LUX : Maxime Chattam [Par Dame Ida qui n’a pas été éblouie par la lumière…]

Titre : LUX

Auteur : Maxime Chattam
Édition : Albin Michel (02/11/2023)

Résumé :
Les scientifiques comme les religieux ne peuvent expliquer ce qu’elle est ni d’où elle vient.

Elle va transformer pour toujours le quotidien du monde entier, en particulier l’existence d’une mère et de sa fille.

Tout en posant la question qui nous obsède tous… Nos vies ont-elles un sens ?

Un roman au suspense saisissant, hommage lumineux à Barjavel et à la littérature qui divertit, qui interroge.

Maxime Chattam comme vous ne l’avez jamais lu.

L’avis de Dame Ida :
Maxime Chattam est un auteur qui me pose souvent problème lorsqu’il s’agit de donner mon avis sur ses livres.

J’ai adoré certains d’entre eux tandis que d’autres m’ont paru carrément bâclés, que ce soit dans une documentation/recherche trop approximative ou quant à la rédaction de dénouements sombrant dans la facilité ou le grotesque en ressemblant à la fin d’un James Bond.

Et comme je m’étais habituée au meilleur en le découvrant, j’ai tendance à me montrer très exigeante avec lui, sachant de quoi il est capable… Et de fait, lorsqu’il me déçoit je deviens féroce.

Ce roman-là ne fera pas partie de mes préférés, loin de là, pour un certain nombre de raisons.

J’ai tout d’abord trouvé le choix des thématiques abordées un brin racoleur, pour ne pas dire bien trop respectueux des diktats de la pensée woke, qui terrorisent actuellement le monde de la culture. En effet, tous les thèmes chers à ce mouvement de pensée sont présents ! Chattam a bien coché toutes les cases.

Les femmes sont à la manœuvre, voire au pouvoir et en couple lesbien à l’Elysée ; l’une des héroïnes est transgenre, les hommes sont tous des salauds à une exception près (je ne vous dirai pas laquelle !) ; on ajoute une critique en règle du déséquilibre Nord/Sud, sur fond d’apocalypse écologique liée au réchauffement climatique et de théories du complot. Tout y est !

N’a-t-on pas prévenu l’auteur que les romans qui passent à la postérité traitent de l’universel et non de l’actualité, ou doctrines à la mode que nous offrent les médias et qui seront dépassés et sans intérêt quelques années plus tard, quand d’autres préoccupations auront pris le relais dans le poste ?

Bon OK… le réchauffement climatique est parti pour durer un moment… Et puis… Certes les écrivains ont des factures à payer, il faut bien qu’ils mangent, entre deux chefs-d’œuvre…

Anybref, toutes les occasions seront bonnes pour que l’auteur déploie dans la bouche de ses personnages ses propres analyses personnelles sur les discours sociétaux, rebattus dans l’actualité, à travers le prisme de leurs sensibilité supposé.

Ces monologues, bien clairement développés, sans contradiction dans des dialogues, qui en deviendront totalement artificiels ou improbables (qui fait ça dans la vraie vie, à moins de vouloir pontifier ?) me paraîtront pour le moins maladroits, pour ne pas dire lassants, vu leurs répétitions.

Par ailleurs, je suis une lectrice exigeante et j’apprécie les auteurs qui veillent plus à défendre les vérités objectives sur les grandes questions qu’ils soulèvent, en se renseignant comme il le faut… plutôt qu’en calant leur discours sur les idéologies à la mode.

Alors oui… Quand Chattam reprends à l’envie l’idéologie transgenre selon laquelle les personnes transgenres sont « nées dans le mauvais corps » ou que « l’anomalie est dans le corps », ça m’énerve puisque sur le plan de la vérité scientifique et développementale, notre consciences d’appartenir à un genre suppose d’avoir acquis le langage élaboré ou abstrait, ce que nous faisons au mieux à partir de trois ans, alors que notre sexe biologique est déterminé, quant à lui, dès la fécondation de l’ovule par le spermatozoïde.

Ce n’est pas parce que la médecine a moins de mal à modifier un corps (et encore ce n’est pas si simple ni anodin) que l’anomalie est du côté du corps. Elle vient du décalage entre l’identité de genre, telle qu’elle se construit, et le réel du corps tel qu’il est à la naissance.

C’est ça la vérité scientifique. Mais… une formulation idéologique allant dans le sens de ce que les principaux concernés aiment entendre est certainement plus vendeuse…

D’ailleurs convoquer autant de scientifiques au milieux de nulle part, pour élucider un mystère, en galvaudant systématiquement le discours scientifique, sur lequel l’auteur s’est juste renseigné ce qu’il fallait, pour essayer de rendre crédible des thèses au mieux hérétiques, au pire délirantes, est un travers récurrent de l’œuvre de Chattam avec lequel je suis très mal à l’aise. Et là j’ai eu largement ma dose. On se serait crû devant un épisode du Dr Who !

Les choix thématiques, le développement d’un discours pseudo-scientifique, très assurés, seront aussi gênants que certains artifices rédactionnels.

En plus des longs monologues maladroits pontifiants exposant les vues de l’auteur sur l’actualité, on trouvera un abus de cliffhangers assez pénible.

L’usage de l’arrêt d’un chapitre sur un moment stratégique ou à la fin d’un rebondissement, avant d’ouvrir un chapitre traitant d’une autre action simultanée, impliquant d’autres personnages, est une technique pratique pour entretenir le suspens.

Mais quand cela se systématise tous les quatre ou cinq chapitres, ça devient assez pénible en réalité.

Et puis… Et puis… L’intrigue est limite délirante. On n’est ni vraiment dans la SF, ni franchement dans l’anticipation tant ce monde est proche du nôtre, ni pour autant dans le fantastique, et certainement pas dans un polar.

Ce genre indéfini, qui part dans tous les sens, sans en assumer un plus que les autres, met en échec la mécanique de suspension d’incrédulité dès la moitié de ce livre, que je n’ai terminé que pour me sentir légitime à en faire une fiche. Et j’avoue avoir eu du mal à m’accrocher.

Et sans vouloir spoiler, ça se termine… comme Chattam a déjà terminé d’autres romans que je n’ai pas appréciés…

Et autant dire je n’ai pas davantage apprécié cette précipitation qui trouverait certainement toute sa place dans un blockbuster d’action où l’on se préoccupe plus des images à grand spectacle et du suspens immédiat que de la crédibilité et à l’élucidation claire de l’intrigue.

Peut être Chattam ferait-il mieux d’écrire des scenarii pour le cinéma que des romans, en fait… Avec les films d’action, une fois que les gentils sont sauvés et que les méchants sont morts, on accepte mieux de rester dans le flou quant à l’élucidation de l’intrigue.

Elucidation que l’auteur avait, ici, fait le choix délibéré de ne pas inclure dans le corps du texte, pour s’en expliquer dans des remerciements, avant de proposer un chapitre additionnel ensuite, pour nous livrer ces clés…

Son éditeur a dû lui recommander cet ajout pour éviter une manifestation de lecteurs qui se seraient sentis floués… Tu m’étonnes ! Payer 20 balles et te taper 480 pages pour ne toujours pas savoir ce qui s’est passé à la fin au nom du « à chacun sa vérité »… ça fait juste monter la tension !

Donc… ne vous inquiétez pas… allez jusqu’à ce rajout et vous saurez tout ! Enfin… vous en saurez un peu plus… En tout cas suffisamment pour être débouté d’une action en justice afin d’obliger Chattam de vous révéler le nœud du mystère.

Bref, du suspens, un peu d’originalité… Mais une lecture décevante, loin d’être au niveau des attentes que le nom de Chattam peut pourtant soulever.

Diskø – Qaanaaq Adriensen 02 : Mo Malø

Titre : Diskø – Qaanaaq Adriensen 02

Auteur : Mo Malø
Édition : de La Martinière (2019) / Points Thriller (2020)

Résumé :
L’inspecteur danois Qaanaaq Adriensen ne pensait jamais s’habituer aux rudesses du climat groenlandais. Cela fait pourtant sept mois qu’il officie sur la grande île blanche, comme chef de la police locale.

En compagnie de son adjoint, l’Inuit Apputiku Kalakek, il trompe son ennui en jouant à la roulette groenlandaise. Jusqu’au jour où, dans la baie touristique de Diskø, un cadavre est retrouvé, figé dans la glace d’un iceberg.

La victime n’est pas tombée : elle a été piégée vivante. Qui pouvait concevoir une haine assez puissante pour lui infliger une fin aussi cruelle ?

Au milieu des icebergs à la dérive, Qaanaaq, flic cabossé, tente de garder le cap. Mais il est bientôt rattrapé par un deuxième meurtre, qui le touche en plein cœur – et menace de faire vaciller sa propre raison.

Critique :
Quelle idée folle que d’aller au Groenland alors que dehors, les températures repartent vers le bas ! La destination d’Honolulu aurait été plus appropriée… Je dois être un peu maso sur les bords, moi.

Cela faisait un certain temps que j’avais lu le premier opus des enquêtes de Qaanaaq Adriensen et de son adjoint autochtone, Apputiku Kalakek. Il était donc plus que temps pour moi de retourner voir ce qu’il se passait sur la banquise.

Les nouvelles ne sont pas bonnes, les glaces fondes, rien ne va plus, mais ça, nous la savions déjà. Et pour Qaanaaq, ça va encore moins, puisqu’un malade s’amuse à tuer des gens de manière, certes, originale, mais sadique.

Saviez-vous que les iceberg vêlaient, comme les vaches ? Non ? Voilà, c’était la minute culturelle et lire ce policier était très instructif. L’auteur s’est documenté, ça se sent et je n’ai pas ressenti d’ennui en lisant des informations sur la vie des iceberg et des glaciers.

Si vous ne savez pas que l’auteur est français, vous pourriez croire que le roman a été écrit par un groenlandais pur jus, tant le récit fait la part belle au pays et à ses autochtones (qui dépendent du royaume du Danemark).

Par contre, à la mi-parcours, l’ennui a commencé à s’installer. Pourquoi ? L’auteur a un peu abusé des répétitions, notamment de la première enquête de Qaanaaq. Alors oui, c’est un bon point pour les lecteurs qui découvre le personnage, mais à force de rappel, c’est devenu redondant pour moi.

Et puis, je n’ai pas compris le déni qu’avait fait Qaanaaq au sujet d’un truc très important dans sa vie et là, j’ai bloqué. C’était un peu trop fort de café.

Mais le plus embêtant, c’est qu’à la fin de ce roman, nous n’avons pas toutes les réponses à nos questions, notamment en ce qui concerne le mobile (ou les mobiles) des crimes ! Même Qaanaaq est dans le brouillard.

Dans la vie réelle, il y a des tas de crimes sans résolutions, mais dans les romans, j’apprécie tout de même d’avoir les réponses et de ne pas devoir espérer qu’elles se trouveront dans le suivant.

Un polar aux températures glaciales, avec des meurtres qui ne manquent pas d’originalité, des vêlages d’iceberg, des questionnements, du suspense, un petit côté James Bond avec les courses en traîneau, les vols en hélicoptères et la chevauchée du dragon de glace, des personnages que l’on apprécie recroiser la route, mais des questions sans réponses au sujet du mobile des meurtres.

Pas une mauvaise lecture, mais un affaissement du rythme après la moitié et une reprise assez difficile, avant que tout ne glisse parfaitement pour vous tenir en haleine.

Challenge Thrillers et Polars de Sharon (du 12 Juillet 2023 au 11 Juillet 2024) [Lecture N°000] et Le Mois du Polar – Février 2024 – Chez Sharon (Fiche N°00).

L’arbre aux fées – Taylor Bridges 01 : B. Michael Radburn

Titre : L’arbre aux fées – Taylor Bridges 01

Auteur : B. Michael Radburn
Édition : Seuil – Cadre noir (2019) / Points (2021)
Édition Originale : The Crossing (2011)
Traduction : Isabelle Troin

Résumé :
Taylor Bridges, un ranger australien, est hanté par la disparition de sa fille Claire, huit ans. Son couple a volé en éclats et pour cesser de ruminer son chagrin, il demande sa mutation en Tasmanie. Dès son arrivée dans la petite bourgade de Glorys Crossing, Drew, une fillette du même âge que Claire, disparaît également.

Taylor y voit une coïncidence avec son propre malheur et mène une enquête au sein d’une population pour le moins hostile. Une initiative qui déplaît à O’Brien, le chef de la police locale.

Taylor, convaincu que Drew est vivante, poursuit ses investigations et apprend que d’autres petites filles ont disparu avant elle.

Avec l’aide de Grady, un inspecteur du continent envoyé sur place, Taylor découvre une île aux secrets bien gardés…

Critique :
Ranger en Australie, Taylor Bridges est parti bosser en Tasmanie, après la disparition de sa fille de 8 ans. Séparé de son épouse, ils vivent chacun à leur manière leur deuil.

Taylor est meurtri par le fait que l’on n’ait jamais retrouvé le corps de sa fille. Il a du mal à faire son deuil et on peut le comprendre.

Alors, être ranger dans la petite ville de Glorys Crossing, dans le trou du cul du monde, semblait être une bonne idée pour se perdre. C’est une bourgade un peu paumée et menacée d’être submergée par un lac artificiel. Le rêve !

En Tasmanie, il n’y pas de diable nommé Taz (celui qui parle par onomatopées) et il n’y a même plus de tigres (thylacine), pourtant, un homme semble les rechercher et Taylor a été témoin de silhouettes ressemblant à cet animal disparu. Et puis, une jeune gamine disparaît… Alors, il va tenter de la retrouver et ce ne sera pas facile !

Ceci n’est pas un polar trépidant qui va à cent à l’heure, que du contraire. Oui, il est lent, mais pas ennuyant (enfin, ceci n’est que mon avis). L’auteur a développé une galerie de personnages importantes, tous différents les uns des autres et a réussi à leur donner du réalisme, sans en faire trop. Dommage tout de même que certains personnages n’aient pas été plus approfondis, parce qu’ils l’auraient mérité.

J’ai aimé les ambiances que l’auteur a apporté dans son roman, le situant dans ce pays aux confins du monde, dernière porte avant les glaces de l’antarctique. En plus, nous étions en hiver, il y avait de la neige et on se caillait les miches !

Le plus intéressant, ce fut l’arbre aux fées, qui tient une place importante dans le récit, ainsi que le lac artificiel que l’on est en train de remplir et qui a poussé les gens de la ville à la quitter. Difficile de vous parler plus en détail des ambiances de ce roman, mais elles m’ont envoutées. À tel point que je l’ai lu assez vite.

Si l’arc narratif est assez simpliste et que la solution arrive un peu bizarrement (un rêve), j’ai passé un bon moment dans ce pays lointain, où tout est sauvage et le fait que Taylor, notre ranger torturé, évolue, a ajouté aussi du plaisir à la lecture.

Un bon polar, qui, sans être exceptionnel de par sa résolution, fait passer un agréable moment de lecture, au bout du monde, je dirais même plus : dans le trou du cul du monde, là où vous restez étranger même 30 ans après votre arrivée.

Challenge Thrillers et Polars de Sharon (du 12 Juillet 2023 au 11 Juillet 2024) [Lecture N°122] et Le Mois du Polar – Février 2024 – Chez Sharon (Fiche N°14).

La patience de l’immortelle – Ghjulia Boccanera 03 : Michèle Pedinielli

Titre : La patience de l’immortelle – Ghjulia Boccanera 03

Auteur : Michèle Pedinielli
Éditions : de l’Aube – Noire (2021) / de l’Aube – Mikrós Noir (2023)

Résumé :
Letizia Paoli a été assassinée. Pour Ghjulia – Diou – Boccanera, c’est d’autant plus une tragédie que cette jeune journaliste corse était la nièce de Joseph Santucci, son ancien compagnon.

Pour enquêter sur ce meurtre, Diou débarque sur une île qu’elle a quittée depuis longtemps et dont elle ne maîtrise plus les codes.

Dans les montagnes de l’Alta Rocca, elle doit se confronter à des habitants mutiques, encaisser des coups sans sommation et affronter ses propres souvenirs tronqués.

Loin de ses repères niçois, elle va cheminer sur une terre qui brûle, dans un paysage insulaire menacé par la maladie et la spéculation. Entourée de la famille de Jo et de sa propre solitude. Avec pour seuls guides un vieil homme à la main croche et un milan qui tournoie inlassablement…

Critique :
Comme j’en avais marre du temps froid, j’ai choisi un polar qui se déroulait en Corse. À moi le soleil chaud !

Putain de merde, l’enquête se déroule en janvier et même si les températures sont plus hautes que celles qui règnent, en ce moment, dans notre Nord, il n’en restait pas moins que ce début d’année, c’est bingo, Lotto et quinté+ dans mes choix de lectures : c’est le sixième roman qui se passe, comme dans la réalité, en janvier et/ou dans froid.

En commençant par la troisième opus des enquêtes de Ghjulia – Diou – Boccanera, j’ai fait connaissance avec une enquêtrice privée spéciale, attachante et qui, bien que se plantant durant son enquête, n’en reste pas moins une bonne enquêtrice. Parce que enquêter sur l’assassinat de la nièce de son ex, ce n’est pas chose facile.

Dans ce polar régional, il n’y a pas que les décors, grandeurs nature, de la Corse, qui font de l’effet. Il y a aussi les autres personnages, leur histoire, leur culture et surtout, des émotions fortes, notamment lors des funérailles de Letizia, 26 ans, trop jeune pour mourir et maman d’une gamine de 2,5 ans.

J’ai apprécié l’écriture de l’autrice, facile à lire, agréable, sans oublier les petites touches d’humour qui parsèment certains dialogues ou dans les réflexions de notre Diou, qui est revenue dans sa Corse natale, après l’avoir quittée il y a longtemps et en avoir perdu les codes. Pas facile quand tout le monde vous reconnaît mais que vous, vous n’arrivez plus à remettre les personnes qui vous sourient.

Dans son enquête, notre Diou va se frotter à des maisons qui sentent mauvais le fromage (gaffe à ne pas faire exploser le tout en allumant une bougie) ou qui sentent bon les épices, mais aussi, sur des terrains qui puent les incendies volontaires, les magouilles et tout ce qui va avec, dans le but de se faire plein de fric, comme toujours.

Non, ce polar n’est pas qu’une énième enquête, même si oui, il faut découvrir qui l’a fait, qui l’a commis, ce crime horrible, affreux, dégueulasse, dans cette région où l’on parle de vendetta, de règlements de comptes entre soi, de mafia ou de promoteurs immobiliers sans scrupules (synonyme, sans doute). C’est aussi un polar qui parle d’écologie, de dureté de la vie, de violences et d’homophobie.

Non, ceci n’est pas un polar trépident, c’est un polar qui prend son temps, même s’il se lit, lui aussi, sur une grosse soirée (difficilement lâchable, lui aussi), tant les ambiances sont corsées, prégnantes.

C’est un roman qui met en scène un crime atroce, dans une île de beauté, qui cache bien la noirceur des Hommes… Il faudra beaucoup de ténacité et de courage à Diou pour trouver le coupable et vivre avec un terrible dilemme.

Un très beau roman policier !

Challenge Thrillers et Polars de Sharon (du 12 Juillet 2023 au 11 Juillet 2024) [Lecture N°105].

La crue : Amy Hassinger

Titre : La crue

Auteur : Amy Hassinger
Édition : Rue de l’échiquier (2019) / J’ai Lu (2022)
Édition Originale : After the dam (2016)
Traduction : Brice Matthieussent

Résumé :
Méprisée par son mari, Rachel Clayborne, 32 ans, fuit l’Illinois en pleine nuit avec son bébé, pour rejoindre le seul endroit qu’elle considère comme un refuge possible : la ferme de sa grand-mère dans le Wisconsin.

Mais celle-ci est mourante et veut léguer la maison à son auxiliaire de vie, Diane Bishop, membre de la tribu amérindienne des Ojibwés, expropriée de sa terre par un barrage dont la construction a été imposée par… la famille Clayborne.

Bouleversée par la beauté saisissante du lieu et ses retrouvailles avec son premier amour le fils de Diane, Joe Bishop, Rachel est emportée dans un tourbillon existentiel : doit-elle se battre pour garder cette maison qui fut le refuge de son enfance ?

Ou la restituer aux Bishop par souci de justice, comme l’y incitent ses valeurs et sa morale ?

Critique :
Ce roman avait tous les ingrédients pour me plaire et me faire passer quelques belles soirées lectures : un barrage qui a engloutit toute une vallée, chassant les Indiens ojibwés de leurs terres, une maison obtenue de manière peu catholique et Maddy , une vieille dame, qui, avant de mourir, voudrait réparer les torts du passé en donnant sa ferme à Diane, une descendante de la famille spoliée à l’époque.

De l’autre côté, nous avons Rachel, la petite fille de Maddy qui n’a pas envie que la ferme qu’elle adore (mais où elle n’a plus mis les pieds depuis 8 ans) soit léguée à la Diane, celle qui s’occupe de sa grand-mère depuis des années.

Rachel m’a exaspérée au possible : elle décide, sur un coup de tête, de débarquer chez sa mamy, à 6h de route de chez elle, embarquant dans l’aventure son bébé de trois mois, le tout sans prévenir son mari. Tout au long du roman, elle sera inconséquente, chiante, gamine, peu mature, notamment dans son comportement avec Diane.

Rachel est perdue, souffrant sans doute d’une dépression post-natale, et elle est tiraillée entre ses sentiments pour son ancien amoureux, avec qui elle s’est séparée il y a longtemps et son mari (qu’elle oublie vite).

Ce personnage ne m’a jamais touchée, je n’ai jamais vibré lors de ses nombreux atermoiements, que du contraire, cela m’a exaspéré et j’ai fini par sauter des pages.

Certes, ces détails peuvent être importants afin de comprendre le passé des familles impliquées dans l’histoire, afin que l’on comprenne mieux l’importance que ces faits ont eu, sur les différents personnages, mais cela m’a semblé long…

Il ne se passe pas grand-chose dans ce récit et tout est prévisible, téléphoné et je n’ai eu aucune surprise, ayant tout deviné.

Bref, vous l’aurez compris, ce n’est pas une lecture dont je ressors conquise et heureuse, mais plus une lecture foirée. Sur Babelio, il y a plus d’avis positifs que négatifs, donc, ce sera à vous de voir si vous tentez le coup ou pas…

Moi, je vais passer à un autre roman !

An American Year – 02

 Challenge « American Year » – The Cannibal Lecteur et Chroniques Littéraires (du 15 novembre 2023 au 15 novembre 2024).

 

Personne ne meurt à Longyearbyen : Morgan Audic

Titre : Personne ne meurt à Longyearbyen

Auteur : Morgan Audic
Édition : Albin Michel (20/09/2023)

Résumé :
Archipel du Svalbard, Longyearbyen, la ville la plus au nord du monde. On découvre le corps d’une femme vraisemblablement déchiquetée par un ours. Norvège continentale, les îles Lofoten.

Le cadavre d’une ex-journaliste est retrouvé sur une plage isolée. A priori rien ne lie ces victimes si ce n’est qu’elles s’intéressaient de près aux mammifères marins.

L’une était doctorante en biologie arctique, l’autre, à la tête d’une agence d’excursion en mer. Dans ces régions glacées, faites d’anciennes cités minières désolées, d’enclaves…

Critique :
Longyearbyen, c’est LE Nord ! Si vous vous y rendez, vous pourrez vous vanter d’avoir visité la ville la plus au nord du monde.

Pas de criminalité, les clés restent sur les contacts des voitures, pas de risques de vous faire braquer ou agresser, mais il est vivement conseillé de se munir d’une arme à feu lorsque l’on sort de la ville, car il y a des risques de se faire attaquer par des grands blancs poilus : des ours.

Apparemment, une étudiante n’a pas respecté la consigne et la punition est tombée : attaquée par un ours et déchiquetée. Une autre personne devait en avoir marre de la vie dans le grand nord, parce qu’elle s’est suicidée. Vraiment ? C’est ce que tout le monde pense. Tout le monde ?? Non ! Un irréductible journaliste, ancien collègue, ne croit pas à cette théorie.

Bon, je ne vais pas vous mentir, tout ce qui se trouve dans ce polar est du déjà-vu : une policière qui a des problèmes de couple (divorcée) et de santé (crises de panique suite à un traumatisme), un journaliste pugnace qui ne se sent bien que en reportage sur des scènes de guerre, des méchants en provenance du pays de Vlad, de l’écologie, des écocides, le ch’nord du ch’nord.

Cela aurait pu casser, c’est passé, même si je ne suis jamais entrée en empathie avec les personnages, que ce soit Nils Madsen le journaliste qui ne lâche rien ou Lottie Sandvik, la policière qui mènera l’enquête avec zèle et compétence.

Malgré tout, cela ne m’a pas empêché de prendre plaisir à suivre leur enquête, différente, puisque ne portant pas sur le même décès. La force des personnage étant dans leur développement.

On aura des fausses pistes (un classique), des suspects, des chausse-trappes et un empêcher d’enquêter en rond, sans compter de nombreux rappel avec l’actualité et la fameuse opération spéciale menée par Vlad en Ukraine pour éradiquer, soi-disant, le nazisme (oui, on sait que c’est une guerre).

Un thriller qui fait le job, qui reste assez classique dans certaines choses (les personnages tourmentés), mais qui sort des sentiers battus pour d’autres (le meurtre et le fameux suicide), tout en essayant de mettre dans le récit tout ce qui fait le grand Nord, afin que le lectorat n’ait aucun doute de l’endroit inhospitalier dans lequel les personnages évoluent.

Le final réservera quelques surprises, qui sont réalistes et bien mises en scène. J’ai été bluffée jusqu’à la dernière page, ce que j’apprécie particulièrement.

Alors non, on ne révolutionnera pas le genre, mais c’est une lecture intéressante, qui parle d’écologie, d’écocide et des conneries (des horreurs) humaines perpétrées sur le règne animal. Il n’y a pas que l’Homme, que l’Homme assassine…

Une lecture qui fait réfléchir…

Challenge Thrillers et Polars de Sharon (du 12 Juillet 2023 au 11 Juillet 2024) [Lecture N°059].

 

Le présage : Peter Farris

Titre : Le présage

Auteur : Peter Farris
Édition : Gallmeister (02/03/2023)
Édition Originale : The bone omen (2023)
Traduction : Anatole Pons-Reumaux

Résumé :
Cynthia Bivins rend souvent visite à son père Toxey, dans une maison de retraite de Géorgie. Un jour, alors que l’Amérique tombe sous la coupe d’un homme politique violent et sans scrupules, Toxey décide qu’il est temps de partager son secret.

L’histoire se déroule des décennies plus tôt. Tout juste sorti de l’adolescence, Toxey se rêve photographe, et ses clichés se vendent déjà à l’épicerie locale. Un jour, une jeune femme est retrouvée morte dans la réserve naturelle voisine, la Lokutta.

Le corps est méconnaissable. Elle était enceinte, mais aucune trace de l’enfant. L’affaire ne plaît pas du tout à l’héritier de la riche famille Reese, qui possède tous les bois jusqu’à la Lokutta.

Elder Reese a bien des choses à cacher et il joue gros, car il s’est lancé dans la politique et se voit déjà sénateur. Quand Toxey s’aventure dans la réserve pour y prendre des photos, il s’expose à la colère du clan.

Critique :
Toxey Bivins est un jeune garçon qui a terminé le lycée, tout en os, pas bagarreur et passionné par la photographie. Jusque là, tout va bien…

Là où ça se corse, c’est que nous sommes dans le Sud de l’Amérique, dans les années 50 (même si n’est jamais précisé), que Toxey est Afro-américain et qu’il vit, avec toute sa famille dans le quartier le plus pauvre de la ville.

Non, l’écriture de l’auteur n’est pas de celle qui cherche à faire pleurer dans les chaumières.

Pas de pathos dans ce récit noir comme le café, juste des faits, des parcours de vie comme il en existe tant dans l’Amérique fracturée par tout ce qui peut diviser des Hommes (couleurs de peau, position sociale, argent,…).

J’avais le présage que ce Présage allait être une bonne lecture et si je ne suis pas capable de vous tirer les cartes, je peux vous présager un excellent moment de lecture avec ce roman noir sombre, profond, qui alterne les récits au passé et au présent, avec un vieil homme souffrant de la maladie à corps de Lewy, qui perd la mémoire et qui tente de raconter un épisode important de sa jeunesse, à sa fille, Cynthia.

Le titre en anglais parlait de « Bone omen » et comme dans ce roman noir, un personnage porte le nom de Bone, on peut dire qu’il y avait un jeu de mot avec son présage à lui et il avait bien raison, ce Bone, personnage étrange, taxidermiste et associé à un politicien aux dents longues, imbu de sa personne, pété de thunes et qui m’a fait penser à un autre politicien, celui avec un touffe orange sur le crâne (et rien dedans).

Oui, dans ce roman noir, les personnages sont réalistes, mais aussi travaillés, sans pour autant que l’auteur doive en ajouter des tonnes. Ses personnages sont naturels, pas forcés, comme on pourrait en croiser, que ce soit dans les Quarters, le quartier pauvre ou dans l’entourage d’Elder Reese, qui se présente aux élections, sans programme, disant tout et son contraire et ne pensant qu’à attraper les filles par la techa… Son personnage est réussi et fout la trouille.

Dans ce roman noir, il y a du contexte social, des interrogations sur les anciens peuples qui vivaient là avant et qui furent spoliés, sur la nature qui trinque, sur les cerfs malades, sur la corruption dans la politique (et ailleurs), sur le fait que les gens soient fiers d’être incultes, non lecteurs, sur la lobotomisation des masses, sur le racisme, sur la difficulté de trouver du travail.

Il y aussi une grosse réflexion sur le fait que lorsque que certains fous accèdent au pouvoir, ils peuvent transformer le pays en zone de non-droit, laisser les gens faire la loi avec leurs armes, tirer à vue, instaurer des couvre-feux et jouer avec les médias, jouer avec les faits et transformer tout en attaque de sa petite personne, sous les regards énamourés et enfiévrés de ses supporters… Certains passages dans le présent font peur, très peur.

Le Présage est un roman noir qui claque comme un coup de fusil, qui pète à la gueule, qui fait peur, réfléchir, tout en nous entraînant dans une nature sauvage, avec des personnages qu’on n’oubliera pas de sitôt… Un portrait d’une Amérique réaliste, même si on n’a pas envie de voir se réaliser le présage, funeste, d’une Amérique aux portes d’une guerre fratricide…

Bref, c’était une lecture marquante, une lecture qu’il faut ensuite digérer, en se demandant ce que l’on va bien pouvoir lire ensuite… Un autre roman de Peter Ferris, sans aucun doute !

Challenge Thrillers et Polars de Sharon (du 12 Juillet 2022 au 11 Juillet 2023) [Lecture N°179].

Sur les ossements des morts : Olga Tokarczuk

Titre : Sur les ossements des morts

Auteur : Olga Tokarczuk
Édition : Libretto (2014 / 2020)
Édition Originale : Porowadz swoj ptug przez kosci umartych (2010)
Traduction : Margot Carlier

Résumé :
Après le grand succès des Pérégrins, Olga Tokarczuk nous offre un roman superbe et engagé où le règne animal laisse libre cours à sa colère.

Voici l’histoire de Janina Doucheyko, une ingénieure en retraite qui enseigne l’anglais dans une petite école et s’occupe des « maisons forestières » de sa commune. Elle se passionne pour l’œuvre de William Blake, le poète et mystique anglais du XVIIIe siècle, dont elle essaie d’appliquer les idées à la réalité contemporaine.

Aussi, lorsqu’une série de meurtres étranges va frapper son village et les environs, dans la vallée de Klodzko, au coeur des Sudètes, y verra-t-elle le juste châtiment d’une population méchante et insatiable.

La police enquête. Règlement de comptes entre demi-maffieux ? Toutes les victimes appartiennent à l’élite régionale, et toutes avaient pour la chasse une passion dévorante. Bientôt, les traces retrouvées sur les lieux des crimes laisseront penser que les meurtriers pourraient être… des animaux !

Quand Janina Doucheyko s’efforce d’exposer sa théorie (dans laquelle entrent le cours des astres, les vieilles légendes et son amour inconditionnel de la nature), on la prend pour une folle avant de la mettre au premier rang des suspects.

Olga Tokarczuk ne se contente pas de construire une intrigue et de semer les indices qui aideront le lecteur à résoudre l’énigme criminelle, dans un style qui rappelle les meilleurs récits d’Agatha Christie.

Elle confirme aussi que le polar est un instrument hors pair de critique sociale. « La solidarité avec les animaux, le maillon le plus faible et le plus maltraité dans la chaîne du pouvoir, est un symbole de notre opposition au modèle patriarcal », dit-elle en interview. Un polar écologiste et métaphysique !

Critique :
Janina Doucheyko n’aime pas son prénom et si elle savait qu’il me donne envie de chanter ♫ Janina ah ah ah ah ♪ sur l’air de « Vanina » de Dave, elle m’en voudrait à mort.

Ce roman, cela faisait un certain temps qu’il traînait dans ma biblio et si j’ai réussi à l’en sortir, c’est parce que Ju lit les mots et Ma Lecturotheque m’ont proposée une LC avec elles.

Au départ, tout allait bien, avec cette lecture dont l’action se déroule dans les Sudètes : on avait un cadavre, mort de s’être étouffé avec un os. Un braconnier, qui avait tué une belle biche, je n’allais pas le pleurer.

Ensuite, tout est parti en sucette dans cette lecture, notamment à cause du personnage de Janina Doucheyko, passionnée d’astrologie et qui m’a soulée, comme disent les jeunes.

Mon esprit a décroché de la lecture, j’ai sauté des pages, je m’ennuyais à fond dans cette lecture et si une LC n’avait pas été à la clé, j’aurais abandonné ce roman et l’aurait remisé dans ma biblio.

La curiosité l’a emporté, je voulais savoir qui tuait les hommes dans cette vallée et pourquoi. Là, je n’ai pas été déçue.

Par contre, je n’ai jamais trouvé dans ce roman ce qui était indiqué dans le résumé « dans un style qui rappelle les meilleurs récits d’Agatha Christie ». Heu, on en est très loin, tout de même.

Bref, une lecture ratée, je suis passée à côté et de mon point de vue, je me suis ennuyée dans ce roman.

Une LC que j’ai appréciée faire avec Ju lit les mots (qui a abandonné la lecture à la page 50) et Ma Lecturotheque.

Challenge Thrillers et Polars de Sharon (du 12 Juillet 2022 au 11 Juillet 2023) [Lecture N°176].

Les Chiens de Pasvik – Les enquêtes de la police des rennes 04 : Olivier Truc

Titre : Les Chiens de Pasvik – Les enquêtes de la police des rennes 04

Auteur : Olivier Truc
Édition : Métailié Noir (2021) / Point Policier (2022)

Résumé :
Ruoššabáhkat, « chaleur russe », c’est comme ça qu’on appelait ce vent-là. Ruoššabáhkat, c’est un peu l’histoire de la vie de Piera, éleveur de rennes sami dans la vallée de Pasvik, sur les rives de l’océan Arctique.

Mystérieuse langue de terre qui s’écoule le long de la rivière frontière, entre Norvège et Russie. Deux mondes s’y sont affrontés dans la guerre, maintenant ils s’observent, s’épient.

La frontière ? Une invention d’humains.

Des rennes norvégiens passent côté russe. C’est l’incident diplomatique. Police des rennes, gardes-frontières du FSB, le grand jeu. Qui dérape. Alors surgissent les chiens de Pasvik.

Mafieux russes, petits trafiquants, douaniers suspects, éleveurs sami nostalgiques, politiciens sans scrupules, adolescentes insupportables et chiens perdus se croisent dans cette quatrième enquête de la police des rennes.

Elle marque les retrouvailles – mouvementées – de Klemet et Nina aux confins de la Laponie, là où l’odeur des pâturages perdus donne le vertige.

Olivier Truc nous raconte le pays sami avec un talent irrésistible. Il sait nous séduire avec ses personnages complexes et sympathiques.

Et, comme dans Le Dernier Lapon et La Montagne rouge, il nous emmène à travers des paysages somptueusement glacés.

Critique :
Le Pasvik du titre n’est pas un être humain qui posséderait des chiens… Non, Pasvik, c’est une réserve naturelle, à cheval sur la Norvège et la Russie.

C’est aussi le nom de la rivière qui sépare la Norvège, la Finlande et la Russie, en pleine Laponie, dans le Nord !

Ah, cette foutue frontière… Lorsque les rennes la franchissent, c’est l’incident diplomatique, comme si des animaux pouvaient connaître une invention humaine, qui n’a de sens que pour nous (et encore, les frontières bougent au gré des conflits).

Ensuite, ce sont des chiens errants, en provenance de Russie, qui franchissent la frontière. Ils sont soupçonnés d’être porteurs de la rage et les voilà entrés en Norvège. My god, on a déclenché des guerres pour moins que ça. Il va falloir faire preuve de diplomatie, car les relations entre les deux pays sont plus tendues que la corde d’un string.

Le Grand Nord, le froid polaire, les rennes, la culture sami, les policiers Klemet et Nina, de la culture, de la politique, les us et coutumes, les jours faibles en lumière, la Laponie, la Russie, les vieilles querelles, rancœurs,…

Bref, j’étais contente de retrouver ce qui m’avait enchanté dans les trois précédents romans, me délectant à l’avance du fait que j’irais me coucher moins bête après cette lecture.

Et effectivement, j’ai appris des choses sur la politique, sur les corruptions, ordinaires ou grandes, j’ai remis à jour mes connaissances sur la culture sami, l’élevage des rennes, la difficulté qu’à le peuple Sami pour survivre, puisqu’ils ont de moins en moins de pâturages pour leurs bêtes.

Malheureusement, il faut attendre près de la moitié du roman pour que cela commence à bouger et que l’enquête débute vraiment. Klemet et Nina ne font plus équipe, Klemet semble encore plus paumé qu’avant, comme s’il n’était pas vraiment là.

De plus, l’auteur se répète souvent, notamment avec Klemet et ses problèmes d’ombre, sur le fait que dans le tome précédent, Nina, sa collègue, l’avait surprise en train de se mesurer le crâne… La répétition, ce n’est pas bon.

Les personnages qui gravitent autour de Klemet et de Nina sont bien campés, sans manichéisme, avec de la profondeur, des contradictions, des blessures profondes et hormis le vrai méchant, ses sbires pouvaient être touchants. Oui, un comble, mais c’est ce que j’apprécie dans les personnages.

Ce polar du Nord (bien qu’écrit par un français) est comme tous les polars nordique : il prend son temps. En fait, l’enquête policière ne commencera qu’après une bonne moitié du récit et ne sera pas tout à fait conventionnelle.

D’ailleurs, cette enquête n’est là que pour permettre à l’auteur de parler de géopolitique, de politique, de l’Histoire entre les pays du Grand Nord, de la Russie, des problèmes des éleveurs Sami, du communisme et de quelques unes de ses dérives, des territoires qui ont appartenu un jour, aux Samis et où leurs rennes broutaient, avant qu’on ne les foute plus loin, comme s’ils n’étaient que des fétus de paille qui dérangeaient.

Les conflits, la collaboration avec les Allemands, les traités, les vainqueurs, ont retracé les frontières, sans prendre en compte les gens qui vivaient sur ces territoires.

La Guerre Froide est terminée depuis longtemps, mais dans ce roman, dans ces territoires, des remugles en provenance de l’Histoire s’échappent encore et toujours. Durant ma lecture, j’ai souvent eu l’impression d’être toujours dans cette période, tant ça y puait.

Un polar nordique qui s’attache plus à la politique, aux différentes populations, à la cohabitation difficile entre tous ces peuples, de culture Sami, à la difficulté de vivre de l’élevage des rennes, sur la recherche de son identité, sur le patriotisme exacerbé, sur le fait qu’une partie du peuple russe vit dans la pauvreté, tout en continuant de porter son pays aux nues.

C’est très documenté, très approfondi, les paysages sont bien décrits, on ressent bien le froid et le fait que tout le monde se retrouve le cul entre deux chaises, dans ces confins glacés où le soleil est soit ultra-présent ou soit au minimum syndical.

Malgré tout cela, la première partie a été assez longue à lire et contrairement aux précédents romans, ce ne fut pas le coup de coeur, sans doute dû au fait que Klemet et Nina n’enquêtent plus ensemble et qu’ils m’ont semblé un peu pâlot, comme effacé, dans ce roman.

Cela ne m’empêchera pas de lire la suite, si suite il y a un jour…

Challenge Thrillers et Polars de Sharon (du 12 Juillet 2022 au 11 Juillet 2023) [Lecture N°118] & et Le Mois du Polar, chez Sharon – Février 2023 (N°01).

Entre fauves : Colin Niel

Titre : Entre fauves

Auteur : Colin Niel
Édition : Rouergue Noir (2020) / Livre de Poche Thriller (2022)

Résumé :
Martin est garde au parc national des Pyrénées. Il travaille notamment au suivi des ours. Mais depuis des mois, on n’a plus la moindre trace de Cannellito, le dernier plantigrade avec un peu de sang pyrénéen. Martin en est chaque jour plus convaincu : les chasseurs auront eu la peau de l’animal.

Alors, lorsqu’il tombe sur un cliché montrant une jeune femme devant la dépouille d’un lion, arc de chasse en main, il est déterminé à la retrouver et la livrer en pâture à l’opinion publique. Même si d’elle, il ne connaît qu’un pseudonyme sur les réseaux sociaux : Leg Holas.

Critique :
Non, je n’aime pas les chasseurs, qu’ils flinguent le gibier de nos contrées ou les animaux exotiques d’ailleurs, et encore moins ceux qu’ils posent devant leurs trophées, exposant leurs massacres sur les réseaux sociaux…

Mais de là à faire du bashing, à les poursuivre, à les traquer, sur le Net ou dans la vie réelle, il y a un pas que je ne franchirai pas, contrairement à Martin, un garde au parc national des Pyrénées.

Un ami m’avait expliqué, il y a un certain temps, que l’on ne savait pas toujours ce qu’il se cachait derrière une photo, lorsqu’elle n’était pas expliquée, que l’on ne savait pas d’où elle était tirée, dans quelles circonstances… Mais que l’on avait tendance à extrapoler dessus et à lui inventer une légende qui convenait, surtout si ça peut faire le buzz.

Une jeune fille, avec un arc, devant la dépouille d’un lion, en Namibie, ça a de quoi révolter les anti-chasses (je le serais aussi) et Martin, notre garde, va mener l’enquête pour tenter de trouver l’identité de cette jeune fille, sans doute blindée de thune, pour avoir pu s’offrir une chasse au lion.

Donner l’histoire de cette photo, c’est ce que Colin Niel va tenter de faire, avec ce roman choral, qui nous emmènera des Pyrénées à la Namibie, passant du dernier représentant des ours qui a disparu à un lion qui s’est mis à chasser les vaches et les chèvres des bergers du Kaokoland.

L’auteur donnera la parole à cette chasseuse, surnommée Lagolas, à Martin, le garde du parc, à Charles, le lion chasseur et à Kondjima, le jeune Himba qui a vu son troupeau de chèvres décimé par un lion solitaire.

La première moitié du roman est entraînante et je suis allée de surprises en surprises, la chasseuse n’étant pas aussi mauvaise qu’on pourrait le penser… Le récit n’étant pas linéaire, on passera de l’arc pyrénéen à celui qui s’est déroulé en Namibie, quelques mois auparavant. Cela ajoute du mystère et du suspense, ce qui fait que le récit avance très vite.

Malheureusement, les personnages sont assez linéaires, stéréotypés, manquant de profondeur et le pire fut Martin, très radical, même s’il n’a pas tort dans ce qu’il dit, parlant des torts que les Hommes font à la Nature et aux animaux. Imbu de lui-même, il croit qu’il est le seul à détenir la vérité.

Là où le bât a blessé, ce n’est pas dans son obsession à trouver l’identité de la jeune fille, mais quand il a commencé à jouer au stalker, la suivant, l’espionnant, pénétrant dans son appart et lorsqu’il la suivra dans la montagne, là, le récit a perdu tout sens commun, notamment à cause du comportement dingue de Martin qui agira comme un vulgaire chasseur.

Le final ne manquera pas d’ironie, il est cruel, violent et on se prendra l’instant karma dans la gueule… L’histoire de la photo est dévoilée et elle ne manquait pas de cynisme non plus.

En fait, tout est ironique dans ce récit, puisque le lion, s’il s’est mis à s’attaquer aux troupeaux, c’est à cause de l’extension des Hommes, qui prennent de plus en plus de place, de la sécheresse, de l’extinction des troupeaux d’animaux sauvages qu’il chassait avant. Tout est lié et l’Homme, horrible virus, a propagé la maladie partout.

Dommage que les personnages aient été si stéréotypés et que Martin ait viré radicaliste, sinon, cela aurait pu être un coup de coeur. Son comportement extrémiste dans la montagne, m’a dérangé fortement. J’ai beau ne pas aimer les chasseurs, il est des choses qui ne se font pas, sinon, on ne vaut pas mieux qu’eux.

Malgré mes bémols, ce n’est pour autant pas une lecture ratée, car elle m’aura fait réfléchir sur le fait que l’être humain est un prédateur, une créature qui sème le vent et s’étonne ensuite de récolter la tempête, un être qui détruit quasi tout, qui pollue au-delà du possible et dont certains, qui ne pensent qu’à s’enrichir, sont prêts à tout pour y arriver, même à écraser les vivants : humains, animaux, plantes, insectes…

Nous sommes dans la merde, mais c’est de notre faute, nous nous y sommes mis dedans. J’ai fait mon introspection et bien que n’étant pas contaminée par la consommation, je consomme tout de même, comme tout le monde. J’ai moi aussi ma part de responsabilité (sans doute moins grande que d’autres, enfin, je crois).

Comme quoi, même avec une lecture qui m’a un peu déçue par certains aspects, elle m’a tout de même élevée plus haut, me faisant pousser les curseurs de la réflexion plus loin. Une fois de plus, c’est ironique, ce roman. Rien que pour cela, je ne risque pas de l’oublier…

Chouette, alors, il me reste encore d’autres romans de cet auteur et je compte bien les lire. Qui sait, je ferai peut-être encore fumer mon cerveau ?

Challenge Thrillers et Polars de Sharon (du 12 Juillet 2022 au 11 Juillet 2023) [Lecture N°117].