Titre : Rigante – 03 – Le Coeur de Corbeau
Auteur : David Gemmell
Édition : France Loisirs Fantasy (2013) – 640 pages
Édition Originale : Ravenheart (2002)
Traduction : Alain Névant
Résumé :
Huit cents ans ont passé depuis que le roi Connavar des Rigantes et son fils bâtard, Bane, ont défait l’armée de la cité de Roc.
A présent, les Rigantes ont perdu leur liberté et leur culture, face à l’envahisseur varlishe, pour lesquelles tant des leurs avaient sacrifié leur vie. Ils vivent dans la crainte, en peuple conquis.
Il ne subsiste qu’une femme qui suit les anciennes voies de la tradition, l’Etrange du Bois de l’Arbre à Souhaits, et elle seule connaît la nature du mal qui sera bientôt libéré.
Pourtant, selon elle, l’espoir repose sur deux hommes : un guerrier aux allures de géant, descendant des Rigantes, hanté par son échec à sauver son meilleur ami ; et un jeune dont les talents meurtriers lui vaudront la rancune des brutaux Varlishes.
L’un des deux deviendra le Coeur de Corbeau, un chef hors-la-loi dont les exploits inspireront les Rigantes. L’autre devra forger une légende… et allumer les feux de la révolte !
Critique :
Le tout premier tome de cette saga, je l’avais lu durant mes vacances 2006 et l’année suivante, j’avais poursuivi avec le tome 2. Je les avais bien aimé tous les deux.
Alors pourquoi mettre 16 ans avant de lire le troisième ?? Premièrement, parce que j’ai mis du temps à le trouver en seconde main (2023 !) et deuxièmement, parce que j’avais peur d’être déçue…
Le personnage Connavar (tome 1) et l’univers mis en place par l’auteur m’avait bien plus, ce qui m’avait déjà fait craindre de lire le deuxième tome qui mettait en scène sont fils Bane, dans un autre pays (bien aimé ma lecture aussi).
Le troisième tome faisant un bond de 800 ans dans le temps et là, j’ai eu peur de ne plus reconnaître l’univers des premiers tomes, notamment à cause de l’arrivée des mousquets et des armes à feu. Grave erreur que de ne pas l’avoir lu plus vite !!
Une fois de plus, Gemmell applique sa recette que l’on connaît et elle fonctionne toujours. Un univers riche, des personnages intéressants, une touche d’humour, de bravoure, de l’héroïsme, de la résistance, des conquérants, des conquis, des salopards et des gens biens, le tout dans un univers de Higlanders en kilt.
Il y a 800 ans que les peuples Rigantes (Keltoï, Pannones,…) ont été conquis par une armée qui ressemblait à celle des Romains et ils vivent toujours sous le joug de l’envahisseur qui les traitent comme de la vermine.
Au menu des colonisés ? Acculturation, colonialisme, règles iniques, dont celles des interdictions de s’enrichir, de porter des armes, déculturation, haine, manque de respect, séparations nettes entre les deux peuples, mariage inter peuples mal vus, colonisés associés à de la vermine, à des crétins…
Pire, les Varlishes, les colons, se sont même appropriés les légendes Rigante, faisant de Connavar un Varlishe !
Nous avons beau être dans un univers de fantasy, il fait tout de même terriblement écho à notre monde propre, à l’Histoire de nos peuples, celle qui sent mauvais dans les placards. Par certaines règles et pensées des Varlishes, j’ai pensé aux nazis…
L’univers de Gemmell fait penser aux pages de l’Histoire et comme toujours, ses personnages font mouche. Si le personnage principal est Kaeling Ring, ce n’est pas lui qui ressort le plus de ce récit, mais son oncle, Jaim Grymauch. Le véritable héros, c’est lui. Il me marquera durablement.
D’autres personnages, des secondaires, des sans-grade, de ceux que l’on ne remarque pas, de ceux qui semblent passer dans le récit sans faire de bruit vont pourtant en faire, du bruit, en s’élevant contre l’injustice.
Alterith Shaddler, c’était un professeur, un simple professeur qui pensait que savoir était un grand trésor et Gillam Pearce était un cordonnier, sans rien d’particulier (♫)… Deux personnages de l’ombre, pas des guerriers, pas des courageux et qui, pourtant, ont été éblouissants, à leur niveau. Des braves ! Pas d’armes dans leurs mains, si ce n’est les mots de l’instituteur et un témoignage du cordonnier.
Eux ont osé prendre le risque de se dresser devant une flagrante injustice, un jugement pour sorcellerie, alors qu’ils avaient tout perdre en défendant l’accusée, en premier lieu, leur vie et que le cordonnier risquait de mettre dans la merde sa famille.
Il faut bien du courage pour oser contrer la puissance, pour oser aller à contre-courant et dénoncer l’abjection qu’est cette mascarade, cette parodie de justice. C’est facile quand on ne risque rien, mais faut avoir du courage quand on risque tout.
Alterith se sentait humilié par ses cris et ses larmes.
— Je ne suis pas très brave, leur avoua-t-il. Je ne résiste pas bien à la douleur.
— Ne vous inquiétez pas, monsieur. Il y a différentes formes de bravoure. Je n’aurais pas les couilles de parler à l’évêque comme vous le faites. Ne vous rabaissez pas.
Eux ont choisi l’honneur de la vérité (et la mort à la clé) quand tous les trouillards ont pris le chemin du déshonneur pour continuer de vivre (mais on ne peut pas en vouloir à tous, une épée sur la gorge, ça fait réfléchir).
Impossible de s’ennuyer dans ce troisième tome, et pourtant, le rythme va à son aise, pas de combats toutes les deux minutes, pas de batailles qui durent des pages, même si on aura des combats.
Ce qui fait la force de ce récit, c’est aussi la psychologie des personnages, leur réalisme et les échos que leurs combats trouveront chez les différents lecteurs.
Ce n’est pas qu’une lutte du peuple Rigante pour retrouver sa liberté, ses droits les plus élémentaires, c’est aussi une lutte des classes, une lutte pour retrouver sa dignité perdue. Les Rigantes ne sont pas une race inférieure et ils aimeraient juste qu’on arrête de leur renvoyer dans la gueule. Mettre fin au suprémacisme des Varlishes.
Non, je ne vais pas attendre des années avant de lire la suite, car le quatrième tome continue l’Histoire et j’ai envie de savoir si le peuple Rigante va retrouver sa liberté et surtout, à quel prix.
David Gemmell a une recette fantasy qui, bien que souvent la même, me régale toujours autant, grâce à ses personnages et à ses univers.
« Les épais de l’été » 2023 (21 juin au 23 septembre) chez Dasola (par ta d loi du cine, « squatter » chez dasola) et chez La Petite Liste.