville où officie Victor Landis n’est pas une ville riche, elle est peuplée de petites gens, de dealer, de gens qui bouclent leur fin de mois difficile, mais l’auteur ne nous a pas présenté de rednecks ou de ploucs bas de plafond, parce que non, tout le monde n’est pas ainsi dans ces régions que traversent les Appalaches. Par contre, chez eux, la famille, c’est hyper important.

Ce roman noir de 500 pages se lit assez vite, sans vraiment que l’on se rende compte du temps qui passe. Pas d’ennui, pas de ralentissement, pas d’endormissement. Le récit est réaliste et si je n’ai pas ressenti d’atomes crochus avec Victor, je l’ai trouvé terriblement vivant, réaliste au possible. Tout comme les autres personnages, même les méchants, plus que réussi, sans que l’auteur en fasse des caisses.

Victor Landis n’est pas le shérif le plus intelligent du comté, il va se tromper, va apprendre des choses par d’autres personnes, se tromper, marcher sur les pieds de tout le monde, planter des bâtons dans bien des nids de frelons, que ce soit pour l’enquête sur l’assassinat de son frère ou sur les meurtres d’adolescentes qui ont eu lieu dans différents comtés. Il est pataud, taiseux, ne montrant pas ses sentiments et pour finir, on se prend d’amitié pour lui.

Un roman noir à l’intrigue assez classique, certes, mais qui ira plus loin que ce que je pensais au départ, qui va aller déterrer des faits divers bien glauques, bien réels et apporter son lot d’émotions là où je n’en attendais pas et faire vibrer ma corde sensible. Le final a fait monter ma tension, parce que là, le suspense était à fleur de peau.

Un roman noir très sombre, mais avec une lueur au bout du tunnel, avec de l’humanité, le tout porté par une belle écriture qu’est celle de R.J Ellory, le champion anglais des romans noirs américains (sans oublier les traductions réalisées avec brio par Fabrice Pointeau, décédé à ce jour).

An American Year

Challenge Thrillers et Polars de Sharon (du 12 Juillet 2023 au 11 Juillet 2024) [Lecture N°160]  et le Challenge « American Year » – The Cannibal Lecteur et Chroniques Littéraires (du 15 novembre 2023 au 15 novembre 2024) # N°47.

Enquête Royale à Buckingham : Anna Cazine [Par Dame Ida, Lectrice de la Reine]

Titre : Enquête Royale à Buckingham

Auteur : Anna Cazine
Édition : Librinova (08/12/2023)

Résumé :
A Buckingham Palace, Elisabeth II adore écouter les potins à l’insu de tous. Un jour la conversation qu’elle surprend entre deux employée fait état d’un mystérieux journal intime retrouvé par une femme de ménage qui disparaît peu après sa découverte. Ce carnet serait celui de Lady Diana… Et elle y révèlerait le nom de son futur mari.

Entre ses obligations officielle set familiales, la souveraine mène l’enquête en toute discrétion afin de retrouver ce journal au contenu explosif et d’éviter le scandale. Mais comment œuvrer sans attirer l’attention ?

L’avis de Dame Ida :
Connaissant mon goût pour la série « Sa Majesté mène l’Enquête » que nous devons à S.J. Bennet, notre Belette Internationale m’a vivement conseillé la lecture de ce roman d’Anna Cazine qui lui aussi met, feue Sa Majesté Elisabeth II, en position d’enquêter discrètement sur un mystère mystérieux survenant à Buckingham Palace, avec pour objectif évident d’éviter le scandale d’une fuite.

Evidemment, que deux auteurs traitent le même sujet, même si le contenu des enquêtes est différent, peut nous sembler troublant. Certes, Elisabeth II était un personnage public pour ne pas dire un mythe… et comme les deux auteurs prennent soin de la dépeindre conforme à l’image que les britanniques et le monde avaient d’elle, sans jamais lui manquer de respect, on ne s’offusquera pas de cela.

Mais que deux autrices différentes aient l’idée de la transformer en enquêtrice amatrice, à une époque où les histoires d’intelligence artificielle et de plagiat sont de plus en plus fréquentes et saignantes… Cela peut interroger.

J’ai donc recherché plus d’éléments.

On notera que Madame Cazine a été la première à traiter le sujet au début des années 2000, et que Mme Bennet s’y est mise vingt ans plus tard. En revanche, Mme Bennet a persévéré en publiant plusieurs enquêtes menées par Sa Majesté alors que Madame Cazine semble n’avoir produit qu’un « one shot », et… que Mme Bennet me semble-t-il, a mieux su développer ses intrigues à mon goût.

Or donc reprenons…

En traînant dans un couloir, Sa Majesté surprend une conversation concernant un journal intime qui aurait été retrouvé lors du ménage, et qui laissait entendre qu’une certaine dame avait prévu de se remarier et que l’information risquait de provoquer grand bruit… Emoi de la femme de ménage… Qui disparaît mystérieusement avant que Sa Majesté n’ait le loisir de lui demander des détails et d’écarter son soupçon qu’il ait pu s’agir du journal d’une certaine Princesse des cœurs que la Princesse Margaret trouvait plus empoisonnante morte, que vivante (enfin… dans le film The Queen… Je ne sais pas si la citation est authentique !).

Que sont devenus cette femme de ménage et surtout, ce journal qui pourrait encoooore une fois faire vaciller la monarchie britannique ? Mystère et boules de gnomes et voilà Sa Majesté partie enquêter, comme si elle n’avait que ça à faire et pas de personnel de police ou de sécurité, de services secrets ou des porte-avions pour le faire à sa place.

Mais bon c’est plus sympathique comme ça et des porte-avions dans les couloirs du palais, ça ferait tâche.

Cela étant si on est un peu au courant des mœurs des Royals (je suis abonnée à Paris Match moi ! Et des fois je vais chez le dentiste ou le médecin et j’attends des plombes dans les salles d’attente), je me permettrais de soulever quelques invraisemblances.

Pour rappel Lady Diana, même au cours de son mariage avec Charles III alors Prince de Galles, n’a JAMAIS résidé à Buckingham. Le « couple » résidait au palais de Kensington.

Il était possible qu’ils puissent séjourner brièvement à Buckingham par commodité après un long dîner ou que sais-je encore mais… Diana n’a certainement jamais passé une nuit à Buckingham après son divorce avec Charles, ni dans aucune autre résidence royale.

On voit donc mal comment un journal tenu par Diana et évoquant un projet de remariage aurait pu être retrouvé derrière un meuble d’un des salons de Buckingham, où elle n’a jamais vécu et encore moins été reçue après son divorce. C’est impossible.

Un journal intime, ça ne se laisse pas traîner ailleurs que dans un tiroir de sa chambre !

Si Lady Diana a pu passer un temps significatif à Buckingham au point d’y tenir un journal… Ce serait en réalité dans les semaines qui ont précédé son mariage avec celui qui n’était que le Prince Charles à l’époque. Il fallait la mettre à l’abri du harcèlement des journalistes et que Queen Mumm s’occupe de son éducation de future Princesse de Galles.

Donc même si Lady Diana avait pu égarer un journal parlant de son futur mari dans un salon de Buckingham Palace et bien… il n’aurait pu s’agir que de Charles ! Tu parles d’un scoop !

Et puis… En 2003, date de sortie du livre… Lady Diana était décédée depuis… Six ans.

Je veux bien que Buckingham Palace soit une grande maison et qu’il n’est pas possible de maintenir un tel lieux dans une propreté aseptisée de bloc chirurgical, mais, je doute qu’on y fasse si mal le ménage pour ne retrouver un carnet coincé derrière une console que tant d’années après (note de la Belette : chez moi, ce serait possible, la femme de ménage ne fait pas toujours les coins et je sais de quoi je parle, puisque c’est moi ma femme de ménage – mdr).

Excusez moi de croire que le personnel de Sa Majesté, bien que notoirement sous payé, soit si peu motivé. Dans les hôtels de luxe en plus, des gouvernantes limite sadiques passent derrière les femmes de ménage pour vérifier que rien n’a été négligé quitte à se mettre à quatre pattes sous les meubles ou de monter sur des escabeaux pour vérifier qu’il n’y a pas de poussière sur un toit d’armoire.

Je doute fort que les gouvernantes de Buckingham Palace soient moins exigeantes qu’elles, au point de passer à côté de ce carnet, elles aussi, pendant des années.

Par ailleurs, on nous explique que Sa Majesté fait quelques promenades à cheval… À Buckingham…

Vous m’auriez dit à Windsor, ou dans sa retraite de Balmoral… Ou à Sandringham… qui sont à la campagne et qui occupent de grands domaines… j’aurais dit : pourquoi pas ? Evidemment même !

Mais dans le parc de sa résidence Londonienne de Buckingham… J’ai quelques doutes.

Je veux bien qu’elle était encore photographiée en selle à 94 ans… Mais demandez à l’application Google Earth de vous montrer le domaine de Buckingham… Il est plutôt rikiki (bon ok il est plus grand que les jardinières que j’avais à mes fenêtres) et s’y promener à cheval tiendrait plus de la balade au pas à dos poney de 15 minutes que l’on propose à certains très petits citadins dans les parcs parisiens ! Pour des passionnés de dadas comme la défunte Reine, ou le Roi Charles III, ce serait absolument ridicule.

Et puis quand Sa Majesté était à Londres, elle avait en réalité assez peu de temps pour monter à cheval ou enquêter, car elle y venait surtout pour honorer ses engagements.

Que l’autrice se soit permise des libertés avec le probable… pourquoi pas… c’est un roman. Mais quand même… Il ne s’agit pas de lieux fictifs ni de personnes fictives alors, je ne suis pas à l’aise qu’on imagine des choses trop éloignées des possibles.
À part cela, la lecture était très agréable et la psychologie prêtée à Sa Majesté semble correspondre à sa légende, même si je ne suis pas certaine qu’elle fut une telle commère à l’affut des potins.

Malgré tout, l’amatrice de polar que je suis, aime bien essayer de trouver qui est l’assassin lorsqu’elle lit un tel livre.

Or… Pendant 90% de l’ouvrage aucun élément ne nous sera donné pour nous mettre sur sa piste. Ils ne tomberont du ciel, comme par hasard, pour confondre le coupable, juste quelques pages avant qu’on ne le serre. C’est, pour moi, un défaut majeur.

Et puis… Quant à ses mobiles, on ne pourra que les supposer, car il n’y aura pas d’épilogue explicatif nous permettant de voir si Sa Majesté avait bien supposé.

Or donc en résumé : une écriture agréable, une psychologie du personnage principal respectée, mais trop d’approximations probablement erronées sur les usages des Royals, et un développement d’intrigue décevant, ne permettant pas aux lecteurs de participer à une enquête qui se résout presque par hasard.

Les Fils de Shifty : Chris Offutt

Titre : Les Fils de Shifty

Auteur : Chris Offutt
Édition : Gallmeister (04/01/2024)
Édition Originale : Shifty’s Boys (2022)
Traduction : Anatole Pons-Reumaux

Résumé :
Mick Hardin se remet d’une blessure de guerre chez sa sœur Linda, shérif de Rocksalt dans le Kentucky, lorsque le cadavre d’un dealer local est découvert. Il s’agit de l’un des fils de Shifty Kissick, une veuve que Mick connaît depuis longtemps.

La police refusant d’enquêter, Shifty demande à Mick de découvrir le coupable. Se débattant entre un divorce difficile et son addiction aux antidouleurs, ce dernier commence à fouiner dans les collines, avec la ferme consigne de ne pas gêner la réélection de sa sœur.

Il comprend vite que le meurtre a été mis en scène, et bientôt un deuxième fils de Shifty est abattu. Pourquoi le sort s’acharne-t-il ainsi sur la famille Kissick ? Le temps presse et Mick le sait car dans cette communauté basée sur un code moral intransigeant, la violence appelle la violence.

Critique :
Retour pour moi à Rocksalt dans le Kentucky, dans les collines, là où les gens vivent dans leur monde, où l’on se présente en donnant le nom de son père et où les gens que vous visitez ajoutent le nom de votre grand-père et de toute votre lignée…

Dans « Les gens des collines », j’avais fait la connaissance de Mick Hardin, un enquêteur du CID (Division des enquêtes criminelles au sein de l’armée américaine), en congé maladie (revalidation de sa jambe). C’est un taiseux, mais pour enquêter, il est excellent.

Le voici mandaté par la vieille Shifty Kissick pour enquêter sur l’assassinat de son fils cadet, Fukin’Barney, dealer de drogue. Et Mika va accepter, pendant que sa sœur, Linda, fait campagne pour un second mandat de shérif.

Comme pour le premier opus, le récit est assez ramassé, en 280 pages, tout est dit, plié, réglé. L’auteur ne fait pas des pages juste pour le plaisir d’en faire. Sans être écrit à l’os, son roman noir va à l’essentiel, nous présentant les protagonistes en peu de mots et en nous plongeant dans la petite ville des Appalaches d’une manière directe. Pas besoin d’en lire plus pour comprendre où nous sommes et l’importance de la famille pour ces gens.

En commençant cette enquête, Mick n’aurait jamais pensé qu’elle l’entraînerait aussi loin, et moi non plus. C’était totalement insoupçonnable, loin d’une résolution classique et cela donnera un final rempli d’action, d’adrénaline et un petit côté western, mais version contemporaine (on oublie le Colt de l’arrière grand-père).

Les ambiances de ce roman noir rural sont brutes de décoffrage, réalistes, naturelles. Le reflet de ce que sont les gens des Appalaches : taiseux, armés, assez rudes, peu démonstratifs en câlins et avec une mémoire de l’arbre généalogique de tout le monde.

Bizarrement, on s’attache à ces gens-là, on comprend leur rudesse, leur méfiance, leur attachement à la famille et c’est parce que l’on sent que auteur aime ses personnages, même les secondaires, qu’il y a mis ses tripes et toute son affection.

Un véritable rural noir, un polar différent des whodunit classiques, un vrai roman noir avec de la rudesse, de la testostérone, mais aussi de la tendresse (sans en faire trop, ce n’est pas le genre des personnages) et un final qui fera entrer certains dans un vortex de violences sanglantes.

Un parfait équilibre de violences, de sang, d’enquête et de personnages touchants, même dans les plus rudes.

Une suite encore meilleure que le premier opus !
An American Year

Challenge Thrillers et Polars de Sharon (du 12 Juillet 2023 au 11 Juillet 2024) [Lecture N°157]  et le Challenge « American Year » – The Cannibal Lecteur et Chroniques Littéraires (du 15 novembre 2023 au 15 novembre 2024) # N°44.

Châtiment : Percival Everett

Titre : Châtiment

Auteur : Percival Everett
Édition : Actes Sud – Actes noirs (07/02/2024)
Édition Originale : The Trees (2021)
Traduction : Anne-Laure Tissut

Résumé :
Une série de meurtres brutaux secoue la petite ville de Money, Mississippi : des hommes blancs sont retrouvés atrocement mutilés.

Mais ces meurtres recèlent un mystère, car sur chaque scène de crime on retrouve un second cadavre [résumé trop bavard, je le coupe !].

Lorsqu’un duo d’enquêteurs tout en second degré est dépêché sur les lieux, il se heurte à la résistance attendue du shérif, de ses adjoints, du légiste et d’une cohorte de Blancs tous plus racistes les uns que les autres. Les deux agents spéciaux pensent avoir affaire à des crimes punitifs…

Dans cette comédie noire audacieuse et provocatrice, Everett a le racisme et les violences policières dans le collimateur et déploie son intrigue à un rythme effréné, ne laissant aucune chance au lecteur de détourner le regard.

Critique :
♫ Money, get away ♪ (1) Oui, la petite ville de Money, Mississippi, ne donne pas envie d’être visitée. Nous sommes dans le Sud profond, celui des rednecks, des pequenauds, des ploucs, des bouseux et des racistes bas de plafond, dont certains portent encore la cagoule blanche…

Que se passe-t-il à Money ? Deux hommes blancs se sont fait assassiner (rien d’original), on a massacré leur visage, enroulé du fil barbelé autour et on leur a coupé les couilles (ah, on ajoute de l’originalité).

Là où le truc devient fou, c’est qu’on a retrouvé, sur chaque scène de crime, le corps d’un homme Noir, visage tuméfié aussi, mort de chez mort et que ce mort a disparu ensuite, puis réapparu, puis disparu, et est encore réapparu… Serait-ce un zombie, un mort-vivant ? Ou alors, David Copperfield est en ville et à eu envie de diversifier ses tours ? Les magiciens sont parfois taquins…

Ce qui surprend, dans ce roman noir de chez noir, c’est le ton, l’écriture et l’ambiance. L’auteur joue dans le registre de l’humour (noir et ironique), à la limite du burlesque (sans franchir la ligne rouge) et ces ambiances, au lieu d’être plombées, sont amusantes. J’ai souvent souri avec les dialogues, avec les adjoints débiles du shérif, sorte de mélange de Laurel, Hardy et d’Averell Dalton (le « quand est-ce qu’on mange ? » en moins), ainsi que les noms de certains personnages (les jeux de mots !).

Ce roman, qui a le goût d’un bonbon acidulé, m’a donné l’impression de se passer dans l’Amérique de 1950 (les mauvaises langues diront 1850), tant cette petite ville de Money avait l’air d’être restée coincée dans cette époque où le racisme suintait de partout et où les lynchages avaient toujours lieu. Alors, quand un protagoniste parlait de son smartphone ou d’Internet, j’étais à deux doigts de crier à l’anachronisme. Non, non, nous étions bien dans les années 2016 (le moumouté est sur le trône). En tout cas, la consanguinité n’a pas eu trop d’effet sur la population…

Un roman noir à l’humour grinçant, où l’auteur dénonce une Amérique raciste, suprémaciste, où le KKK est toujours présent, où les gens sont prêts à revoter pour le mec aux cheveux orages, celui qui n’a que des phrases haineuses (ou sexiste, ou débiles au possible) qui lui sortent de la bouche (le discours de Trump, dans le roman, semble être surréaliste, mais est terriblement réaliste)…

Et puis, il y a des personnages lumineux, comme Mamma Z, qui a réuni des archives sur toutes les personnes lynchées depuis 1913 (son année de naissance), sans oublier son arrière-petite-fille, Gertrude, que j’ai apprécié, ainsi que les deux agents du MBI (Mississippi Bureau of Investigations), qui ont apporté une touche d’humour et de légèreté dans ce récit qui avait tout pour être glauque et oppressant.

Un roman policier totalement fou, où vous n’aurez pas toutes les réponses pour les premiers crimes (les modus operandi), mais entre nous, ce n’est pas important.

Le final du roman lorgnera du côté du fantastique, du surnaturel, même, mais uniquement pour illustrer la métaphore que les américains blancs (WASP) sont toujours hantés par les morts, victimes du racisme, de la ségrégation, de la haine, lynchés ou asphyxiés… Leur conscience les tourmente, ils veulent les faire taire, mais on ne réduit pas les morts au silence.

Un roman noir au casting impeccable, dont on ne sait si le récit, sérieux, est masqué sous du burlesque ou alors, si c’est du burlesque utilisé pour cacher le côté sérieux et violent de ce récit. En tout cas, c’était bien réalisé, bien mis en scène, sans jamais dépasser la ligne rouge ou devenir moralisateur.

La noirceur, parfois, il faut la masquer sous l’humour (caustique), elle ne passera que mieux et marquera encore plus les esprits. Moi, j’ai été marquée par ce roman.

(1) Money des Pink Floyd

An American Year

Challenge Thrillers et Polars de Sharon (du 12 Juillet 2023 au 11 Juillet 2024) [Lecture N°156]  et le Challenge « American Year » – The Cannibal Lecteur et Chroniques Littéraires (du 15 novembre 2023 au 15 novembre 2024) # N°43.

Les enquêtes de Lady Hardcastle – 06 – Meurtres en bord de mer : T. E. Kinsey [LC avec Bianca]

Titre : Les enquêtes de Lady Hardcastle – 06 – Meurtres en bord de mer

Auteur : T. E. Kinsey
Édition : City (2022) / City Poche (2023)
Édition Originale : Death Beside the Seaside (2019)
Traduction : Karine Forestier

Résumé :
C’est l’été et lady Hardcastle et Florence, sa femme de chambre, ont bien mérité un peu de repos ! Elles s’offrent enfin une petite escapade balnéaire bienvenue sur la côte anglaise. Entre les glaces sur la plage et les promenades à dos d’âne, tout est pour le mieux. Le calme avant la tempête…

Car, horreur, les pensionnaires de l’hôtel où elles logent commencent à disparaître un à un. Le premier à s’évanouir dans la nature sans laisser de traces est un scientifique de renom qui travaille pour le gouvernement de Sa Majesté.

Fini les vacances : Lady Hardcastle et Flo prennent les choses en main, comme à leur habitude ! Et ça se complique lorsque leur suspect numéro Un est assassiné dans des circonstances macabres.

Avec un directeur d’hôtel hystérique, il y a urgence à résoudre le mystère avant que tous les pensionnaires ne ressortent de l’hôtel les pieds devant…

Critique :
Ayant besoin d’un peu de calme, de repos, bref, de vacances sous le soleil, je me suis dit que ce serait une excellente idée de partir au bord de la mère avec lady Hardcastle et sa dame de compagnie, femme de chambre, bonne à tout faire, miss Florence Armstrong.

Prenant mon maillot, ma pelle et mon seau, j’ai embarqué pour Weston-Super-Mare.

Mais quelle idée saugrenue j’ai eue ! On ne doit jamais partir en vacances avec des passionnés d’énigmes policières, puisque le crime les suit et qu’on va se retrouver, automatiquement, avec des cadavres et des meurtres à résoudre. Ça n’a pas manqué ! Même pas eu le temps de faire quelques pâtés de sable sur cette plage de boue où la mer recule à l’autre bout du monde.

Quelle hécatombe, mes amis ! Les cadavres se ramassent à la pelle (elle n’a servi qu’à ça, ma pelle de plage) et on se dit qu’à la fin du roman, on risque de se retrouver comme dans « Il était dix » d’Agatha Christie (« Dix petits nègres » rebaptisé) : tout le monde mort !

L’action se déroule en 1910 et si nos deux enquêtrices ne le savent pas encore, nous, nous savons ce qu’il va se passer dans 4 ans : la guerre ! Donc, ce n’est pas étonnant que cette enquête ait des airs de roman d’espionnage, puisque ça puait déjà le futur conflit à l’époque. Oui, ce tome 6 sent l’espionnage à plein nez, mais sans les gadgets de 007 !

Alors non, ce ne fut pas des vacances reposantes, il a fallu courir partout, monter ces foutus escaliers, ramasser des corps, fouiner, enquêter, éponger le sang, discuter avec les Laurel & Hardy envoyés par le frangin de lady Hardcastle pour tenter d’étouffer le scandale (ce n’étaient pas les couteaux les plus affutés du tiroir des services secrets), mener une enquête discrète, réanimer le directeur de l’hôtel évanoui et se demander comment faisaient les serveurs pour arriver et repartir dans qu’on ne les remarque.

Mais au moins, on ne s’est pas emmerdée sur la plage, à sucer des glaces à l’eau ou à regarder passer les bateaux (déjà que la mer était basse tout le temps, on a loupé toutes les marées hautes). On a bien bu, bien mangé, on s’est amusée à enquêter, on eu quelques bonnes réparties et on s’est pris une sacrée sur le dos. Que demander de plus ?

Une enquête qui sentait bon l’espionnage, les embrouilles, les magouilles, les mystères, le tout saupoudré d’humour, d’un brin de mauvaise foi (Lady Hardcastle), de quelques coups fourrés, de plans machiavélique et de vacances qui ne se sont pas vraiment déroulées sur l’air du repos. Du pain béni pour notre duo et pour nous, les lectrices et lecteurs.

Tout comme ma copinaute Bianca, je n’ai pas vu venir les explications finales et toutes les deux, nous nous sommes faites avoir, une fois de plus ! Même sans être fan d’espionnage, cette enquête était bien faite, amusante et distrayante ! Nous sommes d’accord.

Challenge Thrillers et Polars de Sharon (du 12 Juillet 2023 au 11 Juillet 2024) [Lecture N°153].

L’Elixir de Dieu – 01 – Spiritus sancti : Gihef et Christelle Galland

Titre : L’Elixir de Dieu – 01 – Spiritus sancti

Scénariste : Gihef
Dessinateur : Christelle Galland

Édition : Bamboo Édition (01/02/2023)

Résumé :
Armées de patience, de courage, d’ingéniosité et – qui sait – avec l’aide du Seigneur, elles élaborent un alcool unique en son genre !

En pleine prohibition, le couvent Saint-Patrick est en passe d’être exproprié par la banque. La découverte d’un vieil alambic servant autrefois à la fabrication du rhum change la donne.

Le trafic d’alcool est-il vraiment un péché quand il s’agit de sauver de la banqueroute la maison de Dieu ? Pour mère Agatha, sœur Holly et leurs comparses, la réponse ne fait aucun doute…

Mais face à un chef de la pègre prêt à tout pour maintenir son business et au Ku Klux Klan qui rôde, les bonnes sœurs au passé pas toujours très catholique vont avoir besoin de bien plus qu’une protection divine.

Critique :
Y’a pas à dire, la couverture attire l’œil tout de suite, à cause de la bonne sœur dans l’ombre, qui tient, d’un côté, ce qui semble être une bouteille de gnôle et de l’autre, une sulfateuse !

Le genre de truc qui m’a fait foncer vers cette bédé. Je me doutais que dans la bouteille, ce n’était pas du vin de messe et le résumé à achevé de me convaincre.

L’époque de la prohibition est une période que j’apprécie, en littérature (que ce soit en roman ou en bédé) et quand on mélange la mafia et les nonnes, moi, ça me fait pétiller les yeux.

Massachussets (pas la chanson de Bee Gees), dans un couvent, en 1930. Sœur Holly (pas la Holly de Stephen King) est une novice qui m’a semblé fort peu catholique et la suite confirmera qu’elle n’a rien d’une religieuse conventionnelle et je gage que les autres ne le sont pas non plus…

Dans les arbres, à cette époque, il y a des fruits étranges (strange fruits) : des personnes Noires lynchées par des mecs Blancs, portant des taies d’oreillers sur la tête et qui prêteraient vraiment à rire s’ils n’étaient pas des criminels en puissance (et des couillons, puisqu’ils n’attaquent qu’en bande).

De l’autre côté, il y a la mafia, le trafic d’alcool et un mafiosi pas content du tout et quand le mafiosi n’est pas content, il vaut mieux faire ce qu’il demande, sous peine de se voir offrir un aller-simple pour le boulevard des allongés… Voilà donc nos nonnes en train de distiller de l’alcool, de la goûter, d’endormir le prêtre et de voler des céréales… Bref, rien de catholique !

Les dessins sont très agréables à regarder et les personnages ont tous des petits secrets, même si nous ne les connaîtrons pas tous du premier coup. Le mélange de la prohibition, du racisme, du KKK, des lynchages et de la mafia est réussi et cela donne une petite gnôle pas piquée des hannetons.

D’ailleurs, j’ai connu une polonaise qui en buvait au petit-déjeuner ! Au moins, cette bédé là, elle ne vous rendra pas aveugle, mais elle vous fera sourire pour son côté Sister Act, vous fera frémir pour le racisme qui fait des ravages et le rythme, sans temps morts, vous fera passer un bon moment !

Vivement le tome 2, parce que ce premier tome est bien ficelé, bien distillé et qu’il se termine d’une manière qui ne donne envie que d’une chose : lire la suite, nom de Dieu !

An American Year

Challenge Thrillers et Polars de Sharon (du 12 Juillet 2023 au 11 Juillet 2024) [Lecture N°152]  et le Challenge « American Year » – The Cannibal Lecteur et Chroniques Littéraires (du 15 novembre 2023 au 15 novembre 2024) # N°39.