La vengeance de Zaroff – Zaroff 02 : Sylvain Runberg et François Miville-Deschênes

Titre : La vengeance de Zaroff – Zaroff 02

Scénariste : Sylvain Runberg
Dessinateur : François Miville-Deschênes

Édition : Le Lombard – Signé (19/05/2023)

Résumé :
Depuis dix ans qu’il y a élu domicile, les États-Unis n’ont pas été à la hauteur des attentes de Zaroff. Quelques criminels, des vagabonds… menu gibier, bien indigne du plus grand chasseur du monde.

Mais l’oncle Sam lui offre un nouveau terrain de chasse : sa Russie natale, envahie par les nazis. Zaroff devra y retrouver une physicienne perdue au beau milieu de ces prédateurs du IIIe Reich, dont la sauvagerie n’a d’égale que la sienne.

Car plus le jeu est dangereux, plus Zaroff le devient…

Critique :
Zaroff, c’est un aristocrate russe, mais aussi un salopard, un assassin, un chasseur (de bêtes et d’humains), c’est un type qui est sans cœur, froid…

Mais c’est aussi un salopard magnifique, un homme dont on ne voudrait pas croiser la route, mais malgré tout, on ne peut s’empêcher de l’apprécier et de l’admirer. Oui, je sais, ce n’est pas bien !

C’est un peu par hasard que j’ai sélectionné cette bédé. La couverture était superbe, elle était un appel à la lecture et je n’ai pas regretté mon choix. Hum, si ce n’est que c’était le second tome de la série Zaroff… Zut, j’ai commencé à l’envers.

Pas de panique, ce tome peut aussi se lire indépendamment du premier, même si, avec le tome précédent, vous ferez connaissance avec ce chasseur qui n’aime que la chasse, mais la chasse où le gibier a aussi ses chances, qu’il soit animal ou humain !

Dans ce récit d’aventure, de survie en milieu hostile, notre Zaroff va devoir aider des militaires américains à exfiltrer, pardon, à enlever, une scientifique russe, qui travaille sur une bombé révolutionnaire et nucléaire. Ce que les États-Unis veulent, ils l’auront et quel qu’en soit le prix. Bien entendu, ils n’ont pas demandé son avis à la scientifique.

Cet album ne manque pas de rythme et si je n’avais pas compris ce que la première page voulait dire (n’ayant pas lu le premier tome), la pièce est tombée ensuite, dans le final, quand notre salopard brillant nous donnera quelques explications.

Oui, Zaroff est un assassin, un type abject, mais sans lui, les américains auraient trépassés dans la Russie enneigée, froide, glaciale et inhospitalière. Notre aristocrate a de l’allure, un visage attirant, malgré ses cicatrices et oui, je l’ai apprécié (mais je ne vais pas le crier trop fort). Salaud peut-être, mais logique dans ses horreurs, pour assurer la survie du groupe. Maintenant, si c’est vous que l’on abat parce que vous êtes blessé, vous la trouverez saumâtre… Mais ça ne durera pas.

Un album où les dessins vous donneront envie de vous attarder sur les différentes cases, des visages expressifs, un scénario bien rythmé et dérangeant au possible, qui nous fait osciller entre l’admiration pour Zaroff et la haine, le dégoût.

Pourtant, dans cet album, j’ai trouvé un homme encore pire que lui : un nazi… Lui ne laissait aucune porte de sortie à ses victimes… Par contre, je n’ai pas compris pourquoi la jeune fille qu’il venait de violer a eu peur et s’est suicidée en voyant Zaroff arriver, alors qu’il allait la sauver… Le plus cruel des deux hommes était le nazi, pas le Zaroff.

Un album dynamique, rempli de suspense, d’action, de morts, de neige, de froid et de violence. Oui, j’ai aimé cette lecture qui était dérangeante au possible.

Maintenant, j’ai lu le premier tome et j’en sais un peu plus sur Zaroff, ce chasseur de gibier, même humain.

Challenge Thrillers et Polars de Sharon (du 12 Juillet 2023 au 11 Juillet 2024) [Lecture N°135] et Le Mois du Polar – Février 2024 – Chez Sharon (Fiche N°27).

Maudits soient les artistes : Maurice Gouiran

Titre : Maudits soient les artistes

Auteur : Maurice Gouiran
Éditions : Jigal (2016) / Jigal poche (2017)

Résumé :
La découverte de centaines d’œuvres d’art dans l’appartement d’un octogénaire munichois, 70 ans après la fin de la guerre, a fait resurgir de vieux fantômes : le vieil homme n’était-il pas le fils d’un célèbre marchand d’art ayant œuvré pour le Reich ?

À Marseille, un modeste couple de retraités des quartiers Nord, Valentine et Ludovic Bertignac, entame une procédure judiciaire afin de récupérer une dizaine de tableaux retrouvés à Munich.

Clovis Narigou, qui a un urgent besoin d’argent, effectue quelques piges pour un grand magazine national. On le retrouve en Ariège, sur les traces d’un des plus grands mathématiciens du XXe siècle qui a fui le monde pour y mourir en ermite.

De fil en aiguille, Clovis va s’intéresser au camp de Rieucros, en Lozère, où le matheux a séjourné avec sa mère. Un camp pour femmes et enfants, créé alors par Vichy. Clovis apprend que Valentine Bertignac y a également été incarcérée.

Pour les besoins de son enquête, Clovis va se replonger dans ces années noires, la guerre que livra Goebbels à l’art dégénéré et le pillage des collections juives par Goering. Tout va s’accélérer lorsqu’il apprend l’assassinat sauvage des époux Bertignac au cours d’un bien curieux home-jacking.

Critique :
Il ne faut pas être un bandit de grand chemin pour savoir que les home jacking, il vaut mieux les faire dans des maisons habitées par des gens qui ont de la thune et pas chez le pauvre type qui a du mal à payer sa bouteille de vinasse…

Pourtant, un home jacking a eu lieu chez un mec sans le sou (et on l’a assassiné après lui avoir roussi la plante des pieds), puis chez un autre, pas plus riche, mais qui a réussi à s’enfuir… Qu’est-ce qui se passe ? Pourquoi ? Ce sont les questions que vont se poser Clovis Narigou et qui va lui faire démarrer sa petite enquête (mais pas que ça).

Ce polar n’a rien de trépidant, notre Clovis prenant son temps pour son enquête et l’auteur en profite pour poser son cadre de vie : une ancienne bergerie restaurée, son fils qui débarque avec sa compagne et trois autres couples, accompagnés de leur petits velociraptors de gosses.

Pourtant, je ne me suis pas ennuyée une seule seconde, même si j’aurais bien expédié les petits monstres de gosses non éduqués se perdre dans les montagnes…

En fait, dans ce roman, ce qui est le plus intéressant, c’est la partie historique concernant les spoliations d’œuvres d’art aux Juifs, durant la période des années 1935 à la fin de la Seconde Guerre.

Sans oublier l’hypocrisie des nazis, Goering en tête, qui, tout en fustigeant l’art dégénéré, se gardait des tableaux pour lui… Plus tous les autres qui se sont servis allégrement à tel point qu’une chatte n’y retrouverait plus ses jeunes et qu’il est difficile pour les descendants des spoliés de récupérer leurs biens.

Entrecoupé de flash-back, le récit se lit presque d’une traite, tant il est intéressant et composé de plusieurs épaisseurs, tel un gâteau surprise et le final est la cerise sur ce même gâteau, tant il était inattendu et très bien amené. Le tout était de relier les fils de toutes ces histoires éparses et l’auteur a fait un beau travail de tricot !

Clovis, notre enquêteur un peu bourru, préférant la compagnie de ses chèvres aux humains, est attachant. J’ai aimé son côté enquêteur à l’ancienne, se fiant à son flair et passant des coups de fils, le tout sans être un super-héros ou un Jack Bauer.

Finalement, si la couverture est angoissante avec ce type portant un masque à gaz et un casque allemand, ce polar est totalement à l’opposé, car j’ai souri à certains passages et ailleurs, je me suis cultivée un peu plus.

Une belle découverte, un polar qui prenait les poussières depuis trop longtemps… Un bon roman policier, plus chouette que son horrible couverture qui pourrait donner envie de fuir ce polar !

Challenge Thrillers et Polars de Sharon (du 12 Juillet 2023 au 11 Juillet 2024) [Lecture N°131] et Le Mois du Polar – Février 2024 – Chez Sharon (Fiche N°23).

Le garçon au sommet de la montagne : John Boyne

Titre : Le garçon au sommet de la montagne

Auteur : John Boyne
Édition : Folio Junior (2019)
Édition Originale : The Boy at the Top of the Mountain (2015)
Traduction : Catherine Gibert

Résumé :
A l’aube de la Seconde Guerre mondiale, le petit Pierrot mène une vie insouciante et heureuse à Paris. Devenu orphelin, il rejoint sa tante, en Allemagne dans une maison en haut de la montagne.

Sauf qu’il ne s’agit pas d’une maison ordinaire. C’est le Berghof, la résidence secondaire d’Hitler. Pierrot va découvrir un nouveau monde, fascinant et monstrueux.

Critique :
Pierrot Fischer est un jeune garçon insouciant, même si, à la maison, la vie n’est pas rose : papa, allemand d’origine, a fait la Grande Guerre et souffre de ce que l’on appelle maintenant le stress post-traumatique.

Mais en ce temps-là, il n’y avait pas de mots, juste des cauchemars, des coups, de la boisson. Pas drôle tous les jours, et pendant ce temps-là, un moustachu montait, lançait ses théories fumeuses et la haine raciale montait plus vite que le thermomètre un jour de canicule.

En quelques années, la vie de Pierrot va être bouleversée et notre jeune garçon va se retrouver sous la tutelle de sa tante, la sœur de son père, qui est gouvernante dans la maison au sommet de la montagne, le fameux  Berghof du moustachu bien connu. Moustachu qui n’aime pas les enfants, le bruit, qui ne mange pas de viande et aime son chien.

Ce roman jeunesse va nous montrer la transformation du jeune Pierrot, garçon sympathique, timide, gentil, en un Pieter (ça faisait plus allemand) passé du côté obscur de la Force, avec une facilité qui fait froid dans le dos.

Le trouduc’ moustachu a inculqué à Pieter ses grandes idées de merde, lui a filé un uniforme, lui a donné un peu de pouvoir et ça a corrompu le gamin qui est devenu un être immonde, méchant, fier de son pouvoir, en usant et en abusant sur le personnel, allant même jusqu’à… Terrible !

Il était naïf, il était doux, le voici devenu un petit merdeux brutal que l’on a envie de balancer par la fenêtre, surtout après ce qu’il a fait et dont il n’a pas l’air d’avoir conscience, puisque pour lui, il a défendu sa patrie, son guide suprême…

C’est une grande question qui me hante : qu’est-ce que j’aurais fait à cette époque là, dans ce régime là ? Résistante ? Collabo ? Planquée à la cave ? La dernière solution me correspond le plus… Je ne suis pas une héroïne et j’aurais sans doute chi* dans ma culotte à la guerre.

Alors, tandis que je fustigeais ce gamin de merde, lui souhaitant le pire, je me suis mise à sa place : jeune, perdu, orphelin, balancé dans un autre pays, à l’écart de tout, le crâne bourré de théories horribles dont il n’a pas conscience, puisqu’il ne sait pas ce qu’il se passe dans les camps, à la guerre…

Pour lui, des douches qui ne délivrent pas d’eau, c’est une aberration, mais il ne comprend pas, et entre nous, à son âge et à cette époque, nous n’aurions sans doute pas compris non plus.

Tandis que moi, je sais (pas difficile quand on est née après la Seconde Guerre Mondiale). Pouvais-je le fustiger comme je le faisais ou bien, à sa place, serais-je devenue comme lui, fière de mon petit uniforme, de mon statut, de mon pouvoir ? Non, je ne veux pas avoir la réponse à ma question, parce que je pense qu’elle ne serait pas honorable à entendre.

Me mettre à sa place m’a permis de comprendre le gamin, même si je l’ai pas pardonné certains de ses actes. Le cerveau d’un enfant est malléable et facile à retourner, plus facile à farcir d’idées nauséabondes qu’une dinde froide sur l’étal d’un boucher.

L’endoctrinement, c’est une arme de destruction massive, qui fait plus de dégâts qu’une bombe et dont les effets se font ressentir le plus longtemps. La propagande est sa grande complice et à eux deux, ils lavent les cerveau, les esprits, annihilent la capacité à réfléchir par soi-même, foutent des fausses infos dans les têtes et quand la vérité met enfin ses chaussures, les mensonges ont fait plusieurs fois le tour de la Terre et c’est trop tard.

Un roman jeunesse qui fait froid dans le dos, qui montre comment il est facile de transformer un gentil gamin en un salopard imbu de sa petite personne, qui ne réfléchit plus, qui se sent agressé lorsque des gens ne sont pas d’accord avec le régime et la guerre déclenchée par le trouduc’ (là, Pieter me dénoncerait).

Cette lecture permet aussi de comprendre pourquoi certains se sont sentis mis en valeur par ce régime de tortionnaires, rien qu’en ayant un peu de pouvoir et pourquoi ça marche toujours de nos jours, quel que soit le régime : politique ou religieux. Ils ont un truc auquel s’accrocher, une idéologie qui leur donne une place.

 

 

Bootblack – Tomes 01 & 02 : Mikaël

Titre : Bootblack – Tomes 01 & 02

Scénariste : Mikaël
Dessinateur : Mikaël

Édition : Dargaud (2019 / 2020)

Résumé :
Sur le front allemand, au printemps 1945 : la guerre ne laisse que mort et destruction dans son sillage. Pour échapper à l’horreur du présent, Al, soldat américain, seul rescapé de son unité, se plonge dans les souvenirs de sa vie new-yorkaise.

Fils d’immigrés allemands, né aux États Unis, il n’a pas dix ans quand, en une nuit, sous l’oeil satisfait de ces Américains anti-étrangers, il perd ses parents et son foyer dans un terrible incendie.

Tournant le dos à ses origines, Al n’a pas d’autre choix que de vivre dans la rue ; il devient Bootblack, un « cireur de chaussures ».

Critique :
Les premières cases commencent durant la Seconde Guerre Mondiale, sur le front européen… Dans la neige, il y a Al, un soldat yankee qui regarde un Dog Tag (plaque militaire) au milieu de ses compagnons d’armes morts.

Flash back vers 1929, après le crash boursier. Altenberg (Al), notre héros principal, le soldat des premières cases, se dispute avec ses parents. C’est un jeune gamin qui soutient qu’en Amérique, les gens se font tous seuls.

Altenberg déteste son prénom, il se sent américain puisque né sur le sol américain, il sait que tout est possible en Amérique et il se sauve de la maison, fâché sur ses parents, avant de revenir vers l’immeuble… Immeuble qui vient de disparaître dans les flammes. Le voilà seul au monde, notre Al…

Livré à lui même, dans la rue, il devient, comme Picsou, un cireur de chaussures : un Bootblack. Sauf que lui ne trouvera pas son sou fétiche et qu’il va galérer pour tenter de se hisser au-dessus de sa condition, allant de galère en galère, de plans foireux en plan avec des mafiosi, tentant d’obtenir de l’argent pour emmener la belle Maggie sur la grand roue à Coney Island.

Voilà un diptyque sombre, très sombre, mais réussi ! La misère sociale de l’Amérique est présente à chaque page : les ruelles sordides, les chômeurs, les gosses qui bossent pour des clopinettes, côtoyant le beau linge en col et cravate qui se font cirer les pompes et les immigrés qui tentent de vivre le rêve américain…

La xénophobie est omniprésente dans ces pages, notamment avec notre jeune Al qui, tout fier d’être né en Amérique (d’émigrés allemands), traite tous les autres de métèques (ceux nés ailleurs), tant il se sent plus américain qu’un vrai natif.

Le seul bémol de ces deux bédés, c’est que l’auteur mélange souvent les époques sur les mêmes planches, sans préciser qu’il vient de faire un bon dans le temps. Cela met de la confusion inutile. Je n’ai rien contre les récits qui ne sont pas linéaires, que du contraire, ça pimente le récit de le fractionner, mais il faut de même faire attention à ne pas perdre ses lecteurs dans ces multiples opérations.

La preuve, je n’avais pas compris pourquoi, tout d’un coup, un homme lui disait qu’il n’oublierait pas l’année 45, alors que la case d’avant, nous étions en 35… Ok, changement d’époque, bon en avant, puis, hop, retour en arrière. Ça donne le tournis.

Les dessins sont superbes, hyper détaillés (avec de multiples références que je n’ai pas toutes vues ou comprise), donnant l’impression que nous sommes à New-York, dans les quartiers mal famés. C’est assez cinématographique, d’ailleurs. On a des gros plans sur certains scènes, ce qui intensifie ce que l’auteur veut nous montrer, sans que l’on comprenne tout de suite de quoi il retourne.

Avec sa construction non linéaire, commençant presque par la fin, l’auteur nous fait découvrir son histoire par petits morceaux et ce n’est qu’une fois arrivé au bout des deux albums que la trame est visible, dans son entièreté, dans notre esprit.

Explorant une partie de l’Amérique entre les années 1929 et 1945, l’auteur m’a fait vibrer avec des personnages attachants, des anti-héros, des gamins drôles, amusants, même si un jour, leurs jeux tourneront mal.

Le final est surprenant, je ne l’ai même pas vu arriver et il était bien trouvé et il met bien en place la déconstruction du fameux rêve américain : le rêve n’était qu’un rêve et très peu ont réussi en devenant des self-made man.

Une belle fresque historique et sociale sur les conditions de vie des petites gens en Amérique… Oui, c’est l’Amérique d’en bas, qui grouille dans ces pages. Et c’est une réussite totale.

An American Year

Challenge Thrillers et Polars de Sharon (du 12 Juillet 2023 au 11 Juillet 2024) [Lecture N°000]  et le Challenge « American Year » – The Cannibal Lecteur et Chroniques Littéraires (du 15 novembre 2023 au 15 novembre 2024) # N°14.

Les couturières d’Auschwitz : Lucy J. Adlington

Titre : Les couturières d’Auschwitz

Auteur : Lucy J. Adlington 🇬🇧
Édition : Payot Histoire (22/03/2023)
Édition Originale : The Dressmakers of Auschwitz : The True Story of the Women Who Sewed to Survive (2021)
Traduction : Julie Printzac

Résumé :
Comment des jeunes femmes en majorité juives et slovaques survécurent à Auschwitz en y travaillant dans l’atelier de haute couture créé à l’été 1943 par Edwig Höss, l’épouse du commandant du camp, pour ses propres besoins et ceux d’autres femmes de SS (y compris dans l’élite berlinoise).

Un témoignage d’autant plus saisissant qu’il mêle l’enfer concentrationnaire à l’existence dorée des geôliers, sous la plume d’une historienne de la mode.

Et une enquête sur la façon dont l’aryanisation économique déstabilisa le secteur textile, pas seulement en Allemagne, et dont la récupération des affaires de déportés devint une véritable industrie de reconditionnement, au point qu’une vingtaine de trains remplis d’effets personnels repartaient quotidiennement d’Auschwitz.

Critique :
Un atelier de haute couture à Auschwitz ? Jamais je n’aurais pensé que ça avait existé dans ce lieu… Pourtant, plus rien ne devrait m’étonner, avec ces salopards de nazis.

Les dignitaires du partis avaient des épouses, qui voulaient être bien fringuées, à la dernière mode. Bref, être et paraître.

L’ironie de l’histoire, c’est que les SS ont interdit aux Juifs de pratiquer un métier, leur ont tout pris, interdisant aux allemands d’acheter chez des Juifs, de se vêtir chez eux, mais ont passé outre le fait que c’était ces mêmes Juifs qui confectionnaient les fringues de leurs épouses ! Hypocrisie, quand tu nous tiens.

Illogisme aussi, mais dans ce genre de système politique, il ne faut pas s’étonner que la logique ne soit plus de mise, mais que le régime soit à géométrie variable. Cet essai est rempli d’exemples de ces contre-sens.

Effectivement, c’est facile avec de la main d’œuvre qualifiée gratuite et corvéable à merci, des vêtements et des tissus qui arrivent en grande quantité et qui n’ont rien coûté, puisque volé aux futurs prisonniers (ou « génocidés »)… La vie est belle, pour les meufs des nazis ! Facile quand ce sont les autres qui triment pour vous… Et dans quelles conditions de travail !

Heureusement que dans ce kommando là, les conditions étaient un peu mieux qu’ailleurs (oui, tout est relatif, bien entendu)

Je pensais que c’était un roman historique, mais en fait, c’est un essai.

Alors non, vous n’aurez pas de l’Histoire mise en roman, mais plus une étude sur le « comment des femmes se sont retrouvées à confectionner pour les nazis » et des moments de vie dans le camp d’Auschwitz (vu du côté des déportés, mais aussi du côté des dirigeants).

Avant de nous plonger dans ce camp d’extermination, l’autrice dresse un portrait de ces femmes, nous parlant de leur jeunesse, de leur vie pauvre, mais agréable et ensuite, de la montée du nazisme, des lois anti-juives et de la propagande. Jusqu’à ce qu’elles se retrouvent dans un train, en direction de ce lieu maudit où l’on s’évadait par la cheminée…

C’est très instructif, en tout cas. Mais ça se lit moins vite que des témoignages romancés.

Par contre, ça vous glace les sangs. Malgré les innombrables ouvrages que j’ai lu sur les camps de concentration et ou de la mort, j’en apprend encore ! L’ignominie humaine est sans fond. La haine est toujours la même : l’autre, les autres !

Il faut les fustiger, dresser les gens contre eux, souligner les différences, diviser pour mieux régner. C’est abject et le pire, c’est que la formule marche du tonnerre et qu’on l’utilise encore et toujours. N’a-t-on rien appris du passé ??

C’est un livre difficile à lire, notamment parce que c’est un essai. Il n’est pas conseillé de le commencer en vacances, il n’est absolument pas fait pour une lecture avec les doigts de pieds en éventail. Il faut se poser, être à ce que l’on fait et prendre son temps pour le lire.

Instructif au possible, cet essai m’a encore appris des choses et je pense que je ne saurai jamais tout et que j’ai encore des horreurs à découvrir en plongeant dans la noirceur humaine.

Une lecture éprouvante, mais une lecture que je me devais de faire, comme toutes les autres traitant du sujet.

#lemoisanglais

Le Mois Anglais, chez Lou et Titine – Saison 12 – Juin 2023 [Fiche N°41].

Ils ont fait l’Histoire – Tomes 26 & 29 – Churchill (2/2) : Vincent Delmas et Alessio Cammardella

Titre : Ils ont fait l’Histoire – Tomes 26 & 27 – Churchill (2/2)

Scénariste : Vincent Delmas
Dessinateur : Alessio Cammardella

Édition : Glénat / Fayard

Résumé Tome 1 :
« L’Histoire me sera indulgente, car j’ai l’intention de l’écrire. »

1880. Descendant d’une famille aristocratique de seconde classe, le jeune Winston Churchill grandit dans l’ombre de son père, le député conservateur Randolph Churchill.

Passionné de stratégie militaire, Winston entame une carrière dans l’armée pour y briller et, un jour, siéger au Parlement aux côtés de son père.

Ses exploits en campagne et sa personnalité très marquée lui valent autant d’éloges que d’inimitiés. Alors que son père décède prématurément, le fils Churchill, lui, devient un personnage aussi incontournable qu’insaisissable de la classe politique anglaise.

Nommé Premier lord de l’amirauté aux prémices de la Grande Guerre, il s’apprête à montrer au reste du monde l’étendue de ses talents…

Tome 2 : « Vous avez eu à choisir entre la guerre et le déshonneur ; vous avez choisi le déshonneur et vous aurez la guerre ». Septembre 1939. Le monde entier entre en guerre.

En quelques mois à peine, ce sont la Belgique et la France qui capitulent… L’Angleterre perd deux de ses principaux alliés. Mais alors que des voix s’élèvent pour entamer des négociations avec l’Allemagne, Winston Churchill, revenu au poste de Premier Ministre, reste ferme. La bataille de l’Angleterre ne fait que commencer. Et c’est sans doute le destin du monde entier qui est en train de se jouer.

Aussi célèbre pour ses bons mots que pour son action décisive en tant qu’homme d’état au Royaume-Uni et en Europe, Winston Churchill est l’une des figures politiques les plus importantes du XXe siècle. Ce second volume de son récit en bande dessinée est centré sur les actions de Churchill pendant la Seconde Guerre mondiale.

Critique :
Churchill, tout le monde connaît son nom, on connaît souvent bon nombre de ses citations et pourtant, on ne connaît pas très bien l’homme.

Enfin si, on croit connaître… On croit savoir, mais en fait, on ne sait rien et ces deux tomes tombaient à point nommé pour que je révise mon Winston, avec un gros cigare au bec et un verre d’alcool.

D’ailleurs, vu ce que Churchill disait des chevaux, jamais je n’aurais imaginé qu’il aurait été dans la cavalerie et brillant cavalier (sûr que lorsque l’on monte à cheval, on n’en connait que mieux leur danger). Là, il aura la double casquette militaire et journaliste.

Première chose, les dessins ! Ils sont magnifiques (les décors !), détaillés et totalement réalistes, bien entendu. Nous sommes dans de la bande dessinée sérieuse, messieurs, dames ! (petite pique à celles et ceux qui continuent de dire que les bédés, c’est pour les enfants).

La vie de Churchill sera passée en revue dans ces deux tomes et je suis allée me coucher moins bête, moins ignorante !

Petit, Winston n’était pas le couteau le plus affuté du tiroir et son père désespérait d’arriver un jour à en faire quelque chose. D’ailleurs, s’il est entré dans la cavalerie, c’est parce que Winston avait foiré tout le reste… Comme quoi, on peut être nul dans tout, mais bon dans la communication et arriver tout de même au faîte du pays.

Lors de la Première Guerre Mondiale, il sera rendu responsable du désastre des Dardanelles, même si on lui avait bien savonné la planche. Mais nous le savons, il en fallait plus à Winston pour l’enterrer et il reviendra, plus fort que jamais.

De cette lecture, je retiendrai que Winston n’était pas un brillant stratège, mais qu’il était entouré d’excellents stratèges et qu’il les écoutait, contrairement au moustachu gesticulant (Hitler était un médiocre stratège et n’écoutait pas les experts : heureusement, sinon… Qui sait ?).

Dire qu’au début de la Seconde Guerre Mondiale, Churchill était super impopulaire, considéré comme un has-been, doublé d’un alcoolo. Après, il en sera tout autrement.

Anybref, si vous voulez en savoir plus sur l’animal qu’était W.C, je ne peux que vous conseiller ces deux tomes de la collection « Ils ont fait l’Histoire ».

Même s’il est impossible de tout dire dans deux bédés de 56 pages chacune, il reste néanmoins les appendices afin d’avoir plus d’informations sur la bête qu’était Winston.

#lemoisanglais
Le Mois Anglais, chez Lou et Titine – Saison 12 – Juin 2023 [Fiche N°33].

Les Cinq de Cambridge – Intégrale : Olivier Neuray et Valérie Lemaire

Titre : Les Cinq de Cambridge – Intégrale

  1. Les Cinq de Cambridge – 01 – Trinity
  2. Les Cinq de Cambridge – 02 – 54 Broadway
  3. Les Cinq de Cambridge – 03 – Les étangs du patriarche

Scénariste : Valérie Lemaire
Dessinateur : Olivier Neuray

Édition : Casterman (2015 / 2021)

Résumé :
L’histoire vraie du plus incroyable réseau d’espions du XXe siècle !

Alors que la crise de 1929 a plongé les classes populaires anglaises dans une misère noire et que le fascisme émerge partout en Europe, dans les amphithéâtres de Cambridge, la majorité des étudiants reste indifférente, assurée d’appartenir à une caste immuable d’élus.

Mais les certitudes se lézardent pour certains, et au doute succèdent le dégoût puis la conviction que le Vieux Continent se compromet. Seule l’Union soviétique semble avoir quitté la rive à temps…

De cette prise de conscience naît le plus incroyable réseau d’espions du XXe siècle, qui, dans l’ombre, infléchira radicalement, pendant plus de 30 ans, le cours de l’Histoire : Les Cinq de Cambridge !

Critique :
Le Club des Cinq, version espionnage ! Sans le chien… Et avec des adultes, en moins amusant puisque ces 5 anglais trahirent leur pays en jouant les agents doubles au profit de l’URSS de Staline.

Nous ne sommes pas dans une fiction, mais bien dans l’Histoire. Cette bédé est comme un biopic, puisque Anthony Blunt, un des Cinq de Cambridge (Magnificent Five), qui va vider son sac et raconter toute leur histoire.

Oubliez James Bond, nous avons beau être dans de l’espionnage, ici, point de gadget et de jolies filles. C’est plus sordide. Nous sommes dans l’élite de la nation, pas dans les bas-fonds, ni chez des étrangers. Hé, n’en déplaise aux populistes, les trahisons viennent souvent de son propre camp, comme ici avec 5 hommes brillants et anglais jusqu’au bout des ongles.

Parlons des dessins : exécutés dans la ligne claire, je les ai bien aimés. Olivier Neuray dessine de manière réaliste, détaillées et j’avais déjà apprécié son travail sur le dytique « Les cosaques d’Hitler ».

Cette intégrale est en fait composée des trois albums publiés précédemment et ce sont eux que j’ai lus. Mais pour des raison de facilité, je ne ferai qu’une seule chronique pour les trois et le concept de l’intégrale était parfait pour cette chronique. Vous aurez donc le choix, en librairie, pour cette série (qui est terminée).

L’Histoire commence en 1929 et se poursuivra durant la Seconde Guerre Mondiale, ou les bombes tomberont sur votre tête, à Londres. Ce n’est pas qu’un biopic sur les 5 traîtres à leur pays, mais aussi bien des pages de l’Histoire que l’on va tourner (en vitesse, les auteurs n’ont gardé que le plus important et où nos cocos étaient impliqués).

Le scénario est assez dense, il faut rester concentré sur l’histoire, car dans l’espionnage, avec des agents doubles, triples, il y a moyen de ne plus retrouver ses jeunes. Heureusement, les visages sont bien exécutés et il est impossible de confondre les personnages.

De plus, dans les cinq de Cambridge, on a des personnalités bien distinctes, notamment entre le tombeur de ses dames (Kim Philby) ou celui qui tombe les hommes (Guy Burgess). Ils ont tous des personnalités bien à eux et certains sont même flamboyants.

Si, au départ, nos jeunes étaient idéalistes et avaient pour ambition de changer le pays, de changer la vie, lorsque la guerre a commencée, ils se sont vite rendu compte que leurs idéaux communistes pouvaient leur valoir le peloton d’exécution.

Oui, ils étaient des traîtres, mais au plus haut niveau, tout le monde jouait un jeu de dupes : que ce soit le moustachu Hitler, le moustachu Staline ou les autres gouvernements des différents pays, tout le monde mentait, tout le monde trompait tout le monde… Hitler avait même signé un pacte avec Staline…

Non, je n’excuserai pas ces hommes, mais ils n’étaient pas les seuls à jouer aux jeux des dupes, des trônes, de la guerre. Cette bédé ne les exonère pas de leur faute non plus, mais elle montre que tout n’était pas blanc ou noir.

L’hypocrisie est présente à tous les étages. L’homosexualité était interdite, en Angleterre, mais personne ne s’est plain que des homos se battent pour défendre la perfide Albion. Après, c’est une autre histoire quant à les remercier ou reconnaître le mérite qui revient à chacun…

Ces trois tomes sont si riches d’événements qu’il serait impossible de citer tout ce qui était important, sachez juste qu’après la lecture de ces tomes (ou de l’intégrale, vous avez le choix), vous irez vous coucher moins bête, mais en colère contre une partie de l’univers, notamment contre ceux qui ont obligé Alan Turing à choisir entre la prison ou la castration chimique par prise d’œstrogènes (ce qu’il choisit). Putain, bravo la reconnaissance pour Enigma et le merci, bande d’enfoirés !

Une série que j’avais envie de découvrir, après avoir entendu, à La Grande Librairie, l’auteur Rémi Kauffer qui en parlait. Avant de m’attaquer à son roman (Les espions de Cambridge : cinq taupes soviétiques au coeur des services secrets de Sa Majesté), j’avais envie de lire l’Histoire en bédé. Plus facile de s’y retrouver, avec des images.

Ce fut une belle découverte. Comme quoi, celles et ceux qui pensent que les bédés, c’est des histoires pour les gosses, se trompent lourdement !

#lemoisanglais

Challenge Thrillers et Polars de Sharon (du 12 Juillet 2022 au 11 Juillet 2023) [Lecture N°209] et Le Mois Anglais, chez Lou et Titine – Saison 12 – Juin 2023 [Fiche N°07].

La part de l’ombre – T02 – Rendre justice‭ : ‬Patrice Perna et Francisco Ruizgé

Titres : La part de l’ombre – T02 – Rendre justice

Scénariste : Patrice Perna
Dessinateur : Francisco Ruizgé 🇪🇸

Édition : Glénat (06/01/2021)

Résumé :
Doit-on être puni pour avoir tenté de tuer Hitler ?

Avril 1955. Le tribunal de première instance de Berlin a confirmé en appel la condamnation de Maurice Bavaud, exécuté quatorze ans plus tôt pour sa tentative d’assassinat d’Adolf Hitler.

Bien décidé à ne pas en rester là, l’ancien agent de la Kriminalpolizeï Guntram Muller fait de l’annulation de ce verdict une affaire personnelle. Mieux, il veut voir Bavaud honoré en héros national.

Pris en étau entre des services secrets américains intrusifs et des autorités soviétiques méfiantes, il se voit confier la responsabilité d’interviewer rien de moins que Nikita Khrouchtchev, Premier secrétaire du parti communiste qui s’apprête à renier officiellement la politique de Staline dans les semaines à venir.

Dans le final haletant de La Part de l’Ombre, Patrice Perna s’interroge sur l’importance du travail bibliographique et du devoir de mémoire.

Le flegmatique Guntram, en explorant le passé, est sur le point de mettre au jour les enjeux réels de cette affaire. Quand une injustice passé finit-elle d’avoir des répercussions sur le présent ?

Critique :
Nous retrouvons Muller, poursuivant son enquête sur Bavaud, notamment auprès de l’ambassade Suisse en Allemagne (de l’Est).

La Suisse, par le biais de son ambassadeur, se retranche derrière la décision de la justice et les codes de la loi, ajoutant que durant la Seconde Guerre Mondiale, ils étaient neutres et que c’est donc pour cela qu’ils n’ont jamais proposer, aux nazis, d’échanger des espions nazis contre Bavaud, ressortissant suisse.

Oui, mais… On peut aussi être neutre et avoir des relations cordiales avec les différents belligérants, tirer son épingle du jeu. Les relations bienveillantes, même avec les allemands, ça peut aider, durant une guerre. Mais il ne faudrait pas que l’on ressorte ce passé peu glorieux de sous les tapis…

Et maintenant, 15 ans après, les suisses ne font rien pour réhabiliter Bavaud ? Refusant même de faire appel de la décision de justice qui condamne, à nouveau, Bavaud, à l’emprisonnement (alors qu’il a été guillotiné en 1941!).

Dès les premières pages, la Suisse est rhabillée pour 36 hivers, Muller ne se privant pas pour mettre le nez de l’ambassadeur dans leur merde, notamment avec l’or des Juifs, volé par les nazis et dormant gentiment dans les banques suisse. Oh, il est shocking, monsieur l’ambassadeur, quand Guntram Muller lui balance tout à la figure.

Dans ce second tome, le côté espionnage prend le dessus (services secrets américains, Stasi, politburo), on en apprend plus sur les différents personnages, on a quelques surprises (que j’avais deviné, la ficelle était un peu grosse) et ça complote un peu partout.

Plus d’action dans ce second tome, là où le premier prenait son temps. On bouge plus, l’histoire est assez dense, complexe et se consacre plus à Guntram Muller et sa part d’ombre (on le verra en découvrant son passé et son implication) qu’a Bavaud, même si tout est lié.

Guntram Muller est un personnage complexe, tout en nuances, pas facile à cerner. D’ailleurs, les autres personnages sont, eux aussi, complexes, réalistes et terriblement humains.

Le final est explosif… et à la hauteur !

Une bédé qui mélange habillement l’espionnage, la guerre froide, les dialogues percutants, la politique, la justice, l’Histoire, les faits réels et fictionnels, le tout dans des ambiances pesantes de l’après guerre et d’un Berlin coupé en deux.

Les dessins sont bien faits, ce qui ne gâche rien.

Challenge Thrillers et Polars de Sharon (du 12 Juillet 2022 au 11 Juillet 2023) [Lecture N°202] et Le Mois Espagnol et Sud Américain – Mai 2023 – Chez Sharon [Fiche N°45].

La part de l’ombre – T01 Tuer Hitler : Patrice Perna et Francisco Ruizgé

Titres : La part de l’ombre – T01 – Tuer Hitler

Scénariste : Patrice Perna
Dessinateur : Francisco Ruizgé 🇪🇸

Édition : Glénat (06/01/2021)

Résumé :
Berlin, décembre 1955. Nous sommes à l’aune de la guerre froide. Guntram Muller est journaliste pour un des plus grand quotidien, le Berliner Zeitung. Il s’intéresse à une affaire assez singulière et très éloignée des préoccupations du Rédacteur en chef : le procès en révision de Maurice Bavaud, un jeune Suisse que l’on dit « illuminé » exécuté par les nazis en 1941 pour avoir tenté d’assassiner Adolf Hitler.

Ce procès, réclamé par la Confédération Suisse se soldera finalement par un jugement pour le moins étonnant : le jeune « terroriste », décapité en 1941, est condamné à cinq ans de détention et cinq ans de perte des droits civiques. Guntram, ancien inspecteur de la célèbre Kripo (Kriminalpolizei), enrôlé dans l’Abwehr en 1939, s’intéresse de près à cette histoire.

Et pour cause. Il a été mandaté, à l’époque des faits, par un proche de Himmler, pour enquêter sur les éventuels complices qui auraient pu aider le jeune Suisse a approcher aussi facilement le Führer dans le lieu le plus sécurisé, le fameux Nid d’Aigle.

En 1955, toujours tourmenté par son passé, Guntram tente de réhabiliter la mémoire de Maurice Bavaud et se lance dans une vaste enquête, journalistique cette fois. Il est aidé en cela par un jeune homme, garçon de bureau au journal, pour lequel il s’est pris d’affection. Wolf Fiala rêve de devenir reporter comme son idole, le célèbre Albert Londres. Il va aider Guntram à dérouler le fil complexe de l’histoire de Bavaud.

On découvrira toutes les hypothèses échafaudées au cours de cette étrange affaire : Bavaud était-il un fou de Dieu, tueur solitaire ?

Etait-il un espion agissant pour le compte d’une organisation secrète, A-t’il été mandaté par les alliés ou par un proche d’Hitler ? Comment a-t’il pu approcher le dictateur d’aussi près et à plusieurs reprises ? Pourquoi la Suisse a-t’elle refusé de l’aider en l’échangeant contre un espion Allemand ? Mais les apparences sont rarement fidèles à ce que sont les Hommes en réalité…

Critique :
En 1938, Maurice Bavaud, un jeune Suisse, a tenté de tuer Hitler. Il a été condamné et décapité. 15 ans plus tard, on le recondamne à nouveau !

Pourquoi ? Parce que : « Attendu qu’en vertu de l’article 211 du code pénal, la vie d’Adolphe Hitler mérite une protection juridique au même titre que n’importe quel être humain ».

Qu’en 1938, on condamne cette tentative assassinat, c’est compréhensible, Hitler est au sommet, et ce, jusqu’à son suicide et la capitulation de l’Allemagne.

Mais après, en sachant ce qu’Hitler a commis, avec l’aide de sa clique de nazis, on aurait dû décorer Maurice Bavaud, ou, au pire, le condamner pour avoir raté son coup !

Ben non, lors de la révision de son procès demandée par son père, 15 ans après, on recondamne cet homme qui est mort ! Sérieusement ? Oui, sérieusement, on condamne Maurice Bavaud, mort par décapitation en 1941, à cinq ans de détention et cinq ans de perte des droits civiques ! Heu ?? Ubuesque, non ?

Ok, je vais éviter de voir les choses par le petit bout de la lorgnette, comme le suggère Guntram Muller, journaliste, à son jeune padawan.

Alors, tentons de comprendre comme Bavaud en est arrivé à vouloir tuer le moustachu (je lui en veux de ne pas avoir réussi)… Enquêtons aux côtés de nos deux journalistes, dans le Berlin de l’Est.

Une tentative d’homicide est condamnable, quelque soit la personne que l’on souhaitait envoyer au boulevard des allongés, quand bien même c’était Hitler, quand bien même c’était assassiner un tyran. Ôter la vie est un crime.

Le récit est assez lent et à la fin de ce premier tome, on ne sait toujours pas qui était vraiment Bavaud, ni si ce qu’on a dit de lui est véridique ou si certains voulaient juste le faire passer pour un fou, un illuminé de la religion.

Il n’en reste pas moins que cet homme a réussi à se retrouver, par deux fois, dans l’entourage proche du moustachu et armé, qui plus est !

Ce premier album va mettre en images les hypothèses échafaudées au cours de cette étrange affaire, ainsi que l’enquête menée par Guntram Muller, journaliste au Berliner Zeitung et le jeune Wolf Fiala, qui rêve de devenir reporter comme son idole, Albert Londres.

Les mystères sont présents et à la fin de ce premier album, il est difficile d’échafauder des hypothèses, de tirer des conclusions, de faire des déductions. Je dois même avouer que je n’avais pas connaissance de cette tentative d’assassinat du moustachu. Les autres, oui, mais pas celle-ci. Cette bédé m’enverra au lit moins bête, tiens !

Les dessins sont réalistes, très agréables et les décors des années 50, dans Berlin divisée, sont très bien faits aussi. Des bâtiments sont en ruine, des murs effondrés, on voit que tout n’a pas encore été reconstruit.

Fin du suspense, je me lance sur le second tome ! Et la critique du second volet est pour demain après-midi

Challenge Thrillers et Polars de Sharon (du 12 Juillet 2022 au 11 Juillet 2023) [Lecture N°201] et Le Mois Espagnol et Sud Américain – Mai 2023 – Chez Sharon [Fiche N°43].

Une imposture : Juan Manuel De Prada

Titre : Une imposture

Auteur : Juan Manuel De Prada 🇪🇸
Édition : Points (2015)
Édition Originale : Me hallara la muerte (2012)
Traduction : Gabriel Laculli

Résumé :
Madrid, 1942. Antonio, un malfrat madrilène, voleur à la tire et détrousseur de riches provinciaux, endosse le meurtre commis par sa complice et bien-aimée Carmen. Pour échapper à la police, il s’engage dans la Division Azul.

Envoyé sur le front soviétique, il est fait prisonnier par l’Armée rouge, où il usurpera l’identité d’un homme qui lui ressemble comme un frère jumeau, Gabriel Mendoza.

Libéré en 1954, c’est sous ce nom qu’il rentrera en Espagne et, après avoir hérité de la fortune de la famille Mendoza, il sombrera dans le crime afin d’éliminer les traces de son passé.

Ce résumé succinct ne saurait rendre compte de la puissance de ce roman qui fait appel au meilleur de Dickens et de Dostoïevski et dont la langue, d’une stupéfiante richesse, peint des personnages aspirant au bien et à l’amour, mais prisonniers de forces qui les dépassent et incapables de se soustraire à la mécanique de leur destin.

Après Les Masques du héros, La Tempête, Le Septième Voile, Juan Manuel de Prada poursuit dans Une imposture une oeuvre remarquable sur la faiblesse et l’inconsistance humaines qui vouent les êtres au mal et à la trahison.

Critique :
Antonio, enfant abandonné, vit de petites magouilles, depuis sa sortie de l’orphelinat. Des vols, mais ça ne nourrit pas son homme.

Et puis, il a une idée de génie, trouve une complice pour ses mauvais coups, de l’argent rentre à flot et patatras, quand on ne sait pas s’arrêter à temps, on se brûle les doigts et on a un mort à ses pieds.

Ce roman, c’est la vie d’Antonio Exposito, qui, pour échapper aux flics, va s’engager dans la division Azul et partir sur le front Russe. Oui, nous sommes en 1942…

Stalingrad, son encerclement, le froid, la peur, tout cela est décrit assez brièvement dans le roman, car peu de temps après son arrivée, notre Antonio, va se retrouver prisonnier et direction le goulag. Dommage, j’aurais aimé avoir plus de détails sur la bataille de Krasny Bor.

L’auteur décrira assez sobrement les conditions de vie extrêmes des prisonniers du goulag. Bon, pas besoin de plus de descriptions pour moi qui ai lu « L’archipel du goulag » et pour les lecteurs qui ne sauraient rien, ils comprendront vite que c’était l’enfer sur Terre.

À entendre l’auteur, par la bouche de son autre personnage, Gabriel Mendoza, aucun soldat de la division Azul ne s’est comporté comme un sauvage, personne n’a violé de femmes, le seul qui est un salopard de traitre est le vilain Camacho, déserteur de la Phalange, qui est passé à l’ennemi (afin d’améliorer ses conditions de détentions). Heu, ça ne fait pas un peu manichéen, ça ? Camacho ayant même le visage de l’emploi.

Et puis, toujours d’après Mendoza, devenu pote avec notre Antonio, les membres de la division Azul sont tous des anti-communistes venus combattre la bête rouge dans sa tanière. Pour certains, ce fut ce qui les motiva à entrer dans la division, d’autres, c’était pour le solde ou pour échapper au cognes, comme notre Antonio.

Oui, Mendoza est un idéaliste, un croyant, un fervent catholique, c’est ce qui le différencie d’Antonio, prêt à trahir sa conscience, son âme, pour un morceau de pain (ce à quoi je ne peux lui donner tort).

L’auteur, s’il ne décrira pas trop le goulag, s’attachera plus sur les émotions de nos deux prisonniers : les angoisses, les questionnements, les vaines tentatives de Mendoza pour garder l’unité au sein de ses hommes en leur insufflant l’espoir, tandis que les gardiens et le système fait tout pour diviser les prisonniers, pour les appâter, leur faire miroiter la liberté, s’ils renient leur pays et adoptent la nationalité russe, tout en embrassant la communisme qui fera de leur vie un paradis.

Dans ce roman de 600 pages, 200 sont consacrées à l’emprisonnement d’Antonio et pour moi, ce sont les plus intéressantes de ce roman, même si on sent le parti pris pour la division Azul.

Après la page 300, lorsqu’il retrouve la liberté après plus de 10 années d’emprisonnement, sous un autre identité, l’imposture étant qu’il revient sous l’identité de Mendoza (ils se ressemblaient physiquement), le personnage d’Antonio devient abject au possible, jusqu’à l’horreur ultime, qui m’a dégouttée au possible.

Il est difficile d’apprécier le personnage d’Antonio, même au début, car il semble fade, sans consistance. C’est au goulag qu’il se révèlera le plus, prêt à tout pour son quignon de pain, un vêtement chaud, des soins… Comme la plupart (je serais peut-être dans cette catégorie aussi, reniant tout pour bouffer ou boire du café chaud) des prisonniers.

Vu les conditions de détentions, le travail et les mauvais traitements, je ne lui en veux pas. Pourtant, malgré son côté « courage, renions », il n’hésitera pas à ouvrir sa gueule et à se retrouver au fond de la mine avec son ami Mendoza…

Ce sera un de ses rares actes héroïques, après son retour, il sera abject de chez abject. La peur d’être découvert dans son imposture le poussant à commettre l’irréparable. Et pas qu’une seule fois. Antonio, c’est un mec qui gagne à ne pas être connu.

Un roman historique noir, très noir, sur une période sombre de l’Histoire, du franquisme, des phalanges envoyées sur le front Russe, sur les camps de prisonniers, les goulags, la noirceur humaine, sur ceux qui, dès qu’ils ont du pouvoir, en abusent (dans les camps et ailleurs) et sur le fait que les yeux se sont détournés sur les prisonniers de la division Azul revenus des camps, que Franco ne voulaient pas voir…

Un roman assez fort, mais assez froid dans l’écriture, même si elle était très belle.

Le Mois Espagnol et Sud Américain – Mai 2023 – Chez Sharon [Fiche N°25].