Blackwater – 04 – La Guerre : Michael McDowell

Titre : Blackwater – 04 – La Guerre

Auteur : Michael McDowell
Édition : Monsieur Toussaint Louverture (19/05/2022)
Édition Originale : Blackwater, book 4: The War (1983)
Traduction : Yoko Lacour et Hélène Charrier

Résumé :
La guerre est finie, vive la guerre ! Une nouvelle ère s’ouvre pour le clan ­Caskey : les années d’acharnement d’Elinor vont enfin porter leurs fruits ; les ennemies d’hier sont sur le point de devenir les amies de demain ; et des changements surviennent là où personne ne les attendait.

Le conflit en Europe a fait affluer du sang neuf jusqu’à Perdido, et désormais les hommes vont et viennent comme des marionnettes sur la propriété des Caskey, sans se douter que, peut-être, leur vie ne tient qu’à un fil.

Critique :
♫ Mais qu’est-ce qu’il a, doudou didonc ?
Blackwater Blackwater, c’est trop ! C’est bon ! ♪

Impossible de dire ce qu’il y a dans Blackwater pour provoquer une telle addiction ! Le fait est là, depuis la première page du premier tome, je suis sous le charme et bien incapable de dire pourquoi.

Dans cette saga familiale, il n’y a rien d’exceptionnel, pas d’aventures folles, pas de tension à couper au couteau, le fantastique reste ténu, l’écriture est simple (sans être gnangnan), et malgré tout, une fois ce quatrième tome ouvert, j’ai eu bien du mal à le refermer avant le mot « Fin ».

Dans ce quatrième tome, tout le monde a vieilli ou grandi… Frances et la peste de Miriam sont devenues des jeunes filles, Mary-Love n’est plus là pour foutre la merde dans la famille (la discorde), James a pris un coup de vieux et si la guerre n’est pas encore déclarée, les temps sont en train de changer.

Les femmes ont une place importante, dans la famille Caskey, ce sont elles qui dirigent, qui prennent les décisions et c’est sans doute ce qui me plait dans cette saga : les femmes ne sont pas des petites choses fragiles, elles se battent pour obtenir leur place méritée.

La récession est passée par là, le crash de 1929 aussi et on sent bien que tout le monde est touché par l’effondrement de l’économie. Des magasins ont fermé, les autres scieries aussi, la ville de Perdido vivote et ce sera la guerre qui la fera repartir en avant, notamment avec l’essor de la scierie des Caskey. Par contre, personne n’échappera aux tickets de rationnement et au fait que les jeunes hommes doivent s’engager.

Si le rythme n’est pas effréné, les personnages ont bien évolués, changés, pris de la bouteille, certains ayant un rôle plus important dans ce tome 4. On ne peut pas dire qu’on reste les bras croisés durant 250 pages ! Frances va en apprendre plus sur ce qu’elle est vraiment… Oui, l’élément fantastique est plus important que dans les précédents, mais sans jamais devenir trop prégnant.

Cette saga, c’est comme les eaux noires de la Blackwater ou les rouges de la Perdido : lorsque l’on plonge dedans, on est immédiatement aspiré dans un tourbillon dont il est difficile de se dépêtrer. On y est aspiré et entraîné vers le fond.

Non, non, toutes celles et ceux qui ont plongé dans les eaux troubles des deux rivières n’ont absolument pas envie qu’on leur jette une bouée de sauvetage !! On veut juste lire la saga en entier et espérer qu’ensuite, on pourra reprendre une vie normale…

Blackwater, c’est une saga familiale et fantastique qu’il faut découvrir, si ce n’est déjà fait. C’est addictif, sans pour autant posséder de l’action. En fait, ce sont les personnages qui font que l’on ait envie de poursuivre la saga. On les aime comme s’il faisait partie de notre famille. Une famille un peu bizarre, certes, mais qui ne se laisse jamais abattre.

Allez, vivement la suite !

Challenge Thrillers et Polars de Sharon (du 12 Juillet 2022 au 11 Juillet 2023) [Lecture N°163].

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Les Patriotes : Sana Krasikov

Titre : Les Patriotes

Auteur : Sana Krasikov
Édition : Albin Michel (21/08/2019)
Édition Originale : The Patriots (2018)
Traduction : Sarah Gurcel

Résumé :
Alors que les États-Unis sont frappés par la Grande Dépression, Florence Fein, à seulement 24 ans, quitte Brooklyn pour une ville industrielle de l’Oural, dans la toute jeune URSS.

Elle n’y trouvera pas ce qu’elle espérait : un idéal d’indépendance et de liberté. Comme de nombreux Refuzniks, son fils Julian, une fois adulte, émigre aux États-Unis. Des années plus tard, en apprenant l’ouverture des archives du KGB, il revient en Russie et découvre les zones d’ombre de la vie de sa mère.

Entremêlant époques et lieux, ce premier roman magistral de Sana Krasikov nous plonge au cœur de l’affrontement Est-Ouest en explorant, à travers le destin de trois générations d’une famille juive, l’histoire méconnue de milliers d’Américains abandonnés par leur pays en pleine terreur stalinienne, et les conséquences de nos choix individuels sur la vie de nos enfants.

Critique :
Les patriotes, c’est une grande fresque familiale qui va s’étaler sur plus de 70 ans (de 1934 à 2008) et nous faire faire un grand écart entre les États-Unis et l’URSS (sur une mappe monde, l’écart n’est pas énorme, mais prenez un planisphère et vous comprendrez).

Florence est comme bien des jeunes, elle a un idéal, a des objectifs nobles, elle veut être utile, a de grands idéaux. Bien souvent, les grands idéaux se terminent vite, une fois qu’on a compris que l’on est peu de choses.

Hélas Florence, est dans le déni et ne veut jamais comprendre que le communisme et l’URSS ne sont pas aussi beaux et grands qu’elle l’avait imaginé, qu’on lui avait vendu. Bien souvent, j’ai eu envie de lui renverser de l’eau sur le crâne, afin qu’elle se réveille.

Dans ce roman, l’autrice met en scène une vie ordinaire, celle de Florence, une immigré juive en provenance des États-Unis, parlant le russe, ainsi que celle d’autres personnages, qu’elle croisera au fil de sa vie dans cette URSS qui lui a tout volé, dans ce système sans logique, dans cette grande machine à broyer les êtres humains, afin de nourrir la grande machine bureaucratique du parti-État stalinien…

Si j’ai toujours été attirée par la Russie, l’URSS et son système totalitaire, celui mis en place par Staline, me donne toujours envie de vomir et de partir en courant. Dans le récit, l’illogisme des décisions est bien expliqué, il est implacable, vous faisant passer, en peu de temps, de héros à un traitre à la patrie.

Diviser pour régner, régner par la peur, par la force, par  les dénonciations, par les purges, pas les ordres implacables, sans logique. Vous contestez ? Paf, une balle. Vous vous plaignez ? Paf. Vous faites preuve de pas assez de zèle dans votre mission ? Paf aussi. Trop de zèle ? Paf, comme le chef du NKVD, Nikolaï Iejov, en fit l’expérience.

La paranoïa règne en maître et dans ce genre de régime, pas de place pour l’entre-deux. Leur vision est primaire, binaire. Vous êtes soit « avec eux » ou « contre eux ». Prosoviétiques ou antisoviétiques, cet état d’esprit primitif ne laisse aucune place à la neutralité. Avec eux, c’est l’enfer ou le paradis, pas de place pour le purgatoire, pas de place pour la neutralité, pour le « pas d’avis ».

Hélas, cet état d’esprit binaire n’est jamais loin de nous, on le revoit souvent remonter à la surface lors d’événements importants ou tragiques. La majorité attend de vous que vous suiviez la meute et son opinion générale. Elle n’admet pas que vous soyez le cul entre deux chaises, incapable d’émettre un jugement pour ou contre, alors que vous, vous voudriez juste avoir plus de données, plus de temps, moins d’émotions, pour émettre un avis.

Non, le système binaire n’admet comme réponse que oui ou non, que je suis avec vous ou contre vous, mais pas de « oui, mais… ». La diversité d’opinion, ce n’est pas bon, comme ce l’était du temps de l’autre moustachu parano, assassin de son peuple, qui continuait de le révérer, parce qu’il avait été endoctriné, le cerveau lessivé et parce que critiquer le système, le gouvernement, la machine implacable, c’était un aller-simple pour la mort ou pour un camp de travail.

J’ai beau avoir lu des récits des exactions cette grande machine à broyer les êtres humains, cela me glace toujours autant, surtout quand mon cerveau fait des connections avec notre époque actuelle, où, comme dans ce système totalitaire, des gens s’arrogent le droit de dire ce qu’il faut expurger de la littérature, en retirer ce qui n’est pas bon, pas propre, pas reluisant, comme des mots insultants (N word), ou en ôter les pages sombres de l’Histoire humaine. Réécrire les livres, les traduite autrement…

En URSS aussi, des gens disaient ce qu’on pouvait lire ou ne pas lire, de la littérature étrangère et attention, le vent tournait vite. Mais c’est bien connu, ce n’est pas la girouette qui tourne, c’est le vent. Et le système tourne très vite, faisant de vous un traître alors que vous n’avez fait que respecter les ordres donnés. Faisons gaffe de ne jamais faire revivre un tel système chez nous.

Si au départ, j’avais trouvé Florence un peu fade, rêveuse, engoncée dans le déni, à un moment du récit, elle m’a coupé les jambes lorsqu’elle dénoncera une personne, afin de sauver sa famille, parce qu’elle s’est fait un film dans sa tête, parce que le salopard en face d’elle a bien su jouer avec ses peurs primaires. C’est violent, on a envie de l’engueuler, de la clouer au pilori, et puis, vient la question horrible : qu’est-ce que j’aurais fait, moi ? Ce ne serait sans doute pas glorieux !

Dans ce gigantesque récit, il y a eu des passages qui m’ont ennuyés, qui étaient moins intéressants que d’autres, ce qui a rendu cette lecture un peu laborieuse. Nous sommes face à une brique de 608 pages et lorsque le récit n’avance plus, les pages se tournent plus lentement et on ne se voit pas avancer. J’ajouterai aussi que je n’ai eu que peu d’empathie pour les personnages…

Malgré ces bémols, cette lecture m’a remué les tripes, notamment lorsque j’ai encore relu les exactions du système stalinien, porté par toute une horde de sans grades, prêt à faire leur sale boulot et à appliquer les règles iniques, illogiques, pour ne pas perdre leur place, sans aucun doute et se retrouver du mauvais côté de la table. Certains y ont aussi pris goût, à ce petit pouvoir sur les autres…

La propagande du système m’a retourné l’estomac, surtout qu’elle a toujours lieu, et que j’ai vu des jeunes écolières écrire des lettres aux soldats russes qui font la guerre aux ukrainiens. Et il n’y a pas que là-bas que la propagande est toujours en place.

Mettre les pieds à Perm, dans un camps de prisonniers réduit à pire que des esclaves m’a aussi fait frémir, à nouveau. Dans ces camps, les morts ne comptaient pas, il y en avait plein d’autres pour les remplacer. En Russie communiste, la vie d’une personne ne valait rien.

Cette lecture me marquera durablement, comme l’ont toujours fait les romans (fiction ou autobiographique) qui parlent du système stalinien, des goulags, des interrogatoires où les agents du NKVD écrivait l’histoire eux-mêmes et vous extorquait une signature ensuite, sans vous laisser la possibilité de vous en sortir, puisque qu’elle que soit votre réponse, elle était mauvaise, ou alors, ils vous la retournaient dans la figure, transformée, et vous enfonçait encore plus dans l’absurde.

Un roman fort, une grande fresque, où j’ai apprécié les personnages sur la fin, quand je les ai mieux compris.

Challenge Thrillers et Polars de Sharon (du 12 Juillet 2022 au 11 Juillet 2023) [Lecture N°160] et Le Mois du Polar, chez Sharon – Février 2023 (N°43 – FIN).

‭Trois : Valérie Perrin

Titre : ‭Trois

Auteur : Valérie Perrin
Édition : Albin Michel (2021) / LP (30/03/2022)

Résumé :
« Je m’appelle Virginie. Aujourd’hui, de Nina, Adrien et Etienne, seul Adrien me parle encore. Nina me méprise. Quant à Etienne, c’est moi qui ne veux plus de lui. Pourtant, ils me fascinent depuis l’enfance. Je ne me suis jamais attachée qu’à ces trois-là. »

1986. Adrien, Etienne et Nina se rencontrent en CM2. Très vite, ils deviennent fusionnels et une promesse les unit : quitter leur province pour vivre à Paris et ne jamais se séparer.

2017. Une voiture est découverte au fond d’un lac dans le hameau où ils ont grandi. Virginie, journaliste au passé énigmatique, couvre l’événement. Peu à peu, elle dévoile les liens extraordinaires qui unissent ces trois amis d’enfance. Que sont-ils devenus ? Quel rapport entre cette épave et leur histoire d’amitié ?

Critique :
Les trois mousquetaires, par un prompt renfort, étaient quatre, le Club des Cinq étaient à quatre plus un chien, le club des Huns étaient beaucoup et ici, les Trois sont trois…

Trois jeunes, deux garçons et une fille (et interdit d’ajouter « plusieurs possibilités) qui se sont rencontrés lorsqu’ils avaient 10 ans et se sont liés d’amitié, à tel point qu’ils sont toujours resté eux trois, durant toute leur scolarité (primaire, collège, lycée – c’est le bon ordre ?).

Des histoires d’amitié dans les années 80, moi, ça me branche toujours. Même si je sais qu’elles ne durent jamais et que l’adolescence, les premiers flirts, envoient tout valser. Malgré tout, en littérature, j’adore les bandes de potes qui sont soudés comme les doigts de la main.

Dans ce récit, je me suis mis le cerveau en ébullition parce que je ne comprenais pas qui pouvait bien être cette foutue Virginie qui nous parlait des Trois, alors qu’elle ne faisais pas partie de leur bande, qu’elle semblait avoir été transparente dans l’école. Je me suis mis la rate au court-bouillon pour tenter de trouver sa place dans l’échiquier.

On ne peut pas dire que le rythme est trépidant et qu’il y a de l’action à gogo. Le récit se déroule sur trois époques (trois, tiens donc) : un durant leur enfance, à l’école, la deuxième dans les années 90 (et un peu 2000) et la dernière se passe en 2017. Heureusement que les dates étaient inscrites au-dessus de chaque chapitre.

Il faut attendre presque les trois quart du roman pour que le suspense arrive et que les voiles se déchirent. Quelques pages avant LA révélation, j’avais enfin réussi à trouver la place de la narratrice Virginie et là, tout s’est éclairé dans mon esprit. Ah oui, quand même, fallait y penser.

Bien qu’il y ait peu d’action, je ne peux pas dire que je me suis ennuyée durant ma lecture, mais je ne dirai pas que c’est un coup de cœur ou une lecture marquante. Elle est plaisante. On s’attache aux gosses, on ne comprend pas ce qu’il s’est passé pour que le groupé éclate et on suppute jusqu’aux révélations.

Malgré tout, avec 200 pages de moins, le récit aurait été plus resserré et on aurait gagné en efficacité, parce que 768 pages (en format poche), sans vraiment d’action, c’est long !

De plus, j’ai eu l’impression que l’autrice avec une check-list avec les sujets de société à inclure dans son récit. Je ne suis pas contre ce fait, ils rajoutent du piment, mais ils étaient nombreux… Et, ma foi, on aurait pu se passer du pervers narcissique.

Voilà une lecture qui me laisse le cul entre deux chaises : oui, j’ai aimé ma lecture, elle était plaisante, même si guère trépidante, qu’il ne s’y passe rien d’exceptionnel, hormis quelques drames, qui vont frapper nos jeunes. Trop de drames ? Peut-être…

Quant au secret, qui m’a mis la rate au court bouillon, était-il bien trouvé ou juste un lapin que l’on sort d’un chapeau, juste pour ajouter du mystère dans un récit ? Même là, je suis en balance, même si elle penchera, finalement, pour le bien vu, car il m’a scotché. D’un côté, cela faisait peut-être un peu trop…

Pourtant, j’ai apprécié ces trois jeunes, leur personnalité, leur défauts, leurs qualités, leur amitié. Oui, j’ai lu ce livre avec plaisir, mais il m’a manqué bien des émotions, comme le fait de  vibrer avec le trio.

Malgré tout, je ne regrette pas cette lecture, mais je m’attendais à autre chose, vu les commentaires élogieux fait à La Grande Librairie. Je resterai dans la positive attitude en faisant pencher la balance du côté des « lectures agréables mais qui ne restera pas dans ma mémoire ».

Challenge Thrillers et Polars de Sharon (du 12 Juillet 2022 au 11 Juillet 2023) [Lecture N°150] et Le Mois du Polar, chez Sharon – Février 2023 (N°33).

Ceci n’est pas un fait divers : Philippe Besson [LC avec Bianca]

Titre : Ceci n’est pas un fait divers

Auteur : Philippe Besson
Édition : Julliard (05/01/2023)

Résumé :
Ils sont frère et soeur. Quand l’histoire commence, ils ont dix-neuf et treize ans. Cette histoire tient en quelques mots, ceux que la cadette, témoin malgré elle, prononce en tremblant : « Papa vient de tuer maman ».

Passé la sidération, ces enfants brisés vont devoir se débrouiller avec le chagrin, la colère, la culpabilité.

Et remonter le cours du temps pour tenter de comprendre la redoutable mécanique qui a conduit à cet acte.

Avec pudeur et sobriété, ce roman, inspiré de faits réels, raconte, au-delà d’un sujet de société, le long combat de deux victimes invisibles pour réapprendre à vivre.

Critique :
Bizarrement, les féminicides font couler moins d’encre qu’un attentat terroriste. Pourtant, il y a des coupables et des victimes.

Se sentirait-on moins concernés par des hommes qui tue des femmes, que par des terroristes qui tuent aveuglément plusieurs personnes à la fois ? Ou bien ce sont les médias qui donnent plus de voix à un attentat qu’à des assassinats de femmes ?

Avant, lorsqu’un homme tuait sa femme, sa compagne, les journaux titraient « Il l’aimait tant qu’il l’a tué » et, comme bien des gens, j’ai mis du temps à me rendre compte de l’ineptie et de toute la fausseté de ce titre.

Non, il ne l’aimait pas, il n’aimait que lui, il n’a pas supporté que cette femme lui tienne tête, qu’elle veuille le quitter, qu’elle en aime un autre et pour se venger, il l’a assassinée. L’amour qu’il lui portait était toxique, mortel et personne n’a entendu les plaintes de la femme, personne n’a vu les signes ou pire, tout le monde a fait semblant de ne rien voir.

Avec ce roman de 200 pages, Philippe Besson frappe fort, là où ça fait le plus mal. En donnant la voix à un jeune homme, appelé par sa petite sœur parce que « papa a tué maman », il nous plonge dans l’enfer que vont devoir vivre ces deux enfants, il met le doigt là où ça fait le plus mal, versant du sel dans la plaie, pour qu’un jour, on puisse voir les symptômes et agir avant le drame.

Pas de pathos dans la narration, dans l’écriture, pas de surenchère dans le drame, juste ce qu’il m’a semblé être un bel équilibre dans ce récit où l’auteur décortique ce qui arrive après le meurtre (la visite chez les flics, l’organisation des funérailles, la vie après, le deuil, le stress post-traumatique, les questionnements, les regrets, les remords, l’impression qu’on aurait pu faire quelque chose, le procès…) et tout ce qu’il s’est passé avant, comme signes avant-coureurs, que personne n’a vraiment vu, qui ont été minimisés et que le père, violent, s’était bien gardé de crier sur tous les toits.

J’ai été horrifiée d’apprendre que le père assassin conservait les droits sur ses enfants mineurs, alors qu’il est un meurtrier… D’ailleurs, dans ce roman, bien des choses m’ont glacées d’effroi, à tel point que je ne saurais toutes les citer. Cela m’a révoltée, donné envie de vomir. Il était temps que j’apprenne…

Dans ce roman, j’étais en territoire inconnu, venant d’une famille banale où les violences conjugales n’ont jamais eu lieu (ni dans ma vie de femme mariée).

Ce roman est puissant, glaçant, c’est un coup de cœur tout en étant un coup de poing. Voilà qu’un drame atroce débouche sur une lecture captivante, émouvante, marquante.

Un comble, me direz-vous, qu’il faille un roman parlant d’une histoire vraie, d’un drame épouvantable, pour qu’il décroche plein d’étoiles à la cotation. C’est la preuve qu’il était bien écrit, d’une belle justesse.

Par contre, j’aurais aimé entendre d’autres voix que celle du fils de 19 ans, notamment celle de sa petite soeur de 13 ans, témoin du crime. De plus, j’étais persuadée que l’auteur avait dit, lors de l’émission de La Grande Librairie, qu’il avait donné la parole au père assassin. J’ai dû rêver (ou confondre avec un autre des romans présentés sur le plateau)…

Pourtant, j’aurais aimé qu’on lui donne la parole, à ce meurtrier, non pas pour lui trouver des excuses, mais pour tenter de comprendre ce qui avait basculer cet homme dans cette violence extrême (17 coups de couteau, tout de même !). L’auteur donne quelques pistes, mais j’aurais aimé avoir toutes les voix dans le récit.

Un magnifique roman, qui m’a mis de l’eau dans les yeux et dont j’ai bien du mal à décrire les émotions qui m’ont assaillies durant ma lecture. De la colère, de la rage, de la haine, l’envie de gueuler sur le système défaillant qu’est la police, la justice, les lois…

Et de la tristesse, beaucoup de tristesses devant toutes ces vies fichues irrémédiablement, tout ça à cause d’un homme qui avait peur d’être abandonné et qui ne savait pas aimer sans violence. Non, ce n’était pas un faits divers, c’est plus grave que ça et non, ce n’était pas de l’amour.

Une LC lue en apnée avec Bianca qui, tout comme moi, a été toute retournée. Là, je m’en vais piquer un Tchoupi à ma nièce….

Challenge Thrillers et Polars de Sharon (du 12 Juillet 2022 au 11 Juillet 2023) [Lecture N°138] et Le Mois du Polar, chez Sharon – Février 2023 (N°21).

Une saison pour les ombres : R. J. Ellory

Titre : Une saison pour les ombres

Auteur : R. J. Ellory
Édition : Sonatine (05/01/2023)
Édition Originale : The darkest saeson (2022)
Traduction : Étienne Gomez

Résumé :
Nord-est du Canada, 1972. Dans cette région glaciale, balayée par les vents, où l’hiver dure huit mois, la petite communauté de Jasperville survit grâce au travail dans les mines d’acier. Les conditions de vie y sont difficiles. Au-delà du village, il n’y a rien. Juste une nature hostile, quelques ours, des loups.

Aussi quand le corps d’une adolescente du village est découvert aux abords de la forêt, la gravité des blessures laisse supposer qu’elle a été victime d’une bête sauvage.

Ce sera en tout cas la version officielle. Et tout le monde prie pour qu’elle soit vraie. Mais, quelques temps plus tard, le corps d’une autre jeune fille est retrouvé.

Montréal, 2011. Le passé que Jack Deveraux croyait avoir laissé derrière lui le frappe de plein fouet lorsqu’il reçoit un appel de Jasperville. Son jeune frère, Calvis, est en garde-à-vue pour tentative de meurtre. De retour sur les lieux de cette enfance, qu’il a tout fait pour oublier, Jack découvre qu’au fil des années, l’assassin a continué à frapper.

L’aîné des Deveraux comprend alors que la seule façon de mettre fin à cette histoire tragique est de se répondre à certaines questions, parfois très personnelles. Mais beaucoup, à Jasperville, préfèrent voir durer le mensonge qu’affronter la vérité.

Critique :
Dehors, il faisait gris, le vent était froid et moi, au lieu de choisir un roman se passant sous le soleil, je me suis aventurée à Jasperville, au nord-est du Canada !

Cette petite ville, c’est le trou du cul du monde, un trou du cul gelé, un lieu où l’on se gèle tout ce qui dépasse (peut-être même le kiki, si l’on n’y fait pas gaffe), où l’été ne dure que 4 mois et l’hiver, sans soleil, 8 mois.

Bref, le lieu où personne n’a envie d’aller passer des vacances, ni même bosser et pourtant, il y a des gens qui y vivent et qui s’accommodent de ce froid, de cette solitude et des horreurs qui s’y passent.

L’auteur a choisi l’alternance des époques (de 1969 à 2011), afin de nous plonger encore mieux dans cet environnement peu habituel où il faut résister à la Nature hostile, aux froids extrêmes et aux animaux sauvages qui vivaient déjà là avant l’arrivée de l’Homme et de la société d’extraction de minerai de fer, la Canada Iron (je lui préfère le Canada Dry).

Après un chapitre consacré à ce qu’il se passe dans le présent, le suivant est consacré à l’enfance de Jacques (Jack) Deveraux, à sa famille et de ce qu’il s’est passé dans cette petite ville où des crimes atroces ont été commis, même si tout le monde a préféré les attribuer à des animaux sauvages.

Le nouveau roman d’Ellory n’est pas vraiment un roman policier habituel : il faut attendre la moitié du livre pour que Jack arrive enfin à Jasperville et il faut encore du temps avant qu’il ne commence son enquête.

Nous sommes dans un roman d’atmosphères et d’introspection, car Jack Devereau est parti en 1984, abandonnant son petit frère avec son père et n’est plus revenu dans cette ville depuis 25 ans.

Sa conscience le travaille, il a des regrets, des choses à se faire pardonner et son petit frère semble être devenu fou, parlant de wendigos, ces créatures surnaturelles, maléfiques, anthropophages… Bref, des bestioles que vous n’avez pas envie de croiser. Légendes ? Réalité ?

Ce roman est noir, foncièrement noir comme le charbon, avec peu de lumière, même lorsque durant 4 mois, le soleil ne descend jamais sous l’horizon. Rien à redire, Ellory a réussi ses décors et durant ma lecture, j’avais froid, j’ai ressenti au fond de mes tripes la désolation de ce lieu, la dépression qui pouvait atteindre tout le monde, surtout durant les mois sombres de l’hiver et face à ce haut fourneaux qui ne s’arrêtait jamais.

Les personnages, quels qu’ils soient, étaient bien campés, réalistes, complexes, alliant de la fragilité et de la solidité. Bref, tout simplement humains, terriblement humain. On pourrait être n’importe lequel, il est facile de s’y identifier, de les comprendre, d’être d’accord avec leurs colères ou avec leur fuite.

Certains ont fui leur passé, d’autres n’ont pas pu y échapper, mais au final, est-ce qu’on arrive vraiment à se détacher de notre passé, à le fuir ? Ou bien est-il toujours tapi en nous, tel un wendigo attendant de nous attraper, pour nous emporter là où on ne veut pas aller ?

Ce roman sombre et froid, est très bien construit, j’ai apprécié le voyage, même si j’ai eu froid aux miches. Les personnages, bien campés, m’ont subjugués de par leur réalisme et l’enquête, bien que ramassée sur le derniers tiers, était bien construite, et réaliste, elle aussi, pour un homme qui n’est pas un policier, même s’il est enquêteur puisque son job est « expert en incendie pour les assurances ».

Malgré tout, le coup de coeur n’est pas total, il a manqué une étincelle pour allumer le feu, un accélérant, un produit inflammable qui aurait transformé ce roman en brasier, emportant tout sur son passage, comme certains romans de l’auteur ont fait.

Attention, la lecture fut bonne, même si j’espérais un coup de coeur !

Challenge Thrillers et Polars de Sharon (du 12 Juillet 2022 au 11 Juillet 2023) [Lecture N°137], Le Mois du Polar, chez Sharon – Février 2023 (N°20).et le Challenge British Mysteries 2023 chez Lou et Hilde – De janvier à mars (N°05).

Où reposent nos ombres : Sébastien Vidal

Titre : Où reposent nos ombres

Auteur : Sébastien Vidal
Édition : Le mot et le reste (20/10/2022)

Résumé :
Été 1987. Johanna, Franck, Vincent et Christophe se connaissent depuis toujours et forment une bande que rien ne peut séparer.

Un dimanche d’août, quittant les rues de leur petit village de Province pour rejoindre la forêt, ils découvrent un endroit coupé du monde où vit un homme étrange que tout le monde surnomme « l’Indien ».

Au même moment, en région parisienne, deux jeunes amis entament une cavale sanglante après un braquage et mettent le cap plein sud pour se faire oublier. Rapprochées par le destin, ces trajectoires dissemblables vont se télescoper et exhumer de grandes souffrances enracinées dans le passé.

Durant cette période de transition délicate qu’est l’adolescence, la petite bande va apprendre à grands frais que l’innocence à une fin, contrairement à la violence.

Critique :
Haute Corrèze, vacances d’été, 1987. Une bande de 4 jeunes de 15 et 16 ans, amis depuis l’enfance, passent leurs vacances à s’amuser, à rouler à vélo, à jouer aux cartes, bref la belle vie, le genre de vacances et de potes dont on a toujours rêvé.

Le soleil est au rendez-vous (chanceux !) et cette petite bande bien sympathique tombe sur un lac tranquille, dans la forêt, bref, LE spot dont tous les gamins auraient rêvés d’avoir pour passer leurs vacances d’été.

Ce roman avait tout pour me plaire. Même si j’avais un peu peur de comment l’auteur allait mettre en scène cette bande de gamins. Le King est un champion dans le genre (ÇA) et je n’ai pas été déçue du travail de Sébastien Vidal !

Sa bande était réaliste, sympathique et j’ai pris un plaisir fou à me replonger dans les années 87, que je connais bien, puisque j’étais jeune aussi, à cette époque (plus jeune que les gamins du roman). Nos quatre ados vont faire une rencontre qui va être importante, dans leur vie… Ce sera un beau deal, de beaux échanges.

L’écriture est belle, poétique, brillante, sans pour autant que l’auteur en fasse des caisses ou surjoue avec les émotions, les émois et les emmerdes qui peuvent arriver, dans la vie d’ados, dont certains parents sont… des enfoirés de première !

Dans ce roman rural, il y aura une alternance de chapitres : la bande de jeunes et les deux braqueurs en cavale. On se doute qu’à un moment donné, les deux récits vont se télescoper et passé la moitié du récit, je croisais les doigts pour les deux histoires restent en parallèle et que jamais elles ne se croisent…

Entre nous, on se serait bien passé du récit des deux braqueurs en cavale, qui sèment des morts sur leur passage et dont l’un des deux pète un câble, prenant plaisir à tuer. Si au début, leur cavale en manquait pas de rythme, à la fin, elle a fini par me lasser et je n’attendais qu’une seule chose : que quelqu’un leur fasse la peau, flic, voyou ou simple quidam.

Pour moi, dans ce roman magnifique, l’histoire avec les ados se suffisait à elle-même, fallait pas aller chercher autre chose, car ces récits de cavale, ça a tiré le roman vers le bas et sans cela, c’était le coup de cœur.

Toute leur violence a fini par me lasser, par me débequeter et le final, bien qu’inattendu, m’a tué, à cause d’un geste irréparable qui a été commis par l’auteur (au travers d’un des personnages), donnant lieu à une perte (non, pas celle d’un chien ou d’un chat)… Argh, là, il n’aurait pas dû… Nous ne saurons jamais ce qu’en a pensé l’instigatrice de ce bon plan, devant le chaos qui en a résulté.

Si je devais me positionner par rapport au récit des gamins, c’est un coup de cœur véritable, une tornade d’émotions. Pour le récit des braqueurs, à partir d’un moment, cela devient redondant, et j’ai bien eu envie de zapper leurs chapitres (ce que je n’ai pas fait, mais j’étais à ça).

Un très bon roman rural, noir, malgré les vacances, le soleil, les copains, un spot génial pour passer du bon temps… Des vacances qui les marqueront à jamais et qui signifiera la fin de l’insouciance, de l’innocente, de la belle vie.

Bien que nous soyons dans un village, loin de l’agitation des grandes villes, dans ces jolies maisons, il peut aussi se passer des horreurs et l’on n’imagine pas la facilité avec laquelle les crimes peuvent s’y commettre, en toute impunité, les voisins restant des témoins silencieux.

Un très bon roman qui parle du Mal qui rôde partout, parfois plus proche qu’on le pense et que les attaques peuvent venir d’une personne de confiance (et non pas d’un étranger)… Une très belle lecture, remplie d’émotions, belles et douloureuses. Une bande de copains qui va rester longtemps dans ma tête.

Challenge Thrillers et Polars de Sharon (du 12 Juillet 2022 au 11 Juillet 2023) [Lecture N°116].

Les trois épouses de Blake Nelson : Cate Quinn

Titre : Les trois épouses de Blake Nelson

Auteur : Cate Quinn
Édition : Presses de la Cité (2021) / Pocket (2022)
Édition Originale : Black Widows (2021)
Traduction : Maxime Berrée

Résumé :
Blake Nelson est retrouvé mort dans le désert. La police soupçonne sa femme l’avoir tué. Mais laquelle ?

RACHEL, PREMIÈRE ÉPOUSE
 » Pardonne-moi, Seigneur, j’ai menti à un policier aujourd’hui. Je lui ai dit que Blake n’avait jamais levé la main sur moi. « 

TINA, SŒUR-ÉPOUSE
 » Quand les flics m’ont embarquée, j’ai cru qu’ils nous arrêtaient pour polygamie. À Vegas, je me faisais arrêter pour racolage. Ici, c’est parce que je suis mariée. « 

EMILY, SŒUR-ÉPOUSE
 »  » Tu peux être toi-même ici ‘, m’a dit Blake. Ce qu’il voulait dire, je pense, c’est que je pouvais être à lui. « 

Contre la volonté de sa famille et les règles de l’Église mormone, Blake Nelson a épousé trois femmes. Tous les quatre vivent dans un ranch miteux perdu au beau milieu de l’Utah, dans l’attente de la Fin des Temps. Personne ici ne les dérangera.

Jusqu’à ce que le corps de Blake soit retrouvé dans un sale état. Bienvenue chez les mormons !

Critique :
Blake Nelson est mort, assassiné. Non, je ne divulgâche rien, c’est dans le résumé et son meurtre arrive dès les premières lignes.

Le mystère est de savoir qui l’a tué ? Et pourquoi ? La particularité de cet homme, c’est qu’il était mormon et polygame, ce qui n’est plus permis dans cette secte.

Ses trois épouses sont number one sur la liste des suspects. Pour  le savoir, nous allons entrer dans leur tête et ces dames seront, tour à tour, les narratrices.

La particularité de ce roman policier, c’est que nous entrons dans l’église des Saints des Derniers Jours et ce n’est pas triste ! L’autrice s’est bien renseignée et l’immersion dans la société mormone est un petit plus qui ne gâche rien.

Entre nous, je n’ai absolument pas envie de me retrouver dans cette espèce de secte qui me parle de fin des temps, qui stockent de la bouffe pour une année, ne boivent pas de café et doivent porter des sous-vêtements jour et nuit, ceux agréé par le Temple.

Ce polar prend son temps et si vous recherchez de l’action, il faudra aller voir ailleurs, car l’autrice prend le temps de planter ses décors, de donner de l’épaisseur à ses personnages en nous parlant de leur vie antérieure, de nous présenter l’homme qu’était Blake Nelson et de sa vie avec ses femmes, eux qui vivent dans un trou tellement perdu que même le trou du cul du monde est moins paumé.

Suivre les pensées de nos trois femmes est glaçant, notamment dans leur façon de vivre et de penser, surtout Rachel, la première épouse, qui est mormone jusqu’au tréfonds de son âme et du fond de sa culotte agrée par le Temple.

Sa spécialité ? Cuisiner des conserves et faire des conserves. Si vous voulez perdre du poids, oubliez les programmes à la con, venez vous asseoir à la table de Rachel : perte de poids garantie tant sa cuisine est insipide.

Brillante idée que de donner la parole aux trois femmes, tour à tour. Leur récit est glaçant, notamment leur vie de femmes mariées et celles de leur enfance. Cela nous permet de ressentir de l’empathie à leurs égards et d’avoir une autre vision que celle de la psychorigide mormone, de l’ancienne pute droguée et de la jeunette immature et frigide, qui ment tout le temps.

Lorsqu’on prend le temps d’aller gratter sous le vernis, on découvre des personnages inattendus. Se retrouver dans la position d’accusées permettra à ces trois épouses de s’ouvrir, de changer, de se montrer telles qu’elles sont vraiment.

L’autrice décrit bien le fonctionnement de la communauté des saints des derniers jours, l’intégrisme de ses membres, leurs préceptes et l’intransigeance de leur doctrine. Ça fait froid dans le dos. Et puis, il n’y a pas que ça… Dans le passé d’une des épouses, il y a des boites qu’elle a choisi de garder fermer.

Un excellent roman policier qui ne se contente pas de nous mettre face à un meurtre et un/une coupable à trouver, mais qui nous immerge dans la communauté des mormons, ainsi que dans la tête et la vie de trois femmes, trois épouses d’un même homme, qui vont devoir se sortir les doigts du cul afin de trouver la solution à l’assassinat de leur époux, qui était loin d’être un saint, lui aussi, mais qui se prenait pour un roi chez lui.

Un roman choral aux atmosphères particulières, aux dialogues ciselés, aux personnages travaillés, qui ne manquent pas de profondeur, ce qui donnera des portraits psychologiques très fins et un roman noir qui se lit tout seul, malgré les 580 pages en version poche.

Challenge Thrillers et Polars de Sharon (du 12 Juillet 2022 au 11 Juillet 2023) [Lecture N°111].

Sous-vêtements mormons…

Blackwater – 03 – La Maison : Michael McDowell

Titre : Blackwater – 03 – La Maison

Auteur : Michael McDowell
Édition : Monsieur Toussaint Louverture (05/05/2022)
Édition Originale : Blackwater, book 3: The House (1983)
Traduction : Yoko Lacour et Hélène Charrier

Résumé :
1928 à Perdido. Alors que le clan Caskey se déchire dans la guerre intestine et sans merci que se livrent Mary-Love et sa belle-fille, et tandis que d’autres crises – conjugales, économiques, existentielles – aux répercussions défiant l’imagination se profilent, dans les recoins sombres de la maison d’Elinor, la plus grande de la ville, les mauvais souvenirs rôdent et tissent, implacables, leurs toiles mortelles.

Critique :
Cette fois-ci, je suis retournée à Perdido sans traîner en chemin tant j’avais hâte de retrouver la famille Caskey.

Si je devais expliquer pourquoi à quelqu’un qui n’a jamais lu cette saga, je pense que j’aurais du mal à lui donner de bonnes raisons, tant c’est un tout.

L’élément fantastique est toujours présent, en tapinois, planqué dans le placard et dans le personnage d’Elinor.

Il fiche la trouille, même utilisé avec parcimonie, à la limite de l’horrifique que n’aurait pas renié Stephen King.

Le suspense ? Oui, il est présent, mais ce n’est pas l’élément principal de cette série, ni ce qui fait coller mes doigts aux pages.

Tout le sel de cette saga familiale tient dans ses personnages, dans les atmosphères, dans les dialogues, dans le contexte historique de l’Alabama, terre ségrégationniste, où les Noirs n’occupent jamais que des places subalternes, domestiques, ouvriers, sans réel espoir de se hisser au-dessus de leur condition, d’être premier de cordé. Pourtant, il y a des rues à traverser !

Un personnage important est Mary-Love, la matriarche castratrice, qui aime ses enfants, qui les aime trop et qui voudrait que cet amour soit exclusif : donc, pas de mariage et si mariage il y a, faut vivre chez elle, dépendre entièrement d’elle, dont une dépendance financière, ce qui ne plait à aucun enfant qui souhaiterait sa totale indépendance.

Elle fait partie des gens que l’on aimerait aller balancer dans l’enclos des alligators, mais cela leur donnerait des aigreurs à l’estomac. On la déteste, tout en la comprenant et en compatissant à sa demande d’amour exclusif, qui ne peut avoir lieu.

Ses manigances sont brutales, tout en étant en finesse et comme Elinor ne répond à rien, on se demande toujours quel prochaine merde elle va lui faire. Sur le final, Mary-Love et Elinor auront une discussion qui m’a passionnée et dégoûtée, tant Mary-Love étant dans le déni le plus total.

J’avais trouvé Elinor un peu en retrait dans le volume précédent, mais dans celui-ci, qui se déroule sur plusieurs années, elle va monter en puissance, se montrer intraitable et rabattre toutes les cartes. Sans que l’on sache vraiment quelles sont ses motivations secrètes.

Le seul bémol de ces romans, c’est qu’ils se lisent trop vite. Ou alors, c’est moi qui les dévore avec trop d’appétit. On avance dans le récit, mais bien des choses restent encore cachées et je n’ai qu’une envie, c’est de découvrir ce qui se cache sous tout cela.

Une saga qui m’a happée dès le départ, sans que je puisse vraiment expliquer pourquoi, juste que c’est prenant, addictif, rempli de mystères et que c’est bon.

Challenge Thrillers et Polars de Sharon (du 12 Juillet 2022 au 11 Juillet 2023) [Lecture N°98].

Que sur toi se lamente le Tigre : Emilienne Malfatto

Titre : Que sur toi se lamente le Tigre

Auteur : Emilienne Malfatto
Édition : Elyzad (03/09/2020)

Résumé :
Dans l’Irak rural d’aujourd’hui, sur les rives du tigre, une jeune fille franchit l’interdit absolu: hors mariage, une relation amoureuse, comme un élan de vie. Le garçon meurt sous les bombes, la jeune fille est enceinte: son destin est scellé.

Alors que la mécanique implacable s’ébranle, les membres de la famille se déploient en une ronde d’ombres muettes sous le regard tutélaire de Gilgamesh, héros mésopotamien, porteur de la mémoire du pays et des hommes.

Inspirée par les réalités complexes de l’Irak qu’elle connait bien, Emilienne Malfatto nous fait pénétrer avec subtilité dans une société fermée, régentée par l’autorité masculine et le code de l’honneur. Un premier roman fulgurant, à l’intensité d’une tragédie antique.

Critique :
Non, la taille n’est pas importante ! Avec un court roman, on peut faire plus d’effet qu’avec un pavé (sauf si on se prend le pavé dans la gueule), la preuve avec ce roman de moins de 100 pages.

Irak… La guerre et la conditions des femmes, les non-droits des femmes, si ce n’est de respecter les règles, de ne pas trop parler, de ne pas rire, ou alors, doucement, de baisser les yeux, de porter l’abaya une fois les premières règles venues… Et j’en passe.

Tomber enceinte hors mariage, c’est l’affront ultime, le péché maximum, le déshonneur éternel, celui qu’on ne peut laver que dans le sang, celui de la femme, bien entendu !

Dans ce court roman choral, l’autrice donnera la parole à plusieurs protagonistes : la jeune fille enceinte de son amoureux, la belle-sœur, le frère ainé qui va devoir assassiner sa sœur pour sauver l’honneur de la famille, le petit frère, l’autre frère, le modéré, mais qui n’ose pas, qui est lâche. Même un mort aura droit à la parole, même le fleuve Tigre !

L’esquisse des personnages est rapide, cela étant, ils ne manquent pas de profondeur pour autant, ni de présence. Avec peu de mots et des belles phrases, l’autrice nous plonge dans ce pays en guerre, dans un pays où les hommes ont tous les droits et les femmes aucun. Où les mères dressent les mêmes prisons pour leurs filles qu’on leur a dressées pour elles.

On reproduit les mêmes comportements, parce que personne n’ose les changer, se dresser contre elle. Celui ou celle qui osera est morte d’avance, condamnée avant d’essayer, ou alors, il faudrait que la majorité se rebelle contre ces règles iniques.

Un court roman qui vous prend aux tripes, qui vous les tord violement et qui vous fait remercier le Ciel (ou qui vous voulez, je ne suis pas sectaire) d’être née en Europe, dans un pays bien plus libre que l’Irak. Dans ma maison, j’ai le droit de parler fort, de rire aux éclats et de raconter des blagues cochonnes si je veux. C’est le pied !

Non, ce roman ne m’a rien appris que je ne savais déjà, il a même enfoncé les portes ouvertes, puisque nous avons connaissance des horreurs que font subir les société ultra patriarcales aux femmes…

Néanmoins, les émotions étaient au rendez-vous, mon coeur battait à la chamade (et pas d’amour pour la société irakienne), tant le texte était prenant et que j’avais peur de ce qui allait arriver, ce qui est annoncé dès les premières lignes.

Chronique d’une mort pour l’honneur annoncée…

Oui, on se doute de l’issue, on comprend bien que le serpent se mord la queue et que même si le frère ne tuait pas sa sœur, d’autres s’en chargeraient et que personne ne veut aller à l’encontre de ces règles épouvantables qui ne frappent que les femmes et où les hommes ne se sentent jamais coupables.

Un roman qui m’a touché en plein coeur… La preuve que même à la mi-décembre, j’ai encore des coups de cœur littéraire à prendre.

Le Challenge « Les textes courts » chez Mes Promenades Culturelles II (Lydia B – 79 pages).

Blackwater – 02 – La Digue : Michael McDowell

Titre : Blackwater – 02 – La Digue

Auteur : Michael McDowell
Édition : Monsieur Toussaint Louverture (22/04/2022)
Édition Originale : Blackwater, book 2: The Levee (1983)
Traduction : Yoko Lacour et Hélène Charrier

Résumé :
Tandis que la ville se remet à peine d’une crue dévastatrice, le chantier d’une digue censée la protéger charrie son lot d’imprévus : main-d’œuvre incontrôlable, courants capricieux, disparitions inquiétantes…

Pendant ce temps dans le clan Caskey, Mary-Love, la matriarcale, voit ses machinations se heurter à celles d’Elinor, son étrange belle-fille, mais la lutte ne fait que commencer. Manigances, alliances contre-nature, sacrifices, tout est permis.

À Perdido, les mutations seront profondes, et les conséquences, irréversibles.

Critique :
Ayant un peu délaissé la petite ville de Perdido et la famille Caskey, je me suis empressée d’acheter le tome 2 (et le 3), afin de poursuivre ma découverte de cette saga familiale.

Tout comme pour le premier tome, j’ai eu du mal à lâcher celui-ci, tant j’étais impatiente de savoir si le digue allait se faire et s’il y allait avoir des morts.

Mais avant de jouer au maçon et au terrassier, j’ai suivi la passe d’arme entre Elinor et sa belle-mère, Mary-Love Caskey, castratrice de ses enfants.

Cette mère aime ses enfants, elle les étouffe, ne les laisse pas vivre leur vie, ne souhaitant même pas qu’ils se mariassent, ou alors, à ses conditions et en continuant de vivre avec elle.

La preuve, son fils, Oscar, qui gère la scierie familiale, ne touche qu’un salaire dérisoire, sa mère refusant qu’il puisse prendre son indépendance. S’il a besoin d’argent, il faut qu’il lui en demande, pareil pour les courses du ménage… Il serait temps que les enfants foutent leur mère dans la rivière.

Si Elinor est un peu en retrait dans ce deuxième tome, Sister, la sœur d’Oscar, sera mise en avant, lui donnant même la possibilité de tenir tête à sa mère, la fille ayant tiré des leçons des emmerdes que son frère a eu avant de se marier.

Le côté fantastique est toujours présent, mais tapi dans un recoin sombre. La scène la plus crue arrivera sur la fin du récit, dans toute sa violence, dans toute son ignominie.

Elinor n’est pas un ange, mais à ce petit jeu, Mary-Love Caskey a de quoi voir venir, elle qui ne s’embarrasse pas des personnes, réglant leur vie tel un dictateur, plaçant ses pions là où elle veut qu’ils aillent. Certes, elle n’a pas de sang sur les mains…

Comme pour le premier tome, celui-ci est addictif, sans pour autant qu’il y ait de l’action, des péripéties ou un suspense à couper au couteau.

Non, ce qui est important, dans la saga, ce sont les atmosphères, lourdes de mystères, ces petites allusions que l’auteur fait en fin de son roman et qui sentent bon le Stephen King, les monstres tapis sous les lits.

Ce qui fait tenir ce récit, ce sont les personnages, véritable glaise qui fait tenir les briques ensemble, comme l’argile qui compose cette digue… Sans eux et les mystères, le récit s’effondrerait.

Un roman fantastique qui colle aux mains et qu’il est difficile de poser ! Si la saga continue dans cette qualité de récit, je sens que je vais bien m’amuser.

Challenge Thrillers et Polars de Sharon (du 12 Juillet 2022 au 11 Juillet 2023) [Lecture N°96].