Jamais je n’aurai 20 ans : Jaime Martin

Titre : Jamais je n’aurai 20 ans

Scénariste : Jaime Martin 🇪🇸
Dessinateur : Jaime Martin

Édition : Dupuis – Aire libre (2016)
Édition Originale :Jamas tendré veinte anos (2016)
Traduction : Elisa Renouil

Résumé :
Ils se rencontrent en 1936 dans le chaos autodestructeur de la guerre d’Espagne : Isabel est couturière, Jaime est artilleur dans l’armée républicaine. Ils s’aiment. Ils combattent. Ils échappent à la mort.

Mais à la chute de le République, Isabel et Jaime sont dans le camp des vaincu et il est parfois plus difficile de survivre dans la paix que dans la guerre.

Après avoir cru en des lendemains qui chantent, comment garder le silence sous une dictature? « Jamais je n’aurai vingt ans » est une histoire d’amour où le courage et la dignité le disputent à la tendresse et à l’humour, à la joie et à la rage. « Jamais je n’aurai vingt ans » est une histoire vraie, celle des grands-parents de Jaime Martin.

Pour son quatrième ouvrage chez Aire Libre, l’auteur espagnol livre avec émotion et pudeur le récit secret d’une famille au destin intimement lié à celui de son pays, pour le meilleur et pour le pire.

Critique :
L’auteur (et dessinateur) Jaime Martín s’est inspiré de son histoire familiale afin de nous raconter ce que ses grands-parents avaient vécu pendant et après la guerre civile espagnole.

Melilla (partie hispanique au Maroc), 1936. Nous faisons connaissance d’Isabel, couturière de son état et future grand-mère de l’auteur (bon, là, elle était jeune, elle ne le savais pas encore).

Lorsqu’à lieu de coup d’état, les représailles qui suivent l’oblige à fuir à Barcelone, car elle avait fréquenté des jeunes militants anarchistes, apprenant à lire et écrire auprès d’eux. Ensuite, elle rencontrera Jaime, un artilleur dans l’armée républicaine…

L’Espagne est coupée en deux : d’un côté les nationalistes soutenus par l’Allemagne du moustachu et dirigés par Franco, et de l’autre les républicains qui tentent de combattre le fascisme. Ils lutteront durant 3 ans et ensuite, les nationalistes gagneront et Franco prendra le pouvoir.

Et là, il ne fera pas bon se retrouver dans le camp des vaincus, dans le camp de celles et ceux qui ont lutté contre le régime fasciste et qui espéraient un retour à un régime démocratique.

Le récit prendra son temps, nous livrant au compte-goutte les souvenirs de Isabel et de toutes les horreurs qu’elle a vu et vécu (ses amis abattus, notamment), expliquant ensuite tout ce qu’elle fit afin de faire vivre sa famille et tenter de sortir de la misère.

Commence alors le règne de la débrouillardise, dans une société où les femmes n’ont rien à dire et où les hommes n’aiment pas discuter avec les femmes, préférant parler avec les maris et comme Isabel a du caractère, elle préfère négocier elle-même, son époux étant un peu plus mou qu’elle.

L’auteur, tout en finesse, nous montrera combien il est difficile de vivre sous un régime dictatorial (sauf si vous êtes copain avec le dictateur ou ses sbires), combien les conditions de vies sont médiocres, que l’on vit dans la précarité, dans la peur de se faire arrêter par les flics, de se faire racketter par eux,…

C’est glaçant ! Je ne comprends toujours pas les gens qui souhaiteraient vivre dans une dictature !

J’ai apprécié les dessins, les couleurs douces et le personnage d’Isabel, qui a réussi à tirer tout le monde vers le haut, mais sans jamais regarder les autres d’en haut. Et puis, tout n’est pas que misère, dans ces pages, il y a aussi des petites joies, les plaisirs de la vie de famille, les enfants qui grandissent… Et Isabel est un personnage attachant, fort débrouillarde et je l’ai adorée.

Un roman graphique qui parle de la guerre d’Espagne, de toutes ses horreurs (sans forcer le trait, sans être glauque), de la vie des gens dans l’après-guerre, sous le régime franquiste et un bel hommage rendu par l’auteur à ses grands-parents.

Golden West : Christian Rossi

Titre : Golden West

Scénariste : Christian Rossi
Dessinateur : Christian Rossi

Édition : Casterman (04/10/2023)

Résumé :
Banni de son peuple pour conjurer une malédiction, le novice apache Woan doit apprendre à survivre.

Après avoir affronté, seul, à la frontière nord-ouest du Mexique, les épreuves des éléments naturels et des passions humaines, le jeune homme croise la route d’un guerrier dont les faits d’armes et la spiritualité ont marqué l’Histoire des Etats-Unis et la légende dorée de l’Ouest : Geronimo !

Critique :
Cette bédé western, c’est 170 pages de pur bonheur, de plaisir pour les yeux, notamment grâce aux dessins et aux couleurs, sans oublier du plaisir tout court grâce au scénario qui ne manque pas de profondeur.

La construction n’est pas linéaire, l’auteur faisant des bons sur la ligne du temps et en passant d’un personnage bien connu qui est Go Khla Yeh, connu ensuite sous le nom de Geronimo.

Après avoir expliqué pourquoi cet apache Bedonkohe a changé de nom, l’auteur passera à l’autre personnage de cette bédé, Woan.

Woan est un gamin Apache qui aime chasser avec son ami Chatto, jusqu’au jour où ils chasseront ce qu’ils ne pouvaient chasser et que Woan sera puni par le bannissement, puisqu’il portera la poisse à partir de ce jour, puisque les esprits le suivront.

Ce western n’est pas que le récit d’une vie d’errance d’un jeune gamin qui deviendra adulte. C’est bien plus que cela. C’est un récit de résistance, celle des Amérindiens face aux visages pâles à la langue fourchue, c’est une histoire de guerre, de spoliation des terres, sur l’amitié qui pouvait naître entre un Natif et un visage pâle quand le respect était là.

C’est aussi le récit d’une assimilation forcée, puisque les Amérindiens n’ont pas su résister à la vague de Blancs qui est arrivée sur le continent. Les Blancs arrivaient comme des volées de sauterelles, comment auraient-ils pu résister ? Pas le choix, certains se sont inclinés, d’autres ont continué de résister, jusqu’à ce qu’ils baissent les armes aussi et se laissent enfermer dans des réserves qui avaient tout de camps…

Une superbe bédé, à découvrir, si vous aimez les récits qui parlent de résistance, de lutte, d’injustices, d’Amérindiens, de courage, d’héroïsme, mais aussi de tueries… Une bédé avec de la profondeur et des dessins superbes.

C’était mon dernier coup de cœur bédés de l’année 2023. Ou comment terminer avec des émotions tout plein et des yeux qui brillent…

An American Year

Challenge Thrillers et Polars de Sharon (du 12 Juillet 2023 au 11 Juillet 2024) [Lecture N°095], Le Challenge « Il était une fois dans l’Ouest » chez The Cannibal Lecteur  et le Challenge « American Year » – The Cannibal Lecteur et Chroniques Littéraires (du 15 novembre 2023 au 15 novembre 2024) # N°17.

Nos coeurs disparus : Celeste Ng

Titre : Nos coeurs disparus

Auteur : Celeste Ng
Édition : Sonatine (24/08/2023)
Édition Originale : Our Missing Hearts (2022)
Traduction : Julie Sibony

Résumé :
États-Unis d’Amérique, dans un futur pas si lointain. Le jeune Bird Gardner vit seul avec son père sur un campus universitaire. Depuis quelques années, leur existence est rythmée par des décrets liberticides.

Le gouvernement a en effet instauré une loi de préservation des traditions, permettant de considérer tout élément de culture étrangère comme suspect, et potentiellement dangereux pour la société. Les citoyens sont surveillés, les manifestations interdites.

Les livres définis comme séditieux sont retirés des bibliothèques. À commencer par ceux de la mère de Bird, la poétesse Margaret Miu, disparue mystérieusement trois ans plus tôt.

Le jeune garçon a appris à se désintéresser d’elle, à ne poser aucune question sous peine d’attirer l’attention des forces de l’ordre. Mais le jour où une lettre arrive, ne contenant qu’un mystérieux dessin, il comprend que c’est sa mère qui lui laisse un indice pour la retrouver.

Critique :
Noah (surnommé Bird) a 12 ans, il vit tout seul avec son père, dans un petit studio et il reçoit une lettre énigmatique, qui semble venir de sa mère, partie un jour, sans retour (oui, moi aussi je vais l’avoir dans la tête).

Après avoir lu une trentaine de pages de ce roman dystopique, j’ai failli abandonner, tant je n’y trouvait rien d’intéressant.

Vu que la majorité des chroniques sur Babelio étaient positives, j’ai continué un peu et là, paf, je suis tombée sur le monstre tapi sous le lit, celui que l’on pense inexistant et qui pourtant, grandi de jour en jour avant de se jeter sur nous et de nous dévorer tout cru.

Non, pas un monstre sorti d’un livre d’horreur, quoique : tous les livres définis comme séditieux ont été retirés des bibliothèques ! Putain de merde, un de mes pire cauchemars…

Là, j’ai senti les sueurs froides couler dans mon dos et ma respiration se faire difficile. J’ai imaginé que je pourrais vivre dans un monde tel que celui-là et qu’on aurait vidé mes/les biblios de leurs livres dits « dangereux ».

Et aux États-Unis, ce n’est pas un vilain rêve, c’est une réalité, puisque des gens biens pensants ont décidé que leurs enfants ne pouvaient pas lire des romans qui parlent de l’esclavage, du racisme, de ségrégation, d’homosexualité, de transsexualité,… (et la transsubstantiation, ils sont contre aussi ?? Si ça se trouve, ils ne savent pas ce que c’est, ces biens pensants).

Anybref, j’étais scotchée au livre et je ne l’ai plus lâché. Horrifiée, j’ai découvert cette Amérique sous régime autoritaire après le PACT (Preserving American Culture and Traditions Act), raciste au possible, liberticide, qui a retiré les livres séditieux des biblios, qui a pris des règles drastiques contre les POA (personne d’origine asiatique), les accusant de tous leurs maux après la crise, qui a incité sa population à dénoncer tout le monde au moindre fait et geste anti patriotique et pire, qui enlève les enfants aux couples jugés « antiaméricains ».

Des bruits avaient commencé à courir. On parlait de coups à la porte au milieu de la nuit, d’enfants qui disparaissaient, emportés par des voitures noires. Une clause enfouie dans les replis de la nouvelle loi, autorisant les agences fédérales à retirer les enfants des foyers jugés antiaméricains.

J’ai aimé suivre Noah, ce jeune garçon timide, qui suit les règles, car il a la trouille (j’aurais été telle que lui), avant de commencer à se poser des questions et à rechercher sa mère, dans la première partie.

La deuxième partie nous en apprendra plus sur la fameuse crise et le PACT qui en a découlé, l’autrice nous montrant comment, petit à petit, les gens ont changé de comportement, devenant de plus en plus agressifs envers les personne asiatique. Comme souvent, ça commence doucement, c’est pour notre bien, mais ensuite…

Cette dystopie est glaçante, parce qu’elle ne parle pas de science-fiction, mais de choses réelles, qui sont déjà arrivées, aux États-Unis ou ailleurs.

Les Amérindiens ont vécu l’assimilation forcée de leurs enfants, dans des pensionnats, la ségrégation a existé (et elle existe encore), durant les guerres mondiales, il y a eu des discriminations envers les Allemands et ensuite les Asiatiques (emprisonnés dans des camps), la pandémie COVID a relancé les dénonciations et le maccarthysme, bien avant, avait été une ère de délation et de persécution.

Quant à la résistance qu’oppose certaines personnes à ce totalitarisme, elle est bien faite, sans être violente. Elle est ténue, aussi, tant les gens vivent dans la peur de se faire dénoncer. Bref, tout est réaliste, hélas…

Mon seul bémol sera pour l’absence de tirets cadratins ou de guillemets devant les dialogues. Il m’a fallu un temps d’adaptation pour arriver à trouver la fluidité de lecture sans ces petits repères. Oui, c’est un tout petit bémol de rien du tout.

Une dystopie à lire, dont il faut parler, pour éviter qu’un jour, chez nous, on en vienne à retirer des livres des rayons des bibliothèques publiques (ou pire, dans nos maisons), sous prétexte qu’ils parlent de choses dont on ne veut pas entendre parler.

Lutter aussi pour que dans les écoles, on ne commence pas à édulcorer l’Histoire et la à transformer en monde des Bisounours bienveillants ou à la réécrire… Je ne sais pas pourquoi, mais j’ai l’impression que ça a déjà commencé…

An American Year

Challenge Thrillers et Polars de Sharon (du 12 Juillet 2023 au 11 Juillet 2024) [Lecture N°065] et le Challenge « American Year » – The Cannibal Lecteur et Chroniques Littéraires (du 15 novembre 2023 au 15 novembre 2024).

Le château des animaux – T01 – Miss Bengalore : Xavier Dorison et Félix Delep

Titre : Le château des animaux – T01 – Miss Bengalore

Scénariste : Xavier Dorison
Dessinateur : Félix Delep

Édition : Casterman (2019)

Résumé :
Quelque part dans la France de l’entre-deux guerres, niché au cœur d’une ferme oubliée des hommes, le Château des animaux est dirigé d’un sabot de fer par le président Silvio…

Secondé par une milice de chiens, le taureau dictateur exploite les autres animaux, tous contraints à des travaux de peine épuisants pour le bien de la communauté…

Miss Bangalore, chatte craintive qui ne cherche qu’à protéger ses deux petits, et César, un lapin gigolo, vont s’allier au sage et mystérieux Azélar, un rat à lunettes pour prôner la résistance à l’injustice, la lutte contre les crocs et les griffes par la désobéissance et le rire…

Critique :
La ferme des animaux, d’Orwell, m’avait fait un effet boeuf… Ah mon cochon, quel roman, quelle claque !

Qu’allait-il en être avec le château des animaux, qui reprenait le même modèle, à savoir des animaux qui parlent, qui vivent en société, qui bossent et surtout, une dénonciation des régimes autoritaires, liberticides, staliniens, dictatoriaux ?

La grosse différence réside dans le fait que Dorison nous propose une histoire qui, de prime abord, peu paraître semblable au roman, mais lui, contrairement à Orwell, il propose des pistes pour sortir de ce système où l’autorité s’exerce par la force, par la peur, les morts, la privation de liberté et de nourriture.

Si dans le roman d’Orwell, on voyait toute la construction, étape par étape, de la mise en place du système totalitaire, dans cette bédé, le système est déjà mis en place et l’on s’oriente vers la prise de conscience des animaux qu’ils sont privés de liberté, que le système est injuste, inique et vers le début de la résistance, d’une petite révolte pour faire changer les choses, mais à la Gandhi : non violence.

Cette bédé, c’est un peu une continuité de La Ferme Des Animaux, comme une suite, comme ce qui aurait pu se passer si les animaux s’étaient révoltés par la douceur, par la non-violence, afin de faire plier le pouvoir en place, qui ne sait réprimer que dans le sang.

Le graphisme est très bien fait, les animaux font vraiment penser à des personnages réels à part entière et l’anthropomorphisme passe comme une lettre à la poste. Les caractéristiques des animaux sont utilisées : le chat a besoin de dormir beaucoup, mais impossible vu tout le boulot, le lapin saute toutes les lapines…

Ceci n’est pas une bande dessinée pour les enfants, il y a de la violence, des mises à mort au pilori, des chiens qui sont les gardiens du tyran (un taureau). Bref, c’est une bédé pour les adultes !

Xavier Dorison n’étant pas un bras cassé pour les scénario, celui-ci est donc mitonné aux petits oignons, avec de la profondeur dans le récit et dans les personnages.

Cette fable animalière est une critique sociale de certaines sociétés, de certains dirigeants et ça passe toujours mieux avec des animaux, La Fontaine l’avait déjà compris. Orwell aussi.

J’ai adoré ce premier tome et j’ai hâte de lire la suite. Peur aussi, parce que j’apprécie certains animaux, dont miss Bengalore, le Lapin César (le don juan) et le rat Azélar…

Une lecture aussi coup de poing que le roman d’Orwell, qui m’avait hanté longtemps et qui me hante toujours…

Rigante – 03 – Le Coeur de Corbeau : David Gemmell

Titre : Rigante – 03 – Le Coeur de Corbeau

Auteur : David Gemmell
Édition : France Loisirs Fantasy (2013) – 640 pages
Édition Originale : Ravenheart (2002)
Traduction : Alain Névant

Résumé :
Huit cents ans ont passé depuis que le roi Connavar des Rigantes et son fils bâtard, Bane, ont défait l’armée de la cité de Roc.

A présent, les Rigantes ont perdu leur liberté et leur culture, face à l’envahisseur varlishe, pour lesquelles tant des leurs avaient sacrifié leur vie. Ils vivent dans la crainte, en peuple conquis.

Il ne subsiste qu’une femme qui suit les anciennes voies de la tradition, l’Etrange du Bois de l’Arbre à Souhaits, et elle seule connaît la nature du mal qui sera bientôt libéré.

Pourtant, selon elle, l’espoir repose sur deux hommes : un guerrier aux allures de géant, descendant des Rigantes, hanté par son échec à sauver son meilleur ami ; et un jeune dont les talents meurtriers lui vaudront la rancune des brutaux Varlishes.

L’un des deux deviendra le Coeur de Corbeau, un chef hors-la-loi dont les exploits inspireront les Rigantes. L’autre devra forger une légende… et allumer les feux de la révolte !

Critique :
Le tout premier tome de cette saga, je l’avais lu durant mes vacances 2006 et l’année suivante, j’avais poursuivi avec le tome 2. Je les avais bien aimé tous les deux.

Alors pourquoi mettre 16 ans avant de lire le troisième ?? Premièrement, parce que j’ai mis du temps à le trouver en seconde main (2023 !) et deuxièmement, parce que j’avais peur d’être déçue…

Le personnage Connavar (tome 1) et l’univers mis en place par l’auteur m’avait bien plus, ce qui m’avait déjà fait craindre de lire le deuxième tome qui mettait en scène sont fils Bane, dans un autre pays (bien aimé ma lecture aussi).

Le troisième tome faisant un bond de 800 ans dans le temps et là, j’ai eu peur de ne plus reconnaître l’univers des premiers tomes, notamment à cause de l’arrivée des mousquets et des armes à feu. Grave erreur que de ne pas l’avoir lu plus vite !!

Une fois de plus, Gemmell applique sa recette que l’on connaît et elle fonctionne toujours. Un univers riche, des personnages intéressants, une touche d’humour, de bravoure, de l’héroïsme, de la résistance, des conquérants, des conquis, des salopards et des gens biens, le tout dans un univers de Higlanders en kilt.

Il y a 800 ans que les peuples Rigantes (Keltoï, Pannones,…) ont été conquis par une armée qui ressemblait à celle des Romains et ils vivent toujours sous le joug de l’envahisseur qui les traitent comme de la vermine.

Au menu des colonisés ? Acculturation, colonialisme, règles iniques, dont celles des interdictions de s’enrichir, de porter des armes, déculturation, haine, manque de respect, séparations nettes entre les deux peuples, mariage inter peuples mal vus, colonisés associés à de la vermine, à des crétins…

Pire, les Varlishes, les colons, se sont même appropriés les légendes Rigante, faisant de Connavar un Varlishe !

Nous avons beau être dans un univers de fantasy, il fait tout de même terriblement écho à notre monde propre, à l’Histoire de nos peuples, celle qui sent mauvais dans les placards. Par certaines règles et pensées des Varlishes, j’ai pensé aux nazis…

L’univers de Gemmell fait penser aux pages de l’Histoire et comme toujours, ses personnages font mouche. Si le personnage principal est Kaeling Ring, ce n’est pas lui qui ressort le plus de ce récit, mais son oncle, Jaim Grymauch. Le véritable héros, c’est lui. Il me marquera durablement.

D’autres personnages, des secondaires, des sans-grade, de ceux que l’on ne remarque pas, de ceux qui semblent passer dans le récit sans faire de bruit vont pourtant en faire, du bruit, en s’élevant contre l’injustice.

Alterith Shaddler, c’était un professeur, un simple professeur qui pensait que savoir était un grand trésor et Gillam Pearce était un cordonnier, sans rien d’particulier (♫)… Deux personnages de l’ombre, pas des guerriers, pas des courageux et qui, pourtant, ont été éblouissants, à leur niveau. Des braves ! Pas d’armes dans leurs mains, si ce n’est les mots de l’instituteur et un témoignage du cordonnier.

Eux ont osé prendre le risque de se dresser devant une flagrante injustice, un jugement pour sorcellerie, alors qu’ils avaient tout perdre en défendant l’accusée, en premier lieu, leur vie et que le cordonnier risquait de mettre dans la merde sa famille.

Il faut bien du courage pour oser contrer la puissance, pour oser aller à contre-courant et dénoncer l’abjection qu’est cette mascarade, cette parodie de justice. C’est facile quand on ne risque rien, mais faut avoir du courage quand on risque tout.

Alterith se sentait humilié par ses cris et ses larmes.
— Je ne suis pas très brave, leur avoua-t-il. Je ne résiste pas bien à la douleur.
— Ne vous inquiétez pas, monsieur. Il y a différentes formes de bravoure. Je n’aurais pas les couilles de parler à l’évêque comme vous le faites. Ne vous rabaissez pas.

Eux ont choisi l’honneur de la vérité (et la mort à la clé) quand tous les trouillards ont pris le chemin du déshonneur pour continuer de vivre (mais on ne peut pas en vouloir à tous, une épée sur la gorge, ça fait réfléchir).

Impossible de s’ennuyer dans ce troisième tome, et pourtant, le rythme va à son aise, pas de combats toutes les deux minutes, pas de batailles qui durent des pages, même si on aura des combats.

Ce qui fait la force de ce récit, c’est aussi la psychologie des personnages, leur réalisme et les échos que leurs combats trouveront chez les différents lecteurs.

Ce n’est pas qu’une lutte du peuple Rigante pour retrouver sa liberté, ses droits les plus élémentaires, c’est aussi une lutte des classes, une lutte pour retrouver sa dignité perdue. Les Rigantes ne sont pas une race inférieure et ils aimeraient juste qu’on arrête de leur renvoyer dans la gueule. Mettre fin au suprémacisme des Varlishes.

Non, je ne vais pas attendre des années avant de lire la suite, car le quatrième tome continue l’Histoire et j’ai envie de savoir si le peuple Rigante va retrouver sa liberté et surtout, à quel prix.

David Gemmell a une recette fantasy qui, bien que souvent la même, me régale toujours autant, grâce à ses personnages et à ses univers.

#Pavés de l’été

« Les épais de l’été » 2023 (21 juin au 23 septembre) chez Dasola (par ta d loi du cine, « squatter » chez dasola) et chez La Petite Liste.

L’ancien calendrier d’un amour : Andreï Makine

Titre : L’ancien calendrier d’un amour

Auteur : Andreï Makine
Édition :

Résumé :
« Qu’importe l’éternité de la damnation à qui a trouvé dans une seconde l’infini de la jouissance. » (Baudelaire)

Tel serait l’esprit de cette saga lapidaire – un siècle de fureur et de sang que va traverser Valdas Bataeff en affrontant, tout jeune, les événements tragiques de son époque.

Au plus fort de la tempête, il parvient à s’arracher à la cruauté du monde : un amour clandestin dans une parenthèse enchantée, entre l’ancien calendrier de la Russie impériale et la nouvelle chronologie imposée par les « constructeurs de l’avenir radieux ».

Chef-d’œuvre de concision, ce roman sur la trahison, le sacrifice et la rédemption nous fait revivre, à hauteur d’homme, les drames de la grande Histoire : révolutions, conflits mondiaux, déchirements de l’après-guerre.

Pourtant, une trame secrète, au-delà des atroces comédies humaines, nous libère de leur emprise et rend infinie la fragile brièveté d’un amour blessé.

Critique :
C’est l’émission La Grande Librairie que j’ai découvert cet auteur et que j’avais lu « Au-delà des frontières« .

La question que je me suis posée, lors de cette lecture, c’est : comment est-ce que l’auteur arrive à en dire autant avec si peu de pages (200) et comment est-ce qu’il arrive à nous faire voyager autant dans l’Histoire en en disant si peu ??

Hé oui, c’est le force de ce roman : en dire beaucoup avec peu. Il va directement où il doit aller, sans pour autant sacrifier le fond et la forme.

Le XXe siècle est riche en conflits en tout genre (hélas) et Valdas Bataeff, notre jeune héros principal (qui n’a rien d’un héros), va passer d’une jeunesse de riche bourgeois (1913) à celle d’un soldat de l’armée Blanche, avant que la vie ne le précipite, dans un autre vie, celle des laissés-pour-compte, des pauvres.

Un seul passage de sa vie a, pour lui, valu la peine d’être vécu : il s’est passé dans l’ancien calendrier, le calendrier Julien (avant que Lénine ne décrète le passage au calendrier Grégorien : le 31 janvier 1918, la Russie passerait directement au 14 février 1918).

C’était une belle histoire d’amour qu’il a gardé précieusement en mémoire, mais aussi dans son cœur. C’était aussi la Russie d’avant l’URSS, d’avant le communisme…

Qu’on ne s’y trompe pas, ce roman n’est pas qu’un simple roman d’amour où un homme se remémore ses instants heureux. C’est aussi un roman historique, qui passe en revue les événements importants du siècle écoulé, sans entrer dans les détails, mais qui en donne assez que pour que l’on se fasse une idée générale.

C’est aussi un roman qui interroge : comment, après la boucherie de La Grande Guerre, la fameuse Der des Der, l’Homme a encore eu envie d’entrer en guerre en 1939 et comment un peuple peut en arriver à une guerre civile (révolution russe) où des frères s’entretuent (puisque appartenant au même pays).

Sans oublier que peu de temps après la fin de la Seconde Guerre Mondiale, on remettait ça en Indochine ? L’Homme est-il un fou destructeur ? (oui !!).

Ce court roman de 200 pages se lit sur un après-midi, avec plaisir, même si c’est un roman composé de drames. J’ai aimé les portraits croisés dans ces pages, même à l’arrière d’un taxi de nuit.

La vie de Valdas a été bien remplie, lui qui pensait vivre tranquillement, a dû faire face aux événements noirs de la vie, de l’Histoire et cela a changé sa vie, ses pensées, son caractère. C’est le récit d’un destin fracassé, comme l’Histoire en est remplie, malheureusement.

Sans sa parenthèse enchantée, Valdas n’aura jamais tenu le coup…

— Ce que tu as vécu… je parle de ces journées au bord de la mer Noire, c’était… le sens même de la vie. Cet amour à l’écart du temps, c’est ce que nous devrions tous espérer ! le seul qui nous est véritablement offert par Dieu. Mais nous sommes rarement capables de le recevoir.

Un beau roman, tout en finesse, tout en douceur, sans pathos, sans en faire trop ou en rajouter. L’écriture de l’auteur fait mouche et elle m’a bercée durant ma lecture. À la fois concise et précise, qui sait en dire beaucoup sans en dire trop.

Oui, assurément un beau roman, une belle histoire.

Guerres d’Arran – Tome 1 – La compagnie des bannis : Jean-Luc Istin, Brice Cossu et J. Nanjan

Titre : Guerres d’Arran – Tome 1 – La compagnie des bannis

Scénariste : Jean-Luc Istin
Dessinateur : Brice Cossu
Couleurs : J. Nanjan

Édition : Soleil (22/03/2023)

Résumé :
Dunnrak et Hidden ont créé la compagnie des bannis avec un objectif : Détruire la veuve noire, l’alliance visant à droguer les anciennes races pour les anéantir.

Aidé du troublant mage Altherat, Dunnrak décide de frapper fort en s’attaquant à l’un de ses fondateurs : le roi du Venkor.

En les provoquant de la sorte, il pourrait déclencher une guerre comme jamais les terres d’Arran n’en ont connue.

Critique :
La couverture donne déjà le ton, puisqu’elle réunit un Orc, un Nain et un Elfe Noir…

Trois races qui, généralement, ne se mélangent pas, ne s’entraident pas, ne luttent pas ensemble, mais plutôt l’une contre l’autre.

Dans le groupe, il y aura aussi un Gobelin, ce qui fait 4 membres de races opposées l’une à l’autre. Qui pourtant se sont unis, pour entrer en résistance.

Dans les albums consacrés aux Terres d’Arran, la guerre était prête à se déclencher, celle voulue par les rois Hums (humains) afin d’éradiquer les anciennes races : celle des Orcs, des Gobelins, des Elfes et des Nains (et des Ogres aussi).

Pour mettre tout ces peuples à mal, on leur envoya de la kicha, une drogue, qui rend les consommateurs dépendants et les réduit à l’état de loque. Les peuples visés par cette extermination auraient dû s’allier, hélas, les vieilles querelles les en empêchent. Et puis, quand on chauffe lentement la marmite, les grenouilles restent dedans.

Les rois Hums ont divisés pour régner… Comme d’habitude ! Le monde d’Aquillon n’est pas si différent du notre, même si nous sommes dans un monde d’heroïc fantasy, de dragons et autres créatures bizarres.

Alors, notre petit groupe hétéroclite lutte (encore et toujours) contre l’envahisseur, cette putain de drogue mise sur le marché par les rois. Nos amis sont 5 (deux Nains, dont un de l’ordre des Errants), tous des vieilles connaissances rencontrées dans des précédents tomes : Dunnrak l’Orc, Hidden le Gobelin, Dröh des errants, Oborron du Bouclier et Ilaw’Yn l’Elfe Noir,

Je me demandais ce qu’allait me réserver cet album consacré au gros cross-over de toutes les séries, de toutes les races des Terres d’Arran. J’avais hâte de le lire et j’avais quelques appréhensions, aussi.

J’ai eu peur pour rien, parce que ce premier tome est de très bonne facture, tant au niveau du scénario que des dessins, qui sont superbes ! On peut saluer le travail de Brice Cossu, qui est excellent dans les visages, les décors et les scènes de combats. Bref, c’est l’extase pour les yeux !

Le scénario semble conventionnel, à priori : une compagnie se crée pour lutter contre les futurs génocidaires, ils mènent des combats, rassemblent des membres et puis… Eh bien, non, pas si conventionnel que ça, le scénario !

L’auteur nous réserve des surprises, tout à fait réalistes, comme on en a sûrement dans des guerres et évite le manichéisme dans ses personnages. On complote, on retourne sa veste, parfois, il faut faire le mal pour obtenir une étincelle de bien et j’ai eu quelques surprises…

En tout cas, la reine l’a dit : les Hums en ont marre des autres races, qui sont plus fortes qu’eux, qui les dominent et ils veulent s’en débarrasser.

Quant aux races anciennes, elles étaient là les premières et les p’tits nouveaux veulent les exterminer totalement… Oh, ils ne vont pas se laisser faire tout de même ? Sauf qu’il est plus facile de subir que de se rebeller, de monter au front, de risquer sa vie…

Un très très bon premier album consacré à la guerre d’Arran, celle qui couve depuis plusieurs albums et si les autres sont du même acabit, ça promet encore de belles heures de lecture dans ce monde ultra riche qu’est celui d’Aquilon !

Challenge Thrillers et Polars de Sharon (du 12 Juillet 2022 au 11 Juillet 2023) [Lecture N°172].

No home : Yaa Gyasi

Titre : No home

Auteur : Yaa Gyasi
Éditions : Calmann-Lévy (2017) / Livre de poche (2018)
Édition Originale : Homegoing (2016)
Traduction : Anne Damour

Résumé :
Maama, esclave Ashanti, s’enfuit de la maison de ses maîtres Fantis durant un incendie, laissant derrière elle son bébé, Effia. Plus tard, elle épouse un Ashanti, et donne naissance à une autre fille, Esi.

Ainsi commence l’histoire de ces deux demi-sœurs, Effia et Esi, nées dans deux villages du Ghana à l’époque du commerce triangulaire au XVIIIe siècle.

Effia épouse un Anglais et mène une existence confortable dans le fort de Cape Coast, sans savoir que Esi, qu’elle n’a jamais connue, est emprisonnée dans les cachots du fort, vendue avec des centaines d’autres victimes d’un commerce d’esclaves florissant avant d’être expédiée en Amérique où ses enfants et petits-enfants seront eux aussi esclaves.

Grâce à un collier transmis de génération en génération, l’histoire se tisse d’un chapitre à l’autre : un fil suit les descendants d’Effia au Ghana à travers les siècles, l’autre suit Esi et ses enfants en Amérique.

Critique :
No Home est le récit d’une saga familiale qui va faire le grand écart puisque la descendance d’Effia restera au Ghana, tandis que toute la branche d’Esi, sa demi-soeur, vivront aux États-Unis, suite à la déportation d’Esi sur un navire négrier.

L’originalité de ce roman, c’est que chaque chapitre nous offre un protagoniste différent, alternant les descendants des deux demi-sœurs et remontant le fil du temps, de 1760 à nos jours.

C’est ainsi que chaque génération vivra une vie différente de la précédente. Au Ghana, les descendants d’Effia sont des esclavagistes et vivront, en partie, de la traite négrière.

En Amérique, sur la lignée d’Esi, nous explorerons l’esclavage, la ségrégation raciale, l’exploitation des Noirs, l’iniquité des lois des Blancs, puisqu’un Blanc sera condamné à 9 ans de prison (et de travaux forcés dans les mines) pour un meurtre et qu’un Noir sera condamné à la même peine pour avoir regardé une Blanche (qu’il n’avait même pas regardé en plus).

Le récit ne faiblit jamais, sauf avec les deux derniers protagonistes, où j’ai trouvé qu’il y avait moins à dire. Malgré tout, leur récit était intéressant puisqu’il clôturait cette saga sur une note positive.

Chaque chapitre aurait pu être un roman à part entière et il était frustrant de quitter un personnage, auquel on s’était attaché, avant que l’on ne soit subjuguée, à nouveau, par le suivant et son histoire personnelle.

Effectivement, j’aurais préféré passer plus de temps avec certains personnages, tant leur histoire était riche (et malheureusement terrible), tant j’aurais aimé en apprendre plus sur eux, sur ce qu’il s’était passé, durant les ellipses et ne pas me contenter de quelques phrases.

C’est un roman palpitant, passionnant, ambitieux et qui n’a rien à voir avec ceux que j’ai déjà lu, notamment grâce à sa construction bien pensée, mais aussi à la plume de l’autrice, qui était simple, sans être simpliste et si agréable à suivre.

L’autrice ne sombre jamais dans le pathos, d’ailleurs, elle aurait pu aller encore plus loin, mais elle a préféré ne pas s’appesantir sur certaines choses, comme l’horreur et l’inhumanité des voyages des négriers, de l’esclavage, de la ségrégation…

Avec peu de mots, quelques phrases bien senties, l’autrice en dit assez pour que même le plus ignare des lecteurs comprenne bien tout l’ignominie d’un pareil trafic, toute la brutalité de l’esclavage et l’iniquité de la ségrégation.

Un roman puissant, une belle lecture. Un voyage sans concession dans le pays de La Côte de l’Or, devenu le Ghana ensuite et dans les États-Unis des années sombres.

Ma guerre de La Rochelle à Dachau : Tiburce Oger et Guy-Pierre Gautier

Titre : Ma guerre de La Rochelle à Dachau

Scénariste : Tiburce Oger
Dessinateur : Tiburce Oger
Adapté de : Guy-Pierre Gautier

Édition : Rue de Sèvres (22/02/2017)

Résumé :
Voici le témoignage de Guy-Pierre Gautier, grand-père de l’auteur, survivant de Dachau. Engagé en 1943 dans la brigade « Liberté » des francs-tireurs et partisans de La Rochelle, il s’emploie à des sabotages de voies ferrées et au renseignement. La bravoure côtoie l’insouciance.

À l’arrestation du réseau, les difficultés commencent avec les interrogatoires par la gestapo, une mutinerie de la prison d’Eysses, les fusillés.

Le cauchemar s’installe lors du voyage infernal en wagons à bestiaux jusqu’à Dachau. Le courage masque alors à peine la frayeur.

Le récit poignant d’un survivant, jour après jour, souffrance après souffrance, jusqu’à l’apparition de la silhouette immense d’un gi américain qui annonce la fin du cauchemar le 30 avril 1945.

Critique :
L’Histoire est un éternel recommencement, hélas… Les Hommes en retiennent pas les leçons, ils continuent de massacrer leurs semblables, de les traiter comme des sous-Hommes.

Les génocides commis dans les années 30 et continué ensuite jusqu’à la fin de la Seconde Guerre Mondiale, n’étaient pas les premiers, bien que pour celui-là, on ait inventé des techniques d’assassinats de masse encore jamais inventées.

On a dit « Plus jamais ça » et d’autres ont eu lieu… Pour celles et ceux qui savent, qui ne nient pas, les témoignages sont importants, pour les négationnistes, aucun témoignage ne les fera changer d’avis, hélas.

Comme je ne me suis jamais contentée de lire un seul livre sur le sujet, j’ai acheté ce bel album au titre glaçant. Dedans, Guy-Pierre Gautier, qui reçoit la Légion d’Honneur en 2015 (sérieusement, on croirait bien que l’on se moque des survivants, des témoins, des engagés) va se remémorer des souvenirs…

On commence par la résistance, avec tous les risques encourus… Puis ce sera les arrestations, les passages à tabac, l’emprisonnement et ensuite, la déportation à Dachau.

Sans sombrer dans le pathos ou l’inutile, Tiburce Oger nous livre, sans fard, le témoignage bouleversant de Guy-Pierre.

La faim, les privations, le froid, le travail harassant, les brutalités, les maladies, les cadavres à sortir au matin et l’interdiction d’être solidaires. Bien qu’il y aura des gestes de solidarité, bien souvent, c’est le chacun pour soi qui prime, les kapos surveillant ce qu’il se passe dans les baraquements.

Les dirigeants des camps ne sont pas des humains, les kapos ne le sont pas non plus e à la fin, même les prisonniers perdent leur humanité, regardant les corps au sol sans les voir.

Je ne dirais pas qu’il y a de l’espoir dans cet album : la vie de déportés est horrible et survivre est tout aussi difficile. Votre famille ne veut pas en entendre parler, les autres non plus, ceux qui ne l’ont pas vécu, quand aux familles des autres, elles vous regarde avec l’espoir que vous pourrez leur donner des nouvelles de proches internés dans le même camp que vous, avant de s’effondrer devant les mauvaises nouvelles (ou l’absence de nouvelles) et de vous en vouloir, parce que vous, vous vous en êtes sorti.

Non, pas d’espoir, parce que ce qui s’est passé là n’était pas nouveau (même si les techniques, oui) et que cela a eu encore lieu après. Comme si toutes ces personnes étaient mortes pour rien, le message n’étant même pas passé chez tout le monde. Pire, avec le temps qui passe, on oublie, on réduit cet épisode barbare à des parenthèses, des virgules…

Une très belle bande dessinée autobiographique, historique, à lire, à relire, à faire lire…

Le Challenge « Les textes courts » chez Mes Promenades Culturelles II (Lydia B – 81 pages).

Toute la lumière que nous ne pouvons voir : Anthony Doerr [LC avec Bianca]

Titre : Toute la lumière que nous ne pouvons voir

Auteur : Anthony Doerr
Édition : Livre de Poche (28/09/2016) – 697 pages
Édition Originale : All the light we cannot see (2014)
Traduction : Valérie Malfoy

Résumé :
Marie-Laure Leblanc vit avec son père près du Muséum d’histoire naturelle de Paris où il travaille. A six ans, la petite fille devient aveugle, et son père crée alors pour elle une maquette reconstituant fidèlement leur quartier pour l’aider à s’orienter et à se déplacer.

Six ans plus tard, l’Occupation nazie les pousse à trouver refuge à Saint-Malo chez l’oncle du père de Marie-Laure, un excentrique profondément marqué par son expérience de la Première Guerre mondiale, qui vit reclus dans sa maison en bord de mer.

Pour éviter que les Allemands ne s’en emparent, le Muséum a confié à Leblanc un joyau rare, la copie d’un diamant ayant appartenu à la famille royale de France, sans savoir qu’il s’agit en réalité de l’original.

Loin de là, en Allemagne,

grandit dans un pensionnat pour enfants de mineurs décédés. Curieux et intelligent, l’orphelin se passionne pour la science et la mécanique et apprend rapidement à réparer les machines qui lui tombent sous la main. Un talent rare repéré par les Jeunesses hitlériennes où il se trouve enrôlé.

Prenant conscience des fins auxquelles est utilisée son intelligence, il est sanctionné, devenant un simple soldat de la Wehrmacht. En 1944, son chemin croise en France celui de Marie-Laure alors que Saint-Malo est incendiée et pilonnée par les bombes.

Critique :
Auréolé du prestigieux prix Pulitzer (et non Sulitzer), choix des libraires, des critiques élogieuses… Oulà, n’en jetez plus ! Vu les récompenses, ce roman pouvait faire pchiiittt ou m’emporter. C’est toujours ma crainte avant de commencer un tel livre.

La construction du récit est faite d’alternances entre les personnages de Marie-Laure Leblanc, française et de Werner Pfening, jeune orphelin allemand. Deux jeunes enfants, deux destins différents, diamétralement.

L’auteur a aussi choisi de déconstruire son récit et de faire des bons dans le temps et l’espace, ce qui donne aussi une alternance entre ce qu’il se passe en août 44, à Saint-Malo (rangez votre maillot, il pleut des bombes) et des retours dans le passé, avec les années 30 et le début des années 40, expliquant le destin de ces deux jeunes, ainsi que ceux d’autres personnes.

La partie la plus haletante se déroulera à Saint-Malo, deux mois après le Débarquement. Cela ne sous-entend pas que les autres moments sont dénués d’intérêt, que du contraire, car l’auteur réussi à nous plonger, comme si nous y étions, dans ces années noires de montée du nazisme, des jeunes hitlériennes, de l’exode et de la vie dans une France occupée, avec tickets de rationnements et délations comprises.

Les personnages de Marie-Laure et de Werner sont lumineux, profonds, travaillés. Werner, comme dans la chanson de Cabrel, voulait vivre d’autres manières dans un autre milieu, notamment celui des radios. Il voulait trouver mieux que descendre dans la mine. Trouver mieux que la douce lumière du soir près du feu…

Il ne savait pas… Il pensait que son incorporation dans une école pour former de parfaits petits allemands serait une chance… Il y a appris à fermer les yeux, à être lâche, à suivre la meute, à faire ce qu’on lui ordonnait de faire. Ne le jugeons pas trop vite, ni trop durement, nous mêmes avons tendance à suivre des meutes sur les Rézo Sossio…

C’est un roman de guerre, oui, mais sans pour autant que le récit soit violents, remplis de tripes ou autre. L’auteur est resté assez sobre dans ses descriptions, que ce soit de l’antisémitisme en Allemagne, sur l’exode des Français, sur les camps de prisonniers… Le récit reste soft (malgré un passage plus violent avec un pauvre prisonnier dans le cadre de l’endoctrinement des jeunes nazillons).

Quand à sa plume, sans être exceptionnelle, elle est très agréable à lire. Une fois la première phrase entrée dans mon cerveau, mes yeux ont couru tous seuls sur les pages et j’en avais dévoré 200 sans même m’en rendre compte. Les chapitres sont courts, cela donne du rythme au récit.

Mon seul bémol ira au fait que la rencontre entre Marie-Laure et Werner ait été trop brève, bien trop rapide. J’aurais aimé qu’ils fassent plus qu’un bout de chemin ensemble, j’aurais aimé un autre destin pour ce gamin aux cheveux blancs, enrôlé dans une machine de guerre. Ah, s’il avait écouté Jutta, sa petite soeur…

C’est un beau roman, c’est une belle histoire, c’est flamboyant, c’est beau, doux et violent par moment (c’est la guerre tout de même). Il est facile, de nos jours, de juger les actes de celles et ceux qui était présents dans ces moments sombres, mais à leur place, qu’aurions-nous fait (mon éternelle question) ?

Il est agréable de rire aux dépends des allemands, de jouer des petits tours, mais lorsque les punitions arrivent, sous forme d’assassinats ou de tortures, là, plus personne ne rigole. Aurions-nous eu le cran de résister ? De risquer notre vie sans savoir si ce que nous faisions servait à quelque chose ? Je me le demande, encore et toujours…

Anybref, ce roman a été une belle découverte pour moi. Sans posséder un rythme trépident ou de l’action à gogo, il a su me charmer de par sa lenteur, de par ses deux personnages d’enfants que tout sépare, de par sa thématique et ces alternances entre les deux personnages et le temps.

Je me réjouissais à l’avance de cette LC avec Bianca, hélas, le roman ne lui a pas fait le même effet qu’à moi, puisqu’elle l’a tout simplement abandonné à la page 200, sans jamais y avoir trouvé son bonheur, comme je le fis. Un grand écart entre nos ressentis et Bianca ne fera pas de chronique.

Le pavé de l’été 2022 (Sur mes Brizées) et le Mois Américain (Non officiel) – Septembre 2022.